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Chapter 14 - Arc 1 - Épisode 14 : Le Négociant.

Le jour suivant sa confrontation avec l'un des plus puissants mercenaires, Fraya arrive devant un autre village qui serait, selon elle, la dernière étape de son périple, le point final de tout ce qu'elle a pu traverser. En regardant ses mains, une haine profonde s'empare de son esprit, provenant d'un de ses souvenirs. Les expressions suivantes, sans doute prononcées par un mentor ou une figure paternelle, tournant en boucle : bonne à rien, incompétente, fainéante, abrutie. Seule en pleine nuit, au milieu d'un jardin aux inspirations nippones, lui-même entouré d'un cloitre plutôt orientée à mi-chemin entre l'architecture romaine avec ses colonnes et l'architecture médiévale avec ses compositions concaves, portant le même accoutrement que lorsqu'elle étudiait dans cette étrange bibliothèque, lui- même complété par une sorte de kimono, elle s'exerçait dans la répétition frénétique de mouvements martiaux.

« Je vais y arriver ! Vous verrez ! » affirme-t-elle vigoureusement, sans prendre conscience qu'elle puisse alerter qui que ce soit, trop aveuglée par une hargne indéfectible.

Ainsi, elle réitère les mêmes coups effectués lorsqu'elle prononcera « Kamer Ki » ou « Zéréyon » devant ses futurs adversaires. Sans grand succès.Soudain, elle entend des pas se rapprocher d'elle grâce à l'écho de ces derniers projeté par les couloirs qui bordent l'espace dans lequel elle se trouve. Aussitôt, elle prend la fuite, de peur qu'une certaine personne la découvre ainsi, sortie sans permission. Une fois ce souvenir terminé, Fraya regarde alors sa main droite.

« Bon, faut pas que je craque maintenant, je suis si prête du but. J'ai la capacité de faire face à n'importe qui. » avoue-t-elle à voix haute, après s'être légèrement giflée les joues, histoire de reprendre du poil de la bête.

D'un pas déterminé, elle commence à avancer dans le village. La raison de sa venue est claire. Peu avant son combat contre le géomancien, un homme lui a dit que la personne qu'elle cherche se trouverait ici aujourd'hui. Ce serait le genre de personnes à marchander entre deux verres dans les auberges. Des lieux comme ça, il n'y en a pas trente six mille! Ainsi, elle progresse jusqu'à tomber près de l'entrée de l'une d'elles. Un homme, portant un écusson en forme de vague identique à celui croisé par Alnor auparavant, semble garder l'entrée, preuve ultime que la personne qu'elle cherche est bien là. Tout à coup, elle voit Rai, Rajik et Yoru en sortir. Qu'est-ce qu'il fout là lui, toujours accompagné par ces deux loustiques ? Trop proche du but, elle attend qu'ils s'en aillent. Après tout, le rendez-vous d'aujourd'hui est beaucoup trop important pour de nouveau attirer leur attention.

« Moi avoir bien mangé ! Plats de l'auberge être délicieux. »

« Tu aimes les restes à ce point ? »

« Restes être la partie la plus nourricière. »

« Au moins, vu comment tu t'es empiffré, nous allons être tranquilles pendant un moment. Rai, t'es-tu régalé ? »

« Ah oui à merveille. Je pense que j'y retournerai un jour si nous repassons par ici. »

« Oh tu sais... Pas avant un bon moment. Un long voyage nous attend encore. »

« Long voyage être bon pour goûter à d'autres bons plats. Moi avoir hâte d'y goûter ! »

« Bon. Je pense que plus rien ne nous retient par ici. Nous pouvons partir. Restons sur nos gardes au cas où une autre patrouille serait dans les environs. Dès que nous serons dans un lieu plus approprié, nous entamerons un autre entraînement, en espérant que d'autres souvenirs te parviennent. » propose l'Enijiakku.

« Je te remercie. Retenez-moi si vous sentez que je vais trop loin. »

« Pour ça, toi pouvoir compter sur moi! »

L'aquamancien de la bande fouille pendant un petit moment dans sa besace. Le remarquant, Rajik s'éclipse discrètement, comme s'il savait ce qui allait se produire.

