L'être humain, peu importe l'intellect qui l'anime, ne constitue d'une victime permanente de la noble dame Nature. Ainsi fut son évolution et reste sa condition au fil des siècles, peu importe les progrès technologiques et les découvertes scientifiques aussi incroyables soient- elles ou minimes. Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'Humanité, comme l'appuie si bien la célèbre formule. Que se passerait-il si, dans des conditions bien différentes des nôtres, le long de son apprentissage, cette même espèce avait développé des pouvoirs capables de répondre ou contrôler les forces implacables qui l'accablaient inlassablement ?
Voici Faironne, un monde où vit dans un cadre plutôt moyenâgeux hommes et femmes, avec pour unique différence, hormis la temporalité, la possibilité de dompter, à des degrés divers, ces incroyables puissances tant désirées.
Une forêt. Un calme sans activité humaine. Juste les sons naturels des oiseaux.
Soudain, des bruits de branches cassées interrompent cette douce symphonie. Un éclair est soudainement tiré à l'horizontale. Curieux comme phénomène. Normalement, une telle manifestation de dame Nature provient d'en haut, non ?
Une jeune femme, de taille moyenne, cheveux châtains, vêtements bleus et blancs, ressemblant fortement aux habits amples couramment portés par des moines guerriers, court frénétiquement, comme si elle essayait de fuir. Elle s'arrête un instant, posant une main sur un arbre, essoufflée. Se demandant si elle a réussi à échapper à son poursuivant, elle regarde tout autour.
Un moment de silence. Sa respiration saccadée trahit une angoisse profonde. La même que ressentons lorsqu'une catastrophe naturelle trop proche vient menacer notre existence.
Se croyant hors de portée de toute menace électrique, après quelques respirations pour regagner son calme, elle se remet en route. La tristesse suante de son visage dénote une certaine amertume envers elle-même. Le vent, soufflant jusque-là assez normalement malgré les événements plutôt surnaturels dont cette pauvre femme était la cible, devient de plus en plus fort. Alertée par cet étrange changement, elle s'arrête, comme si elle percevait le danger qui la harcèle depuis déjà trop de temps à ses yeux s'approcher dangereusement. C'est à ce moment-là, comme si tout ça ne suffisait pas à l'enfoncer dans une tornade infernale d'angoisse et de terreur, qu'un éclair s'abat devant elle. Tout de suite, elle reprend la fuite.
- Merde !
Qu'est-ce qui provoque tout ça ? Deux hommes, de grandes tailles, la suivaient. Celui de gauche, le dos un peu courbé en avant, porte une longue cape brune à capuche, cachant des vêtements amples en lin, manches et pantalon bouffants. Celui de droite, cheveux bruns et courts, se distingue par une tenue qui suggère un poste militaire. La forme s'apparente fortement à celle utilisée par des sabreurs japonais. La particularité de cette dernière réside en la présence d'épaulettes et de jambières en fourrure. Un katana rangé sur son flanc droit dans un fourreau or et noir, vient compléter l'ensemble.
- Qu'avait-elle à t'attaquer comme ça d'un seul coup ? demande l'homme à capuche d'un air un peu débonnaire.
Son camarade de voyage ne donne aucune réponse, le regard vide d'émotions, presque robotique.
- Qu'est-ce que tu as ?
De l'électricité jaillit subitement des mains du sabreur, pendant seulement une seconde.
- Comment a-t-elle survécu ? lui répond-il.
- Est-ce vraiment important ?
- J'avais une mission que je pensais accomplie. Même si je ne suis plus des leurs, je tiens à aller jusqu'au bout.
- Nous la traquons depuis hier.
C'est alors que l'homme à capuche, dans la poursuite de la lassitude évoquée dans sa phrase, dévoile son bras gauche, révélant un étrange bracelet doré muni de quatre pierres précieuses : un rubis, une topaze, un saphir et une émeraude. Les yeux de son partenaire, sans aucune raison apparente, sont traversés par un éclair d'une blancheur pure.
