Arito, le Zigrik qu'essayait de rattraper Tencubo pour lui rendre sa bourse, est assis, adossé contre un arbre, son paquet de cartes placé au centre d'un sceau complexe dessiné devant lui sur le sol. En y déplaçant son aura, une forte lumière verte en est émise. Il répète l'opération quatre fois. L'effet espéré ne survient pas. Là, c'en est trop pour lui. Dans un élan de frustration intense, il efface tout l'ouvrage qu'il avait pourtant pris soin de tracer scrupuleusement. Ses cartes sont éparpillées un peu partout. Réalisant ce qu'il vient de faire, il les reprend une avec amertume. Son Obujepawa. Sa création. Réduit à néant.
« Si seulement je savais comment contrer la merde qu'il m'a balancé ! » poursuit-il.
Soudain, à cause de l'agitation causé par lui-même, rendant impossible toute détection d'un quelconque étranger dans les alentours, Rajik surgit juste à côté de lui, le faisant sursauter illico.
« Trouvé ! » annonce-t-il.
« Qui ? Qui êtes-vous ? »
L'adepte du corps-à-corps du trio est rejoint par le Shirenai amnésique manieur de foudre. Après s'être assuré que son ami n'avait encore rien fait de grave, il remarque le fournisseur d'arcanes.
« Non mais ça ne va pas de faire peur comme ça aux gens respectables comme moi ! J'ai failli mourir ! »
« Désolé, il nous a encore échappé. Tout va bien ? »
Soudain, celui qui fut pourchassé par Tencubo remarque le fourreau de Rai. Oh non... Pas encore un autre ! Mais quelle poisse ! Instinctivement, il tire une carte de son jeu sans la voir, en visant le sujet de son angoisse.
« Ne bouge pas d'un poil ! »
Rajik regarde l'étrange objet plat tenu entre deux doigts qu'il voit pour la toute première fois. Ça ne brille pas au soleil comme les armes des soldats de Kigen, alors qu'est-ce que c'est ? Puis, c'est au tour de Yoru d'arriver sur les lieux.
« Mais qu'est-ce qu'il vous arrive ? Rajik a encore fait des siennes ?! »
Cette voix ! Arito la connaît très bien. Il arrive à côté de son partenaire de longue date. Dès que l'associé commercial du Négociant pose les yeux sur le Zigrik spécialiste de la glace, une stupéfaction mêlée à une rage intense lui montent au nez.
« Toi !! »
Reconnaissant lui aussi sa voix, dès qu'il se rend compte de sa présence, son grimoire gèle intégralement.
« Toi ?! »
La tension galopante entre eux paralysent Rai et Rajik. Le Shirenai comprend le lien qui les relie tandis que son autre ami s'étonne que l'existence d'Arito ne lui a jamais été mentionné. Voulant en savoir plus sur le mystère entourant le passé de Yoru, le manieur de foudre n'ose pas agir, sauf si sa vie se trouve réellement en danger.
« Je vois que tu n'es pas seul cette fois. Tu t'es enfin crée un cercle d'associés ? » engage sous un ton ironique le tireur de cartes.
« Contrairement à certains... Toujours à expérimenter avec ton Obujpewa pathétique tout ce que notre maître nous a toujours interdit de pratiquer ? »
« Moi au moins je respecte la mémoire de nos ancêtres mieux qui quiconque ! »
Furtivement, du coin de l'œil, il observe la carte qu'il a tirée. Cette dernière représente un sceau en forme de losange. Pas celle-là. Pas maintenant. Pour ne pas perdre la face, il tire une carte instinctivement, sans la regarder.
« Xénatyon ! » invoque-t-il, confiant.
Contre toute attente, rien ne se passe, pour le plus grand bonheur de Yoru, lui souriant narquoisement au nez, presque sur le point d'en rire. Ne voulant pas y croire, Arito tourne légèrement sa carte, constatant alors une flamme dessinée dessus, ne correspondant en aucun cas à la formule prononcée qui consistait en une brutale explosion.
