Sur le littoral situé à l'extrême Sud du Continent Central, une barque accoste. Un homme, portant une longue cape à capuche en descend. Après s'être assuré d'être arrivé au bon endroit, celui qui l'a amené jusqu'ici rebrousse chemin, s'enfonçant dans l'épais brouillard recouvrant la mer. Pendant ce temps, Rai et ses amis continuent leur chemin. Les pensées du manieur de foudre sont désormais focalisées sur la dernière discussion houleuse qu'il a eu avec le spécialiste de glace. Des claquements métalliques envahissent soudainement les ouïes sensibles de Rajik et de Shirenai.
« Qu'est-ce que vous avez ? » demande Yoru.
« Quelque chose approche. » répond Rai, un peu dans la douleur.
« Cachons-nous. Et veillez à contrôler vos énergies. N'est-ce pas Rajik ? » poursuit l'Enijiakku après avoir compris que ses deux compagnons sont dans l'incapacité de lui fournir une description de ce qui arrive vers eux.
« Moi pas être idiot ! »
Ils se planquent. Une minute plus tard, une sorte de diligence passe avec, à son bord, des sacs d'armes, devancée par une patrouille.
« Un convoi. La présence de cette patrouille le confirme. D'après ce que je sais, toutes les lames utilisées à Kigen proviendraient de l'Ouest. Toutes les personnes que j'ai croisées ont les mêmes armes que celles présentes sur ce convoi. Rajik et moi sommes déjà passés par ici. Et il n'y a que sur cette route que ce genre de cargaisons circule. J'ignore cependant pourquoi. »
Rai reste impressionné par le puits de savoir qu'incarne l'Enijiakku. L'escouade passe à côté d'eux. Le trio retient son souffle.Un des trois patrouilleurs tourne la tête, faisant signe à la cargaison. Celle-ci s'arrête. Tout de suite, Yoru croit qu'il a perçu l'une de leurs énergies. Si c'est le cas, il n'en est pas responsable. C'est sur, selon lui. Un seul coupable, Rajik. Le manieur de foudre, soucieux que ses amis soient une nouvelle fois pris en otage, essaye tant bien que mal de se contenir.Cette situation perdure pendant plusieurs secondes, beaucoup trop longue pour le cerveau de la bande.
« On prend du retard. Le Conseil va nous sanctionner. » indique l'un des autres patrouilleurs.
« J'ai cru avoir senti une présence. Fausse alerte apparemment. Excusez-moi les potes. » lui répond son collègue.
Ils repartent. Une fois totalement sûrs d'être hors de portée de vue, les trois amis sortent de leur cachette.
« C'est bien Rajik. Tu n'as pas cherché la confrontation. Félicitations. »
« Moi pas avoir assez de forces. Sinon moi avoir voulu les affronter. »
« Évidemment... J'ai réellement cru qu'ils allaient nous trouver. Repartons, au cas où ils changeraient d'avis. »
Quelques instants plus tard, ils arrivent au bord d'un champ, aussi doré qu'un soleil en plein zénith.
« Sais-tu ce que c'est ? » demande Rai.
« Du blé. On le cultive pour en faire de la farine pour le pain ou pour nourrir les animaux. »
Rajik, pensant alors que c'est comestible,cueille quelques brins. Alors qu'il les portait à sa bouche, ceux-ci sont brusquement gelés.
« Arrête ! Ça ne se mange pas comme ça ! »
Soudain, ils aperçoivent un homme, habits paysans, agiter une faux, de plus en plus vite. Au milieu du ciel, pourtant bleu et pur, un nuage commence à apparaître. Rai entend un son, volume moyen, au rythme régulier, semblable à une pluie fine. Yoru commence à voir des débits bleus ascendants circuler en lui. Étonné de découvrir ça chez quelqu'un n'ayant point recours à des arcanes, n'appartenant à aucun peuple exploitant les éléments.Rajik regarde ses amis, perplexes par ce qu'ils perçoivent.Le nuage devient subitement gris.
« Ular ! » invoque le parfait inconnu.
Soudain, une pluie s'abat sur une zone circulaire, à dix mètres de lui, avec un rayon de 50 mètres. Yoru est abasourdi par cet exploit. Rai croit directement que son créateur ne peut être qu'un Shirenai.Excité de voir enfin autre chose que les mêmes catégories de personnes posséder des techniques, Rajikcourt à vive allure vers lui. Soudain, ses pieds sont pris dans de la glace.
