De l'énergie continue à s'accumuler dans les invocations, pour le grand bonheur de celle qui en est à l'origine. Le sceau sur leurs fronts clignote de plus en plus vite. Yoru sent à quel point la situation devient de plus en plus critique. La tension le pousse à son grimoire encore et encore, dans la quête inespérée d'une solution. Malheureusement, aucune information cruciale sur le sceau utilisé, obligé d'admettre les multiples aptitudes de l'invocatrice.
« Je sais Rajik... J'ai pu déterminé qu'elle est une géomancienne. J'aurais pu la contrer si je maîtrisais l'état liquide aussi bien que l'état solide. Malheureusement, j'en suis incapable. » avoue-t-il avec un arrière goût amer en bouche.
« Moi pas vouloir mourir ! »
Cette fois-ci, il frappe de toutes ses forces. L'onde de choc qui en résulte lui est renvoyée, le repoussant. Le Shirenai regarde ses compagnons, complètement impuissant.
« Relâche-les ! » exige-t-il.
« Hors de question ! Ici, c'est moi qui pose les règles. »
« Ils n'ont rien à voir dans cette histoire. C'est bien moi que tu veux, non ? »
« Tu me prends pour qui ? Si je fais ça, ils profiteront de cette occasion pour m'attaquer. Je ne suis pas stupide. Et je crois qu'un petit rappel de la situation s'impose. »
Elle s'apprête à faire imploser la grande quantité d'énergie contenue dans ses invocations. A court d'idées, le sabreur se demande ce que Yoru aurait pu entreprendre dans ce genre de situations. Lui revient en mémoire l'attaque qu'il a exécuté face à l'une des créations de la géomancienne. S'il savait comment celle-ci est provoquée, il est absolument convaincu qu'il pourrait délivrer ses amis. A ce moment-là, il croise le regard de son adversaire. Une sensation étrange accapare ses pensées, comme si tout ce qu'elle avait pu lui raconter était finalement bel et bien vrai. Cependant, vu qu'il ne peut pas le prouver, l'urgence est ailleurs. Ainsi, il entame une phase de réflexion. Au moindre de ses mouvements, une autre de ses créations émergera et ses amis connaîtront tout de suite la mort. L'attaquer de front amènerait au même résultat. De plus, aucune technique à distance dans son répertoire. Reste une dernière option. Après avoir pris quelques respirations, il se met à sourire, ce qui intrigue l'invocatrice.
« Tu as gagné. J'abandonne. » lui lance-t-il.
Cette cinglante affirmation cloue le bec de tout le monde. Rajik ne l'approuve absolument pas, totalement convaincu qu'une amitié profonde les liait. Seul Yoru ne montre pas de réticence évidente. Par contre, émerge en lui une méfiance.
« Je crois ne pas avoir bien entendu. Peux-tu répéter mon cher Yukito ? »
« Tu n'es pas sourde. J'abandonne. »
« Comme ça ? Vraiment ? » répond-t-elle, après cinq secondes à hausser brièvement les épaules, étonnée par la situation, tout en tournant les talons.
« Toi être un guerrier ! Toi être un Shirenai ! Toi pas connaître abandon ! »
« Je croyais qu'on pouvait lui faire confiance après l'aide qu'on lui a apporté. Nous nous sommes trompés Rajik. En même temps, un Shirenai perdu comme ça au milieu de nulle part, c'était louche... Ma bonté spontanée me perdra un jour. »
« Moi pas vouloir y croire... »
« Nous venons de prendre une leçon, sans doute la dernière... » dit-il d'un air désabusé.
L'amnésique se rapproche d'elle, tout en lâchant au passage son katana.
« Endalia, excuse-moi... Je... Je ne sais pas ce qui m'a pris... »
Touchée par cette amorce, la géomancienne a la gorge nouée. Trop d'émotions se bousculent en elle. Doit-elle vraiment y croire ? Son sentimentalisme est tel qu'elle baisse sa garde et laisse celui qu'elle désire s'approcher.
