Dans une forêt, un homme portant un écusson en forme de vague marche pendant un instant. Un vent léger souffle. L'ayant repéré peu de temps après sa première supposition sur Fraya, Alnor l'observe attentivement. Soudain, l'inconnu s'arrête, comme pétrifié, tournant légèrement la tête. Sur le moment, le propriétaire du bracelet d'Orlon croit qu'il a senti son énergie, percevant un faible dégagement de chaleur provenant de sa cible. Tout de suite, l'élément de l'eau est identifié. Un Zigrik ? Il faut en avoir le cœur net. L'inconnu reprend sa marche avant de s'arrêter à nouveau quelques secondes à peine plus tard tout en sortant une dague. C'est alors que, dans son dos, une faille s'ouvre. La tête d'Alnor en sort.
« Une arme de si petite taille pour un Shirenai ? » engage-t-il, le ton à mi-chemin entre l'ironie et l'amusement avant de sortir entièrement de l'ouverture dimensionnelle.
Surpris, il se retourne, abasourdi par ce qu'il découvre. Alnor regarde furtivement l'écusson que l'homme porte. Ce détail loin d'être anecdotique, il le connaît bien. Jadis, son paternel lui raconta qu'un groupe discret de personnes, portant ce même signe distinctif, ère dans Faironne depuis longtemps. Leur efficacité est telle qu'ils parviennent à éviter les radars de la hiérarchie suprême. Ce sont des experts dans leur domaine et jamais ils ne prennent partie pour quiconque sans l'avis de leur leader. Alnor ne peut être plus ravi que de tomber sur un de leurs membres.
« Tu es bien au service du Négociant. » confirme-t-il.
En observant la dague pointée vers lui, il s'aperçoit qu'elle arbore quelques arcanes dessus. Voilà la source de chaleur qu'il avait perçu auparavant. Quelle quincaillerie !
« Puis-je savoir où il se trouve actuellement ? »
Par fidélité envers son patron, l'inconnu ne bronche pas
« Tu ne veux pas coopérer ? C'est fort regrettable d'en arriver là... »
Dans une tentative d'intimidation, Alnor dévoile son Obujepawa. Contre toute attente, au lieu de s'en servir pour attaquer le Zigrik, l'associé de l'insaisissable Négociant la place sous sa gorge, tremblant un peu.
« Tu vois, je suis un peu pressé. Si tu ne souhaites toujours servir ton boss, je te conseille vivement de m'indiquer où il se trouve. » menace-t-il d'un ton très calme, limite angoissant.
Ignorant de quoi est capable son agresseur, il sort un morceau de papier. Après avoir écrit dessus avec un fusain, il le lui tend.
« Oh... C'est donc là-bas où il se cache... Ne dis jamais que tu m'as croisé sinon je saurai que c'est toi. Je te trouverai et je te tuerai. C'est bien compris ? »
L'associé du fameux Négociant persiste dans son mutisme. Est-ce juste le résultat de l'intimidation émise par Alnor ? Ou la preuve ultime de sa fidélité envers son patron ? Impossible de le savoir pour le moment. Après avoir prononcé à voix haute devant lui « Ingosol », Le Zigrik invoque une ouverture dimensionnelle. Aussitôt, l'homme sans nom, à l'émotion totalement neutre, enregistre l'extraordinaire phénomène qui a été appelé.
