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Chapter 9 - Arc 1 – Épisode 9 : La Vérité d'Alnor.

Après une courte attente, l'atmosphère tout autour d'Alnor se charge en humidité, signe évident de l'approche imminente du mercenaire Shipé et sa patrouille, bien décidés à mettre le grappin sur lui. Malgré le danger grandissant, l'ouvreur de failles est gagné par une satisfaction grandissante, justifiée par le savon moral passé par le gradé dans sa jeunesse. Soudain, l'eau des environs est extraite des arbres et du sol. Elle vient entourer l'Enijiakku, qui ne semble pas réagir jusqu'à constituer une étreinte à haute pression sur son corps. Quelle technique ridicule... Débarque alors le trio de Shirenais. Alnor peut constater à ce moment-là que l'épée courbée dégainée de son ancien enseignant est responsable de tout ce qu'il s'est pris.

« Je te tiens enfin... Petit enfoiré... J'ai compris ce que tu as tenté de faire. Nous t'arrêtons pour vol d'un Obujepawa interdit. Et surtout pour désertion ! »

Cette réplique, censée le faire sortir de ses gongs, n'a pas l'effet escompté. Un rictus s'échappe sur la visage d'Alnor.

« Moi ? Un déserteur ? » répond-il d'un ton légèrement ironique.

« Tu sais ce que ça veut dire ! Ne me prends pas pour un idiot ! »

« T'en as mis du temps à comprendre alors que, de mon côté, j'apprenais ce que j'étais réellement et ce dont j'étais capable ! Je n'ai jamais été des vôtres ! Et ce depuis le début ! Bientôt le monde entier découvrira la vérité à votre sujet ! Et il sera gouverné par le seul peuple apte à régner ! Les Zigriks ! »

Devant cette prestation digne d'un véritable fou pour l'aquamancien, il ne sait pas s'il doit en rire ou juste ignorer ce blabla complètement lunaire. Les Shirenais qui l'accompagnant ne comprennent pas ce qu'il vient de déclarer. Zigriks ? C'est quoi ça ? Une tribu rebelle ?

« Ah oui... Il faut tout vous traduire... Ce que vous appelez avec mépris... Les Eniji-trucs. Votre haine est telle qu'il vous faut inventer un mot informe et disgracieux pour nous désigner. Vous voulez connaître la vérité ? Vous n'êtes que des êtres coincés, restreints dans des valeurs primitives. Vous n'êtes pas dignes du don que vous possédez. Le seul peuple à faire honneur à cette bénédiction ce sont les Zigriks et personne d'autre ! »

« Continue de rêver ! Maudit Enijiakku ! »

Contre toute attente, l'ancien élève de Kigen parvient néanmoins à garder son sang froid en façade malgré la provocation gratuite prononcée à son encontre. S'apercevant que les mots ne l'ébranlent, le gradé le vise avec son arme.

« Peganyon ! »

Grâce à cette formule, la pression déjà bien élevée de la prison d'eau qui entrave sa cible est brutalement amplifiée. Ses membres sont comprimés le long de son corps. Ses os pourraient se briser à tout moment. Une étrange excitation s'empare du Zigrik s'esclaffant de rire qui désarme moralement les deux patrouilleurs.

« Tu peux l'augmenter tant que tu veux mon grand. C'est pathétique ! »

« Ah bon ? Et comment comptes-tu t'en sortir ? Je ne vois vraiment pas là. A moins que... J'ai compris ! C'est une tactique pour que je baisse ma garde et que […] »

« Ingosol ! »

Une faille apparaît dans le dos de son créateur, lui permettant de s'extraire de la technique d'entrave du gradé en l'aspirant. Seule une flaque subsiste sur le sol. Qu'est-ce que c'était que ça ? Les subalternes n'ont pas le temps d'élaborer une théorie sur ce qu'il vient de se passer que le portail dimensionnel se referme subitement. Leur premier réflexe face à un tel cas de figure s'enclenche. Se focaliser sur les améliorations fournies par les affinités avec les éléments maîtrisés selon le niveau.

« Restez sur vos gardes. » ordonne Shipé.

Soudain, après une attente sous tension, une faille apparaît sur la gauche du gradé, tirant

une flamme violacée. La cible a l'intelligente idée de l'annuler grâce à sa lame imbibée d'eau. Plusieurs failles s'ouvrent.

« A terre ! » ordonne-t-il, pressentant l'attaque à venir.

