Après un moment de pur labeur délivré par Calibak sur la constitution d'un sceau bien particulier qui aurait pour unique propriété le transfert, après que la mise en place de tous les arcanes à leur disposition par Shiki, après l'utilisation du Kuwanoren par le Zigrik de foudre, Kenshiro parvient à atteindre la Chambre élémentaire. Le dernier membre du quatuor encore existant se dresse devant lui, la mine grave. Le Shirenai, dans le respect le plus pur, lui délivre une révérence.
« Je m'attendais à une autre visite. Que viens-tu faire ici ? Prendre ma place ?
- Oui et non… Vous allez trouver surprenant ce que je vais vous annoncer. J'ai un moyen d'empêcher le désastre qui se prépare. Pour ça, j'ai besoin de savoir une chose. Vous pouvez donner une partie de vous-même. C'est exact ?
- Tout à fait.
- Pouvez-vous le faire pour un réceptacle ? Les artefacts et les arcanes en sont la preuve vivante, n'est-ce pas ?
- En effet. Cependant, en tant qu'élément, si je donne, je disparais. J'ai un devoir. Perpétuer l'héritage de Faironne. J'incarne son sacrifice. Alors, tu comprends bien que je ne me permettrai pas de le faire à mon tour.
- Je respecte votre sentiment, honorable Denki. Sauf que, vous le savez très bien et vous l'avez sans doute ressenti, la situation est critique. Si notre ennemi vous tue, il fera sauter le dernier verrou qui garde une menace, encore plus grande, en sommeil. Sauf si nous agissons.
- Explique.
- Je veux transférer toute votre énergie dans des arcanes prévues à cet effet. Ainsi, notre ennemi ne pourra pas s'en emparer. Il nous suffira de trouver le moyen de le vaincre, désigner de nouveaux porteurs pour les quatre éléments et Faironne sera sauve. Qu'en pensez-vous ?
- Tu me demandes… De me suicider ?... Qui es-tu pour oser me demander ça ?!
- Je vous en prie. Hormis cette idée, je ne vois pas d'autre alternative. Malgré la présence des deux énergies de l'Interdit à nos côtés, il faut nous garantir une sécurité. Je souhaite sincèrement qu'elles en sortent gagnantes. Cependant, un doute en moi subsiste. Je veux nous préserver tous du pire scénario possible. »
Au lieu de lui répondre immédiatement, Denki a des images de tous ses anciens collègues éléments : les trois géomanciens, dont celui qui a précédé Densetsu, le fondateur de Kigen lui-même et Tetsuo, les deux pyromanciens, dont Hotto et son prédécesseur, les trois manieurs d'eau, dont celui que Suisei a succédé, elle-même et Yoru, pour finir sur l'entité que la foudre actuelle a remplacé.
« J'ai connu tout le monde ici. J'ai assisté à toutes les passations de pouvoirs après la mienne. Je suis le dernier survivant d'une lignée de talentueux êtres animés par une seule chose ; la volonté de protéger.
- Je… Je suis désolé. »
Pendant ce temps, dans la zone des tempêtes, la brusque apparition de brèches violettes met en pause l'affrontement en cours. Renko ne comprend pas de quoi il s'agit. Leur teinte, Rai la connaît bien. Une image brève de l'œil unique inversé frappe son esprit ainsi que celui de la Kozana. Deux mots, issus de la langue autrefois dominante dans le monde de Faironne, sont prononcés.
« Nous devons en finir rapidement. » affirme-t-elle.
Une fois le message compris, le Kiyuza en déduit immédiatement leur émetteur. Pour lui, l'unique raison de cette émission réside dans le fait que, vu qu'il leur est désormais supérieur, les deux énergies qu'il a crée l'ont appelé en renfort. Les sceaux qui, tout à tour, avaient réussi à faire disjoncter Rai et Fraya reviennent sur ses paumes. Pour se confronter au dernier obstacle à la paix éternelle, il en est convaincu, Renko doit trouver le dernier élément. Dans cette optique, il amplifie son halo d'énergie.