- Tu veux que je m'en charge ? s'exclame le porteur de l'étrange accessoire.
- Tu comptes réellement utiliser ça ? répond son associé, l'air inquiet.
- Complètement !
Le sabreur entend comme un son grave, déformé et discontinu qui provient apparemment de ce curieux objet. La première fois qu'un bruit aussi désagréable que celui-là attaque sa sensible ouïe. Qu'est-ce donc ?
- Nous avons plus important à faire qu'à pourchasser des êtres insignifiants comme cette pauvre femme. Comme, par exemple, trouver Safaiatera. J'espère que ce que tu m'as dit est vrai.
- D'après ce qu'on m'a enseigné, oui. lui confirme-t-il avec une certaine réserve, après avoir repris le dessus sur l'étrange sensation qui l'envahissait.
- Ingosol ! invoque son partenaire.
Grâce à cette formule provenant d'une autre langue, ce qui semble être une sorte de faille dimensionnelle, de laquelle s'échappe une étrange brume violette s'ouvre devant eux. L'homme au bracelet, un petit sourire aux lèvres, s'avance vers elle, d'un pas tranquille et assuré. Tout le ressenti contraire chez son partenaire. Une inquiétude se dessine sur son visage. Le son grave perçu précédemment revient, plus fort.
- Tu viens ? demande son créateur.
Une légère aura jaune provenant du guerrier émerge. La chaleur particulière qu'elle dégage secoue les sens de l'ouvreur de failles.
- Firaïzer ! hurle l'homme équipé d'une arme blanche.
Un éclair provenant du bout de son arme blanche est tiré, évité de justesse par son adversaire. Cette attaque surprise désarçonne le porteur du bracelet.
- Oh ! Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il, légèrement énervé.
- Où que tu veuilles aller, je n'irai pas avec toi, Alnor. affirme avec vigueur le sabreur auteur des fulgurations.
L'ouverture inter-dimensionnelle se referme. L'homme au bracelet, pour se retenir d'un rire nerveux, place une main devant sa bouche. Après avoir repris ses esprits, il regarde de côté son opposant.
- Il n'y a pas un pour en rattraper un autre parmi vous, les Shirenais...
- Rends-toi.
Le créateur de failles, ne pouvant se retenir devant une déclaration aussi honteuse, s'esclaffe de manière soutenue, quitte à ce qu'il crache ses poumons.
- Parce que tu crois qu'en m'embarquant à Kigen, tu vas te racheter ?! Tu es tout aussi con que tes confrères ! lui crie Alnor.
- J'accepterai ma sentence. Il est hors de question que je te laisse agir.
Désormais, plus aucun doute possible n'est permis. Cet homme, depuis tout ce temps, n'avait qu'une seule idée en tête : gagner sa confiance pour le tromper dès que l'opportunité se présente. Sérieusement ? Il pense sincèrement être à la hauteur face à la puissance démesurée du bracelet d'Orzlon ? Quelle naïveté ! Fort de ces convictions, Alnor tend le bras supportant le centre névralgique de sa confiance en lui vers son opposant. Après avoir une nouvelle fois prononcé la formule « Ingosol », une faille violette et noire, de la taille de sa main, s'ouvre.
- Iyawer Ibudel !
Une flamme violette et rouge en sort, dirigée à pleine vitesse vers sa cible. Alors qu'il allait être touché, ses sens se mettent en éveil brusquement. Il esquive, sous les yeux médusés de l'homme au bracelet. Ce qui a servi à l'invocation de ce drôle de feu disparaît aussitôt. Le tireur, pourtant sûr de son coup, ne comprend pas ce qu'il vient de se passer. Une panique commence doucement à grandir en lui.
- Abandonne.
- Jamais ! répond Alnor, la rage au ventre.