« Iyaweré Samurazilé ! » invoque Alnor.

Grâce à l'indication de leur supérieur, ils évitent de justesse la rafale. Quand au mercenaire, tourne sur lui-même tout en changeant sa lame en un torrent d'eau. Grâce à elle, il projette un jet d'eau circulaire qui annule tous les projectiles. L'inutilité flagrante de l'assaut pousse son créateur à changer de stratégie. Les failles disparaissent toutes d'un coup, sauf une qui sert de moyen de retour pour le Zigrik. Décidément, le bracelet d'Orzlon mérite son titre d'Obujepawa interdit.

« J'ai désormais le pouvoir de te vaincre, mercenaire... Tu ne peux me toucher. Alors que moi, oui. Tu n'as aucune chance de gagner. » souligne allégrement celui qui fut sous ses ordres.

« Je promets, par Faironne, que tu seras jugé pour tes méfaits ! Et que l'Obujepawa que tu as dérobé revienne au Conseil ! Crois-moi, je me ferai un plaisir d'être celui qui exécutera ta sentence ! »

« Ce n'est pas l'une de vos armes traditionnelles, non ? Alors il est normal que ce soit à une personne comme moi qu'il revienne. »

Le torrent entourant sa lame augmente en vitesse.

« Vous, les Enijiakkus, avez failli mettre notre monde en péril il y a longtemps. Le Conseil n'admet pas que des personnes comme toi viennent le contredire. Vous êtes dangereux, mesquins et malsains ! La preuve ? Faironne est en très bonne santé ! »

Convaincu qu'il maîtrise pleinement les incroyables pouvoirs de son bracelet et que ce dernier ne peut être contré, il laisse son aura rouge, légèrement teintée de violet par endroits, s'exprimer. De nombreuses failles, moins impressionnantes que les précédentes,

apparaissent autour de lui. En ouvrant sa main droite, de fins filaments flamboyants pourpres s'en extirpent et se rejoignent. Une sphère de plus en plus condensée se forme.

« Vénérez-moi ! Craignez-moi ! Le voyageur dimensionnel ! L'insaisissable ! Et, dans peu de temps, le fondateur de la nouvelle société Zigrik ! »

Devant cette évocation forte de sens, le mercenaire éclate de rire, à la grande surprise de ses subalternes, effrayés face à la multiple invocation de leur ennemi, bien irrité par la réaction de l'aquamancien.

« Tu crois être capable de nous défaire ? Patrouilleurs, ne vous faîtes pas berner par sa mascarade!Rappelez-lui avec fermeté qu'est elle la place des Enijiakkus dans ce monde ! »

Galvanisés par son encouragement, ils rangent leur crainte primaire en dégainant leurs armes. Après avoir canalisé une quantité d'énergie suffisante selon eux, ils se lancent vers l'envieux de pouvoir.

« Ingosol ! »

Pile devant eux, une autre faille émerge subitement. Incapables de s'arrêter, ils entrent dedans et, dans la seconde suivante, sortent instantanément dans l'autre sens. Pendant qu'ils essayent de comprendre ce qu'il vient de passer, Alnor vise l'un d'eux et balance l'attaque créée par l'accumulation décrite précédemment. Sa cible, par réflexe de survie, tente de la trancher. Malheureusement pour lui, l'étonnante puissance qu'il affronte pulvérise sa lame. Il se fait envoyer valdinguer sur plusieurs mètres. Vu comment son collègue s'est fait battre, le second prend peur et s'enfuit.

« Attaque-le ! » lui exige son supérieur.

« Ingosol ! »

Le fuyard est emporté par une autre ouverture dimensionnelle apparue devant lui, arrivant alors face à son chef. Dégoûté par une telle attitude, loin des valeurs érigées par son peuple, Shipé le désarme illico avant de le tuer net en l'empalant.

« Kaylar Ibudael ! »

Il propulse le second patrouilleur jusque dans les bras de Shipé. Ce dernier, dépité du spectacle, le jette au sol.

« Je suis vraiment accompagné d'une bande de faiblards qui ont pourtant réussi l'examen d'entrée... Si je pouvais le faire, je l'aurais intégralement changé. J'espère que tu t'es bien amusé ! »

Sans perdre plus de temps, le mercenaire active son aura tout en levant son arme en l'air.