« Oh non ! »

« Qu'est-ce qu'il y a ? » demande Rai.

« Je n'ai plus de fairos ! Nous avons liquidé nos dernières économies... A cause de qui encore ?! » vocifère-t-il en se tournant vers Rajik.

« Comment pourrait-on en avoir ? »

« A moins de trouver un travail ou de rendre des services, je ne vois pas. Hors de question que je me sers de mon héritage pour autrui, ça irait contre mes ambitions. »

« C'est fort dommage. Avec le recul, je me dis qu'on ne devrait pas utiliser nos pouvoirs uniquement pour se battre ou imposer son autorité. Après tout, d'autres n'en ont pas. C'est injuste. »

« Ce que tu dis est fort louable, Rai. Cependant, je crois que tes confrères ne seront jamais de ton avis. »

« Tu m'avais dit aussi que tu m'expliquerais comment fonctionnent les formules qu'on utilise pour attaquer ou se défendre. »

« Ah oui, c'est vrai. Les mots que nous prononçons agissent comme des intermédiaires entre l'énergie en nous et notre objet ou arme permettant de matérialiser l'énergie. Des mots précis dans des ordres précis permettent d'obtenir l'attaque ou le sort que nous voulons utiliser. Afin que Faironne ne finisse sans dessus dessous, un dialecte, développé dans le Continent de l'Ouest, s'est propagé ici, donnant naissance à la langue que nous pratiquons maintenant. »

« Donc, si je dis une formule qui me permettrait de lancer un éclair alors que je voulais juste exécuter une accélération, ça ne fonctionnera pas. »

« Tu as tout compris. »

C'est alors que Rajik revient.

« Moi avoir trouvé ! »

Il leur tend quelques pièces.

« Tu as eu ça où ?! Tu as volé ?! Oh non non non... Rajik, pas bien ! »

« Quoi ? Pas bien ? Moi avoir rembourser, non ? »

Yoru est concerné par autant de bêtises. Rai y voit lui une façon de se racheter malgré la forme.

« Bon filons vite avant que la personne que tu as volée ne le remarque. »

Enfin, pour le plus grand bonheur de Fraya, ces derniers se décident à partir. Il était temps. Elle vient à la rencontre de l'homme à l'écusson.

« Excusez-moi. Vous êtes un éclaireur du Négociant ? Je suis une cliente. Puis-je entrer ? »

Sans un mot, il s'écarte. Elle entre alors dans l'auberge. Un autre associé, guidé par un signe émis par celui qui garde l'entrée, vient jusqu'à elle et l'amène à une table où une autre personne est installée. D'un simple geste, il l'invite à s'asseoir. Une fois en place, un petit moment de silence, sans que quiconque engage quoique ce soit.

« C'est vous le Négociant ? » demande-t-elle à voix basse.

« Exact. C'est pour quoi, étrangère ? »

« J'ai contacté l'un de vos fidèles. Je suis à la recherche d'une vieille carte indiquant Safaiatera. Est-ce que, par le plus grand des hasards, vous l'avez ? »

« Bien sûr. » répond-il directement.

« A combien la faîtes-vous ? »

« Pour une demande pareille... Objet d'exception et difficile d'accès... Je vous propose mille fairos. »

Le prix annoncé estomaque l'acheteuse, pourtant habituée à donner des coups de poings. Pendant ce temps, un inconnu, vêtu d'une longue cape épaisse, entre dans l'auberge et s'assoie à la table à côté de celle de l'affaire en cours. Les associés du Négociant présents dans la salle le remarquent du coin de l'œil. D'un simple échange de regards et de gestes discrets, le propriétaire de la carte comprend immédiatement qui vient de s'inviter sans autorisation.

« Vous êtes sûr qu'elle est vraie ? Ce n'est pas une arnaque ? » insiste Fraya.

