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Chapter 12 - Arc 1 - Épisode 12: La Ténacité Contre L'Acharnement.

Dans un autre village encore inexploré par le trio d'aventuriers, alors que ses habitants vaquaient paisiblement à leurs tâches quotidiennes, soudain, un nouveau détachement armé de Kigen, mené par Shipé, débarque en trombes. Il faut dire que le gradé, sa déculottée monumentale bien en tête, est à cran. S'il veut redorer son blason, il doit coûte que coûte mettre la main sur celui à l'origine de son déshonneur.

« Qu'est-ce qu'on fait ici chef ? » demande l'un des Shirenais.

« Arne n'est pas dans notre tournée aujourd'hui. » souligne un autre.

« Je m'en fous ! Je veux la tête de cet Alnor ! Rien à battre si je dois le ramener en vie au Conseil ! Il nous a dupé et humilié ! La seule sentence valable face à cet affront est la mort ! »

« En quel honneur d'admirables Shirenais comme vous viennent-ils faire dans notre village ? » engage un habitant.

« Nous vous accusons de complicité avec un criminel hautement recherché par le Conseil ! » poursuit le gradé.

Cette drôle de supposition sans fondement étonne l'homme issu du milieu rural. Même les subordonnés doutent de la véracité de cette déclaration ô combien imbibée de rage. Selon son auteur, sa cible est forcément dans les environs, vu la quantité d'énergie qu'il a déployé, jamais il n'aurait pu se réfugier plus loin. Le combat mené l'a forcément fatigué. Le village le plus proche du lieu où se déroula leur confrontation est celui-ci. Voilà les seuls arguments qui donnent un minima de sens à ce qui semble être aux yeux de ses frères d'armes qu'une simple envie de vengeance enragée.

« Veuillez-vous mettre en ligne ! Contrôle d'identité et fouille des demeures ! » ordonne-t-il.

« Mais enfin c'est insensé ! Nous avons prêté serment envers votre peuple et nous avons toujours respecté vos règles ! » leur affirme-t-il avec indignation un autre habitant.

« Un Enijiakku a été aperçu dans votre village il y a très peu de temps et nos informateurs sont formels ! Son signalement correspond à celui que nous recherchons. Il est encore parmi vous ! »

« Quels informateurs ? » demande l'un des patrouilleurs à voix basse.

« Tu l'ouvres encore une fois, et tu seras consigné aux corvées de nettoyage de notre corps armé, pigé ? » menace son supérieur.

« Montrez-nous votre mandat. » insiste l'indigné.

« En ligne ! » ordonne Shipé, aux bords de l'implosion.

Excédés par la crise de nerfs du représentant Kigen, les villageois savent malgré tout que toute désobéissance leur vaudra de lourdes sanctions. De nombreuses remontées issues d'autres bourgs parvinrent à leurs oreilles. Les Shirenais sont impitoyables lorsqu'il s'agit d'autorité. Combien de fois des restrictions alimentaires et financières leur ont été imposées. Certains habitants commencent même à ressentir une exaspération grandissante et une volonté ferme à ce que quelque chose vienne bouleverser l'ordre en place. Tout ceci devient de plus en plus insupportable. Mais ça, la hiérarchie suprême ne rien savoir, évidemment. Le mercenaire défile devant eux.

« Nous sommes les garants de la sécurité et de la paix dans tout Faironne. » leur déclare-t-il, le ton plus calme et solennel.

Il soulève un peu sa cape afin de permettre à tous de voir son arme.

« Nous sommes vos protecteurs. Ne l'oubliez pas. Nous faisons cela pour votre bien. Sans nous, vous êtes faibles. Qui d'autre que nous, les élus de Faironne, est capable de vous offrir une telle protection ? Personne! »

Devant ce discours vaniteux, bien respectueux du caractère de celui qui le proclame, quelques personnes dans le public finissent par craquer.

« Nous sommes honnêtes alors pourquoi vous nous contrôlez ?! » ose l'une d'elles.

« On peut le trouver votre ensorceleur et sans vous ! » ajoute une autre.

« Qu'insinuez-vous ? Que nous sommes des incapables ? Vous vous croyez plus malins que nous ?... Très bien... Patrouilleurs ! Fouillez leurs demeures et détruisez tout ce qui peut être suspect ! » ordonne l'aquamancien d'un ton ferme et froid.

« A vos ordres mercenaire Shipé ! » lui répondent ses subordonnés.

