Le trio est toujours en train de courir, guidé par le flair aiguisé de Rajik. La description que ce dernier a fourni est bien ancrée dans l'esprit de Yoru. De la poussière violette ? Ce qui l'alerte plus particulièrement c'est l'insistance qu'il exprime vis-à-vis d'un danger qu'il sent imminent. La rareté de ce comportement a déjà fait ses preuves par le passé. Le Zigrik ne peut qu'y avoir confiance.
Soudain, Rajik s'arrête. Ce qui alerte ses amis. Yoru ouvre son grimoire et Rai dégaine son katana.
« Vite, repère l'intrus avant qu'il n'attaque. » somme poliment l'aquamancien.
« Toi attendre. Moi chercher. »
Ils s'approchent discrètement. Rai et Yoru suivent Rajik, prêts à bondir. Contre toute attente, Tencubo apparaît subitement. Le manieur de foudre et le spécialiste de la glace sursautent.
« Vous m'avez fait peur ! Qu'est-ce que vous faîtes ici ? » lui demande son camarade de foudre.
« Je vous retrouve enfin ! Comment ça va ? Ça fait déjà un petit moment qu'on ne s'est pas vu. »
« En pleine forme ! » affirme Rajik.
« Qu'est-ce qu'un Shirenai comme vous fait ici encore sans patrouille à ses services ? » demande l'aquamancien.
« Je suis en mission de reconnaissance. »
« En quoi consiste-t-elle ? » questionne Rai.
« Et bien... Je ne sais pas si je peux vraiment en parler... C'est une mission importante… »
« Tu as appris quelque chose sur moi ? » enchaîne son camarade.
Le mercenaire n'ose pas répondre. Cela attise la curiosité de Yoru, se permettant de lacher un bref regard vers son ami adepte du katana. Va-t-on enfin connaître la vérité ? Rai n'en peut plus d'attendre. En témoignent ses poings serrés. Le pyromancien le regarde un instant, comme s'il cherchait le moindre geste qui pourrait le trahir..
« Bon écoute… Je ne suis pas sensé te donner ces informations, vu la teneur de leur confidentialité. Mais vu la tournure des évènements, j'aimerais que tu viennes avec moi pour cette reconnaissance car si jamais ça tourne mal, je pourrais compter sur toi. »
« Je ne refuserai jamais d'aider un collègue. Où doit-on aller ? »
« Moi venir aussi car ça sentir bagarre ! »
« Vous allez rire... En fait je me suis perdu ! »
Un silence, ponctué par l'incompréhension de Rajik, la naïveté de Rai et la stupéfaction de Yoru.
« Vous voulez que je vous aide ? » s'avance ce dernier.
« Je voudrais bien... Mais... Disons que... A vrai dire, ce n'est pas réellement la mission qui m'a été assignée. Pour tout vous expliquer, je me suis incrusté dedans sans l'avis du Conseil. J'ai des soupçons sur l'endroit où l'un des criminels les plus recherchés de Faironne pourrait se trouver, ainsi que sur ses sombres projets. Je crains que la stabilité de notre monde soit en danger. L'année dernière, l'une de nos recrues a décidé de changer de camp et s'est permis de voler des écrits dans la salle des archives. Il est même allé jusqu'à voler un Obujepawa interdit. L'un de nos mercenaires s'est fait laminé par son porteur. A de nombreuses reprises, nous avons senti des perturbations dans cette région. Une chaleur inhabituelle a été recensée. Elle prend de plus en plus d'ampleur. »leur avoue-t-il d'un ton plus grave.
« Savez-vous quel objet a été volé ? »
« Le bracelet d'Orzlon. »
Les trois amis réalisent alors que ce dernier leur a menti sur toute la ligne. Yoru se sent dépité de s'être fait rouler dans la farine, trop absorbé par la fascination qu'il vouait en contemplant ce terrifiant Obujepawa.
« Savez-vous quel élément il maîtrise ? » poursuit-il.
« Le feu. »
Ce détail confirme tout ce qu'avait ressenti le Zigrik lors de leur conversation avec le criminel. Son flux présentait des anomalies dans sa circulation. Tantôt, il paraissait tout à fait normal et régulier. Tantôt, il s'accélérait brusquement. Ça ne peut pas être qu'une simple coïncidence. Le bracelet d'Orzlon doit agir directement sur l'élément natif de son porteur.
« J'ai beau être doué dans mon domaine. Je ne crois pas pouvoir réussir ça tout seul. » avoue le jeune gradé.