Bien décidé à montrer qui domine qui, aveuglé par sa trop haute estime de lui, il fait appel à toutes les forces qu'il n'a pas encore exploité chez lui. Une aura rouge foncée discontinue en forme de flamme surgit de lui.
- Iyawer...
Plusieurs petites failles de tailles inférieures apparaissent sur ses flancs. Le sabreur entend de nouveau l'étrange bruit qu'il avait perçu.
- Byareler !
Les ouvertures dimensionnelles créées par l'homme au bracelet tirent plusieurs projectiles violacées à cadence irrégulière vers l'homme au katana. Il range son arme. De légères lignes d'énergie jaune translucides apparaissent sur ses paumes. Il bloque à la main chacune des attaques de son adversaire et les jette sur les côtés. Alnor a de plus en plus de difficultés de retenir sa frustration.
- Maudit Shirenai !
La taille de ses créations grossit. La cadence de ses tirs augmente. Le sabreur commence à reculer. Cette situation si satisfaisante pour lui redonne de la confiance à l'auteur de cet assaut frénétique.
- Ce bijou est merveilleux ! Tu ne peux pas me battre ! s'émerveille Alnor.
L'aura jaune du deuxième homme est soudain amplifiée. Ce brusquement changement stupéfie l'ouvreur de failles. Chaque tir est de nouveau paré. Comment parvient-il à réaliser ça ? Déconcentré par l'ampleur des événements, son opposant en profite pour foncer à vive allure sur lui.
- Zaker !
Le Shirenai lui balance une forte décharge électrique en plein ventre, le faisant reculer de quelques mètres. Malgré la puissance de ce dernier, la conviction d'Alnor ne faiblit pas. Après tout, il n'a pas fait tout ça pour rien, se dit-il. Ce n'est pas devant un tel être débordant d'orgueil qu'il va plier ! Hors de question d'abandonner. Il se remet droit.
- Vous êtes tous...
Il pose sa deuxième main sur son bijou.
- Des menteurs... Des manipulateurs...
L'être désigné par ces insultes, ne sachant quoi lui répliquer, garde son sang-froid. Cependant, son visage reflète une certaine tristesse.
- Cette autorité pourrie ! Elle t'a menti ! Et tu la défends quand même ?! lui hurle l'homme ouvreur de failles.
Tout de même affecté par cette tirade imbibée de haine et de désir de vengeance, celui dont l'identité n'a pas encore été révélée à ce stade serre un peu plus sa fidèle arme.
- Tu étais plutôt d'accord lorsque tu m'as rejoint. Non ? Ta parole n'a aucun sens !
Toujours aussi silencieux.
- Alors ? Tu vois, ton mutisme inexpliqué en dit long. Il prouve que j'ai raison et qu'il vaudrait mieux pour toi de reconsidérer ta position tant qu'il en est encore temps.
Remarquant que ses dernières provocations n'ont aucun effet sur lui, Alnor, à bout de nerfs, finit par exploser, provoquant l'apparition d'une forte aura à la teinte identique des multiples projectiles enflammés qu'il a balancé précédemment.
- Votre orgueil vous perdra ! vocifère-t-il, avec presque de la bave au bord de sa bouche.
Désormais, l'attitude plutôt droite malgré ses exubérances de jouissance qu'il abordait jusque là se métamorphose en une posture asymétrique : dos courbe en avant, mains et doigts figés comme s'il formait des pattes prêtes à tout déchiqueter. Le voir ainsi suffit amplement au sabreur la portée extrême des ambitions qui l'animent.
- Tu es déjà perdu. Retire ce que tu portes au bras avant que les choses s'empirent.
- Vous avez essayé de m'enrôler ! Tout en me cachant la vérité ! Maintenant je sais tout de moi, tout de vous ! Je vous détruirai ! Tous !
- Je reste un Shirenai. Mon devoir est de protéger ce monde !