« Kobanar ! »

Une brume s'échappe de sa lame et englobe une large zone. Alnor met fin à la multiple invocation. S'entame alors une longue phase d'observation et de concentration, analysant chaque bruit émis ou chaque flux qui se présenterait.

« Tu es peut-être capable d'attaquer et de te déplacer n'importe où. Ce qui te donne un grand avantage, je te l'accorde. Mais, tu ne peux sentir ma chaleur à cause de l'humidité que j'ai installé et de l'inconvénient énergétique qui joue contre toi. Que vas-tu faire maintenant ? » affirme à vive voix son adversaire malgré le brouillard qui a envahi les lieux.

Cette implacable vérité n'ébranle pas celui qui veut s'emparer de Kigen. Pendant tout ce temps, Shipé se déplace discrètement, cherchant l'angle parfait pour l'atteindre. Une fois ce dernier trouvé, il le vise.

« Awor ! »

Un jet d'eau, puissant comme un torrent, fonce sur le porteur du bracelet. Guidé par la différence de température créée par ce dernier, il l'esquive plutôt facilement.

« Olowakaler ! »

Shipé enchaîne avec un jet d'eau ascendant et diagonal provenant d'une autre direction. Cette fois-ci, le pyromancien manque, de justesse, d'être atteint. Toutes les manœuvres du Shirenai ont pour unique but de mettre à jour le point faible de cet objet maléfique et d'en tirer profit afin de mettre à terre son voleur.

« Olowar ! » enchaîne-t-il.

Une vague d'eau, créée uniquement à partir de l'énergie présente en lui, vient percuter son adversaire, n'ayant pas eu le temps de se glisser dans l'une de ses créations chéries. A cause de la puissance du coup, ces dernières disparaissent. Grâce à un mouvement de lame, il ordonne à son attaque d'envergure de revenir dans l'autre sens. Alnor a la présence d'esprit d'utiliser toute l'eau emmagasinée précédemment grâce à ses portails dimensionnels pour briser la menace au dernier moment. Shipé saisit l'opportunité qui s'offre à lui pour le piéger en condensant le reste de la brume existante au bout de son épée, la transformant ainsi en un autre torrent. Un nouveau « Ingosol » prononcé juste à temps permet d'avaler la déferlante.

« Tu ne peux rien faire ! Abandonne ! » hurle Alnor, grand sourire aux lèvres, absolument convaincu qu'il ne peut être vaincu.

Afin de lui prouver qu'il a totalement tort, le gradé amplifie son aura, le débit et l'intensité de son attaque. Face à l'ampleur de l'assaut, la protection du Zigrik commence à être trop petite pour l'encaisser, ce qui a pour conséquence de le faire reculer légèrement. Pris par une certaine panique incontrôlée, il tente en vain de répéter sa formule fétiche. Cependant, avec les ouvertures à répétition, sur une aussi courte durée, il se trouve dans l'incapacité d'en créer d'autres. Le tant redouté bracelet d'Orzlon possède une limite ? Non, inconcevable pour celui qui croit encore aux légendes contées par son paternel. Un tel héritage ne doit pas craquer face à l'imposture Shirenai. Cette configuration enthousiasme au plus haut point celui qui fût de manière éphémère son instructeur.

« Je suis le meilleur ! » s'exclame-t-il.

« Les Shirenais doivent mourir pour leurs crimes... Les Shirenais sont faibles... Vous êtes faibles ! Seuls les Zigriks sont dignes de vivre dans ce monde ! Et je vais en apporter la preuve maintenant ! » lui répond-il avec l'énergie du désespoir à chaque fin de mot.

Soudain, les pierres précieuses présentes sur son bracelet commencent à briller. Entrant dans une sorte résonance avec elles, l'aura du Zigrik explose avec une grande ampleur. Ailleurs, Rai et ses amis s'arrêtent brusquement.

« D'où vient cette énergie ? » s'étonne Yoru.