« Non. Du tout. Le Négociant n'arnaque jamais ! Il négocie ! »

« Je propose cinq cents fairos. »

« Mille ou rien. C'est mon dernier prix. Si vous refusez, tant pis pour la carte. Je trouverai preneur tôt ou tard. » »

« Mais vous vous foutez de moi ! Ce sont mes dernières économies ! »

« Hé toi là ! Par ici ! » interpelle-t-il, ignorant totalement son acheteuse.

L'inconnu, de taille moyenne, habillé comme un ermite sous une lourde cape, se lève.

« Viens par là, Arito. »

Ce dernier arrive à la table du fameux et bien difficile revendeur après que Fraya s'en est écartée pour réfléchir.

« As-tu ce que je t'ai demandé ? »

« Effectivement, voici les arcanes de foudre que vous avez commandés. J'ai failli me faire choper la dernière fois. » lui affirme cet étrange individu avant de les lui montrer.

Le Négociant, consciencieux comme à son habitude lorsqu'il s'agit d'objets de ce type, les scrute sur tous les angles, un à un. Cet Arito commence à trouver le temps long pour une raison encore inexpliquée.

« Elles ont l'air de bonnes qualités. Je les prends. Ton prix ? »

« Deux mille fairos. » avance l'ermite.

« Quoi ? Tu veux me ruiner ? As-tu oublié qui est « le Négociant » ici ? C'est moi ! Mille cinq cents ! Ni plus ni moins. »

L'homme qu'ont en ligne de mire ses associés est en réalité Tencubo, venu respecter sa première mission comme convenu avec le Conseil. Sa cible est celui à la tête de tout ce trafic. Il remarque Arito. Le pauvre, il va se faire arnaquer. On y prêtant plus d'attention, il s'aperçoit que ce dernier dégage une chaleur bien étrange. Se pourrait-il qu'il soit un Enijiakku ?

« Mille fairos. »

« Mon cher négociant, ce sera mille deux cents. Pas moins. Je suis limité dans la livraison d'arcanes et, comme je suis le seul vendeur du coin, il sera difficile pour vous d'en trouver. Et puis, ce n'est pas pour me vanter mais, citez-moi quelqu'un d'autre capable de vous en fournir avec une telle qualité. Les autres ne sont que des incompétents ou des débiles. C'est à prendre ou à laisser. »

D'abord réticent à cette idée, les arguments avancés par le livreur lui donnent raison. Le prix est un peu trop haut mais il en vaut la peine. Il les lui faut avant que Kigen ne mette la main dessus.

« Va pour cette offre. »

Il lui donne la somme conclue et, en retour, Arito lui remet les arcanes.

« Fabriques-en moi d'autres. »

« J'accepte. Mais... Vous savez très ô combien leur création prend du temps. »

« Peu importe. Je suis ton client. Respecte ma demande. »

« Ce fut un réel plaisir de marchander avec vous. Je vous remercie et vous dis à bientôt pour une autre fournée si vous êtes encore intéressé d'ici là. »

« Ne te fais pas choper. C'est tout ce que j'exige à part la haute qualité de ta marchandise. Je connais les Shirenais mieux qui quiconque. Ne les sous-estime jamais. »

Fort de ces propos quelque peu surprenants pour quelqu'un qui a installé un tel réseau sous le nez de la hiérarchie suprême, l'individu à l'étrange chaleur s'en va en passant devant Tencubo, Lorsqu'il le frôle, il fait tomber sa bourse sans s'en rendre compte. Le nouveau mercenaire la ramasse et court le rattraper pour la lui rendre mais, en faisant cela, il dévoile son arme à la vue de tous.

« Hé ! Vous ! Attendez ! » s'exclame-t-il.

La nature du soldat solitaire bien visible, Arito s'étonne de ne pas l'avoir détecté auparavant. Serait-il à ses trousses depuis longtemps ? Suivant cette hypothèse, il s'enfuit.

« Hé ! Où allez-vous ? Attendez-moi ! »

Il court à sa poursuite. Le Négociant, rassuré que ce chien à la solde du Conseil s'en est allé, contemple sa nouvelle acquisition. Que compte-t-il en faire ? Fraya revient le voir.