« Pardon... Ce sont eux qui ont essayé de m'enrôler... Cet Enijiakku m'a lancé un sort. J'ai mis du temps à m'en débarrasser. Je ne t'ai pas trop fait mal, j'espère. »
« Vraiment ? Attends, ils vont payer. »
Il l'empêche de les viser en lui attrapant le bras droit, sans montrer quoique ce soit de ses véritables intentions.
« Pas la peine, laisse-les. Tu ne vas quand même pas tuer un de tes confrères ? »
« Et l'autre ? »
« J'ignore ce que c'est. »
« Yukito... Comme je suis heureuse de te revoir... Je pensais que tu m'avais oublié, que comme eux tu me considérais comme quelqu'un de néfaste, bonne à être exécutée juste parce que je ne faisais pas comme vous... Yukito... Est-ce que je peux [...] »
« Oui. Tu peux. » affirme-t-il en lui lâchant le bras.
Alors qu'elle s'apprête à le prendre dans ses bras, il l'esquive au tout dernier moment, arrivant alors dans son dos. Cette manœuvre impressionne ses amis. Dans le mouvement, un peu d'électricité vient couvrir le poing qu'il était en train de préparer. La voix typique qu'il entend lors d'événements spécifiques comme celui-ci revient, répétant à nouveau « Fargresaz ». Son collier envoie une onde blanche sur lui. Un flux particulier se révèle aux yeux de l'homme au grimoire. Des lignes jaunes, un petit peu plus prononcées, apparaissent sur le poing du manieur de foudre.
« Kameraï ! »
A l'impact, il lui balance une décharge si forte que la pauvre invocatrice se retrouve reculée de quelques mètres, titubant un instant avant d'être genoux à terre, sang sur le coin gauche de la bouche. Décidément, Yoru ne tient plus en place. Deux fois qu'il attaque sans arme. Qui est cet homme à la fin ? Normalement, à cause du conflit élémentaire défavorable envers lui, il était sensé ne pas pouvoir la blesser à ce point. Le Shirenai se dirige alors vers une des trois invocations utilisées pour emprisonner ses compagnons. C'est à ce moment-là seulement que la géomancienne réalise ce qu'il vient de se passer. Une haine profonde et justifiée l'envahit.
« Ordure... Ils ont réussi à te convertir... » murmure-t-elle dans la douleur.
« Kameraï ! »
Avec un direct du droit bien placé, il désintègre sa cible. Ce qui a pour conséquence directe de mettre fin instantanément au sceau complexe installée par l'ingénieuse Enijiakku, libérant ainsi le duo.
« Vous allez bien ? » leur demande-t-il.
« Rien à déplorer. Franchement, le coup de la diversion affective, bien joué. Même si, il me semble, ça ne colle pas réellement avec les pratiques classiques de Kigen. »
« Je ne savais pas trop comment l'attaquer... » répond-t-il en passant une main derrière sa tête, témoin d'une certaine gêne.
« Ça pas digne d'un combattant ! » appuie Rajik.
« Peut-être mais sans ça, on était mort. »
En furie, Endalia matérialise le gant muni de lames en acier lui conférant ses pouvoirs. En les plantant dans le sol, elle guide trois flux d'énergie derrière Rajik et Yoru.
« Tu vas me le payer ! »
En ressort deux nouvelles invocations les attrapant par surprise. La force insufflée en eux est telle que même Rajik n'arrive pas à s'en défaire. Le grimoire de Yoru tombe. La troisième statue de terre agrippe le Shirenai. Ainsi, le processus entamé précédemment reprend de plus belle, avec un prisonnier en plus.
« Vos corps m'appartiendront ! » vocifère-t-elle avec vigueur.
La sombre vérité sur son Obujepawa enfin dévoilée stupéfie et fascine à la fois l'aquamancien, bien déçu de ne pas pouvoir noté cette spécificité dans son fidèle calepin.
« Moi coincé ! »
Son exploit face à l'invocatrice encore bien ancré dans son esprit, le manieur de foudre tente d'activer son aura. Sauf que, cette fois-ci, la balance élémentaire ne le favorise pas, le laissant ainsi bloqué comme ses amis.