« Téliponyon ! »
Il disparaît aussitôt. Influencés par la présence de ces étranges fissures violacées, alors que tous les deux désiraient simplement s'appuyer sur leurs capacités actuelles, les yeux de Rai émettent une forte lumière tandis que les traits noirs sur Fraya se multiplient. Voulant à la base balancer de banaux rayons lumineux, Rai produit plusieurs lasers du bout de ses doigts. Voulant au départ tirer de classiques boules noires, c'est à la place une véritable salve presque incontrôlable que créera Fraya. Sous le coup de la téléportation, le Kiyuza, au ralenti, distingue parfaitement les attaques. Grâce à cette lecture simplifiée à l'extrême, il se faufile entre elles. Cependant, toute cette débauche de puissance, couplée à la quantité phénoménale d'énergie en lui, provoque une nouvelle fois le phénomène de forçage d'un des nombreux talents qu'il possède. Ainsi, un double de lui-même surgit de son corps. Puis, toujours sous l'effet du pouvoir que Rajik a piqué sans le vouloir au vénérable, Renko et sa copie apparaissent subitement derrière Rai et Fraya.
« Xénatyon ! »
En les touchant, le successeur de Ki-Ramen et son clone libèrent d'un seul coup les forces encore latentes présentes dans les corps des deux hôtes des créations de Yamos. Ainsi, ils perdent complètement pied. Fraya saute immédiatement sur Rai pour dévorer sa lumière. Les deux Renko fusionnent. Ravi du chaos qu'il vient de provoquer, il sourit.
« Ne vous en faîtes pas. Je tuerai l'Interdit de mes propres mains. »
Alors qu'il s'orientait vers le Nord, soudain, le sceau qu'il avait bien plus tôt posé au sol se met à briller anormalement. Quelqu'un approche. Un Shirenai de foudre ? Une fois ce dernier éclaté, le ki contenu dans celui-ci se matérialise et en forme un autre, plus petit, de l'autre côté de la plate-forme. C'est là que Rajik débarque.
« Toi ?! Comment ? Je t'ai enlevé ton ki ! C'est insensé ! » s'étonne le responsable de toutes les catastrophes arrivées jusqu'à présent.
Lorsque l'amoureux des combats aperçoit Fraya toujours en train de dévorer frénétiquement l'énergie de son ami, il se téléporte immédiatement derrière elle, sous les yeux effarés de Renko. Il est capable de se déplacer comme ça maintenant ? Depuis quand ? Comment ? Ainsi, Rajik l'amène sur un côté de la plate-forme. Puis, la seconde suivante, par le même procédé, il revient auprès du porteur de l'Hoshaku.
« Rai ! C'est moi ! Rajik ! Calme-toi ! »
Celui qui est si fier d'être l'émissaire de Faironne n'en revient pas. Sous les supplications de son ami, les pupilles de Rai reviennent un peu.
« Ra… Rajik ?
- Oui ! C'est moi !
- Qu'est-ce… Que tu fais là ?... Tu vas… Mourir.
- Je suis venu te sauver.
- Vas… T'en… Tu ne fais pas… Le poids... Il a… Tué Yoru. »
En apprenant cette triste nouvelle, une rage bouillonne dans ses veines. Tout être, dès qu'il sait qu'il vient de perdre un être cher, perdrait toute raison. Or, là, ce n'est pas le cas. Évidemment, il ne peut l'ignorer. Cependant, au lieu de l'emporter dans les méandres de la haine, cela le conforte dans l'idée qu'il doit sauver tout le monde. Ainsi, il déploie progressivement son aura.
« J'aurais dû te […] »
Renko n'a point le temps de terminer sa phrase que Rajik apparaît subitement en face de lui, poing déjà chargé, regard rempli de détermination. Esquive impossible, l'émissaire se le prend violemment. Ainsi, il est éjecté hors de la plate forme avant de tomber dans la mer. Fraya, une fois relevée, appâtée par ce que le Kiyuza appartenant au camp des sauveurs dégage, tente de dévorer son ki mais Rai étire son aura jusqu'à elle, ce qui la calme aussitôt.