« N'empêche... Une telle loyauté est admirable. Une fois que je dominerai Faironne, et que j'achèterai le réseau de ton patron, je vous obligerai à me rejoindre. Pas de négociation possible. Passe lui ce message. »
Absolument sûr de lui, il l'emprunte. La faille se referme juste après. L'homme range sa dague, reste quelques secondes sur place avant de partir. Ailleurs, Fraya arrive au bord d'un sentier couvert de cailloux. Peu de végétation sur laquelle se reposer si quelconque adversaire viendrait la provoquer. Que fait-elle ici ? En tout cas, en écoutant son soupir de soulagement, elle semble être sur le bon chemin. Et tant mieux ! Depuis le temps qu'elle marche, après l'aventure face à la patrouille, la faim commence à s'exprime. Peu importe, elle doit tenir jusqu'au bout. Motivée, elle reprend sa marche. Soudain, un étrange bruit brise la relative tranquillité qui berçait son esprit. Tout de suite, elle se met en garde, à l'affût de n'importe quel assaut. Un silence angoissant envahit les alentours. Derrière elle, discrètement, un rocher s'extirpe du sol et lévite. Tout à coup, il fonce vers elle. Alertée par brusque mouvement d'air provoqué par le tir de ce dernier, elle l'évite au tout dernier moment, manquant de se faire briser.
« Un rocher qui flotte ? » s'étonne-t-elle.
Son premier réflexe est de regarder les alentours, à la recherche de son lanceur. Le sol se met à trembler. Elle se met à courir. Un fossé se forme derrière elle et la pourchasse.
« Zéréyon ! »
Elle prend une accélération et s'éloigne du fossé. Malheureusement, alors qu'elle croyait s'en éloigner, ce dernier prend de l'ampleur, commençant à la rattraper dangereusement. Soudain, une colonne de terre se soulève pile devant elle. Le rocher précédemment évité est revenu derrière elle. Vu l'enchaînement des événements, il est clair qu'on tente de l'assassiner. Serait-ce ce puissant Shirenai revenu pour se venger ? Non, clairement pas. Qui est derrière tout ça ? Avec le peu de forces qu'elle a récupéré entre temps, elle serre un poing.
« Kamer Ki ! » hurle-t-elle.
Elle frappe la colonne, l'éclatant en plein milieu, formant ainsi un passage assez large pour pouvoir s'échapper. C'est alors qu'une épée, visiblement Shirenai vient se planter pile devant elle.
« Je t'ai enfin retrouvée. » entend-elle.
L'épéiste masqué qui restait à part dans la salle du Conseil lorsque ses supérieurs menaient séance arrive vers elle.
« Meurtrière. »
Cette déclaration choque la spécialiste du corps-à-corps.
« Qui ? Moi ? Je n'ai tué aucun de tes complices ! »
« Menteuse ! »
« Je ne le suis pas ! Par contre, ce dont je suis sure, c'est que l'un des tiens a été envoyé pour me renvoyer là-bas ! »
« N'essaye pas de m'embrouiller dans d'étranges affirmations ! Personne n'a eu la mission à ma connaissance de te mettre la main dessus ! Par contre, je suis ici pour venger l'honneur d'un de mes plus grands frères d'armes. Aujourd'hui sera l'unique jour de ma vie où je rendrai justice moi-même ! »
« Je m'en fous complètement de ce que tu racontes ! Plus jamais je ne retournerai là-bas sans ce que je suis venue chercher ! »
Elle commence à concentrer à nouveau de l'énergie dans ses mains. Un peu de végétation commence à flétrir à proximité. Son adversaire s'aperçoit que de multiples ondes en surface se rassemblent vers elle. La secousse grandissante qu'il ressent provenir d'elle suffit amplement à l'alerter. Il tend un bras.
« Tilikoyon. » prononce-t-il.
L'épée s'extirpe d'un coup sec du sol et revient dans sa main, sous l'œil surpris de Fraya. Jamais elle n'avait vu une telle maîtrise.
« Dégaine ton Obujepawa ! »
« Quoi ? »
Croyant qu'elle se joue de lui, il sort un parchemin, le déplie et le lit.
« Oui c'est bien toi. Et vu comment tu as brisé mon mur de terre... Tu t'es trahie. Seule une puissance comme la tienne a pu réaliser ça à un de mes compagnons. »
Le peu d'arguments mis en avant pour la culpabiliser suffit pourtant à créer un léger malaise en elle. De mémoire, à part Rai, elle ne semble plus si sûre d'avoir croisé un autre manieur d'élément. Alors qu'un brouillard d'incertitudes et de méandres émotionnels nappait son esprit, un œil violet unique lui revient pendant une seconde.