Ils se séparent, allant en direction des habitations.

« C'est une honte ! Vous n'avez pas le droit de vous incruster dans nos maisons ! C'est chez nous ! » continue de protester celui qui a revendiqué l'honnêteté des siens.

Excédé par la rébellion naissante, Shipé arrive devant lui et lui inflige un direct en plein ventre.

« Votre peuple a signé un contrat de protection. En échange de nos services, vous devez vous plier à nos règles et ne rien contredire sur nos actions aussi strictes soient elles. Alors... Je ne supporterai aucun écart de votre part !... Tenez moi celui-là ! »

Deux d'entre eux attrapent celui qui a osé parler au nom de tous.

« Vous avez tout intérêt à rester sous nos ailes, nous vous offrons protection et paix. A moins que vous ne voulez devenir des cobayes et servir de pâture à ces Enijiakkus de malheur ? Vous ignorez de quoi ils sont capables. Si votre souhait derrière votre mutinerie de tarés est d'être transformés en êtres informes, allez-y ! Continuez à nous trahir ! Nous vous aurions prévenu ! »

Ses menaces font taire la population locale. Bien qu'assez abracadabrantesque, son acquisition se trouve en partie confirmée. Alnor est en effet là, planqué le long d'un mur, indigné par tout ce qu'il a entendu. Alors que le villageois agrippé par les subalternes de Shipé se pensait fini, Fraya arrive devant le village et aperçoit la scène qui se déroule sous ses yeux. Que se passe-t-il ici ? Se demande-t-elle en tout premier lieu. Personne n'a remarqué sa présence, hormis Alnor. Le drôle d'accoutrement qu'elle porte l'intrigue. Vu la hargne du gradé, il pense qu'il pourrait la confondre avec une Zigrik. Aussitôt, il craint que ça dégénère plus vite que prévu, appuyé par le fait qu'il n'a pas assez récupéré. La coupable de l'amnésie de Rai remarque les armes des Shirenais.

« Votre insolence prouve que vous êtes en train de couvrir quelqu'un. Oui... C'est certain... Dîtes-moi où il est ! Où j'anéantirai vos maisons de merde ! » fulmine le mercenaire.

Malgré ça, il n'obtient rien de la part de ses otages. Fraya comprend maintenant ce qui est en train de se jouer sous ses yeux. Elle serre les poings. Alnor constate alors chez elle une chaleur de plus en plus intense, complètement différente de celles associées aux éléments maniés par les deux peuples spécialisés dans ce domaine. L'absence d'une quelconque arme ou Obujepawa l'interpelle encore plus. D'ailleurs, cela n'alerte pas les sens des différents membres de l'escouade, Shipé compris. Une fois la quantité désirée d'énergie atteinte, elle prend une posture.

« Zéréyon. » prononce-t-elle calmement.

Ainsi, grâce à une libération soudaine des forces qu'elle a concentré dans ses jambes, elle fonce à vive allure vers celui se pensant être l'émissaire idéal des valeurs de la hiérarchie qu'il admire.

« D'accord. C'est d'accord. J'vais tout vous dire ! En fait [...] » entame l'un des villageois.

Ce dernier n'a pas le temps de cracher le morceau qu'un patrouilleur sent l'approche de Fraya, connotée par un bruit de crépitements grandissant.

« Chef ! Quelqu'un vient par ici ! » indique-t-il paniqué.

Cependant, malgré cette alerte, la cible de l'homologue de Rajik n'a pas pu percevoir son flux que son assaillante est déjà arrivée à sa hauteur.

« Kamer Ki ! »

Elle lui inflige un direct chargé en ki, le propulsant plus loin. Le succès de son attaque impressionne le Zigrik observateur. Après cette vive manœuvre sortie de nulle part, les patrouilleurs se mettent en garde. Les otages, estomaqués qu'une inconnue vienne cogner le pouvoir en place, aimeraient savoir qui elle est.

« Agression envers un mercenaire. La punition va être sévère, inconnue ! » affirme l'un des épéistes encore en piste.

« Comment osez-vous vous en prendre à ces pauvres gens ?! Ils ne vous ont rien fait ! » vocifère-t-elle.

« Et toi ? Qui es-tu pour nous défier ? Une de leurs complices ? Tu vas regretter ton action envers notre chef ! » suggère un autre.

« Bien parlé ! » relève le concerné.