« Où étais-tu ? demande Rai à son ami.
- A l'Ouest. J'étais avec ce fou pendant un moment jusqu'à ce qu'il rentre dans une grotte étrange. Quand il est revenu, il a détruit mon ki. Mais le chef m'a aidé. »
La Kiyuza, surprise par la fin de sa phrase, lui lance un regard rempli d'intérêt.
« De... De qui parles-tu ?
- D'un homme qui s'appelle Ki-Igno... Fraya, je sais tout. »
Face à cette révélation, la principale concernée ne sait ni quoi répondre ni comment réagir.
« Je lui ai pris son talent sans le vouloir. Il m'a expliqué comment l'enclencher et l'utiliser. Il m'a aidé à venir ici.
- A trois… On a nos chances. » affirme Rai.
C'est alors qu'une énorme colonne d'énergie neutre surgit de la mer. Renko l'utilise pour remonter. Grâce à elle, il flotte dans l'air.
« Ordure... »
Par réflexe, Rai et Fraya réactivent leurs auras.
« Je vous tuerai tous ! »
Celle du successeur de Ki-Ramen prend une ampleur démesurée. La terre tremble encore plus. La mer produit maintenant des vagues de plus d'une vingtaine de mètres de haut. Toutes les ondes produites par ce déchaînement de puissance parcourent le monde à une telle vitesse qu'au Nord, Calibak est parcouru de frissons.
« Il faut se dépêcher ! » crie-t-il, complètement paniqué.
Le Négociant court jusqu'à la faille et la touche. Aussitôt, il est traversé par un fort courant électrique.
« Ken… Shi… Ro !... Dé… Pêche… Toi ! »
Dans la Chambre, la foudre la plus rapide du Continent du Centre perçoit l'appel de détresse de son ami.
« Pitié, vénérable Denki ! Tout le monde est en danger de mort ! »
Malgré la véracité et la gravité de la situation, le dernier membre encore existant du quatuor ne délivre aucune réponse.
« Je comprends parfaitement ce que vous ressentez. Mais si nous ne faisons rien, plus personne ne portera l'héritage de Faironne ! »
Face au niveau silence imposé par son interlocuteur, le mari de Fraya pose ses genoux à terre, limite en train de pleurer.
« Jusque quand faudra-t-il que je paye ce que vous considériez comme des erreurs ?... Je veux juste… Vivre en paix avec celle que j'aime… Tout ce qui arrive est de ma faute… Si j'avais pu la retenir, rien de tout ça ne se serait passé… Vénérable Denki… Je vous en supplie. Donnez votre énergie. »
A ce moment-là, alors qu'il pensait s'être totalement coupé de sa vie d'être mortel, un très vieux souvenir, datant qu'au moins plus de deux mille deux cents ans, revient dans la mémoire de l'élément, se passant également dans le lieu sacré de la haute autorité énergétique.
« Où suis-je ?
- Bienvenue, jeune affilié. » répond une voix masculine grave, appartenant sans doute à quelqu'un de très âgé.
Se dressent devant lui les quatre éléments originels, les heureux élus issus du sacrifice de Faironne, sous leur forme qu'ils empruntent lorsqu'ils se déplacent.
« Te voici dans notre antre. amorce le feu.
- Vous… Vous existez pour de vrai ?
- Nous sommes là depuis la victoire de Faironne sur Yamos. lui explique la terre.
- Qui est-ce ?
- Une entité destructrice qui ne souhaite qu'une chose : régner sur notre monde et régir sa propre loi. précise l'être qu'il va succéder.
- Que la vie ne dépende que de lui. Qu'il soit la vérité absolue. Que rien d'autre ne doit exister. » ajoute l'eau.