« Tu es venu me gêner... Hors de question que je laisse quelqu'un me mettre des bâtons dans les roues ! » affirme-t-elle avec fracas.
L'énergie qu'elle rassemble est matérialisée sous la forme d'une forte secousse qui atteint les pieds du Shirenai géomancien. Son amplitude lui permet de jauger avec exactitude la puissance de son adversaire. Et celle-ci n'est pas sans restes. Cependant, quelque chose cloche dans cette histoire. Oui, elle laminerait aisément un soldat lambda mais clairement pas un mercenaire comme Shipé !
« Viens m'attraper ! » ose-t-elle, galvanisée par sa dernière victoire.
« Tu vas le regretter. »
Afin qu'elle comprenne qui se dresse devant lui, une simple émanation d'aura verte, durant à peine une seconde, amenant elle-même à une simple secousse, vient ébranler son arrogance. Si elle ne se calme pas, si elle ne reste pas concentrée, elle s'écroulera. Ça, elle le sait bien. En quelques longues respirations, son énergie vient se focaliser sous ses pieds, ce qui lui permet d'obtenir une bonne stabilité.
« Toujours déterminée à nous défier ? »
Pour en remettre une couche, il amplifie son aura. Les secousses s'en retrouvent renforcées. Incapable d'égaler ce déferlement de puissance, elle tombe en arrière. Le Shirenai décide de mettre fin aux tremblements et lève alors son épée.
« Idewer ! »
Un nouveau rocher est extrait du sol. Puis, guidé par le guerrier, il flotte et s'arrête à environ une vingtaine de mètres au-dessus de Fraya. Le vent se lève subitement.
« Peu importe si je te capture vivante ou non, tu as pris une vie ! A moindre de prendre la tienne ! »
Il abaisse violemment son arme, ce qui fait chuter brutalement la masse de pierre dure vers Fraya. Le séisme n'existant plus, elle se relève tout de suite. Quand elle était à terre, elle a pu s'accaparer de l'énergie neutre plus en profondeur qu'elle focalise maintenant dans un poing.
« Kamer Ki ! »
D'un coup net et précis, elle pulvérise en mille morceaux l'attaque du géomancien. Légèrement surpris par cette démonstration de force, l'épéiste tente de trouver une explication à cette dernière. Et si, en fin de compte, sa source d'énergie serait une variante de l'énergie tectonique ?
« Zéréyon ! » enchaîne-t-elle.
Grâce à un déplacement semblable à un éclair, elle disparaît de sa ligne de mire. Son adversaire ferme les yeux pour plus de concentrer sur ses autres sens plus développés. Après plusieurs secondes d'inaction et d'analyse, il entend des pas. Fraya évite au tout dernier moment en reculant un mouvement circulaire de sa part. Elle concentre à nouveau de l'énergie dans ses jambes.
« Zéréyon ! »
Elle disparaît à nouveau. Encore ça ? Un peu lassé, le guerrier masqué plante son épée dans le sol. Un caillou, aussi aiguisé qu'un rasoir, est tiré du sol pour être propulsé, avec une précision chirurgicale, à vive allure vers elle. Plus loin, Fraya réapparaît, évitant de justesse d'être éventrée. A ce moment-là, l'absence totale d'une quelconque formule lui saute aux yeux. Une quantité largement plus massive de cailloux est tirée. Seul le recul lui permet de tout esquiver. Décidément, celui-là n'a rien à avoir avec toux ceux auxquels elle a dû faire face. S'ils sont tous de plus en plus forts comme ça, elle sent qu'elle ne s'en sortira jamais. Le Shirenai ne peut que constater qu'elle est bien vive pour une Enijiakku classique. Auraient-ils développés de nouvelles techniques ou de nouveaux Obujepawas aux propriétés bien plus poussés ?
« Il fait tout pour m'éloigner de lui... Si je ne fais rien... Il m'aura à l'usure... » avoue-t-elle à voix basse.