« Si promesse d'une castagne, moi être intéressé ! »
« S'il tente de menacer notre monde, alors je me sens concerné ! » s'avance fièrement Rai.
« Autre chose. J'ai surpris une conversation entre les conseillers. Ils soupçonnent que quelqu'un a tenté de casser la barrière élémentaire d'un des lieux les plus importants de la région: Safaitera. »
« Ce lieu légendaire ? Personne n'a prouvé son existence ! » s'étonne Yoru.
« Et pourtant si. Je peux le jurer sur Faironne entière.Cet ancien temple qui abritait un peuple plus vieux que le mien un artefact craint par nous, extrêmement puissant et nuisible. Il s'agit... Du Kirioku. »
Cette annonce agit comme un coup de massue pour le Zigrik du trio. Quand à Rajik, il ignore pourquoi mais ce mot lui semble familier.
« Pourquoi l'ont-ils laissé dans un endroit comme celui-là ? Ils ne pouvaient pas le mettre en sécurité en le gardant à l'œil des Shirenais ? Cela aurait été plus logique ! » s'indigne-t-il.
« Qu'a-t-il de si particulier pour que les nôtres le craignent autant ? » interroge Rai.
« C'est une bague. A l'intérieur, se trouve une énergie extrêmement nocive, de couleur noire. Son origine n'est pas mentionnée, d'après ce que j'ai pu débusquer discrètement dans les archives du Conseil. Aucune référence non plus sur ses propriétés. La seule chose qui est précisée la concernant est de ne pas s'en approcher si nous possédons un élément. Concernant sa naissance, il y a plus de deux cents ans, un peuple inconnu, ne contrôlant pas les éléments, a pu sceller cette mystérieuse énergie dans cette bague et installé, avec la complicité du grand Densetsu, une barrière élémentaire. Depuis, elle repose à Safaitera. Par chez moi, on nous narre encore et toujours la légende du Kirioku. A part ceux qui se sont séparés de Kigen et les membres du Conseil, personne ne connaît son emplacement exact. »
« Alors comment celui qui porte ce bracelet peut-il être au courant de tout ça ? » soulève Rai.
« Il a raison. Ça n'a aucun sens ! A moins que des informations aient fuité. »
« Impossible je vous l'assure. »
Lassé de les entendre papoter encore et encore, avec une envie irrépressible d'action, Rajik se met à l'écart.
« D'après les archives relatives à la vie des recrues, Alnor était le fils d'un fournisseur d'arcanes spécialisé dans les renforcements pour les armes élémentaires. Une pointe dans son domaine. Malheureusement, lorsque nous avons su comment il procédait pour les créer, il fut arrêté et exécuté. Lorsque nous avons saisis ses biens, nous avons pu nous rendre compte qu'il possédait aussi quelques archives inscrits dans une langue inconnue. Alnor était encore très jeune à l'époque. Le Conseil a du juger bon de l'enrôler. »
« Il a dû tomber sur une archive relatif au Kirioku, sinon je ne vois pas comment il aurait pu obtenir cette information. Surtout qu'il a en sa possession le bracelet d'Orzlon. Un Obujepawa qui était présent dans Kigen. »
« J'aimerais savoir où se trouve Safaitera, Rai m'a dit que tu pourrais nous aider. »
« Après autant de circonstances, il est naturel que je vous vienne en aide. Mon grimoire doit certainement en faire allusion. »
Le mercenaire observe les symboles situés sur la couverture du grimoire pendant que son propriétaire recherche. Rai le remarque.
« Qu'il y a-t-il ? »
« Euh... Rien rien. J'admirai simplement les ornements présents sur ce livre. »
« Vous les trouvez magnifiques ? »
« Oui. »
Yoru, peu habitué à recevoir de genre de compliments, surtout provenant d'un Shirenai, semble un peu gêné par la flatterie de Tencubo. A cause de ça, il arrête sa recherche. Un échange de regards entre eux l'aide à se ressaisir et reprendre là où il en était. Rajik s'ennuie à mourir, hésitant même à taper les quelques rochers présents dans les alentours. Quelques secondes plus tard, un geste délivré par le gradé incite Rai à le suivre pour parler en privé, ne voulant pas déranger la concentration du Zigrik.
« Tu as quelque chose d'important à me dire ? » demande le manieur de foudre, une fois que lui et son camarade soient à bonne distance.