En apprenant tout ça, Denki est terrifié. En tant que premier être posant pied dans cette dimension unique, jamais il n'aurait songé à l'existence d'une telle vérité. Une réalité coupant totalement à la vie de prodige qu'il vient d'expérimenter. En effet, il fut l'un des premiers affiliés connus et reconnus du monde de Faironne. Tous l'admiraient de par les prouesses qu'il pouvait accomplir. Le voilà maintenant au pied d'une inimaginable perception des choses.
« Jeune affilié, que désires-tu plus que tout ? relance la foudre.
- Si j'ai été capable de tant d'exploits, je suis sans doute pas le seul. D'autres se réveilleront. J'ai peur qu'un chaos non anticipé se répande. Maintenant que je sais tout ça, tout ce que je souhaite, c'est protéger la vie. »
Touché par sa brève explication, comme une preuve concrète de passage de flambeau, son prédécesseur lui tend la main droite. Ce geste, hautement symbolique, se reflète dans sa vision lorsqu'il regarde Kenshiro. Même si le contexte n'est pas identique à celui qu'il a connu, le reproduire représente la meilleure solution. Comme l'a fait celui qu'il a succédé, Denki tend la même main. Ému, le mari de Fraya se relève, la saisit et tend son autre main vers l'extérieur.
« Merci infiniment. »
De l'autre côté, des éclairs jaillissent de la faille avant de s'incruster comme prévu dans les arcanes. Le sceau dessiné par Calibak s'active. L'énergie du Zigrik est alors drainée vers elles. Shiki, captivé par le phénomène qui se déroule sous ses yeux, continue à prendre des notes. En même temps, à l'Ouest, Ki-Igno, en pleine méditation pour récupérer ce qu'il a donné à Rajik, est soudainement interrompu. La figure féminine commence à se fendre en deux.
« Par Faironne… Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Sur les ruines de Safaiatera, de nouvelles brèches violettes s'ouvrent subitement. Dans la Chambre, il ne reste plus que la moitié du corps de l'élément. Kenshiro, du fait qu'il reçoit une énorme quantité d'énergie et qu'il la délivre presque simultanément, souffre de part en part.
« Tiens le coup. » encourage Denki.
La dimension elle-même commence à disparaître. A Kigen, tout comme dans la cité du Nord, les Shirenais affiliés à la foudre constatent que leur énergie s'évapore de plus en plus. Le dernier membre du quatuor perd une grande partie de lui-même. Sentant sa fin imminente, il se met à pleurer.
« Kenshiro… J'ai été… Ravi d'avoir été… Ton élément… Tu aurais fait… Un digne successeur... Promets-moi… De sauver Faironne. »
Sur ces mots, il disparaît totalement. Kenshiro n'a pas le temps d'exprimer clairement ce qu'il ressent face à ça qu'il est aussitôt de retour à l'extérieur. Plus aucun éclair n'est émis. La faille s'efface juste après. Les arcanes émettent une forte lueur jaune. Calibak a retrouvé son apparence normale.
« Le transfert a été réalisé avec succès. » confirme le Négociant.
Ce dernier remarque que son ami depuis toujours semble bouleversé.
« Tu vas bien ? »
Trop affecté, il ne répond pas.
« Et maintenant ? C'est quoi la suite du plan ? » interroge le Zigrik.
Soudain, de nouvelles brèches violettes, caractéristiques à la venue progressive de Yamos, apparaissent tout près d'eux.
« C'est quoi ça ? » répond Shiki, un peu secoué.
Y reconnaissant certaines similitudes, le Zigrik se rappelle ce qu'il avait provoqué dans l'ancienne demeure de Yoru.
« Oh non… Pas ça.
- Tu sais ce que c'est ? »
Tétanisé par la peur, il s'enferme dans un certain mutisme. A Safaiatera, une faille de plus grande ampleur s'ouvre. Partout dans Faironne, le ciel se couvre de noir et de violet foncé. Les Shirenais du Sud, Tencubo et Lyn, de l'Est, du Nord, Kenshiro, Shiki et Calibak lèvent les yeux.