« Lorsque ton corps sera mien, plus jamais tu ne me tromperas... Oh... J'imagine déjà bon nombre d'ordres... Et ce sera la première fois qu'un Shirenai sera à mes côtés... Quelle ironie. Et je suis sure que tu sais de quoi je parle. »
« Pas du tout ! »
« Arrête de te foutre de moi avec ton histoire à la con ! » crie-t-elle, toujours aussi furieuse.
Ses créations brillent. Rajik tente vainement de rassembler ses forces. Conscient qu'ils sont condamnés, Yoru n'essaye même plus, avec le souvenir de son maître lui amenant une certaine amertume en bouche. Dépité, le manieur de foudre baisse la tête, permettant à sa capuche de couvrir son visage. Tout à coup, le nez du baraqué est en alerte. Un flux donne des frissons à l'adepte de la glace. Un vent plutôt fort dérange l'ouïe fine de leur ami.
« Dis adieu à tes [...] »
Alors qu'elle s'apprêtait à enclencher l'implosion, une onde vient chatouiller la plante de ses pieds. Malgré la maigre intensité de la secousse, ça suffit pour donner un répit supplémentaire aux prisonniers. Qui est cet intrus un peu trop gênant à son goût ? Tous le cherchent avec les moyens dont ils disposent. L'aspect étrangement familier du bruit perçu par le manieur de foudre le perturbe.
« Qui est là ?! Je ne me répéterai pas ! Si tu ne te pointes pas, intruse, je les tue sur le champ ! »
Aucune réponse de la part de la concernée.Les trois compères essayent tant bien que mal de la repérer au plus vite. Seul le combattant sans élément semble être sur une piste très prometteuse. Lassée de parler dans le vent et impatiente d'en finir, l'invocatrice vise ses trois proies. Tout à coup, la femme présente dans le premier chapitre apparaît tout juste à côté d'elle, prête à attaquer. Sa cible s'en rend compte beaucoup trop tardivement. La beauté de son entrée en scène subjugue Rajik. Yoru, malgré ses compétences hors normes, reste interloqué par le fait que l'impressionnant flux qu'elle dégage fut comme camouflé.
« Péopar Ki ! » crie-t-elle.
Elle l'atteint de plein fouet d'un coup de paume en plein sur le plexus solaire. La puissante intensité de l'onde de choc produite au point d'impact suffit à reculer celle qui se la prend . De plus, à cause d'elle, le lien qui existait entre la géomancienne et ses créations cède brutalement. Entraînant ainsi l'effondrement de ces dernières. A cet instant, plus aucune menace directe n'affecte le trio.
« Elle être qui ? »
« Aucune idée. Mais quelle vitesse ! Plus rapide que toi Rajik ! »
Cette remarque, non calculée de la part du propriétaire du grimoire, irrite son partenaire dans sa fierté.
« Qu'importe ! Elle vient de nous sauver la vie. » souligne vivement le manieur de foudre.
S'en est trop pour la pauvre Endalia. C'est qui celle-là ? Une semblable ? Sont les premières questions taraudant son esprit dans tous les sens. Après mûre réflexion, le sang au coin de la bouche essuyé, l'invocatrice se relève.
« Sale peste ! Qu'est-ce t'as à venir fouiner dans mes affaires ?! Ils étaient à moi ! Rien qu'à moi ! Qui t'envoie ? Ces connards ? Tu as intérêt à me répondre. Sinon ton corps m'appartiendra aussi ! » s'insurge-t-elle.
L'inconnue, peu remuée par une provocation aussi piteuse que celle-ci, se remet droite, tout en lui tendant un sourire, comme pour souligner l'écart entre elles.
« Quel élément utilises-tu ?! »
Sa question, sous entendant directement qu'elle pourrait être un pion sans vergognes de Kigen, efface immédiatement l'expression narquoise sur le visage de l'autre femme. Les trois spectateurs sont suspendus à ses lèvres, curieux également de percer son secret. Pour le moment, leur sauveuse ne les calcule pas, étrangement focalisée sur son adversaire pour une raison qui échappe à tout le monde.