« C'est à propos de toi. »
« Je t'écoute. »
« Lorsque je suis retourné à Kigen, je me suis permis, encore une fois sans préavis, de consulter d'anciens rapports de missions, vu que tu es apparemment l'un des nôtres, j'ai d'abord pensé que tu devais apparaître dans la liste des Shirenais en service dont le lieu de naissance se trouvait être le Continent central. Ne connaissant pas ton identité, j'ai éliminé tous ceux dont l'élément d'attaque n'était pas la foudre. Malheureusement, je n'ai trouvé personne correspondant à ton profil. J'ai demandé au gardien des lieux si, par hasard, il y avait une erreur. Il m'a confirmé que non. Cependant, il m'a conseillé de regarder dans les registres élémentaires. J'ai fouillé et, encore une fois, je n'ai trouvé aucune trace de ton passage. Puis, je suis tombé sur une affiche. »
La tête que tire le mercenaire juste après sa longue explication en dit plutôt long. Il se passe un silence de dix secondes, rythmé par un autre jeu de regards sans équivoque, avant que Rai n'enchaîne.
« Qu'est-ce qui était écrit ? »
« Je ne sais pas si je peux vraiment te le dire. »
« J'ai besoin de le savoir ! Dis-moi qui je suis ! »
N'ayant plus rien à rajouter, Rai prend le papier en question que le pyromancien lui tend et le lit à haute voix. Au fur et à mesure qu'il prononce ce qui est inscrit, la stupéfaction gagne progressivement toutes les lignes de son visage.
« Avis à tous les Shirenais en activité. Nous cherchons ce Shirenai pour l'infraction suivante envers le Code. Suspecté de désertion de premier degré, de meurtre sur collègue en exercice et de collaboration étroite avec un autre déserteur converti en Enijiakku. Élément : Foudre. Si jamais vous le repérez, veuillez le neutraliser pour le ramener au Conseil. La sentence sera prononcée le lendemain. Merci de votre attention. »
Tout de suite, lui reviennent en mémoire les affirmations d'Alnor avant qu'il n'embarque Fraya avec lui, son premier combat avec Endalia et les propos tenus par la femme qu'il menaçait de mort à coups d'éclairs lorsqu'il la chassait avec le porteur du bracelet d'Orzlon. Tous avaient raison ! Le souvenir récemment réintégré dans son esprit ne fait qu'appuyer tout l'argumentaire. Sur le moment, le cœur serré, il ne peut pas y croire. Et pourtant, tout ceci n'est que la pure vérité. Doit-il donner crédit au changement brutal de comportement de Yoru ? Il se sent accablé d'une culpabilité extrême. Sans le savoir, de par sa simple présence, il mettait ses compagnons de voyage en danger. Chose qu'il ne peut supporter.
« Écoute moi. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai le sentiment que ce n'est pas toi. » lui souligne Tencubo.
Il le regarde, étonné par ce qu'il vient de dire. Même après tout ça ? Comment fait-il pour ne le mettre sous les verrous ? Est-ce sincère ou une preuve indéniable d'une naïveté extrême ?
« En tout cas, c'est l'impression que j'ai eu en te voyant l'autre jour... Cela reste suspect mais... Si j'ai plus d'éléments je te le ferai savoir. D'accord ? Je n'en parlerai pas aux autres. Tu peux me faire confiance. Après tout, nous sommes des collègues, non ? »
Abasourdi par ce qu'il vient d'apprendre, et face à cette prise de partie inattendue, Rai ne sait plus quoi dire.
« Peut-être que c'est faux ! On n'en sait rien ! Je vérifierai. Tu sais, j'ai croisé un beau spécimen d'idiotie et de fierté sur pattes là-bas. Je croyais au départ que c'était juste pour plaisanter mais non. Alors, la probabilité que certaines personnes puissant sciemment nuire à d'autres n'est pas à écarter. Autre possibilité à laquelle j'ai pensé aussi c'est qu'un Enijiakku ait pu se fasse passer pour toi grâce à ses pouvoirs. Dans notre monde, il y a tant de possibilités. »
Malgré les arguments de maigre envergure comparés à la preuve manuscrite irréfutable présente sous sous nez, l'amnésique ne sent pas du tout rassuré. Le malaise évident qu'il perçoit dans sa posture insiste le Shirenai de feu à lui mettre une tape à l'épaule, en signe de camaraderie pure.