« Non... Pas quand ça devenir intéressant... » se plaint-il.
Le paysan, en le voyant, arrête de faire tourner sa faux. Le phénomène météorologique qu'il a invoqué cesse immédiatement. Les deux pratiquants élémentaires les rejoignent.
« Qui êtes-vous ? » interpelle-t-il, apeuré.
« Excusez-le. Il ne peut s'empêcher de faire ça. Pardon. Nous ne voulions pas vous déranger. Nous vous regardions. »
L'homme rural jette sa faux et commence à s'enfuir. Rajik, lassé d'être toujours bloqué quand tout devient excitant pour lui, touche le sol et prend une posture de sprinter, malgré l'état de ses pieds.
« Bond Bestial ! »
L'énergie déployée est telle qu'il réussit à détruire en mille morceaux la glace invoquée par son ami d'un seul coup et fonce vers le fuyard. En à peine trois secondes, il débarque devant lui.
« Pas bouger ! »
Rai ramasse la modeste faux. Yoru l'inspecte avec une grande attention. Aucun arcane apparent. Il passe alors dans une intense phase de concentration. Soudain, une fine pellicule de glace se forme sur le tranchant. Cela prouve que l'élément de l'eau n'est pas présente naturellement dans l'outil agricole.
« Excusez-nous. Nous ne voulions pas vous faire peur. Pas moi en tout cas. Nous voulions juste savoir comment vous parvenez à faire ce que vous avez fait. »
« La pluie ? » demande le paysan.
« Pardonnez mon insistance mais le sort que vous invoquez est loin d'être anodin. Cela me pousse à croire que vous avez fait partie de la capitale des Shirenais. »
« Absolument pas. »
« Menteur ! Toi dire secret ! »
« Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je labourais mon champ comme toujours. Et un jour, j'ai vu un patrouilleur invoquer la pluie. J'ai retenu sa formule. J'ai essayé et voilà. Ça me facilite grandement la vie. Si on savait ça plus tôt, on aurait de la nourriture à foison ! Le rêve ! Rien à payer. De l'échange équitable entre différents récoltes de différents endroits de Faironne, au lieu de devoir en offrir une partie sans contrepartie concrète. Ce qu'il nous répète sans cesse c'est que la paix qu'il nous procure suffit amplement. Si j'avais su ça plus tôt ! »
Tout ce que raconte l'inconnu amène un argument supplémentaire dans la thèse que ce peuple dédié aux éléments ne mérite pas sa place chez le trio.
« Je sais ce qu'il vous arrive. Aussi étonnant que ça puisse l'être. » s'avance Yoru, bien conscient que l'être qui se tient devant lui n'appartient à aucun camp, en lui rendant ce qui lui appartient.
« Ah oui ? »
« Vous avez en vous une infime partie d'énergie élémentaire de l'eau, tout comme moi. Bien que vous manipulez une arme contondante comme eux, vous n'en faites pas partie, rassurez-vous. Il y a bien plus qu'une simple pluie si vous me donnez la permission de vous enseigner tout ce que je sais à ce propos. Nous pourrons vous aider à en savoir plus sur votre énergie et apprendre des sorts beaucoup plus utiles et plus puissants. Grâce à eux, vous serez capables de vous défendre et de vous nourrir de manière constante. »
« Comme ça vous devenir plus fort et moi pouvoir affronter vous ! »
La proposition semble alléchante sur le papier, vu les arguments imparables mis en avant par le spécialiste en la matière. Cependant, ce n'est pas de l'excitation qui se lie à travers ses yeux mais bel et bien une étrange amertume, à la grande surprise du groupe d'aventuriers.
« Écoutez... A vous écouter parler, vous voulez que je fasse mieux pour moi et les miens. Maîtriser l'eau... L'essence même de la vie... Invoquer de force la pluie, j'estime déjà en faire trop même si j'ai des proches à nourrir. Et quitter cette terre qui m'a vu naître et grandir m'est inconcevable. Je préfère rester en accord avec elle. Combien de fois ai-je répété ce mot encore et encore alors que, le lendemain, mes champs n'avaient pas changé d'un pouce ? Ça prouve bien que chercher plus de contrôle sur quelque chose qui nous est antérieure et inégalable. » explique le paysan.