« Réponds-moi ! »
« Pourquoi faut-il que, lorsque quelqu'un qui sort de vos règles vous botte les fesses, il doit obligatoirement avoir un élément ? C'est vraiment un trait naturel chez vous. »
Ce qu'elle vient de lâcher attise encore plus la soif de savoir des anciens otages. Pour Yoru, ne pas avoir recours à une des forces fondamentales de Faironne est inconcevable. Et pourtant, cette inconnue incarne une exception parfaite. Pour Rajik, il a enfin la preuve formelle qu'une autre voie existe. Enfin, pour le Shirenai sans nom, ceci pourrait appuyer la thèse d'un cinquième élément.
« Je hais cet air supérieur. Ce regard. Cette posture. Ce ton... Tu es comme eux ! » vomit-elle, la rage du tragique souvenir de sa traque au fond de la gorge, avant de bondir vers cette peste grâce à une impulsion d'énergie.
La vélocité qu'elle déploie perturbe les hommes. Et pourtant, sa proie ne bouge pas d'un centimètre, ne se permettant qu'un battement de cils, comme guidée par un instinct incompréhensible pour le commun des mortels. Poussé par celui-ci, elle esquive au dernier moment, ce qui stupéfait grandement l'assaillante.
« Je suis là. » lui glisse l'inconnue à l'oreille pendant le mouvement.
S'en suit une série acharnée de tentatives infructueuses de la part de la géomancienne. A chaque évitement, sa cible effectue un déplacement très particulier, adoptant les courbes de chaque coup porté. Comme une danse de combat. C'est la première fois qu'une telle chose se produit sous les yeux de Yoru et Rajik. La premier cherche à la reproduire comme il peut dans son carnet. Le second s'essaie à l'imiter, malgré la musculature qu'il possède, gênant sa maigre copie.
« Qu'est-ce que tu es lente ! On exploite un élément et on ne sait pas me suivre ? » se permet-elle de commenter.
« La ferme ! »
Agacée par de tels propos, Endalia saisit enfin le moment opportun pour lui décocher un uppercut en plein ventre avec la main sans gant. Les adversaires restent dans cette position pendant quelques secondes, comme si le temps fut brisé par ce coup net.
« Alors ? On la ramène moins là ! Qui est faible maintenant ? »
Contre toute attente, son adversaire se relève sans broncher. Cette résistance désarme la malheureuse Enijiakku. Le Shirenai et Rajik sont bouches bées devant cette incroyable performance. Yoru ne peut s'empêcher que d'analyser, seconde après seconde, ce qu'il a pu observer sur le plan énergétique. La première hypothèse émise se baserait sur une absorption partielle de la force employée par l'affiliée à la terre. L'absence totale d'élément chez son adversaire le tracasse. Cette dernière ne perd pas plus de temps. L'énergie, si semblable à celle de Rajik, se rassemble dans son corps.
« Eféyam Ki ! »
L'invocatrice tente de contrer. Malheureusement, l'agilité et la rapidité de son opposante lui sont clairement supérieurs. Elle enchaîne coup sur coup. Leur victime recule au fur et à mesure qu'elle les prend. Après une série d'attaques nettes et puissantes, son auteure s'écarte légèrement pour accumuler encore plus d'énergie. Cela se traduit par un flétrissement de toute végétation sur un périmètre large d'une centaine de mètres de diamètre. Phénomène beaucoup trop curieux pour l'homme au grimoire.
« Kamer Ki ! » hurle-t-elle.
Elle lui décoche un direct dévastateur. La pauvre Endalia est projetée sur plusieurs centaines de mètres au loin. La violence du poing est telle que l'onde de choc produite souffle les arbres plantés le long de la trajectoire de l'invocatrice.
« Elle être très forte ! » souligne vigoureusement Rajik.
Cependant, cette technique n'est pas sans conséquences. La femme se retrouve obligée de prendre de grandes respirations. La main qui a été utilisée tremble un peu. Stupéfaits face à un tel résultat et désireux d'en savoir beaucoup plus, les deux partenaires de longue date s'empressent de remercier leur sauveuse, laissant alors le Shirenai un peu isolé du reste. En ce qui le concerne, il ne sait pas s'il doit maintenant poursuivre son voyage avec un katana sur lui, surtout après ce qu'il vient de voir.