« Non… Ils ont échoué. » affirme le maître-conseiller.
A l'Ouest, tous les Kiyuzas sont pris de panique. Le vénérable, sous la même longueur d'onde que l'homme à la tête Kigen, comprend ce qu'il se passe. Il va revenir. Tout le monde est condamné. Dans la zone des tempêtes, le même chaos mental envahit les esprits de ceux qui s'y trouvent. Tous les quatre ont l'image de l'œil unique inversé.
« Yamos ! crie Renko.
- Okmel Gamerel. » prononce une voix déformée provenant des ouvertures inter-dimensionnelles.
Dès que ces mots sont prononcés, interpellant Rai et Fraya comme étant ''ses enfants'', leurs pupilles disparaissent encore.
« Frantalazav atéam kokzoltyoner. »
Sous l'impulsion de cette phrase, les appelant à accueillir leur créateur, tous les deux amplifient leurs auras et foncent en direction de Safaiatera. Sous l'optique de la mission qu'il s'est affecté, pour les intercepter, Renko disparaît. Alors qu'il pensait pouvoir le faire, Rajik, qui sait aussi utiliser le talent permettant un tel déplacement, réapparaît devant lui.
« On a un compte à régler toi et moi ! » lui somme-t-il.
Rai et Fraya, dénués de tout obstacle direct, continuent leur course. Les deux Kiyuzas enchaînent coup sur coup. Conscient que, peu importe où il va, il sera rejoint, l'unique option possible est de l'emmener de force. Une opportunité s'offre au successeur de Ki-Ramen. Il parvient à agripper son opposant. Leurs énergies, entrant en résonance, provoque un rayonnement intense du dessin présent sur le torse de Rajik.
« Téliponyon ! »
Ils disparaissent tous les deux avant de se retrouver, quelques instants plus tard, devant Safaiatera. Renko relâche son homologue. Les Kiyuzas constatent immédiatement la présence de l'imposante faille. Celui qui détient les mêmes talents que l'homme le plus célèbre de son peuple se rappelle alors de la dernière mosaïque que le vénérable refusa catégoriquement de lui montrer. Pour le peu qu'il a pu apercevoir, il avait découvert un être, de deux mètres de haut, d'apparence squelettique, violet foncé, sans visage, arborant l'œil inversé. Cette description, presque sommaire, s'avérait en fait très proche de la réalité. En effet, un être quasiment similaire sort de l'ouverture inter-dimensionnelle.
« C'est lui… » affirme l'émissaire de Faironne, la voix presque tremblotante.
A chacun de ses pas, le sol noircit. La végétation est désintégrée dans la seconde. Afin d'honorer la promesse qu'il avait prononcé envers la déesse chérie de son peuple et envers l'être le plus puissant d'entre eux, Renko augmente son aura au maximum.
« Repars d'où tu viens ! » avertit-il en levant une épée identique en tout point que celle qu'il avait, matérialisée à partir de végétaux et êtres vivants proches.
Le surnommé Interdit par les siens se tourne vers lui.
« Seule Faironne doit régner ! »
Le symbole sur son front brille de mille feux. Confiant, il balance un énorme croissant de ki à vive allure sur Yamos. Sa cible, malgré l'importance de l'attaque, ne bouge pas d'un centimètre.La technique employée par le Kiyuza, sans aucune raison, est désintégrée, deux mètres devant lui.L'annulation dont lui et Rajik viennent d'être témoins ne correspond en rien à ce que la technique couramment utilisée chez ceux éveillés à l'énergie neutre provoque. Un autre détail a choqué l'amoureux des combats : l'absence totale de mouvement ou de formule. Irrité, Renko réitère l'action quatre fois. Sans résultat. La peur s'immisce dans ses pensées.
« Il est… Trop fort. » avoue l'ami de Rai, des frissons dans le dos.