« Ne t'en fais pas. Je suis là pour tirer les choses au clair. Je suis intimement convaincu qu'on ne puisse pas faire confiance à qui que ce soit lorsqu'on débarque là-bas, même à la hiérarchie sensée respecter et nous rappeler régulièrement nos devoirs en tant que défenseurs de Faironne. Je m'étais proposé, dès mon arrivée, de m'impliquer dans l'affaire Alnor, vu sa gravité. Au lieu d'accepter ma démarche, ils m'ont volontairement écarté et placardé sur une autre mission. Donc, tu n'as pas à t'inquiéter. »
« Je... Je te remercie. L'autre jour, mon ami Rajik et moi sommes allés une fois dans Kigen à cause d'une l'embuscade qu'on nous avait tendu et... En nous promenant, j'ai vu un grand Shirenai en pierre, magnifique d'ailleurs. Il était si imposant. Ce que je veux savoir à son sujet c'est de comprendre si c'est juste une statue comme ça pour nous tous représenter ou elle est dédiée à quelqu'un de particulier ? »
« Oui. Le vénérable Densetsu. L'un des deux fondateurs de Kigen. Le créateur de notre Code. Tout ce que nous sommes aujourd'hui, nous le lui devons. »
Cette déclaration impressionne le Shirenai sous pseudonyme. Si cet homme a permis tant de choses par le passé, et qu'une aussi belle statue lui soit consacrer, c'est qu'il devait être capable de fédérer tout un peuple. Même s'il ne s'en souvient pas, il se dit que, tous les enseignements qu'il a du recevoir jeune proviennent sans doute de lui. Et lorsqu'il voit le résultat vivant qu'incarne Tencubo, son respect envers ce Densetsu en ressort renforcé. Désormais prêt à suivre ses pas.
« Allons rejoindre Yoru. Peut-être que sa recherche fut fructueuse pendant que nous parlions. » propose-t-il, l'allure plus droite en engageant la marche.
Tencubo ne peut pas passer à côté du changement opéré chez son collègue. La sincérité transpirante de ce sabreur ne peut pas être une farce. Tous les deux reviennent vers le Zigrik, tout en croisant Rajik entre temps.
« Toi aller bien ? »
Aucune réponse en retour, juste un regard plein de confiance et d'assurance. Cela lui suffit amplement à le motiver de le suivre dans ses aventures. Une odeur de bagarre en arrière-plan. Un hochement de tête plutôt positif de la part du pyromancien en rajoute une couche.
« Alors du nouveau ? » demande Rai, une fois le quatuor réuni.
« Oui. Les informations que nous a données notre invité de marque sont exactes. Safaitera abrite bien le Kirioku. Je confirme sa dangerosité. D'après les notes de mon maître, il abriterait, à l'intérieur de la pierre noire présente en son centre, une énergie qui a failli détruire l'équilibre élémentaire. Cependant, aucune information sur ses propriétés exactes. Quoiqu'il en soit, il faut empêcher quiconque de le mettre à son doigt sinon la personne la libérera sur le champ ! »
« Où doit-on aller alors ? Nous n'avons plus de temps à perdre ! » s'empresse le manieur de foudre.
« Les ruines se trouveraient au Nord Est, pas très loin de notre position actuelle. »
« Parfait, nous allons enfin pouvoir coincer ce scélérat ! Nous ferons mieux que ces empotés de conseillers. Ils ont refusé que je prenne part à l'affaire Alnor. Vue la menace qui se profile, mon devoir de Shirenai m'oblige à agir. Peu importe les conséquences que je subirai, je suis prêt à défendre Faironne coûte que coûte ! Nous allons mettre la main sur ce criminel ! » enchaîne Tencubo.
Son discours plein d'entrain motive encore plus Rai et Rajik, pour les raisons qui leur sont propres. Yoru pense mettre le doigt sur une explication justifiant le caractère solitaire des actions menées par ce Shirenai de feu. Qu'ont-ils pu se dire, pendant son activité passionnante de traque aux indices, pour qu'autant d'énergie soit déployée dans leurs propos ?
« Dans ce cas, je me dois de vous avertir que le criminel que vous recherchez a, sans doute, réuni des renforts. Il a notamment emmené la femme qui nous avait libérés de l'invocatrice. Il faudra être très prudent si ça se confirme. Elle a réussi à nous mettre en mauvaise posture. Elle est très rapide et puissante. » tient à souligner l'aquamancien.