« Merci ! Merci beaucoup ! » s'émerveille l'aquamancien.
« De rien. » lui répond-t-elle délicatement.
« Pardonnez-moi cette indiscrétion mais... Puis-je savoir votre nom ? »
« Moi vouloir savoir aussi ! Toi être forte ! Toi aimer baston ? Parce que moi vouloir t'affronter ! Surtout si toi dire comment toi faire ça ! »
« Oui. Par pitié, expliquez-nous en détails le processus que vous employez pour réaliser tout ceci. Point de cachotteries. Je veux tout savoir. Et si l'inquiétude de voir vos secrets dévoilés vous frôle l'esprit, sachez qu'il n'en sera rien. Je consigne tout et je garde tout ! Ah ! Autre chose aussi ! Comment avez-vous fait pour savoir que nous étions en danger ? »
Tous les deux ont des étoiles plein les yeux, tels de vrais fans devant leur idole. Cette situation rend la concernée un peu mal à l'aise intérieurement. D'ailleurs, elle ne se rend toujours pas compte que celui qu'elle avait assommé est là.
« Pas de compliments s'il vous plaît. Je marchais dans le coin lorsque j'ai senti une énorme quantité d'énergie s'accumuler. J'ai voulu savoir ce qu'il se passait. Je vous ai vu pris au piège de cette abuseuse d'élément. J'ignore ce qu'elle vous voulait exactement mais je n'ai pas pu m'empêcher de venir vous secourir. Mon nom est Fraya. Et... Concernant comme j'arrive à faire ça... »
Les deux hommes ont les yeux rivés sur sa bouche, prêts à bondir sur l'explication tant espérée. Soudain, leur approche réveille d'étranges sensations en elle, en témoignent les frissons glissant le long de son dos. Aussitôt, elle comprend que Yoru est affilié à l'eau.
« Pardonnez-moi... Il m'est impossible de le reproduire tout de suite. Je dois attendre un an. » improvise-t-elle.
Évidemment, cette déclaration sans réelle solidité déçoit énormément Rajik et ne convint pas totalement son ami. Cependant, héritage moral de son mentor bien ancré, Yoru se ravise d'insister malgré la cascade de questions déferlant dans son esprit.
« Tant pis. Après tout, qui suis-je pour vous exiger quoique ce soit. Je me dois de me racheter du service que vous venez de nous rendre. Puis-je faire quelque pour vous ? »
« Je pense réellement que vous ne pourrez pas. »
« Vraiment ? Il se trouve que mon grimoire est une vraie réserve d'informations. Vous voulez savoir où aller ? Vous cherchez quelque chose ? »
Ces deux questions interpellent Fraya.
« Nous avoir une nouvelle amie ! Hé ! Toi venir ! » interpelle Rajik en s'adressant au sabreur.
« Ah oui. J'ai oublié de le présenter. Il nous a rejoint il y a peu. C'est un Shirenai. »
Tout de suite, ce terme précis alerte encore plus leur sauveuse d'un jour.
« Nous l'avons trouvé inconscient l'autre jour. »
En toute naïveté, et ignorant qu'il se dirige en réalité vers la coupable de son malheur, il vient rejoindre ses compagnons. Il suffit que sa capuche se relève un peu pour que Fraya le reconnaisse immédiatement, pétrifiée de stupéfaction à sa venue.
« Merci beaucoup mademoiselle d'être venue à notre rescousse. Comment puis-je vous remercier ? » s'avance-t-il, main tendue pour la saluer.
Elle refuse de porter honneur à son geste en reculant d'un pas.
« Qu'y a-t-il ? Quelque chose ne va pas ? »
« Le devoir m'appelle ! Je dois y aller ! » envoie-t-elle expressément.
Invoquant les dernières forces qui lui sont disponibles, elle s'enfuit à toute vitesse, sans formulation. Personne ne comprend ce qu'il vient de se passer.
« Elle être étrange. Elle même pas dire bonjour à notre ami. Elle avoir un problème ! »
« Je suis d'accord avec toi. Dommage pour elle. Je voulais juste me rendre utile. »
« Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? »
« Tu as voulu être poli. Rien de plus. »
« Nous toujours pas savoir nom à lui. »
« Oui, il faut t'en donner un pour des simplicités de communication. Rien que pour ce genre de situations par exemple.