« Moi avoir bien compris lui vouloir se battre ? »
« Oh bah mince alors ! Quelle surprise ! Est-ce ça l'œuvre ultime du disciple ultime ? Si notre maître nous a légué toutes ses leçons, c'est qu'il n'y avait une raison ! En voilà la preuve ! S'il ne te reste qu'une once d'amour propre, mets fin à ta carrière d'Enijiakku tout de suite. Tu te fais du mal pour rien. »
Refusant de se plier de la sorte, il tire une nouvelle carte et prend soin de la regarder cette fois-ci avant d'en émettre la formule adéquate. Rien dessus. Son visage exprime à la fois une grande déception et une profonde frustration.
« Lui nous avoir provoquer ! »
« Tu as tout juste, Rajik. »
Motivé par son ami de longue date, il s'approche de lui en s'étirant les bras. Par réflexe, Arito pioche une nouvelle fois.
« Amépan ! »
Une forte pesanteur vient immobiliser d'un seul coup le trio. Heureux d'avoir enfin réalisé quelque chose, pour s'en assurer, il tourne la carte, découvrant alors une flèche pointée vers le bas. Les trois compères essayent de s'en extirper. Sans succès, malgré l'impressionnante puissance qu'a déjà démontré le Shirenai de la bande. Ignorant totalement de quoi ce dernier est capable, Arito sait qu'il ne pourra pas tenir son sort longtemps. Le sceau utilisé draine beaucoup d'énergie. Afin de contre-carrer la réplique naissante de l'aquamancien, l'autre Enijiakku injecte plus d'énergie malgré le risque d'en être à cours plus rapidement. La gravité est augmentée. Sous l'effet de cette dernière, la glace est brisée.
« Pas cette fois, cher collègue. »
Tout d'un coup, guidée par par la puissance déployée par le sort du fournisseur du Négociant, Tencubo débarque sur les lieux.
« Je vous retrouve enfin ! Je voulais juste vous rapportez votre bourse ! »
Pourquoi faut-il que le sort s'acharne autant sur ce pauvre Zigrik affublé d'un Obujepawa dépendant beaucoup trop du hasard ? Rai et Yoru s'aperçoivent de la nature de leur sauveur. Ils sont tout autant plus intrigués sur le fait qu'ils n'aient pas pu sentir son approche auparavant. Sinon, ils auraient fonctionné autrement avec le tireur de cartes. Le mercenaire, comprenant enfin ce qu'il se passe, enflamme sa lame.
« Relâchez-les sur le champ ! » ordonne-t-il.
La situation devient trop tendue pour le malchanceux. Hors de question que sa seule source de revenus ne parte en fumée ! Tentant le tout pour le tout, de l'autre main il tire discrètement une carte. L'étrange dessin en forme d'étoile à moitié terminée le réjouit. Ça y est ! Faironne lui sourit !
« Oposam ! » prononce-t-il avec enthousiasme.
Aussitôt, une forte lumière englobe les environs, aveuglant le trio et le pyromancien fraîchement titré. Une fois cette dernière totalement évaporée, tous ne peuvent constater qu'Arito s'est enfuit. L'aquamancien essaie tant bien que mal de retrouver sa signature énergétique pendant quelques secondes, en vain.
« Vous allez bien ? Il ne vous a rien dérobé ? » leur demande le gradé.
D'un simple geste, Rai lui confirme que non.
« Tant mieux... A cause de tout ça, j'ai totalement mis de côté la mission qui m'avait été assigné... Le Conseil va bien me gronder. Tant pis. J'ai juste voulu respecter notre doctrine. J'en oublie même les protocoles ! Salutations, mon nom est Tencubo. Mercenaire fraîchement titré à votre service. »
« Enchanté ! Et félicitations pour votre promotion ! » complimente gracieusement l'amnésique.
« Lui être mercenaire ? Alors lui être fort ! Moi vouloir castagne ! »
« Fort ? Euh... Je fais ce que je peux. » avoue le concerné avec la plus grande modestie possible, un peu perturbé par le langage primitif de Rajik.