En un échange de regards furtif, ils stoppent toute action, trop préoccupés à décortiquer le mystère de l'autre. Fraya cherche à comprendre comment il s'y est pris pour prédire son attaque. En ayant déduis que peut-être elle n'était pas assez rapide, une plus grande quantité d'énergie est rassemblée dans ses jambes.
« Zéréyon ! »
Pour la troisième fois consécutive, son déplacement si rapide permet d'échapper à la vision de son adversaire. Un moment de silence. Le Shirenai remet son arme droite, avec un calme olympien, camouflant une exaspération profonde. Des pas se font entendre de plus en plus nettement.
« Tu n'as rien compris. » lui lance-t-il.
Il réalise un mouvement descendant avec son arme. Fraya réapparaît, surprise. Au tout dernier moment, elle l'attrape à deux mains. Comment a-t-il su qu'elle se trouvait là ? L'esprit accaparé par cette interrogation, elle contient malgré tout la lame prête à la fendre en tout. Ils restent tous les deux dans cette configuration.
« Étonnée, n'est-ce pas ? »
« Ne joue pas avec moi ! »
« Tu ne m'échapperas jamais. Je saurai où tu te trouves à chaque fois, à chaque pas. »
« Tu mens ! »
« Pas du tout. »
Son aura réapparaît.
« Je vais t'écraser. »
Sans prononcer le moindre mot, il augmente la gravité sur elle. Le sol craquelle sous ses pieds. L'augmentation de son propre poids la surprend. Sous la pression de l'instant, sa réflexion encore orientée sur une justification des derniers événements, un souvenir vient briser tout ça. Plus jeune, les cheveux tressées avec soin autour d'une broche dorée en forme de branche de laurier, habillée d'une simple toge blanche, isolée dans ce qui semble être une bibliothèque à l'architecture plus antique, loin des codes classiques de Kigen, elle consulte de vieux écrits. Sur celui qu'elle tient, elle peut y lire dans un dialecte proche des formules prononcées par tous ceux qui font appel aux éléments l'affirmation suivante : « Les abuseurs de Faironne, en fonction de son affiliation, interagissent différemment avec l'environnement. Certains sont capables de percevoir la chaleur, d'autres les mouvements d'énergie, d'autres perçoivent juste des bruits et enfin [...] ». De retour dans le présent, elle complète mentalement sa lecture passée. Celui qui se trouve en face de lui a la capacité de percevoir toute forme d'énergie sous la forme de secousses ! Voilà pourquoi il a pu savoir où elle se trouvait ! Le mystère percé, tout autour d'eux, des feuilles de certains arbres sont intégralement désintégrées. Elle ne s'enfonce plus, ce qui impressionne le géomancien.
« Bétaram ! »
Une partie de son énergie vient renforcer ses jambes et une autre partie dans ses bras. Grâce à elles, elle éloigne un peu la lame.
« Gibar... » entame-t-elle.
Le collègue de Shipé et de Tencubo semble un peu décontenancé par autant de résistance. Aurait-elle mis la main sur un artefact pour s'opposer aussi efficacement à lui ?
« Ki ! »
Elle fait ressortir toute cette énergie sous la forme d'une puissante onde. Son adversaire est reculé de quelques mètres à peine, déstabilisé par la décharge qu'il vient de recevoir. S'en perdre un seul instant, Fraya enchaîne avec quelques coups de poing au ventre avant de finir par un uppercut, le forçant à lâcher son épée. Alors qu'elle est en train de charger une autre attaque, destinée à l'achever une bonne fois pour toutes, le Shirenai encore sans identité connue se demande comment une parfaite inconnue a pu devenir aussi puissante.
« Péopar... »
Il se redresse difficilement.
« Ki ! » hurle-t-elle.