Son aura augmente également. Leurs deux énergies sont telles que la femme rencontrée au tout début, pourtant assez éloignée d'eux, parvient à les percevoir. En témoignent les frissons qui parcourent frénétiquement tout son corps. Toute l'énergie qu'elle ressent la perturbe. C'est alors qu'elle en identifie deux, ce qui la surprend. L'opposition entre elles lui fait penser que les deux hommes qui la traquaient sont en train de se battre. Elle comprend alors qu'un désaccord vient de naître en eux. Au lieu d'en profiter pour fuir, elle réfléchit un instant, tout en serrant un poing. Trop curieuse, elle se décide à faire demi-tour pour en avoir le cœur net. Pendant ce temps-là, le Shirenai concentre de l'électricité dans sa main droite.
- Firaïzer !
Un nouvel éclair est tiré.
- Iyawer Ibudel !
Une flamme rouge pourpre invoquée par Alnor percute violemment l'attaque du sabreur. Aucun des deux ne semble prendre l'avantage sur l'autre. Attirée par le déchaînement d'énergie, la femme arrive sur les lieux et observe la bataille. Elle ne voit que l'homme au katana de dos, légèrement sur le côté, mais à bonne distance afin de ne pas être incluse dans la zone de combat. Les deux adversaires mettent toutes les forces dans l'affrontement. Vient alors dans l'esprit de l'ex-fuyarde une interrogation sur l'origine de leur combat.
- Meurs ! Crevure ! hurle Alnor.
Son attaque devient plus importante, ce qui surprend son opposant.
- Grâce à ce bijou d'ingéniosité issu des cerveaux les plus créatifs que ce monde n'a jamais connu, plus aucun être de ton espèce n'est en mesure de m'affronter ! affirme de manière virulente l'ouvreur de failles.
Le Shirenai faiblit dangereusement. Le déferlement d'énergie de la part de l'homme au bracelet fait réagir la spectatrice, décidant alors de reculer un peu. Le lanceur d'éclairs, dépassé, finit par lâcher prise. Quand soudain, son pendentif se met à briller.
- Fargresaz. murmure au sabreur une voix déformée semblant provenir de ce dernier.
Ne comprenant pas d'où elle vient, il lève un peu les yeux au ciel. Le même mot résonne une nouvelle fois. C'est alors que des lignes jaunes translucides apparaissent d'elles-mêmes sur ses paumes. De petites étincelles s'en échappent. Voyant ce phénomène pour la première fois de sa vie, Alnor est tout aussi désorienté que par celui qui le subit contre son gré. Tout à coup, son aura est amplifiée. Les lignes d'énergie s'étendent sur ses bras après une troisième réitération de cette étrange appellation.
- Qui êtes-vous ? lâche le sabreur à voix haute.
Cette question rend perplexe son adversaire.
- A qui parle-t-il ? Il perd la tête ? s'étonne Alnor.
Les lignes grossissent. Un bouclier d'électricité, mêlée à une légère aura blanche, se forme devant lui, le protégeant de toute attaque mortelle. Cependant, il ne l'épargne pas du recul crée par la technique du porteur du bracelet aux pierres précieuses. Le sabreur tireur d'éclairs se voit projeté à des dizaines de mètres. Devant ce revirement, le créateur de failles ne peut que rire aux éclats.
- Grâce à ça, je peux rivaliser avec n'importe lequel de ces ordures... Le résultat est là ! Bientôt ce monde sera régit par le seul peuple digne de la gouverner, lorsque j'aurai récupéré l'arme ultime de mon peuple ! se réjouit-il en admirant son bien.
Son ancien compagnon de voyage se relève. Les lignes jaunes translucides qui étaient présentes lorsque l'étrange voix parlait au Shirenai ont disparu sans aucune explication tangible.
- Tu es encore vivant ? s'exclame Alnor, complètement sidéré.
L'homme sans identité ne comprend pas ce qu'il vient de se passer, l'esprit totalement embrumé par l'agitation énergétique qui a secoué son corps.
- C'est impossible !