« Comment vas-tu m'en trouver un ? Ce ne sera pas mon vrai nom. J'aurais l'impression de tricher avec moi-même »
« Qu'importe ! Ce qui compte c'est que tu aies une identité afin d'évoluer dans ce monde. Sans nom, tout être est condamné à la perte. »
Face à la pertinence et à la justesse de ses propos, le manieur de foudre ne trouve rien à ajouter. Vient maintenant le moment de la réflexion.
« Moi savoir ! »
« Ah oui ? Vraiment ? Et quel nom souhaites-tu lui donner mon cher Rajik ? » lui adresse-t-il de manière ironique.
« Quand lui attaquer lui dire Kameraï ! Nous appeler lui comme ça. »
« C'est une bonne idée... Bravo Rajik. »
Fier de son succès, il bombe le torse. Cependant, l'expression perplexe de son visage suffit à les dissuader d'utiliser ce terme comme prénom.
« Et pourquoi pas Rai ? C'est facile à retenir. En plus, Rai signifie foudre. Comme c'est également l'élément que tu utilises, c'est très simple à retenir. »
« Moi aimer Rai ! »
« Ça sonne bien. » commente le concerné en hochant la tête.
« Très bien alors permettez-moi un instant. »
L'aquamancien prend une posture soulignant l'importance du moment.
« J'annonce solennellement, qu'à partir d'aujourd'hui, toi, notre ami, ton nom sera Rai, le Shirenai de foudre ! » déclare-t-il.
« Moi aimer ! » poursuit Rajik en se frappant le torse.
Motivé par leur enthousiasme enivrant, il sort son katana et le pointe vers le ciel.
« Je m'appelle Rai et je suis un Shirenai de foudre ! »
« Pourquoi toi répéter ? »
« Euh je ne sais pas. Je me suis laissé emporter. » lui répond-il d'un air peu gêné.
« Et à nous trois, nous sommes le trio des nomades aventuriers ! »
Un petit silence, synonyme d'un petit malaise.
« Nom pas créatif. »
« T'en as un meilleur peut-être ? »
« Et pourquoi ne pas nous donner de noms ? Après tout... Tu en as donné un à Rajik et vous m'en avez donné un. Nous identifier aux yeux des autres de cette manière... C'est inutile. »
« Pas faux. »
Les trois compagnons prennent une posture de groupe.
« Il me tarde de repartir à l'aventure ! »
« Je serai là pour vous protéger du mieux que je peux. » annonce le fraîchement nommé.
« Et nous aussi nous serons là. Nous serons toujours là pour t'aider. »
« Vous ne pouvez pas savoir à quel point je vous suis reconnaissant. Qui sait ce qu'il me serait arrivé si vous n'étiez pas venu à mon secours »
« Oh mais c'est tout à fait normal. Partons ! Nous devons faire le plein de nourriture avant de poursuivre notre route. »
« Oui ! Moi avoir faim ! »
« Vous croyez qu'on croisera cette invocatrice à nouveau ? » demande Rai.
« Moi espérer ! »
« Pas moi. Pas tant que j'aurais réfléchi à un stratagème pour la contrer. Et pas tant que tu en sauras mieux sur tes capacités, Rai. Je n'aime pas jouer sur le hasard contrairement à certaines personnes. »
Les voilà ainsi partis. Pendant ce temps-là, assez éloignée d'eux, Fraya, encore sous le choc, reprend sa respiration. Elle regarde la main responsable de l'amnésie du pauvre Shirenai nouvellement nommé. Aucun doute. Elle l'avait achevé. Et pourtant, il est encore là. Il faut à tout prix l'éviter. L'attitude avec laquelle il l'a abordée l'intrigue tout de même. Comme s'il ne la reconnaissait absolument pas. Après quelques secondes, fixée sur cette affirmation, elle reprend ses esprits. Rien ne doit l'écarter de son objectif. Rien ne doit l'écarter de s'emparer de cette chose qu'elle nomme « Kirioku ».