« Alors ? Notre transaction ? Elle tient toujours ? Ou suis-je obligé de l'annuler ? Ne tardez pas trop. D'autres personnes seront intéressées si vous ne la prenez pas. C'est mille deux cents ou rien. Vous avez le libre arbitre. »

« Vous exagérez sur le prix ! Savez-vous ce que j'ai dû faire pour en arriver là ? Par chez moi, on ne connaît pas l'argent. Pour nous, c'est acheter la liberté de l'esprit. Quand je suis arrivée ici, j'ai bien compris à quel point tout était différent. Pour une étrangère comme moi, vous pouvez au moins faire un geste commercial ! »

« Personne ne vous a dit comment je fonctionne ? C'est ça ou rien. Vous vous croyez où ? Chez nous, personne ne fait ce qu'il veut. Personne n'a exactement ce qu'il veut, à part moi, évidemment. »

« Justement, comme votre nom le dit si bien, vous négociez, non ? »

« Que s'il y a compensation ! Hors vous n'avez rien à me proposer pour modifier l'offre. Je vous laisse encore quelques instants de réflexion. Ce délai passé, j'annulerais notre échange définitivement. Si cette carte représente une réelle valeur pour vous, c'est à vous de vous décider. »

Dos au mur, il est hors de question pour elle que, selon la logique du Négociant, comme compensation, elle n'aille jusqu'à céder l'étrange parchemin représentant un œil violet qu'elle possède, seule trace de sa vie passée. Pendant ce temps, Tencubo court toujours après le fournisseur d'arcanes.

« Arrêtez-vous ! »

Il n'y a plus aucun doute pour le poursuivi, ce maudit Shirenai le traquait. Il sait avec qui il commerce. Comme quoi, sa discrétion n'est que pure légende ! Hors de question pour lui que son fructueux marché ne s'effondre pour ça !

« Arrêtez-vous je vous en prie ! »

Comment a-t-il pu passé à travers son camouflage énergétique ? Le pauvre fournisseur se résigne à utiliser son Obujepawa. Il prie intérieurement Faironne qu'aujourd'hui il ne lui porte pas la poisse.Il met la main sur un étrange paquet de cartes et en tire une au hasard. Un sceau triangulaire y est présent. En le voyant, un grand sourire s'étire jusqu'à ses oreilles, signe évocateur qu'il a eu la carte capable de le sortir d'affaires. Il arrête de courir.

« Vous avez oublié votre […] »

« A la prochaine Shirenai ! »

Le sceau présent sur sa carte se met à briller.Le jeune collègue de Shipé ne comprend absolument rien à ce qu'il passe.

« Zifitan ! »

Arito disparaît d'un seul coup. Tencubo tente de le localiser mais sans succès. Cet homme était bel et bien un Enijiakku. Et si c'était lui le fameux Alnor dont parlait son collègue aquamancien? Bon, il n'aura pas celui-là mais au moins il reste le Négociant. Ainsi, il repart dans l'autre sens.

« Il a disparu ! C'était un Enijiakku ! Mince ! Et si c'était lui Alnor ?... Non non... Euh... Mince ! Le Négociant ! »

Pendant ce temps, dans l'auberge, Fraya se dit qu'après tout, qu'importe l'argent qu'elle a sur elle, si elle obtient cette carte, elle obtiendra par la même occasion ce qu'elle veut depuis qu'elle a débarqué dans le Continent Central.

« Alors ? Que décidez-vous ? » lui demande-t-il.

« Bon, c'est d'accord. »

« Très bon choix. »

Elle lui donne son dû.

« Cinq cents… Mille... Mille deux cents. Bien le compte est bon. Voilà votre carte comme convenu. Un objet exceptionnel ! Par contre, je n'ai jamais réussi à la décoder tout comme je n'ai jamais quel trésor elle indique. Alors, bonne chance! »

Il lui file alors la carte. Fraya l'inspecte avec énormément de minuties.