Seule l'apparition de cette étrange voix occupe les priorités du sabreur. En y repensant dans les moindres détails, il semble qu'elle a provoqué contre son gré ses lignes d'énergie à se dévoiler. Même si ce fait le dérange, il est obligé d'admettre que, sans cette intervention, il n'aurait sans doute pas pu bloquer cet assaut, lui épargnant ainsi sa vie.
- J'ignore comment tu fais ça mais tu ne me fais pas peur !
Dans un état de surestime de lui-même, l'ouvreur de failles le vise. Les pierres précieuses incrustées dans son précieux bracelet commencent à émettre d'étranges lueurs mêlant à la fois leurs couleurs respectives et à la fois le même violet qui avait envahi ses boules de feu.
- Tu ne m'échapperas pas !
Plusieurs failles, telle une toile d'araignée prête à emprisonner sa proie, apparaissent sur différents angles autour de sa cible.
- Dois-je compter dessus aveuglément ? se demande le Shirenai, un peu désorienté par la perte de contrôle de ses pouvoirs.
- Iyawer Samurazilé !
Elles tirent, de manière irrégulière et aléatoire, des petites flammes rouges et pourpres. Par réflexe, son opposant dégaine son katana.
- Majar Raisila !
L'électricité injectée, outre l'aspect impressionnant et percutant conféré, lui permet, avec l'aide de mouvements si précis que personne ne pourrait confirmer s'il s'agit d'instinct ou de talent pur, de dévier tous les tirs. Malgré la cacophonie de l'assaut, le sabreur ne se laisse pas déstabiliser. Une chorégraphie digne des meilleurs maîtres d'armes suffit amplement à briser le bombardement infernal. Situation largement inacceptable pour son auteur. Le persécuté profite d'un moment d'inattention pour prendre une posture de sprinter. Des lignes jaunes translucides apparaissent à l'arrière de ses jambes.
- Icalaraï !
Deux impulsions, générées sous ses pieds, l'aident à se propulser vers son ancien compagnon.
- Ingosol !
Sa cible, afin d'esquiver l'inarrêtable élancée, emprunte un portail, parvenant ainsi à apparaître ailleurs. Manœuvre à l'apparence plutôt banale face à ce genre de situations, n'est- ce pas ? Non. Plus que ça. Dans la poursuite du mouvement, une autre faille, de circonférence plus réduite que la précédente, apparaît à sa droite. Il y glisse son bras. Une copie de cette dernière se glisse derrière la tête du Shirenai. En sort sa main tenant une flamme qui, à cause du court voyage, prit entre temps une teinte plus violacée que toutes ses semblables.
- Si tu bouges ne serait-ce que d'un poil, je n'hésiterai pas à t'éliminer sur le champ ! Range ton arme !
Conscient de la configuration de mort imminente, le sabreur obéit aussitôt.
- Tu as fait semblant d'être d'accord avec moi pour que je te prenne pour un allié afin de mieux te rapprocher de moi et de trouver la bonne ouverture pour me tuer... N'est-ce pas ?... Depuis quand de telles tactiques sordides sont enseignées chez les tiens ? Je ne me souviens point avoir assisté à ce genre de leçons. Auriez-vous fonder une sorte d'organisation secrète pour débusquer les êtres comme moi ?
- Même si tu me tuais, tu n'irais pas bien loin. Surtout que tu as activé ton objet de puissance. Avec ce que nous avons dégagé, ils ont pu facilement nous sentir. Ils doivent certainement en ce moment même foncer en plein sur notre position.
- Ils peuvent être dix, cent ou mille ! Lorsque j'aurais mis la main sur le Kirioku, plus rien ne m'arrêtera ! Justice sera rendue !
- Que compteras-tu faire des autres peuples ?
- Ils n'en maîtrisent aucun ! Ils n'ont aucun pouvoir ! Ils n'ont aucune raison d'exister !
Cette réplique choque son otage.