« Et bien ! Il y a beaucoup de Shirenais en ce moment dans cette région ! » s'exclame Yoru.
« Vous vous en étonnez ? En fait... Nous recherchons un être très dangereux et du coup toutes les forces disponibles et compétentes ont été déployées. Ils ont même demandé des renforts de l'extérieur. Je crois que je suis le seul à avoir répondu... D'après ce que j'ai pu voir, ils sont sacrément en galère à Kigen. Je me demande même si ma recommandation n'a pas été... Quelque peu... Poussée. »
Les propos qu'il tient ont de quoi perturber ses interlocuteurs. D'autres Shirenais existent en dehors du Continent Central ? Peu d'éléments assez puissants pour attraper leur cible ? Que se passe-t-il ?
« A ce propos, est-ce que je peux vous demander un service ? » s'avance Rai.
« Mais bien sur ! Tout Shirenai se doit de se rendre disponible à toute demande d'aide. Que voulez-vous ? »
« Eh bien, en fait, ça peut surprendre mais j'ai perdu la mémoire. Tout ce que je sais c'est que je suis un Shirenaï comme vous et que je sais utiliser la foudre. »
Comme preuve de ses drôles de propos, Rai lui dévoile son katana. C'est la première fois que Tencubo en voit un. Quelle beauté !
« Puis-je le voir de plus près ? »
« Bien sur. Tenez. »
Le Shirenai affilié au feu, intrigué par la déclaration de son frère d'armes, l'inspecte longuement. Effectivement, les quelques symboles gravés à environ 5 centimètres de la garde confirment bel et bien à ses yeux que Rai appartient à son peuple. Cependant, lui aussi sait ô combien posséder une telle lame est rare parmi eux. Un simple échange de regards le convint de sa sincérité.
« Bonne nouvelle pour vous, camarade. Avec tout ça, je pourrais en apprendre plus sur vous. Je devrais pourvoir les retrouver sur l'un des registres consignés dans les archives et découvrir votre identité. Attendez, je vais noter tout ça. »
Rai et Yoru ne peuvent être que ravis par une telle affirmation. Enfin, le mystère l'entourant va être percé ! Enfin, une explication rationnelle sur l'origine de sa puissance va pouvoir être établie ! Le gradé sort un parchemin et écrit grâce à une toute petite flamme qu'il fait jaillir du bout du doigt.
« Lui faire du feu tout seul ! Ça être trop pratique ! »
« C'est la seule chose que je peux faire sans mon arme. »
« Comment toi faire ça ? »
« Un Shirenai garde ses secrets. »
« Ne me tentez pas sur ce terrain-là. Les mystères, c'est mon domaine. » souligne Yoru.
« Vous ne me connaissez pas et vous m'aidez quand même. C'est vraiment touchant... Je ne veux pas vous ennuyer avec tout ça…Merci pour tout ! » se réjouit Rai.
« Mais de rien !... C'est quand même étrange. C'est la première fois que je vous vois. Une de nos patrouilles est revenue à la base il n'y a pas longtemps. Ils ont été vaincus par un Shirenai de foudre très puissant accompagné par un Enijiakku et un être non identifié. »
Oh non. Ce qu'il déclare là c'est tout ce que le spécialiste de la glace ne voulait pas entendre de la part de l'un d'eux. S'il se rend compte qu'il les tient juste en face de lui, c'est fini.
« Vous ne les aurez pas vu ? »
« Nous avoir […] »
« Non ! Nous n'avons pas rencontré ces personnes. » interrompt Yoru.
« Vous êtes surs ? Parce que vous êtes trois et votre ami est un Shirenai de foudre... »
« Vous faîtes erreur je vous assure ! »
En premier lieu, Tencubo trouve ça étrange qu'un collègue part comme ça dans la nature, accompagné de deux parfaits inconnus sans compétences particulières au maniement des armes. Serait-ce une mission spécifique qu'il cache avec une supposée amnésie ? Yoru craint à tout moment que leur maigre couverture soit cramée. Allez. Pars. Vite. Ces mots se répètent inlassablement en lui.