Sa réponse rend Rai et Yoru perplexes, ébranlant même l'idéalisme trop ambitieuse que plaçait l'aquamancien dans la compréhension des énergies. Faironne ne serait en réalité qu'un cercle fermé ? Dicté par un équilibre supérieur à tout pouvoir ? Y aurait-il une limite infranchissable ? Ne désirant pas rester enfermé intellectuellement dans un cadre prédéterminé, il se refuse de croire à ce discours.
« Ça être beau... Protéger arbres et animaux, ça être plus important. Vous avoir raison. Moi devoir devenir fort pour protéger nature. »
« C'est vrai. Le réel rôle des Shirenais c'est ça, rien d'autre. Lorsqu'une menace se présente, peu importe ce que ça coûte, si nous devons aller au-delà de ce qu'on nous impose, nous devons l'arrêter. » ajoute Rai.
Seuls Yoru et le paysan ne trouvent rien à ajouter ou à contredire face à la motivation avancée par le sabreur.
« Mes amis, peu importe ce qui se dressera devant nous, si nous devons y faire face, ne reculons plus. Je sais quelles sont tes raisons, Yoru. Ne t'en fais pas, s'il y a moyen d'y échapper, nous le ferons. En attendant, excusez-nous cher monsieur de nous s'être imposés. Nous respectons votre choix. Passez une bonne journée et, surtout, restez fidèle à vos si belles valeurs. »
Sur ce, Rai est le premier à se retirer sans attendre ses compagnons. Motivé par son comportement, Rajik ne perd pas un seul instant pour le rejoindre. Les deux derniers hommes à être encore présents se regardent.
« Monsieur, pour vous avertir, il y a peu nous avons vu des gens comme vous vouloir exploiter l'un des quatre éléments prônant l'équilibre de notre monde. Résultat ? Ils allaient se faire arrêter et, peut-être, tuer si notre intervention n'avait pas eu lieu. Le seul conseil que je peux vous transmettre est que, si vous voulez continuer à invoquer la pluie sereinement, faîtes-vous discrets. »
Il le laisse ainsi, parti retrouver ses amis. L'inconnu ne semble pas prêter plus d'attention à la mise en garde de l'affilié à l'eau. Alors qu'il allait reprendre l'irrigation de ses champs, soudain, une lame vient se glisser sous sa gorge. C'est celle d'une arme d'un mercenaire, et pas n'importe lequel : Shipé. Lui-même est accompagné par deux patrouilleurs, comme toute escouade qui se respecte.
« Lâchez ça. Tout de suite. Vous êtes en état d'arrestation. » annonce-t-il.
Tout le discours prodigué par son précédent interlocuteur prend sens à ce moment. Sous la menace, il laisse tomber sa précieuse faux. Le gradé sort un parchemin.
« Alors comme ça on pratique un élément, sans s'inscrire chez nous ? »
Dessus, un sceau brille et vient se répliquer sur le dos du paysan. Aucune douleur. Aucun effet apparent.
« Aucun être hormis un Shirenai n'est autorisé à maîtriser une énergie. C'est la loi. Sais-tu ce qui arrive à ceux voulant la braver ? »
Paralysé par la peur, le menacé n'ose pas répondre. Dans la continuité de ses propos, Shipé sort son arme.
« Tu dois mourir ! »
Alors que l'exécution était imminente pour le pauvre homme, sa poche gauche se met à briller. Ce retournement de situation le gêne grandement dans sa manœuvre, pourtant si satisfait d'appliquer la sainte parole de la hiérarchie régnant sur Faironne. Ainsi, à contre cœur, il épargne sa vie, sortant alors un autre parchemin, plus petit que le précédent. Une vive lumière en est émise.
« Mercenaire Shipé, j'écoute. »
« Ici le conseiller Aritsune. Plus de politesse quand nous vous appelons, je vous prie. »
« Par Faironne ! Mes salutations, Conseil, vous tombez bien. Je viens d'arrêter un utilisateur illégal d'énergie. Je vous le ramène comme […] »
« Stop ! Le bracelet d'Orzlon a été détecté. Arrêtez le voleur, récupérez l'objet et revenez à Kigen. » ordonne Daigaku.
« C'est un ordre. » poursuit son homologue.