- Seuls les meilleurs peuvent vivre, exploiter et découvrir, étendre leur savoir et savoir tout expliquer. Nous possédons le pouvoir de maîtriser les éléments, de nous défendre face à cette cruelle Nature. Nous sommes supérieurs. Nous sommes tout-puissants. Qui serait assez fou pour se soucier d'eux ?
- Moi.
Soudain, tout juste une seconde après, il disparaît brusquement devant lui. La surprise est absolue. Par réflexe, il retire son bras de la faille. Il n'a pas le temps de regarder tout autour de lui que sa proie réapparaît devant lui, le poing droit serré avec quelques lignes jaunes légères.
- Kameraï ! crie le Shirenai.
Il lui inflige un uppercut foudroyant qui l'envoie sur plusieurs mètres. A terre, malgré la douleur qui vient de le transpercer de part en part, malgré le sang qui s'échappe à travers la toux qui en résulte, se serrant le ventre, il ne perd pas conscience. Comment peut-il connaître la défaite alors qu'à son bras se dresse la fierté du peuple qu'il incarne ? C'est impossible ! Il doit rétablir la vérité ! Il est hors de question qu'il échoue ici et maintenant ! L'avenir des siens est en jeu ! Absolument convaincu de ce qu'il représente, Alnor se relève et laisse éclater son aura. Cela surprend beaucoup l'adepte du katana.
- Tu ne me laisses pas le choix !
Deux failles apparaissent à sa gauche et à sa droite. Ils y glissent ses bras. Une troisième, plus volumineuse apparaît devant lui. Un son grave se fait entendre.
- Quelle énergie ! pense le guerrier.
- Pejer Ibudel !
Un énorme rayon flamboyant rouge et pourpre surgit. Conscient qu'il est dans l'incapacité de l'esquiver, il croit vivre ses derniers instants. Soudain, son collier se réactive. Le mot Fargresaz revient. Son aura jaune est de nouveau forcée. Mais, cette fois-ci, l'électricité est plus blanche. Le rayon percute le bouclier. Le choc est si fort que l'homme se retrouve propulsé plus loin et plus violemment, suivi des yeux par la femme. Le rayon se dissipe en cours de route. Le Shirenai atterrit lourdement au sol. A ce moment précis, totalement incertain, l'homme encore debout désire savoir s'il l'a eu ou non. La grande faille disparaît. Il est pris de crampes tout autour du bras où se trouve son accessoire.
- Et oui Shirenai !... Plus rien ne peut m'atteindre !
Il lâche un rire rempli d'extase et d'excitation. Absolument convaincu de sa victoire, sans doute motivée par une confiance en soi à l'échelle du pouvoir qu'il croit obtenir, il se dit pouvoir reprendre sa route sans encombres. Le premier artefact ? Une connerie ! Allons chercher le second. La marche à peine entamée, soudain, il sent des présences. De nouvelles crampes, plus intenses que les précédentes, viennent l'attaquer. Un Ingosol, prononcé en deux temps à cause de la douleur, crée une autre faille.
- Vous ne m'aurez pas ! » hurle son invocateur.
Point le temps d'attendre, malgré une envie irrésistible de vouloir s'en faire d'autres, il l'emprunte. La spectatrice est encore présente sur les lieux de l'affrontement, tête tournée en direction du Shirenai. Poussée par une curiosité qui lui est propre, elle se décide à vérifier si ce dernier est encore en vie ou non, en marchant à tâtons. A peine trois secondes après être parti, Alnor apparaît ailleurs, pris de vertiges. Ce symptôme, très inhabituel pour lui, focalise son attention sur son précieux accessoire. Une flamme résiduelle peine à subsister dessus.
- Cet objet... Cette dimension... Aspire mon énergie... Et la modifie... Mais, à trop l'utiliser, elle en aspire trop... Je dois récupérer. Après, peut-être que je ne suis tout juste pas habitué... Je verrai bien.