« Dans ce cas, je vais y aller. Plus vite je partirai, plus vite j'en apprendrai sur vous, camarade inconnu ! »
Il s'en va tout en leur faisant signe. Une fois hors de leur vue, Yoru lâche un profond soupir de soulagement.
« Tu crois qu'on a eu raison de lui mentir ? Il a l'air d'être plutôt quelqu'un de confiance. Je vais peut-être enfin savoir qui je suis grâce à lui. » souligne Rai.
« Je l'espère sincèrement pour toi. »
« Et, au fait, cet homme, que t'a-t-il fait pour que tu te mettes dans cet état ? »
« Je préfère ne pas en parler. »
« Comme tu veux. Sache que je suis là au cas où. »
« Merci. »
Ailleurs, Arito tente de se remettre de ses émotions, une fois absolument certain d'être en sécurité. Ses efforts pour plaquer le trio au sol furent tels qu'il est incapable de sentir la présence d'Alnor, lui-même alerté par la puissance précédemment dégagé par le producteur d'arcanes. Cela lui donne des idées. L'homme qui a réveillé une animosité inhabituelle chez Yoru, en regardant une nouvelle fois son paquet de cartes, s'indigne de ne pas posséder un Obujepawa capable de tout terrasser sur son passage entre de bonnes mains. Celui dont il se sert pour exemple n'est d'autre que le fameux héritage du grand Kigzir. Malgré le profond dégoût en bouche suite à sa fuite inopinée, il se jure de lui faire sa fête la prochaine fois qu'il croise.
« Je t'aurais un jour ! » lache-t-il pour exprimer sa pleine frustration.
Ceci allèche le voyageur dimensionnel qui ne perd pas un seul instant à le rejoindre via une failles fétiches qui s'ouvre juste devant le malchanceux.
« Qu-qui êtes-vous ? Comment vous faîtes ça ? Qu'est-ce que c'est ? Et comment m'avez-vous trouvé ? Vous êtes à la botte de Kigen c'est ça ? » enchaîne-t-il dans la panique après avoir été témoin d'un tel phénomène.
Il se retient pour ne pas s'énerver devant l'afflux frénétique légitime de questions de son interlocuteur.
« Pas de panique, très cher confrère. Je suis venu en paix. Nous avons des ennemis communs. »
Cette amorce plus qu'accrocheuse capte toute l'attention du tireur de cartes malgré l'absence de tout questionnement.
« J'ai senti une variation anormale d'énergie pas loin d'ici provenant de toi. Tu ne la maîtrises absolument pas. On dirait un débutant ! »
« Je vous interdis de m'insulter ! » répond Arito en tirant trois cartes d'un seul coup sans prendre la peine de jeter un œil sur ce qui est dessiné dessus.
« Allons, allons. Pas la peine de se mettre dans des états comme ça. Remercie Faironne de m'avoir guidé à toi. Grâce à moi, les malheurs qui t'accablent ne seront plus que de lointains souvenirs. »
Cette réplique soulève pas mal d'interrogations chez l'associé externe du Négociant. Par quel miracle arrive-t-il à faire ça ? A sa connaissance, aucun Obujepawa ne peut produire ceci. Comment, malgré sa propre expertise dans la manipulation des éléments, cet homme peut affirmer sans broncher être capable de régler son problème que lui-même n'a pas pu résoudre depuis tout ce temps ? Pris en étau par ces questions restées sans réponse, il ne baisse pas sa garde, hésitant à qualifier Alnor d'escroc ou de total ahuri.