C'est alors que, certainement dans un excès de zèle mais surtout pour éviter que sa confiance en lui-même ne chavire, Renko agrippe Rajik. Immédiatement, l'activation de l'aura de ce dernier est forcée. Son ki est aspiré. Une douleur indescriptible. Son dessin en forme de lotus disparaît. Au bout de trois secondes, il tombe. Personne ne peut déterminer s'il est encore vivant. Les forces de celui pendant être le dernier rempart sont grandement renforcées.
« Avec ça… Je vais t'avoir ! »
Alors qu'il allait lancer un nouvel assaut, pour son plus grand malheur, Rai et Fraya arrivent.
« Okmel Gamerel... »
Tous les deux, totalement possédés, se prosternent.
« Kach omazyayat ogfel. Ryu, até orazav déralazél atéam neltanar. Tarzyu, até nek-orazav pok nonyaé sansanar ed milofaz. »
Après leur avoir déclaré que, malgré la longue durée que tout ceci a du prendre pour se réaliser, leur mission était terminée et que, donc, ils n'ont désormais plus aucune raison d'exister. Afin de respecter ça, il tend les bras vers eux. Soudain, ses créations sortent des corps de leurs hôtes, qui tombent net. Les deux causes du massacre survenu plus de deux siècles auparavant viennent jusqu'à lui.Il les absorbe. L'énergie noire recompose ses bras, son abdomen et ses jambes. Ses mains, son torse, ses pieds et une partie de sa tête, ressemblant alors à un crâne sans nez, sont reconstituées grâce à l'énergie blanche. L'énergie blanche recomposer ses mains, son torse, ses pieds et une partie de sa tête. Renko serre les dents.
« Tu n'iras pas plus loin ! » affirme-t-il.
Dans un énième excès de zèle, ou totalement dans l'ignorance selon le point de vue, il se rue sur lui, lame en avant.
« Meurs ! »
Soudain, ce qui ressemble à un laser violet le transperce à l'épaule droite. Sous une douleur insupportable, il s'arrête. Apparemment, Yamos n'y est pour rien. De la faille sort un homme sous une forme spectrale, identique à celle pouvant être observée dans le cimetière du Continent du Nord, portant une armure pourpre foncée. Il s'agit de Shipé.
« Dans le mille. » se réjouit-il.
L'épée de ki disparaît. Les cris du successeur de Ki-Ramen réveillent Rai et Fraya. Lorsqu'ils recouvrent leurs esprits, la présence de l'ancien mercenaire les stupéfie. Puis, quand ils posent les yeux sur l'Interdit, ils sont sidérés.
« C'est… C'est… entame Rai sans pouvoir émettre plus de mots.
- Toute cette puissance... Toute cette force... Sans être obligé de prononcer quoique ce soit. Quel bonheur ! Je vous remercie infiniment, votre Majesté. Vous pouvez éternellement compter sur moi.
- Barkazat lé. »
Enfin Rai fait le lien entre la voix qui le harcelait avec le mot déclenchant des amplifications incontrôlables et celle qui vient de s'exprimer. Depuis tout ce temps, c'était Yamos qui voulait le repousser encore plus dans ses retranchements. Un mélange de colère et de tristesse lui tord le ventre. Sans plus attendre, Shipé atteint mortellement Renko en plein cœur grâce à un autre laser. Trois sphères, une bleue, une rouge et une verte, correspondant aux éléments qu'il avait absorbé, sortent de son corps. Alors que celui qui détesta tant les Zigriks voulait les détruire, l'Interdit s'en empare en étirant ses bras et les absorbe. Pendant qu'il se met à chercher la dernière, c'est-à-dire celle de la foudre, Shipé remarque Rai et Fraya.
« Oh, qu'avons-nous là ? »
Il s'approche d'eux. Ils peinent à se relever.
« Enfin… Je peux… »
Fraya tente de l'attaquer.
« Me venger ! »
Le sourire aux lèvres, il l'abat aussi d'un tir en plein cœur. Un geste extrêmement choquant pour celui qui était son dernier partenaire de combat.