« Entendu. »
La lumière s'estompe, laissant place à une sorte de petite sphère grise fonçant d'un seul trait vers une direction. Shipé range son moyen de communication avant de lâcher un soupir connotant à la perfection sa frustration.
« Décidément, tu es chanceux car normalement je t'aurais exécuté. Vous n'êtes pas une de ces vermines d'Enijiakkus. Remercie Faironne. Patrouilleurs, suivez-moi. »
Ils s'en vont aussitôt, guidé par la trace laissée par la sphère. Le paysan les regarde s'en aller, reprend sa faux et la refait tournoyer comme si rien ne s'était produit.
« Ular ! » invoque-t-il.
Contre toute attente, aucune pluie. Croyant qu'il a mal prononcé la formule, il répète l'action une fois avant de constater que ce que Shipé a réalisé sur lui n'avait pour unique but que de lui retirer tous ses pouvoirs. Les mots de Yoru lui reviennent en mémoire. Il craque. Ailleurs, Alnor, l'homme qui avait affronté Rai au tout début de l'histoire, marche tout en prenant le soin d'observer les alentours. C'est alors qu'il sent des chaleurs se rapprocher de sa position. Parmi elles, il y en a une qui retient toute son attention. C'est à ce moment précis que la sphère invoquée par les conseillers passe juste à côté de lui avant de s'évaporer la seconde suivante. Comprenant directement qu'il s'agit d'un mouchard, grâce à sa formule fétiche 'Ingosol', Alnor emprunte une faille. Shipé, aura active, se déplace vite grâce à une propulsion d'eau émanant de son arme placée en arrière, suivi de près par ses hommes. Dans le mouvement, il se remémore un temps où Alnor n'était qu'un simple élève comme les autres à Kigen. Le gradé enseignait les rudiments de l'art du combat à l'épée. Ses disciples reproduisaient tout mouvement qu'il mimait, avec, parmi eux, celui qui deviendra le propriétaire du bracelet d'Orzlon. L'aquamancien s'étonne encore à ne pas avoir pu se rendre compte à cette époque-là de sa véritable nature.Plus tard, chaque élève, aligné un à un, devait lever son arme en l'air. Ainsi, l'élément en lui devait se manifester. Deux élèves avant Alnor réussirent. Vint son tour. Il fit la même chose, sous les yeux attentionnés de Shipé. Rien ne se produisit. Ses camarades ricanèrent allégrement.
« Recrue Alnor ! Arrêtes de faire ton intéressant et manifeste-le. Tout de suite ! »
Autre essai. Autre échec. La moquerie se fit plus forte. Excédé, il jeta violemment son arme au sol et s'isola. C'était le premier indice. Dans un autre exercice, les élèves devaient laisser exprimer leur élément en faisant surgir leurs auras. Tous y parvenaient sans difficulté, même Alnor qui arborait une aura rouge pourpre. Lorsqu'il le regardait, le gradé ne pouvait que constater que son flux circulait en sens inverse à celui d'un Shirenai, comme celui d'un Enijiakku. Aucune lame n'était compatible avec lui. Les derniers indices. Une nuit, Shipé était en ronde avec deux patrouilleurs. La cité était éclaircie par des flammèches et des petites boules électriques. Ils arrivèrent non-loin des restes de la statue vue par Rai. Ils virent Alnor en train de scruter les restes.
« Qu'est-ce qu'il fait là lui ? » s'étonne-t-il.
Le futur déserteur dévoila par maladresse le fameux bracelet. Le reconnaissant sur le champ, Shipé dégaina d'un coup sec son arme. Ses patrouilleurs suivirent le mouvement.
« Retire ça immédiatement ! » ordonne-t-il.
Le concerné par cet avertissement ne réagit pas, trop fixé sur le sujet de sa curiosité.
« Recrue Alnor, si tu ne retires pas immédiatement ce que tu portes, je t'envoie direct au Conseil ! »
Interpellé par la manière avec laquelle il l'a nommé, l'élève pris par les moqueries se relève bizarrement, sourire aux lèvres, se retenant de rire aux éclats.
« Moi ? Un des vôtres ? Il y a erreur sur la personne. » ose-t-il.
« Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es bien la recrue Alnor, non ? Alors, je te conseille vivement de ne te foutre pas de moi si tu tiens à ta vie. Dernière sommation. Enlève tout de suite l'ignominie que tu as osé enfiler sur ton bras. Tout de suite ! »
« Comment as-tu appelé cette merveille ? Ah oui, j'oubliais. Vous, les Shirenais, êtes si étroits d'esprits ! Jamais je ne vous le rendrai ! Pas après ce que j'ai découvert ! » déclare-t-il, légère aura rouge et pourpre entourant son accessoire.
Les deux subalternes sont un peu décontenancés par son attitude et ses mots. Est-il ivre ? Shipé, lui, ne tergiverse pas. En réponse, il active la sienne et dégaine son arme.
« Avec ta pitoyable démonstration d'aujourd'hui, tu tiens réellement à me faire chier, n'est-ce pas ? Si c'était que moi, je t'aurais déjà viré depuis longtemps ! Notre si belle armée n'a pas besoin d'éléments inutiles comme toi ! »
La seule réplique que trouve le futur partenaire de Rai avant qu'il ne soit atteint d'amnésie se matérialise par un rire narquois. Les patrouilleurs qui assistent à la scène ne savent pas comment réagir. Pourquoi personne d'autre ne se pointe ? En tout cas, ceci n'est pas la préoccupation première du gradé.
« Tu aurais fait une belle action avec ça ! Maintenant que je sais tout, il est temps pour vous de subir toute ma rancœur. Regardez-vous. Votre pitoyable sentiment de supériorité vous donne tous les droits, vous offrant un si joli cocon, bien confortable. Profitez-en... Car je mettrai fin au mensonge ! »
Les habitants les plus proches, réveillés à cause du boucan qu'ils produisent, sortent. Assez de ce comportement, Shipé veut en finir rapidement, peu importe les conséquences, et se met en position de tir.
« Iyawer Teitaé Peganyon ! » invoque le mercenaire.
Un jet d'eau à haute pression surgit brutalement de la pointe de sa lame.
« Ingosol. » prononce à voix basse sa cible, pour la première fois devant quelqu'un.
Une faille grande comme lui s'ouvre sur son flanc droit, lui permettant d'éviter in extremis la puissante attaque de son agresseur. Le jet détruit tout ce qu'il y avait derrière, frôlant même les habitants se trouvant dans les bâtiments impliqués. Pensant l'avoir atteint pour sûr, le mercenaire désactive son aura. Après une analyse minutieuse effectuée par ses subalternes, il se rend compte de son échec.
« Enfoiré !! »
Ailleurs, dans le présent, Alnor sort d'un portail. Cela avait pour unique but de l'éloigner suffisamment pour qu'aucun renfort ne vienne le mettre dans une situation impossible à résoudre. Bien que son Obujepawa possède d'incroyables pouvoirs, il est conscient qu'il n'est utile qu'en un contre un. Cependant, connaissant le caractère borné du mercenaire, aucune inquiétude. Cet idiot voudra absolument l'affronter seul. Mais même dans cette configuration, l'ouvreur de failles ne sait que trop bien qu'il lui faut une énorme puissance de frappe. Chose uniquement possible s'il met la main sur le fameux artefact qu'il avait évoqué face à Rai lorsque ce dernier avait encore toute sa mémoire. Agacé de ne pas encore avoir mis la main dessus, il s'agace, laissant s'échapper une aura rouge nuancée de violet foncé. Sous l'émotion, il regarde son bracelet. C'est à ce moment précis qu'un souvenir, jusqu'ici refoulé, ressurgit, juste après les exercices d'éveil élémentaire évoqués précédemment, lorsqu'il s'isola.
« Je n'arrive pas à faire comme eux ! Pourquoi ?! Si... Si seulement j'en étais capable... Il me faut de la puissance... » s'indigne-t-il.
Un duo de Shirenais passa à côté de lui.
« C'est au tour de qui cette semaine ? Tetsuo ? » demanda l'un des deux.
« Tour pour quoi ? » lui répondit l'autre.
« Le tour de garde du coffre-fort ! »
Cette déclaration n'échappe pas aux oreilles du futur partenaire bien qu'éphémère du manieur de foudre.