« Vous pouvez régler mon problème ? Vraiment ? Je ne sais pas qui vous êtes mais comment pourriez-vous y trouver la parade parfaite alors que vous ne savez rien de ce qui en est l'origine ? »
« C'est simple. Laisse-moi essayer. Si j'échoue, tu pourras m'exécuter sur le champ si le cœur t'en dit. Si je rencontre le succès, tu pourras remettre la main sur le grimoire du grand Kigzir ! »
« Comment vous savez ça ? Vous m'espionniez ? »
« J'ai pu rencontrer le vaurien qui l'a en sa possession. » lui répond-il avec un léger sourire.
« Que demandez-vous en échange ? » demande-t-il, interloqué par cette affirmation.
Il sort un papier vierge sur le recto. Cependant, sur le verso, se cache un petit sceau.
« Tu as juste à signer avec ton élément de naissance. En échange du service que je te rends, je ne réclamerai que ton obéissance pendant un an complet. Alors, intéressé ? »
Arito a un petit moment d'hésitation, appuyé par le fait que jamais auparavant un marché se concluait ainsi. Même l'intraitable Négociant ne passe par ce procédé pour confirmer toute transaction.
« Ce genre de démarche ne t'est pas inconnu, je me trompe ? Que fais-tu pour gagner ta vie malgré toutes ces restrictions injustes qu'ils nous infligent ? Laisse-moi deviner. Je peux sentir la présence des quatre éléments dans ton Obujepawa. Le seul moyen d'y parvenir est de réaliser des extractions. Donc, si tu es un maître dans ce domaine, je suppose qu'il est fort probable que tu t'es reconverti en fournisseur d'arcanes, non ? Dis-toi que tu auras moins de chances d'accomplir ton objectif si tu n'acceptes pas cette main que je tends... Je dis ça... C'est pour ton bien... »
Convaincu par cette longue tirade sans faille, il prend le papier ainsi que les cartes vierges qu'il avait préalablement piochée, les appose dessus en prenant soin d'utiliser que son élément natif comme indiqué. En l'espace de deux secondes, le sceau sur le verso du papier vient se glisser dans son corps sans qu'il ne s'en rende compte. Une fois la signature énergétique inscrite, Arito lui redonne son petit parchemin.
« Et maintenant ? »
« Oui ? »
« Ce que vous m'avez promis. »
« Ah oui ce petit détail... Rien de bien grave. Donne-les moi. »
Ce qu'il fait.
« Celui qui a façonné ce tas de cartes soit était vraiment saoul soit il l'a fait intentionnellement car je ressens derrière ce dysfonctionnement une émission irrégulière de chaleur. C'est assez étrange. » dénote-t-il tout en l'analysant.
Le diagnostic qu'il pose irrite profondément son propriétaire. Après tant de temps passé à le réparer, voilà qu'il se trouve être dans le même état qu'on lui a imposé il y a quelques années.
« Mais malgré cela, ça ne va pas être très compliqué de contourner ce problème. Voyons... »
Une flamme rouge et violacée émane de la main droite d'Alnor. Sa teinte interpelle particulièrement Arito. Qu'est-ce donc ? Un dérivé encore inexploré de l'élément du feu ? La secousse correspondante ne ressemble à rien de ce qu'il a pu identifié dans sa vie. Cette homme cache bon nombre de mystères qu'il souhaite percer à jour. Cette maigre démonstration l'émerveille et le convint un peu plus. La flamme est transférée à l'intérieur des cartes. Le sceau responsable de son malheur ressort. Le fournisseur d'arcanes le reconnaît immédiatement. Il s'agit d'un perturbateur énergétique d'une extrême complexité agissant au sein même du lien établi entre l'élément et son hôte. Voilà le coupable derrière l'aspect aléatoire du lancement de ses sorts. Alnor le fait tourner jusqu'à ce qu'il se brise.
« Et voilà ! » s'extasie le créateur de failles.
« Oh c'est merveilleux ! Merci cher confrère ! Terminée la poisse ! Terminés les problèmes ! Je vais pouvoir invoquer tout ce que je désire !... Un marché est un marché. Quel est votre premier ordre ? »
« Rends-toi à cet endroit. »
Alnor lui tend un autre parchemin sur lequel il a dessiné assez fidèlement ce qu'il a vu sur la carte que possède Fraya.