Avec le coup qu'il s'était pris, le peu d'habitants qui avaient cru à une victoire éclair de lar part de Fraya sont choqués. Shipé revient derrière sa patrouille.

« Encore une saleté d'Enijiakku qui vient se mêler de ce qui ne la regarde pas... Décidément, ils se reproduisent aussi vite que des lapins... Patrouilleurs, corrigez-moi celle-là. »

Les trois enclenchent leurs auras. Ce déchaînement de puissance, secouant les habitations de part en part, sensée effrayer leur opposante, échoue dans l'effet désiré. Alnor et Shipé essayent de décrypter son attitude, beaucoup trop calme à leur goût. Sans plus attendre, les épéistes foncent vers elle. Guidée par les avantages conférées par l'énergie qu'elle maîtrise, à mi-chemin entre ceux accaparés par les manieurs de feu et les manieurs d'eau, elle esquive aisément chacun d'eux grâce à des mouvements dignes des arts martiaux typés défensifs. Une nouvelle charge s'engage contre elle. S'attendant à ce que ses actions soient identiques, à la grande surprise de ses assaillants, leur cible change de posture, passant de la défensive à l'offensive. Elle met un uppercut et un coup de coude au premier, un tranchant droit dans le dos du deuxième, un crochet gauche et un kick au troisième. Une fois son enchaînement terminé, elle revient à sa position initiale. Les trois tombent de douleur au sol, ce qui a le don de frustrer leur chef. Malgré un décorticage méticuleux, Alnor même n'arrive pas à comprendre par quel miracle elle a pu les mettre à l'amende.

« Bande d'incapables ! Vous faire battre par une femme sans élément ! Quelle honte ! » s'insurge le mercenaire.

Piquée par cette remarque misogyne, elle se retourne vers lui.

« Qu'est-ce que tu insinues ?! » lui vocifère-t-elle.

Plus qu'une attaque verbale, cette diversion permet aux patrouilleurs de se relever.

« Tu devrais être plus attentive ma grande. » conseille de manière sarcastique le mercenaire.

Un des trois guerriers révèle son aura rouge. La chaleur dégagée réussit à provoquer des frissons à celle ne se servant que de son corps pour frapper.

« Majar Efasila ! » invoque-t-il.

Désireux d'attirer les faveurs de son supérieur et de redorer son blason, ce dernier fonce vers elle.

« Bétaram ! »

En guise de réponse, elle bloque son attaque en attrapant sa lame à deux mains, elles- mêmes imbibées par son énergie, lui permettant également d'être immunisée par le feu habillant l'arme blanche de son adversaire. D'ailleurs, en remarquant le phénomène en cours, le Shirenai n'y comprend rien. Est-elle affiliée à l'eau ? Profitant de son égarement, elle la relève légèrement.

« Balamyon Ki ! »

Elle fait expulser le ki en elle afin de créer une onde, repoussant ainsi son opposant. Les mots prononcés pour ses techniques ne manquent pas d'intriguer les deux seuls encore non engagés dans le combat en cours. Ils ne ressemblent en rien à toutes les formules connues d'eux. Désormais, il faut en finir avec cette imposture ! Motivés par ce but, les trois subordonnés coordonnent leurs auras. Ce n'est qu'à ce moment-là que Shipé remarque un flux gris circuler de plus en plus vite dans le corps de Fraya, chose qu'il n'avait jamais vu auparavant.

« Sibar Olonaél ! »

Un des deux patrouilleurs n'ayant pas encore manifesté son élément transforme sa lame en un torrent d'eau perpétuel. Seul le dernier semble ne rien faire hormis laisser son aura active. Ceux avec leurs énergies matérialisées les lient à la lame de leur collègue, combinant les éléments des deux autres. Encore une information que n'avait ni Fraya, ni Alnor. En analysant de plus près la chaleur distinctive qui en est émise, l'ouvreur de failles sent pertinemment qu'elle ne pourra survivre à ça. Après un bref instant, celui ayant reçu tout ce déferlement de puissance se dirige à vive allure vers elle. Sur son passage, les habitations les plus proches commencent à se fissurer. Pour une motivation encore inconnue, elle ne bronche pas, rassemblant toutes ses forces en elle. Au tout dernier moment, elle esquive son adversaire, tout en visant un point bien précis avec un poing.

« Péopar... » entame-t-elle.

Cette manœuvre parvient à bousculer émotionnellement le Shirenai expérimenté.