« Deux personnes fortes se battre ! Moi vouloir voir ! »

« Hors de question ! Ne nous mêlons pas à ça ! »

Sur ce, l'homme au grimoire repart sans se retourner, au grand désarroi de Rajik. Seul le manieur de foudre guette au loin. Un son distordu lui parvient. L'étrange sensation de reconnaître l'une des deux forces en présence le perturbe, sans trop savoir pourquoi. Les récents affrontements et leçons encore bien clairs dans son esprit le dissuadent de s'y intéresser plus et le poussent à rejoindre ses compagnons de voyage. Pendant ce temps, le Zigrik en danger se creuse les méninges. Il faut une solution. Vite. En observant le peu qu'il puisse apercevoir de son adversaire, il finit par déduire que la seule issue possible serait que son aura ou son épée entre en contact avec le seul portail encore actif. Ainsi, il vise son flanc. Au-delà de ses limites, avec un « Ingosol » murmuré en deux temps, une faille s'ouvre à l'endroit visé. Aussitôt, le halo d'énergie de Shipé commence à se faire emporter, diminuant en taille par la même occasion. Le torrent perd en intensité. La pauvre victime ne comprend rien à ce qui est en train de se produire.

« Qu'est-ce que tu m'as fait ?! » s'insurge-t-il.

« Ce petit bijou me donne d'immenses possibilités... Possibilités que vous avez interdit ! Vous ! Et votre philosophie caduque ! Ce monde renferme tant de mystères et tant de choses qui nous échappent ! Ces mystères ne demandent qu'à être dévoilés ! »

Jamais le Shirenai n'a connu une pareille situation face à une saleté d'Enijiakku. La faiblesse qui l'accable le remplit de déshonneur, qu'il doit cependant ravaler rapidement car la priorité est ailleurs. En posant la seule main encore disponible au sol, il y transfère la partie de son élément manifestée par son aura. En procédant de cette manière, le torrent s'estompe immédiatement, certes, mais il se sait ainsi hors d'atteinte de l'attraction. Alnor n'est plus apte à maintenir l'ouverture encore présente. Les deux combattants sont à bout de forces.

« Vous nous avez interdit tout ça car vous en avez eu peur ! La preuve avec ce qu'il s'est passé il y a deux cents ans ! Nous avions trouvé un moyen de vous surpasser... Et vous nous avez copiés ! Vous ne supportez pas qu'on puisse vous battre... Voilà la vérité ! » vocifère le propriétaire du bracelet malgré la fatigue.

« Je jure sur le grand Densetsu qu'un jour tu seras jugé... Tu recevras la sentence que tu mérites ! »

« Rectification ! Vous êtes les seuls coupables ! Vous méritez une punition ! Bientôt votre peuple disparaîtra et les Zigriks referont surface ! Nous serons libres ! Libres d'étendre nos connaissances ! Libres de faire évoluer l'humain ! A ta place, je serai déjà en train de compter les jours qu'il me reste ! »

L'adrénaline produite par l'excitation et la ferveur qu'il implique dans son discours l'amène à rire fortement pendant quelques secondes. Ignorant toute douleur, il pointe Shipé en dressant son précieux Obujepawa.

« Finissons-en. »

Bien conscient qu'il a perdu trop d'énergie, l'option restante est la fuite. Quel déshonneur... Mais, c'est ça ou mourir. Et quoi de plus honteux que de tomber face à un Enijiakku ! Après un bref regard sur ses subordonnés, semblablement sans vie, malgré leur inutilité plus que flagrante, il fait bouger sa lame. Deux colonnes d'eau issues viennent les soulever. La manœuvre en cours comprise, Alnor ne peut que continuer à s'esclaffer de rire.

« Si tu crois franchement que je vais te [...] »

Puis, en y plantant son arme, il emmène sa patrouille et lui loin du lieu de bataille, laissant ainsi Alnor tout seul. Constat ? Une victoire totale face à l'élite de Kigen. Voilà la preuve irréfutable dont il rêvait depuis le moment où il mit la main sur l'un des seuls vestiges restants de ses ancêtres.

« C'est bien, fuis petit prétentieux... Tu ne peux rien faire contre moi... Vous ne pouvez rien contre moi ! Aucun Shirenai ne le peut ! Bientôt le Kirioku sera à moi et je referai ce monde ! »

Fier de son succès, une fois l'adrénaline descendue, il tombe net. Quelques instants plus tard, à Kigen, dans la salle du Conseil, l'inconnu qui avait débarqué sur le littoral Sud arrive au centre de la pièce. Les Shirenais présents se mettent au garde-à-vous. Les deux conseillers, vêtus de longues toges blanches ornées d'une branche de laurier en or, entrent et se placent. Un autre Shirenai, masqué, est présent sur le côté.

« Shirenai Tencubo, natif de Zant, capitale du Continent du Sud, venu sous recommandation, c'est bien ça ? » demande Daigaku.