« J'ai laissée une balise énergétique là où je veux que tu ailles. Tu devrais facilement la localiser. Une fois là-bas, attends mes ordres. Tu y trouveras tout ce que tu auras besoin sur place en attendant mon retour. »
« Très bien. »
Encore ébahi par le miracle qui vient de se produire et afin de prouver sa reconnaissance, il part sans plus tarder, ne se demandant absolument pas pourquoi il doit aller là-bas ni ce qu'il lui attend exactement. Mais peu importe ! Hors de question de rester redevable trop longtemps. Ça l'importune. Pendant ce temps-là, Fraya erre seule dans les bois, toujours en train de décrypter la carte achetée auprès du Négociant.
« Mais c'est quoi cette carte ? Je n'y comprends rien ! Ça devrait être ici pourtant ! Merde ! Avec ce qu'on m'avait donné comme indication, Arne, le sentier... Je devrais trouver des ruines ! On m'a dupé ! » s'insurge-t-elle.
Alnor la retrouve en ressortant d'une faille. Il l'observe avec attention son attitude, comme s'il attendait quelque chose de sa part.
« Elles sont où ?! » poursuit-elle.
Après un long moment à s'acharner, elle s'arrête, épuisée mentalement. Peut-être aurait-il fallu demander au Négociant. Aussitôt, elle contredit sa propre pensée. S'il avait su la lire, il aurait pu aller chercher le Kirioku au lieu de vendre cette carte maudite. Lui vient même l'idée qu'un ahuri aurait pu juste dessiner sur un morceau de parchemin pour faire croire qu'il est enfermé quelque part, alors qu'en réalité il serait bien caché chez les Shirenais. Tant de choses du même gabarit se bousculent dans son esprit.
« Je ne le trouverai jamais !... J'ai fait tout ça... Pour rien ! Tout ! Pour rien ! Putain ! Merde ! » hurle-t-elle avec de légers sanglots.
Sa fureur et son désespoir donnent naissance à une puissante onde d'énergie soufflant toute végétation sur son passage, arrachant même quelques branches. Alnor en attrape même quelques frissons. Sans qu'elle ne s'en rende compte, apparaît brièvement sur le haut de sa poitrine un symbole en forme de lotus.
« Je me suis ruinée pour un chiffon incompréhensible ! »
A nouveau, les expressions « Bonne à rien », « Incompétente » et « Ratée » reviennent la hanter. Elle est à deux doigts de déchaîner toute l'énergie accumulée depuis tout ce temps. Maintenant, il en est convaincu. Voilà la proie idéale. Il n'y a qu'une chose qu'il aimerait savoir à son sujet : qu'est-ce qui la motive tant à mettre la main sur le Kirioku ? Pour espérer y répondre, Alnor sort un autre parchemin totalement vierge de sa poche gauche et commence à dessiner. En réalité, il reproduit une sorte d'étoiles à quatre branches représentant chacune un point cardinal et un élément. A l'Est, l'eau. Au Nord, la foudre. A l'Ouest, la Terre et enfin, au Sud, le feu. Un arc de cercle lie le Nord et l'Ouest, un second arc de cercle pour lier les deux derniers. Tout ceci matérialise un conflit élémentaire qui symbolise l'affaiblissement. Puis, une droite directe entre le Nord et le Sud, une seconde droite entre les deux derniers éléments, comme pour faire comprendre que ceux qui se ressemblent s'assemblent. Ce qui symbolise le renforcement. Tout l'ensemble vise à retranscrire une neutralisation. Après avoir déduit tout ça un petit instant une fois le dessin terminé, Alnor réfléchit. Pourquoi le Conseil n'agit pas directement contre lui au lieu d'envoyer des incompétents ? Ils savent ce qu'il veut. Quelque chose cloche. N'ayant point de plan de secours pour le moment, tout ce qu'il peut faire est d'observer Fraya, espérant de tout cœur qu'elle le découvrira.