« Ah oui c'est vrai. Faut encore changer les Obujepawas de place. C'est au tour de quel objet d'être confiné ? »
« Le bracelet d'Orzlon. »
Non, ce n'est pas possible. Il existe ? Son père lui en avait parlé. Cet extraordinaire bijou permettrait de modifier la nature de l'élément de son possesseur via la dimension qu'il traverse. Ainsi, il briserait les frontières d'une utilisation classique d'un élément. Maintenant convaincu qu'il est réel, il sent, qu'avec lui, il aurait la force nécessaire pour rivaliser avec un mercenaire.
« Qui doit surveiller ? » demanda l'autre Shirenai.
« Attends. Laisse-moi réfléchir... Shipé, non ? »
« Je ne sais plus. Allons le voir pour le lui demander. »
Plus tard, en pleine nuit, alors qu'il était dans la salle du Conseil, Alnor inspecta le mur se trouvant derrière là où les conseillers ont l'habitude de s'installer. Pourquoi fouiller ici ? Selon lui, un objet de cette envergure ne pouvait être qu'à un endroit rappelant la fonction des personnes responsables de son enfermement. Malheureusement, aucun indice visible ne confirmait sa théorie. Jusqu'à ce qu'il toucha une dalle qui, au contact, révèla une inscription en forme d'un cercle, fortement semblable à un sceau, elle-même entourée de différents symboles. Étant persuadé que les Shirenais n'avaient aucune connaissance en la matière, vu les cours auxquels il assista, un doute s'immisça dans son esprit. Qui aurait pu installé un système aussi ingénieux ? Pressentant que le temps jouait contre lui, il posa la main dessus. Quatre petites ondes de chaleur apparurent au bout de ses doigts. Il toucha quatre points précis sur le sceau et le fit tourner. Au bout de quelques manipulations, le sceau fut désactivé. Cela fit disparaître le mur. Il découvrit alors une salle non éclairée et, au centre, un coffre. Alnor s'en approcha, l'ouvrit et découvrit le fameux bracelet.
« Fabuleux... » lâcha-t-il, les yeux baignés d'admiration.
Pris par l'excitation, il l'enfila sans plus attendre.
« Père... J'ai trouvé une légende. »
L'émotion est telle qu'un autre souvenir, datant cette fois de son enfance lui revint en mémoire.
« Mon fils... »
Le jeune Alnor était dans son lit, son paternel à côté de lui.
« Papa, pourquoi les Shirenais t'ont pris ton sceptre ? » lui demanda-t-il.
« Fiston, nous, les Zigriks, sommes contraints de ne plus exercer. Il faut que tu saches une chose. Eux, les Shirenais, ont peur de nous. » lui répond-il.
« Pourquoi ? Tu sais faire plein de choses ! Pourquoi en avoir peur ? »
« Il y a deux cents ans, lorsque nos deux peuples ne formaient qu'un, le meilleur d'entre nous, Fumiaki, qui défendait la quête de savoir, notre devise, était rentré en conflit avec leur chef, Densetsu. Ce dernier était jaloux que notre illustre ancêtre avait découvert une énergie complètement différente des éléments. Une force destructrice et puissante. En réponse, cet homme ignoble inventa un opposé parfait à cette dernière. Celles-ci furent scellées par d'étranges individus venant de nulle part. »
Malgré la défaite racontée, le futur ouvreur de failles reste pantois, comme l'enfant qu'il fut.
« Les Shirenais sont des coincés. Ils ne comprennent pas le potentiel de nos recherches. Ils nous voient comme des menaces. » lui annonce son père.
« C'est pas juste ! Toi, Papa, tu es gentil ! » répondit-il avec force et affirmation.
« Si seulement nous pouvions remettre la main dessus... Mais ce qui m'importe là, c'est toi. Sois fier d'être un Zigrik. Garde cet héritage en tête. Nous devons continuer à faire vivre la mémoire de nos ancêtres. Je suis convaincu qu'un jour tout changera. »
Sur ces mots, pour faire comprendre à quel point il tient à lui sans le dire explicitement, il l'embrassa sur le front. Une fois tout ce passé remémoré, Alnor regarde encore son bracelet, déterminé à ce que celui qui provoquera la venue de ce fameux sera lui. L'énergie qu'employa Fumiaki, il la veut plus que tout. Honorer son peuple et le venger. Telles sont ses motivations les plus profondes. Ce monde doit évoluer. Plus motivé que jamais, il attend Shipé de pied ferme.