En guise de réponse, il leur adresse une révérence.

« Avant votre toute première mission en tant que soldat parmi nous, le Conseil tient à vous féliciter pour votre promotion. » ajoute-t-il.

« Merci membres du Conseil. » répond d'un ton solennel le nouveau venu.

« Prouvez que votre recommandation n'est pas vaine. Rares sont les Shirenais dignes de valeur venant de l'extérieur. » poursuit Aritsune.

« Moi, Tencubo, jure sur Faironne même que je ferai honneur aux valeurs communes que sont les nôtres. Je jure de protéger mes compagnons. Je vous jure fidélité. Je jure de protéger notre monde jusqu'à la mort s'il faut. Tels sont nos devoirs lorsque nous devenons les lames de la vie. »

« En parlant de ça, comme nous le faisons depuis deux cents ans, il est temps qu'une arme spécialement conçue pour votre titre vous soit attribuée. Garde ! » appelle le premier conseiller, en tapant trois fois des mains.

Cette information étonne le nouvel arrivant. Un autre Shirenai, portant une arme dans un fourreau dans les mains, vient jusqu'à lui.

« C'est dans notre protocole. Tout droit venu du Continent de l'Ouest. »

Après un instant d'hésitation, il détache la sienne à contre cœur et prend celle qui lui est présentée. Le garde récupère son ancienne arme.

« Pour votre première mission, le Conseil cherche à anéantir un réseau illégal d'arcanes, détenu par un homme surnommé le Négociant. Cet individu serait en relation avec un Enijiakku qui fournirait des arcanes non-déclarés. Cette affaire est vôtre. » déclare Aritsune.

Un silence glacial s'installe. Le public le jauge du regard, se souvenant que la dernière fois qu'un étranger intégra leurs rangs, la fin fut loin d'être heureuse. Ignorant totalement l'existence de cette information, le bleu se courbe devant eux.

« Pour Faironne, j'accepterai toutes les missions que vous m'affecterez. Je suis votre homme. Je mettrai la main sur ce criminel et vous le rapporterai sur un plateau d'argent. »

« Bien dans ce cas [...] »

Daigaku n'a point le temps de terminer sa phrase qu'un bruit fort à la porte l'interrompt. Tout le monde se tourne vers elle.

« Qui est-ce ?! Nous sommes en pleine séance ! » s'insurge son collègue.

Tout à coup, l'escouade qu'a affronté Alnor débarque dans la salle.

« Mercenaire Shipé ! Comment osez-vous débouler dans ce lieu sacré sans préavis ?! C'est insultant ! » poursuit le premier conseiller.

Tencubo remarque que les chaleurs qu'ils émettent sont discontinues, symptôme classique d'une grande perte d'énergie. Qui ont-ils combattu pour être dans cet état ? De puissants hors-la-loi vivraient ici ? Encore plus de raisons de mettre la main dessus selon lui.

« Excusez-moi, membres du Conseil mais... Je dois vous interrompre dans, sans doute, une importante réunion. La mission est... Un échec. » leur avoue-t-il, en ravalant sa salive de honte, sans poser le moindre regard sur son nouveau collègue.

Face à cette déclaration, le public est circonspect. Shipé a été battu ? Comment est-ce possible ? Cela ne titille même pas l'intérêt du mystérieux Shirenai masqué.

« Excusez-moi mais puis-je savoir qui c'est ? » engage Tencubo.

« Il s'appelle Alnor... Une de nos anciennes recrues. Recherché pour avoir dérobé une ignominie interdite. Il est le fils d'un marchand extrêmement réputé dans la partie Nord du Continent Central... Il a... Il a réussi à nous échapper. »

« Certes... Quoiqu'il en soit, jeune mercenaire, je me dois de vous rappeler que ceci ne vous concerne pas. Concentrez-vous sur la tâche qui vous a été attribué. »

« J'ai projeté le déshonneur sur vous ! Veuillez m'en excuser ! La prochaine fois je [...] » implore le vaincu.

Voyant que Daigaku a levé fermement la main droite, il se tait instantanément.

« Le Conseil va se concerter pour trouver une solution au problème Alnor. » avance Aritsune.

« De plus, nous ignorons quels documents précis il a dérobé. Le récapitulatif a été brûlé. Séance close ! » ajoute son collègue.