« Ki ! »

Elle relâche toute sa puissance sous la forme d'une grande onde de choc qu'elle produit en tapant le plexus solaire de son adversaire, propulsé loin hors du village. Essoufflée, elle essaye malgré tout de rester debout, la main tremblante de douleur. L'ancienne recrue de Kigen comprend à cet instant qu'il l'a jugé trop tôt. Les deux patrouilleurs encore en lice, effrayés, reculent. Les villageois ne peuvent qu'être ébahis face à une telle démonstration de puissance d'un être pourtant non affilié à un élément. Qui est cette jeune inconnue tenant tête à l'autorité ? Comment fait-elle tout ça ?

« N'ayez point peur d'eux ! » proclame Fraya.

« Il faut que je fasse tout moi-même ici ! » s'indigne le seul encore apte à l'affronter.

Malgré son exaspération équivoque, tout ce qu'il voit en elle ne peut être l'œuvre d'une autres de ses abominations sur pattes. Après avoir réalise quelques étirements bien inutiles sur le moment, il se place devant elle.

« Bien combattu, je te le concède. J'ignore comment tu arrives à avoir le dessus sur des êtres comme nous mais ça s'arrête là ! »

Sans prononcer habituellement la formule, sa lame est changée en un torrent d'eau perpétuel et plus violent que son homologue.

« Je ne laisserai pas plus longtemps l'honneur de Kigen être bafoué par une usurpatrice comme toi !Attrape ça si tu es si puissante ! »

Il balance sa technique vers elle.

« Bétaram ! »

Malgré la fatigue et la douleur, malgré la maigre quantité d'énergie encore exploitable, elle bloque la masse déferlante d'eau avec. Toutes les conditions sont réunies pour qu'elle rencontre de nombreuses difficultés à la contenir.

« Toute résistance est inutile ! » proclame-t-il.

L'attaque amplifiée à distance, la pauvre Fraya perd de plus en plus de terrain, les jambes tremblantes.

« Je suis le mercenaire Shipé ! La quintessence de notre armée ! Tu ne peux pas me surpasser ! Stupide Enijiakku ! Abandonne ! Monstre ! »

Son agression verbale titille les oreilles d'Alnor. La ténacité de la combattante est à deux doigts de craquer.

« C'est terminé ! » hurle-t-il de bonheur.

Les villageois, en constatant sa souffrance, commencent à avoir peur pour elle, résistant du mieux qu'elle peut. Même si elle a prouvé qu'il n'existe pas que les éléments pour se défendre, les Shirenais resteraient-ils les êtres ultimes ? Imbattables quoiqu'il arrive ? Elle a de la valeur. C'est indéniable. Pour Alnor, il manque quelque chose pour qu'elle rivalise avec un mercenaire niveau attaque, argument que des capacités spéciales ne suffisent pas en tête. Dans peu de temps, elle va subir toute la déferlante de l'aquamancien. Ses paroles encore bien présentes en mémoire, il n'y a qu'une chose à faire. Ainsi, il sort un parchemin de sa poche droite.

« Ingosol. » invoque-t-il.

Une petite faille est créée devant lui. Il y insère sa main. Cette même ouverture dimensionnelle est répliquée dans le dos de Fraya.

« Itiwer Fargresyon. » convoque-t-il à voix basse.

Via la main qui a plongé dans son sort pour apparaître dans le dos de la combattante, le sceau dessiné sur le parchemin vient sur répliquer sur elle. Aussitôt, l'énergie en elle s'en retrouve démultipliée et renforcée. Grâce à ça, elle parvient à se stabiliser. Ayant pourtant beaucoup puisé dans ses ressources, Fraya ne comprend pas par quel miracle elle se sent largement plus forte.

« Tu ne t'en tireras pas comme ça ! Hors de question que l'autorité soit humiliée une seconde fois ! Et surtout par une femme comme toi ! »

Point le temps d'en tirer une explication, avec ça, elle peut gagner. Ainsi, elle bloque le torrent d'une main et concentre sa nouvelle force dans la seconde, tout en tremblant un peu.

« Péopar Ki ! »

D'un coup de paume dans le torrent, elle en inverse le courant grâce à l'intensité de sa technique.

« Impossible ! » s'étonne le gradé.