« Vous pouvez vérifier autant de fois que vous le souhaitez. Elle est parfaitement authentique. Par contre, secret professionnel oblige, je ne vous révélerai jamais comment je suis tombé dessus. Vous comprenez, je ne tiens pas à ce qu'un espion de Kigen vienne me gêner. Je suis pour le partage, moi. »

« Je l'espère bien sinon je reviendrai en personne vous donner une bonne correction. »

Les associés, alertés par cette menace, s'approchent d'elle, prêts à sortir leurs dagues. D'un geste, leur patron leur ordonne de ne rien faire. Il tend la main vers Fraya tout en souriant.

« Ravi d'avoir commercé avec vous mademoiselle. J'espère vous revoir pour une autre transaction toute aussi trépidante! »

Elle regarde la main qu'il lui tend. Après quelques secondes d'hésitation, elle la refuse et part sans dire un mot.

« Dommage... Décidément, je n'aurais jamais autant de charme que mon ami. Bon, assez traîné ici, il est temps pour nous de nous évaporer ! Cher aubergiste, merci pour votre accueil ! Conservez le secret du Négociant et il vous conservera ! »

Tous quittent les lieux à leur tour. Alors qu'elle marchait paisiblement vers la sortie du village, Alnor, planqué depuis tout temps, trop épuisé par ces voyages entre les dimensions, continue à l'observer et remarque la carte qu'elle a acheté. Une bonne nouvelle pour lui. De plus, il aperçoit toute la clique du Négociant partir dans une autre direction. La présence du mercenaire Tencubo aurait pu faire tout capoter. Mais heureusement, Faironne semble être de son côté, selon lui. Un léger sourire arbore son visage. Maintenant, il faut connaître le contenu de cette fameuse carte. Ainsi, il se met alors à la suivre, enthousiasme beaucoup plus prononcé. Tout est simplifié pour lui! Un peu plus tard, isolée au milieu de la forêt,

elle s'arrête et déplie son achat. L'ouvreur de failles fouille dans sa poche afin de mettre la main sur les sceaux qu'il a dupliqué. Après une petite recherche parmi eux, il tombe sur celui qu'il lui faut. Alors qu'elle commençait à peine à s'exercer au décryptage de la carte, un œil violet inversé, le même que celui que Rajik a pu voir, lui transperce l'esprit pendant une seconde.

« Dors ! » hurle Alnor.

Il lui impose violemment le parchemin sur son dos, l'assommant instantanément.

« Merci beaucoup pour ta collaboration si fortuite ! Comment un tel document a-t-il pu se trouver sur le marché comme ça ? En fait, depuis tout ce temps, n'importe quel non-affilié aurait pu mettre la main dessus ! Je suis un sacré chanceux ! »

Il saisit la carte et la lit pendant un moment.

« Elle indique bel et bien Safaiatera. Ces maudits Shirenais ont dû placer une barrière élémentaire pour brouiller son signal. Ainsi aucune personne ayant activé un élément ne peut la retrouver sans savoir où se trouve ce temple. Seul un être non-affilié ou une personne ayant le même élément que celui qui l'a activé peut défaire cette barrière et entrer à l'intérieur sans craindre quoique ce soit. J'aurais pu utiliser un Shirenai pour la désactiver mais... »

Le fameux Kirioku que lui et Fraya désirent tant est en réalité une bague sur laquelle est incrustée une obsidienne d'un noir profond, posée sur un autel au milieu des ruines.

« Pour réveiller l'énergie contenue dans l'artefact, d'après ce que j'ai lu dans les rapports, il ne faut en aucun cas que quelqu'un ayant un élément ne la mette. Ça le consumerait peu de temps après et l'énergie n'aurait pas d'hôte pour subsister. Et sans elle sous mon contrôle, je ne pourrais renverser le Conseil et détruire Kigen. »

En posant les yeux sur la pauvre Fraya, une idée saugrenue lui vient. Dans quel but était- elle venue la chercher ? Elle aussi en veut aux Shirenais pour une raison encore inconnue. Jamais elle ne le leur donnerait. Ça n'aurait aucun sens. Peu importe, les différents exploits dont elle est l'auteure suffisent à appuyer la thèse qu'elle serait une excellente briseuse de barrière. La méthode est toute trouvée : attendre qu'elle y entre et le tour sera joué. Il la lui rend en la plaçant délicatement dans le creux d'une de ses mains, en ayant pris soin de tout mémoriser. Le seul hic dans tout ça serait qu'elle ne sache pas la lire. Après tout, une autre alternative ? Non.