Elle le frappe en pleine face, ce qui le propulse trente mètres plus loin. Son masque se fissure sur la partie touchée. L'ancienne proie de Rai réalise à cet instant que tout ce qu'elle a pu lire dans son pays d'origine constitue un énorme avantage. Le soldat de Kigen commence à comprendre ce qu'a pu ressentir Shipé. Quel affront... Cependant, il sait pertinemment que sombrer dans de telles facilités émotionnelles donneraient raison à son collègue. Il se relève difficilement, à la grande surprise de la combattante, bien consciente qu'elle a tout puisé dans tout ce qu'elle avait pu récupéré. Dans la panique, elle regarde les environs, en quête d'approvisionnement. Elle ne peut rien en tirer. Le Shirenai sans nom devine ce qui a pu se produire avec son camarade décédé. Si elle l'a battu, ce n'était qu'un coup de chance. Sans doute qu'il s'est fait surprendre, ni plus ni moins. Reste une dernière option pour la vaincre. Une solution qu'il aurait préféré ne jamais emprunter. Intérieurement, le géomancien s'excuse auprès d'un certain Chijo. Une puissante onde est émise de lui, si imposante que son adversaire en a des frissons. Une angoisse la gagne. Elle voit qu'il prononce une formule à voix basse sans être capable de pleinement l'entendre. De légères lignes vertes apparaissent sur les mains de l'affilié à l'élément de la terre. Fraya sait que tout est foutu. Elle va mourir. De légères larmes émergent de ses yeux.
« Non... » lâche-t-elle à voix basse.
Quand, soudain, une lumière est émise dans l'une des poches du guerrier. Fraya se demande ce que c'est. Il fouille dans sa poche. C'est un parchemin. Un sceau brille dessus.
« Mercenaire ! Qu'est-ce que vous faîtes?! » crie Aritsune via ce dernier.
« Vous ? Ici ? En ce moment même ? Pourquoi m'appelez-vous ? J'ai ma cible en visuel. Je m'apprête à terminer le combat. Celui qui était sensé vous la ramener n'est jamais venu ! De plus, elle a tué l'un des nôtres ! Elle défie votre autorité ! Je fais respecter notre Code !... Par pitié, laissez-moi la [...] »
« Arrêtez ça ! Tout de suite ! » ordonne Daigaku.
« Nous vous sentons d'ici ! »
Il ne fait absolument rien pendant un petit instant, frustré. Le peu d'informations délivré par ce dernier interloque Fraya. De qui parlait-il ? Qui sont ces gens avec qui il converse ? Ceux qui gouvernent le Continent Central ? Tout de suite, elle fait le lien avec une vieille histoire qu'on lui a conté lorsqu'elle était jeune. Ils règnent ici depuis tout ce temps ? Ils ont donné l'ordre aux Shirenais de mettre la main sur elle ? Mais alors...
« Mercenaire, dernière sommation. » exige Aritsune.
« Reçu. » répond-il, dépité.
Il retrouve une apparence normale, sans aura.
« Nous vous remercions » souligne Daigaku.
Le Shirenai tend son bras droit vers son épée.
« Tilikoyon. »
Elle revient dans sa main, à la grande surprise de Fraya. Il a assez de forces pour ça ? Alors, depuis tout ce temps, il n'était pas à fond ? Elle n'avait aucune chance. De fatigue, elle relâche les bras.
« Nous avons une information de la plus haute importance à vous transmettre. » lui confirment simultanément ses supérieurs.
Face à cette déclaration lourde de sens, toute frustration disparaît en lui.
« Veuillez m'excuser de mon écart grossier et égoïste. Conseil, je vous écoute. »
« L'appât a mordu à l'hameçon. » délivre Aritsune.
Cette phrase toute simple pour le commun des mortels résonne pourtant avec force chez leur subordonné. Quand à Fraya, elle se demande si ces gens auraient ordonné à un autre Shirenai de la chasser. Elle aimerait bien partir d'ici mais ses douleurs sont telles que la seule chose qu'elle puisse faire est de rester solide sur ses jambes.
« Vous en êtes sur ? »
« Mercenaire, nous ne disons rien sur le silence que vous avez manifesté avant d'obéir. Mais si vous mettez maintenant notre parole en cause, les conséquences viendront plus vite sur prévu. » lui somme Daigaku.