« Moi confirmer ! Elle être trop forte ! Poings à elle avoir réussi à me faire peur ! Mais, quand moi vous voir, moi avoir envie de prendre ma revanche ! Castagne ! » crie Rajik, en se tapant le poing sur la main opposée.
Bien décidé à tenir sa parole, ce dernier commence à partir.
« Euh Rajik… Safaitera. C'est par là. » rectifie son ami de longue date en désignant la direction opposée.
« Ah ?… Castagne ! »
Rajik et Tencubo entament la marche, suivis à quelques mètres de Yoru et Rai.
« Moi content ! »
« Ça se voit que tu aimes te battre. » souligne le pyromancien.
« Baston philosophie à moi. »
« Sais-tu ce que ce mot veut dire au moins ? »
« Yoru avoir expliqué à moi. Moi pas comprendre mais comme moi aimer ce mot. Moi l'utiliser quand même. »
« Pour avoir de la baston comme tu dis, quelque chose me souffle à l'oreille que tu vas en avoir. Cet Alnor a réussi à défaire l'un de mes collègues mercenaires, tout de même. Tu as tout intérêt à être prudent. »
« Si lui être fort, alors moi vouloir le combattre ! »
« Tu n'as pas peur ? »
« Peur ? Non ! Moi être excité ! »
Le mercenaire continue de regarder Rajik. Est-ce de l'insouciance ? Une trop grande confiance en lui-même ? Ou un esprit de persévérance inflexible ? Quoique ça puisse être, ce qui est indéniable, c'est que ce petit en veut ! S'il avait la chance d'abriter un élément en lui, il ferait un bon Shirenai !
Pendant ce temps, du côté des deux autres, Rai semble être perdu dans ses pensées, obsédé dans la recherche de la cause de son amnésie. Serait-ce un coup tordu d'Alnor ? Largement possible. L'échange qu'il a entretenu avec lui le hante.
« Tu es en train de postuler pour un peuple qui a massacré, réprimé et asservi un autre par jalousie et par orgueil. » entend-il de sa part.
Les Shirenais cacheraient-ils délibérément certaines choses ? Si oui, dans quel but ?Et surtoutlesquelles ? Est-ce que lui-même en ferait partie ? D'après ce qu'a avoué Tencubo, tout n'est pas blanc comme de la neige à Kigen. Y aurait-il un complot quelconque, impliquant le Kirioku dans le processus ? Et le cas Fraya ? En quoi est-il impliqué avec elle ? Voulait-il la tuer ? Si oui, peut-être qu'Alnor, s'apercevant qu'il n'allait pas le faire, s'en aurait pris à lui ! L'idée même qu'il serait probablement l'être qui aurait poussé cet homme à vouloir s'emparer du Kirioku transperce son esprit. Toutes ces questions torturent tellement sa psyché que Yoru observe une accélération de son flux. Serait-ce dû à l'excitation prodiguée par le discours de Tencubo ? L'expression présente sur le visage du sabreur vient contredire cette théorie : la peur. Ce sentiment, malheureusement, il ne le connaît que trop bien, ainsi que les conséquences qu'il peut avoir sur nos actions. Vu l'horizon qui se profile, il doit absolument remonter à sa source, sinon il pourrait vite perdre le contrôle de la situation.
« Quelque chose ne va pas Rai ? Tu n'as pas l'air motivé ? Combattre auprès d'un Shirenai gradé comme lui est un grand honneur ! Surtout pour un Enijiakku comme moi ! »
Aucune réponse de la part de son interlocuteur. C'est alors que le Zigrik se souvient du sujet de leur dispute. Vu comment il s'est comporté, il a du adopté le même raisonnement et, du coup, se terré dans ce mutisme.A court de solutions rationnelles, les propos que lui avait tenu son mentor un jour viennent y apporter un début de réponse.
« Yoru, le vie n'est pas constituée que de choses concrètes, perceptibles et explicables de manière factuelle. Il y a aussi ce qu'on appelle l'abstrait, l'invisible, le complexe. Les relations entre nous en font partie. Suivant sa propre vie, une personne te sera plus ouverte ou non. Il ne faut pas renier ça. Analyse-le aussi. Même si, actuellement pour toi, tout ceci est dérisoire, l'abstrait est tout aussi important que le concret. Tu l'expérimenteras au cours du temps. » lui dictait-il.
Il ne peut que lui donner raison sur ce coup. Après un long moment d'hésitation où tous les deux n'osent pas croiser le regard de l'autre, sous ces conseils, Yoru se lance.