Malgré tout ça, l'ouvreur de failles part tout en titubant. A des dizaines de mètres plus loin, la cible de toutes les rancœurs de l'homme au bracelet est allongé, apparemment inanimé. La femme qu'il chassait avec lui le retrouve, ne sachant pas s'il est encore en vie ou non. Elle se rapproche prudemment. Ses mains tremblantes trahissent cependant un stress intense. Après s'être avancée de quelques mètres vers lui, elle le scrute intensément, le voyant de profil. Le visage enfin visible pour elle du Shirenai lui fait remonter une haine profonde.
- Toi... murmure-t-elle.
La profonde colère qui s'éveille en elle la pousse à serrer un poing.
- Je vais te […]
Tout à coup, l'homme se réveille et se relève difficilement. Face à ça, elle se fige immédiatement. L'adversaire d'Alnor s'étonne d'être encore vivant. Que s'est-il passé ? Pendant ce temps, ignorant les tourments remuant l'esprit du guerrier dans tous les sens, elle se place derrière lui.
- Il a lancée une technique d'une incroyable puissance... Que je ne pouvais esquiver et puis... Cette voix... Est encore intervenue... Et puis... Cette chose... On aurait dit un bouclier. Je n'ai aucune technique de ce type... déclare-t-il à voix haute, déboussolé par les événements, se pensant être totalement seul.
Il saisit son collier.
- Mon énergie a été forcée... Comment est-ce possible ?
Le visage du sabreur tourmente l'esprit de l'inconnue à un point où elle semble prise de vertiges. Se rendant compte de son vacillement, elle secoue la tête un instant pour reprendre ses esprits. Il regarde son collier.
- Tout ça, ça ne m'était jamais arrivé avant... Avant que je ne prenne ce truc au milieu de ces ruines...
Comprenant qu'il n'a pas encore remarqué sa présence et que la situation peut basculer à tout moment, elle en déduit qu'elle doit agir rapidement. Pour cela, elle se rapproche prudemment sans faire le moindre bruit.
- C'est toi n'est-ce pas ?
Une énergie se concentre dans la main droite de la femme. Des feuilles de buissons se trouvant à sa droite sont décomposées. Les restes vont s'incruster dans sa main tout en étant mutées en lumière grise.
- Quel puissant objet... Si j'arrive à comprendre comment il fonctionne, je pourrais sans doute neutraliser Alnor. Je dois le retrouver.
Soudain, il entend comme un puissant vent souffler au bord de ses oreilles. Sauf que, autour de lui, rien ne semble ébranler quelconque végétation. Les nuages stagnent haut dans le ciel.
- Encore lui ?
- Séiber... prononce-t-elle intérieurement.
Elle continue à charger sa technique. Un son strident est alors produit graduellement dans les oreilles du sabreur. Il croit, dans un premier temps, que ça provient de son collier. Il le rapproche de sa tête. Comprenant au bout de quelques secondes que ce n'est pas le cas, il regarde devant lui, cherchant la source du bruit venant perturber son ouïe. Une angoisse croissante vient s'emparer de celle qui est sur le point de l'attaquer par l'arrière. La situation devient trop dangereuse.
- Ki ! hurle-t-elle.
Elle l'atteint à l'arrière de la nuque avec le tranchant de sa main. Le sabreur tombe net. Un instant d'inaction. Son bras tremble à cause de toute l'énergie qu'elle a déployée. Elle le surveille un instant, ne prêtant pas d'intérêt par le collier qu'il porte, croyant qu'il s'agit juste d'un bijou banal, pour s'assurer qu'elle l'a bien eu. Ne remarquant aucun signe de vie de sa cible, l'angoisse précédemment présente s'évapore.
- Parfait... soupire-t-elle.
Absolument sûre de l'avoir tué, elle s'en va, l'insouciance glaçante.
- Tu ne me forceras plus à retourner là-bas, déclare-t-elle.