« Ce comportement abjecte et puéril ne sera plus reproduit. Je le jure sur Faironne. J'accepterai toute punition que vous aurez décidé d'appliquer. Cependant, chers membres du Conseil, j'ai retrouvé qui vous savez. Est-ce que vous avez désigné quelqu'un d'autre pour […] ? »
« Silence ! » exigent les deux.
Embarrassé par leur refus d'entendre pleinement sa question et conscient de ce qu'il risque, il se tait un peu à contre cœur.
« Doit-on aussi vous rappeler le Code ? » ajoute Aritsune.
« Non, c'est assez clair, membres du Conseil. »
« Retour à Kigen ! Immédiatement ! C'est un ordre ! » lui ordonnent-ils
« Reçu. »
Le sceau présent sur son moyen de communication s'éteint. Il range le parchemin dans sa poche avant de regarder fixement Fraya. A travers cet échange, son pauvre adversaire attend une désobéissance de dernière minute de sa part.
« Apparemment, Faironne te sourit aujourd'hui. Elle ne veut pas que mon jour unique se produise. Écoute moi bien, Enijiakku car je ne me répéterai pas. Profite bien de cette accalmie. Garde bien en tête qu'un jour où l'autre, lorsque ma mission sera terminée, je reviendrai te chercher. S'il te reste un peu de dignité, retourne chez toi. »
Les derniers mots de sa phrase ont le don d'irriter l'ancienne proie de Rai.
« Jamais ! Tu entends ? Jamais ! » vocifère-t-elle malgré son état.
« Très bien. J'ordonnerai à ce qu'on prépare ton cercueil, Enijiakku. »
« Arrête de m'appeler comme ça ! Mon nom est Fraya. Et avant de me dire des trucs aussi absurdes, tu devrais reconstruire ce que j'ai détruit sur ta tronche ! »
« De quoi parles-tu ? »
Elle le pointe du doigt. Intrigué, il se tâte le visage. La vérité ainsi prouvée, face à elle, il se sent déshonoré, se tournant à moitié, côté encore masqué.
« Vraiment une marque de faiblesse, n'est-ce pas ? » ose-t-elle lui lancer.
« Bien joué, petite effrontée. Je n'en reviens pas que tu m'aies poussé jusque-là. En attendant, ne crois pas que tu as gagné. On se reverra. »
Sans prononcer le moindre mot encore une fois, il se transforme intégralement en sable et se lie au sol. Seul un léger mouvement en surface permet de savoir qu'il quitte le lieu de leur affrontement. Une fois isolée, Fraya pose genoux à terre, épuisée et bien consciente qu'elle a échappé, par miracle, à une mort certaine. Le relâchement mental qui l'accompagne est une opportunité rêvée pour certains de ses souvenirs les plus refoulés de refaire surface. « Bonne à rien. Ratée. Incompétente. ». A bout de nerfs, elle sort un écrit qu'elle conserve depuis son arrivée dans le Continent Central. En le déroulant, un œil violet unique est dévoilé.
« Tu vas voir si je ne sais rien faire. Vous allez tous voir de quoi je suis capable ! Quand j'aurais le Kirioku entre les mains, j'effacerai toute trace de mon passé. » déclare-t-elle avant de ranger son précieux.
Après avoir résisté jusque là, elle se laisse tomber d'usure. C'est à ce moment-là qu'Alnor ressort d'une faille. Tout d'abord, il remarque le grabuge dans le décor provoqué par le duel précédent. Tout de suite, il s'inquiète pour celle qu'il observe depuis l'affaire patrouilleurs. Quelques secondes plus tard, il la remarque, assommée de fatigue. La différence anormale de chaleur qu'elle émet lui saute aux yeux. Qu'est-ce qui en est la cause ? Les preuves évidentes tout autour d'eux ? Qui a-t-elle affronté ? Le fait qu'elle soit encore en vie l'impressionne.