Tout ceci suffit à l'envoyer valdinguer au loin dans le décor, par sa propre attaque. Quelle ironie... Les deux Shirenais encore présents dans ce qu'il reste du village s'en vont courir vers leur chef. Quelqu'un a vaincu l'autorité. Seule conclusion possible pour les pauvres habitants qui en étaient leurs victimes, sauvées par cette femme exceptionnelle.

« Oh merci admirable inconnue ! » s'exclame l'un d'eux.

Admiratifs, ils se ruent à ses pieds.

« Quel est votre nom ? » lui demande un autre.

« Je... Je m'appelle Fraya. » répond-elle, essoufflée par ses efforts.

« Merci infiniment mademoiselle Fraya, si vous n'étiez pas intervenue, qui sait ce qu'il serait advenu de nous et de notre village. »

« Ils vont certainement tenter de revenir et vous menacer à nouveau. » leur explique-t-elle tout en vacillant un peu.

« Que pouvons-nous faire pour vous remercier ? Vous voulez manger quelque chose ? »

« Je ne demande rien de matériel en retour, juste que je veux que vous viviez par vous-même et pour vous-même. Le reste n'a pas d'importance. Encore moins eux. Jusqu'à ce que vous finissez par pouvoir vous défendre, je n'exigerai qu'une chose... Ne dîtes jamais que vous m'avez vu. Même s'ils vous menacent comme aujourd'hui... »

La fatigue manifeste sur tout le corps, elle commence à s'en aller.

« Nous vous reverrons un jour ? »

« Je ne sais pas... Juste prenez soin de vous. »

« Au revoir mademoiselle Fraya ! »

Sans le moindre ressenti à première vue, elle les quitte, se remémorant la fin de son affrontement contre le mercenaire aquamancien. Que s'est-il passé ? Jamais auparavant elle n'avait pu réalisé une telle performance à cette échelle. Elle aurait dû mourir. Le passage éphémère de cette macabre pensée parvient à raviver une frayeur profonde. Sous l'impulsion de cette dernière, après avoir regardé dans les alentours un instant, elle repart, sous l'œil discret d'Alnor, pensant alors avoir trouvé la perle rare, le mariage parfait entre une solidité physique et une vulnérabilité mentale. Pour en être totalement convaincu, il se décide à poursuivre son observation, espérant obtenir rapidement les résultats tant attendus. Ailleurs, les coéquipiers de Shipé le retrouvent, allongé et accablé par ce qu'il vient de se passer.

« Non... Ce n'est pas possible... Je ne peux pas y croire. » avoue-t-il à haute voix.

« Mercenaire Shipé ! Mercenaire Shipé ! » crient ses fervents suiveurs.

« Vous allez bien ? » lui demande l'un d'eux.

Afin de ne pas paraître encore plus perdant à leurs yeux, il se relève en s'appuyant lourdement sur son épée.

« Je me suis fait battre par... Une femme ?... Je me suis fait humilié... Deux fois ! » poursuit-il un poids de haine et de honte dans la voix.

« C'est impossible ! Vous êtes l'un des mercenaires les plus forts ! Elle a forcément triché ! C'est une Enijiakku ! J'en suis sûr chef ! » affirme un autre dans un élan de soutien inébranlable.

Cette tentative de réconfort n'échappe pas à son supérieur. En réponse, il lui fait une tape sur l'épaule.

« N'en parlez surtout à personne... Maintenant que j'y pense, cette femme... Correspond étrangement à un signalement réalisé il y a quelques temps par l'un de nos tristes disparus. Attendez, je dois l'avoir sur moi. »

Il sort un parchemin et le lit.

« Vous croyez que c'est la même personne ? »

« Oh je le pense oui, même taille, même couleur de cheveux et d'yeux. Et même entêtement envers notre autorité apparemment. Le signalement est clair là-dessus. Ça ne peut pas être qu'un simple coup du hasard. »

« Qu'est-ce que vous allez faire ? »

« L'un de vous va contacter de ma part la personne qui a rédigé ce signalement à l'époque. Je peux vous garantir que cette femme finira dans notre prison pour oser avoir défié les Shirenais ! Par Faironne ! »

« Oui chef ! » crient les trois en même temps.

Les cœurs de nouveau remplis d'espoir, ses subalternes entament la marche. Lorsque Shipé repose les yeux sur l'annonce, en y prêtant plus d'attention, il reconnaît la signature. Quand il fait le rapprochement avec son auteur, une certaine amertume, entièrement vidée de rage ou de colère cette fois, envahit son visage. Une défaite qu'il peut assumer. Pour le moment.