Tencubo, légèrement dégoûté de ne pas pouvoir venir en aide à ses nouveaux collègues, Shipé et sa patrouille, toujours sous le coup de l'échec, et les Shirenais présents avant l'arrivée du Conseil sortent de la salle.

« Sans vouloir vous offenser, j'aurais pu m'en charger. » propose le Shirenai masqué.

« Non. » coupe court Aritsune.

Cette réponse le surprend. Pourquoi le laisser courir librement avec un tel Obujepawa ? Sur le moment, c'est vrai, aucune logique. Cependant, sa dévotion envers la hiérarchie passe devant. Il y a bien une raison valable derrière une action faussement irraisonnée.

« Ne t'en fais pas, cher mercenaire. La suite des opérations arrivera bientôt. Lorsque le moment arrivera, nous pourrons t'assigner cette mission que tu attends tant. Sois patient. » lui affirme Daigaku.

« Reçu. »

Le gradé masqué se retire sans attendre. Pendant ce temps, Tencubo, Shipé et ses subalternes marchent ensemble.

« N'espère pas avoir la moindre chance dans cette affaire. Tu n'as pas le niveau. » avertit l'expérimenté.

« Ah oui ? Pourquoi je ne serai pas capable ? Ne pensez pas un seul instant parce que je viens d'ailleurs. Bien sur, je ne sais strictement rien de vos méthodes mais je sais me battre. J'ai des qualités à [...] »

Son interlocuteur lui ferme le clapet brusquement en lui collant une main au niveau du torse. Après un petit sourire moqueur de sa part, il se tourne vers lui.

« Petit, j'ai plus d'expérience que toi. Les Enijiakkus représentent un réel danger. Il faut s'en méfier en permanence. Ça se voit que t'en as jamais eu chez toi ! T'es nouveau. Il ne faudrait quand même pas que tu te fasses salement avoir par ces vermines, voyons. »

Devant l'arrogance évidente derrière ces mots, le fraîchement titré ne préfère pas relever. Son récit face à l'administration suprême de Kigen et son attitude sont incohérents. Décidément, ce type n'est pas clair comme de l'eau de roche, pense-t-il.

« Alors, un conseil, occupes-toi de la mission qu'on t'a donné. Fais-toi bien voir par nos chefs. Suis les ordres. C'est tout. Ici, pas de place à la fougue. Si tu fais ça, tu finiras comme moi. »

Sa dernière phrase arrive presque à le faire sourire.

« Ne t'approche pas de cet homme. Il est dangereux. » poursuit Shipé.

« Même à deux mercenaires ? »

Sans doute, il ne s'attendait pas à une telle réponse, croyant que sa piètre technique d'intimidation aurait fonctionné, mais non. Y verrait-il un autre concurrent prêt à tout pour l'évincer ?

« J'apprécie ta proposition et ton volontarisme petit mais n'y va pas. L'objet qu'il possède est redoutable. D'autres Enijiakkus en ont de ce calibre. Tous plus tordus les uns que les autres. Des babioles monstrueuses, se permettant tout et n'importe quoi. Comme cette invocatrice par exemple. »

Il lui montre l'affiche faite grâce au témoignage de Rai et Rajik.

« Elle possède l'un des autres objets volés au Conseil. Si tu finis cette affaire rapidement, tu pourras peut-être prétendre à retrouver cette ordure. Ça ne devrait pas trop être compliqué pour toi, si j'en crois ton avance, non ? Un petit supplément avec l'affaire du Négociant, ça ne se refuse pas pour quelqu'un de ta catégorie. »

Tencubo ne montrant aucune résistance, son collègue saisit l'occasion pour la lui filer sans le consulter.

« Bonne chance, petit. » conclut-il, s'en allant avec ses subalternes, le torse bombé de fierté et de satisfaction d'avoir mis la pression à un jeunot, malgré la déculottée qu'il vient de se prendre face au Zigrik au bracelet.

Le Shirenai, maintenant isolé de toute fréquentation, se pose un moment, repensant à tout ce qui est parvenu à ses oreilles depuis son arrivée. S'il a été recommandé, ce n'est pas pour faire joli. Contents ou pas, il s'intéressera à cet Alnor. S'il peut mettre la main sur lui, il fermera définitivement le bec à ce beau parleur. Après tout, c'est son devoir de mercenaire de protéger ses frères d'armes. Pour Faironne ! C'est sur ces mots remplis de détermination que Tencubo se lance dans l'aventure.