« Bonne chasse, future hôte du Kirioku. Ma future acquisition. Le nouveau souffle d'une vengeance qui doit être honorée. Tous les natifs élémentaires pourront exercer librement grâce à toi. Père aurait été fier de moi. Après toute cette aventure, mon rêve va devenir réalité. Prenez garde Shirenais... Dans peu de temps, vous allez payer pour votre crime. »

Il s'éloigne d'elle, le cœur rempli d'espoir et l'esprit imbibé de bonheur se met à rire légèrement.

« Ingosol. »

Il ouvre une faille. Juste avant de l'emprunter, une curiosité vient bousculer sa tranquillité. Comment une telle quantité d'énergie neutre a-t-elle pu être éveillée en cette femme ? D'après les rares dires de son paternel dont il se souvient, elle existe certes partout, que ce soit dans les êtres vivants ou non, mais en plus ou moins faibles quantités selon la taille ou ce que les êtres en question ont pu absorber. Existerait-il un groupe de personnes encore invisibles sur les radars de Kigen, capables de telles prouesses ? De toute manière, si ça se vérifie ou pas, devant les pouvoirs extraordinaires du Kirioku, aucune résistance n'est possible. En tout cas, cette femme constituera une offrande largement suffisante. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter.Une fois rassuré, il l'emprunte. La faille se referme presque immédiatement. Pendant ce temps, Fraya, toujours endormie, est plongée dans un souvenir.

« Comment ai-je pu crée une empotée pareille ? » se plaint en arrière-plan un homme à la voix plutôt mure

Celle dont il parle est évidemment la pauvre victime du sceau d'Alnor, jeune fille, coiffée d'une petite tresse tombant sur son épaule droite, dont le maquillage semble avoir été en partie effacée. L'une de ses joues présente une rousseur assez marquée, comme si elle venait de se faire frapper. Elle est en réalité allongée tête contre terre, paralysée de terreur.

« Faironne m'aurait maudit à ce point ? Non ! Je n'ose pas y croire ! Tout est de sa faute à celle-là ! Sa mère m'a bien dupé en prétendant que son corps était assez solide pour concevoir un héritier parfait. Menteuse ! Et maintenant, me voilà affublé d'un poids lourd à ma cheville ! Moi ! Portant l'ultime honneur pour un Kiyuza ! »

« Rien ne vous empêche de trouver une autre capable de vous apporter ce dont vous avez besoin. » conseille un autre homme, à la voix un peu plus jeune.

« Que viens-tu de dire ?! »

Elle entend celui qui lui a prodigué ce conseil quelque peu douteux se prendre un violent coup de poing, comme peuvent témoigner les cris d'agonie qui s'en suivent.

« Mon titre exige que je dois respecter certaines règles ! Ki-Ramen ne l'a jamais fait alors je ne dois jamais le faire ! C'est compris ?! La prochaine fois que tu oses proliférer ce genre de sornettes, je te tue !... Je me demande même si je ne devrais pas faire de même avec elle ! »

Ses propos d'une extrême violence suffisent à réveiller le pauvre pion du terrible Alnor , se relevant à moitié, une main sur le front.

« Ma tête... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je lisais ma carte et […] »

Elle se rend compte qu'elle a la carte dans l'autre main.

« Je me suis endormie ! Comment est-ce possible ?... J'ai cru voir quelque chose... »

Elle réfléchit pendant un instant mais impossible de remettre la main sur ce qu'elle a aperçu avant de se faire assommer brutalement. Peu importe, elle possède la solution ultime lui permettant de la conduire avec cet artefact. Ce souvenir, au lieu de la briser psychologiquement, la renforce. Motivée, elle s'en va tout en la lisant, omettant totalement quelconque danger pourrait survenir.