« Tu es tracassé par quelque chose te concernant ? Si tu veux en parler, je suis là. »
« Ça va aller Yoru. Merci quand même pour ton soutien. » répond directement son interlocuteur, malgré la légère surprise.
Cette réponse, quoiqu'un un peu délivrée sèchement, ne déroute pas le Zigrik. Ce qui compte c'est d'avoir établi le contact.
« Ce qui nous attend ne sera certainement pas une mince affaire. Nous devrons être vigilants. Nous allons savoir dans peu de temps si nos entraînements ont été utiles. » souligne-t-il.
Le Shirenai jette un regard bref sur son fourreau.
« Je serai prêt le moment venu. »
« On a tous nos soucis, mais c'est en faisant face qu'à force ils n'en deviennent plus. Continues comme ça et tu n'échoueras pas. » ose tout de même ajouter le Zigrik malgré les circonstances passées.
Sur le moment, Rai se demande si son ami ne serait pas atteint d'une forme d'amnésie pour lui avoir formulé ça. En effet, sa nouvelle attitude a de quoi perturber. Qu'est-ce qu'il a en tête ? Tenterait-il une approche différente car il suspecterait quelque chose chez lui ? En tout cas, sa gestuelle dénote une certaine forme de sincérité qu'il ne peut négliger. Qualifiant son geste louable, il ne préfère pas remettre le sujet sur la table.
« Grâce aux techniques que tu as retrouvé et à la puissance que tu as en toi, je ne vois pas ce qui pourrait mal aller. Tu dois avoir confiance en elle. Même si nous ignorons jusqu'où est capable le bracelet d'Orzlon, à quatre, nous devrions pouvoir faire quelque chose, surtout en compagnie d'un mercenaire. Nous savons à quel point ils sont puissants. »
« Tu as totalement raison. Je dois m'en faire un peu trop. »
« Il faudra aussi se méfier de cette Fraya si nous la croisons. Elle est très similaire à Rajik sur de nombreux points. Mais, cette fois-ci, nous savons de quoi elle est capable. Nous sommes plus amenés à pouvoir nous défendre. »
« Que vous faire ? Vous être lents ! Baston pas attendre ! » s'indigne Rajik.
« Oui Rajik, on arrive ! » répond Rai.
« Tu sais, parfois, j'ai beau dire que Rajik est une brute, bête et inconscient. Mais, ce qui fait sa force, c'est sa volonté et sa détermination. Et ça, je ne pourrais jamais lui reprocher. Même s'il a trop tendance à se comporter comme un gouffre à nourriture. Après, si c'est dû à tout ce qu'il consomme en énergie, il y a peut-être une corrélation. »
« Tout à fait. Faut bien qu'il soit rassasié pour être prêt pour le combat. »
Rajik, grâce à son ouïe plus sensible que la normale, sourit qu'on parle enfin de lui, certes, mais aussi parce que le dialogue semble être rétabli entre ses deux amis. Il ne supporterait pas qu'ils les perdent. La bagarre qui s'annonce l'excite au plus haut point. Tellement envie d'en découdre avec celle qui partage les mêmes coups que lui. Sa stratégie, si c'en est une, consisterait à imiter ses mouvements, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il n'a pas réussi à les mémoriser. Peu importe. Elle l'a pris de haut. Il est temps de lui rendre la pareille. Quand à Tencubo, il repense au lien qui unit le trio. Chose qu'il admire beaucoup. Une telle cohésion est un exemple à suivre. Fort de ceci, il croit qu'ils ont tous leur chance pour ruiner les plans d'Alnor. Pendant ce temps, Endalia et Arito sont arrivés à Safaiatera, depuis des directions opposées, et ne peuvent remarquer, pour le moment, la présence de l'autre.
« C'est bien ça ? Que c'est moche ! »se plaint l'invocatrice.
Honoré de se trouver face à à un tel endroit, le tireur de cartes s'empresse d'essayer de rentrer. Malheureusement, comme avec l'ouvreur de failles, il est repoussé. Un peu frustré par ça, il retente sa chance en posant quatre cartes au sol, sensées contenir chacune d'elles un élément différent. Alors qu'il allait utiliser un sceau de son répertoire, la barrière qui protège les ruines de toute intrusion les déchire en mille morceaux. Le Kirioku attend la bonne personne, très cher. Alnor, bien planqué, a observé cette maigre tentative. Limite, il en rigolerait. Mais le moment n'est pas à la plaisanterie.