« Le fameux Shirenai à l'énergie blanche… Je te remercie beaucoup… Grâce à toi, la mort m'est désormais impossible. On ne peut pas en dire autant pour toi. »
A peine sa phrase terminée qu'il le tue de la même manière. Une jouissance inégalée l'anime de toute part, accompagnée d'un rire qui la traduit à la perfection. Décidant que le temps de reprendre ce qui lui est dû est enfin arrivé, Yamos s'élève dans les airs. Tout de suite, Shipé se prosterne. En même temps, dans le Continent du Nord, un effroi indescriptible paralyse les trois derniers membres des sauveurs de Faironne.
« Il est là… amorce Calibak.
- Comment est-ce possible ? Nous avons sauvegardé la foudre. s'étonne Kenshiro.
- Certainement que… Les éléments existaient dans le seul et unique but de maintenir cette chose enfermée dans sa dimension. suppose le Négociant.
- D'après les écrits de mes ancêtres, ils avaient décelé le but véritable avec l'association de leurs propriétés : causer leur disparition pour briser ce qui le retenait.
- C'est finalement un Kiyuza qui leur a facilité le travail. Quelle ironie tout de même.
- Plus personne ne peut l'arrêter. A moins d'une nouvelle Faironne. Mais, l'existence d'un tel être est impossible. Il aurait fallu la combinaison parfaite entre un simili de Ki-Ramen et des quatre éléments. Et encore, je ne suis pas sur du résultat. »
C'est alors que le Shirenai remarque que les arcanes sont encore actifs. A Safaiatera, toujours dans les airs, Yamos enclenche son aura violette avec laquelle il émet une onde qui s'étend partout sur le monde.
« Zing zvé até omazanya ! Zvon zvé até omazanya ! Mé omaza Yamos ! »
Peu importe où ils sont, peu importe qui ils sont, comme précisé par celui qui fut l'ennemi de Faironne, tous les peuples s'orientent là où ils entendent sa voix, y compris le trio.
« Até nek-omazav pok ja laé gornolar ed Faironne. Atéam ignaser mé bizutkanazat ! Mé omaza atéam jinzekrel ortankorer ! Yborfunazav ! Atéam sinzorflazorak syé oklaé jinzekrael okirtar ed atéam vervilyon ! entendent-ils.
- Qu'est-ce qu'il vient de dire ? Je ne suis pas adepte de la langue de l'Ouest. demande Shiki.
- Il nous affirme que nous ne sommes plus sous la régence de Faironne. Notre monde lui appartient. Qu'il est notre nouveau... Dieu... Il nous oblige à nous soumettre... Et nous promet une nouvelle étape de notre évolution.
- Ah oui quand même… Hors de question que mon réseau lui appartienne !
- Nous... Nous sommes foutus ! »
Alors que Calibak s'enfonce dans le désespoir, le Négociant remarque que son ami est toujours en train de regarder les arcanes.
« Dis-moi… Tes trucs-là… Elles te servaient à quoi à la base ? lui demande-t-il.
- Un substitut d'énergie. Grâce à mon ancien fournisseur, mes trésors ont la capacité d'emmagasiner et de produire eux-mêmes l'énergie donnée au départ.
- Ça met combien de temps ?
- Le processus est assez long. Il m'a fallu cinq ans pour obtenir un arcane s'approchant de la puissance d'un patrouilleur débutant… Pourquoi ? »
Aucune réponse de la part de la foudre la plus réputée de Kigen.
« Si j'avais eu le grimoire de ce Zigrik affilié à l'eau, je suis sûr que mon fournisseur de l'époque aurait trouvé un moyen d'accélérer le processus. J'ai juste réussi à copier le principe sans parvenir à l'améliorer. précise Shiki.
- J'avais réussi à créer une variante de ça. Si j'avais su que vous étiez intéressé par ça, on aurait fait affaire. répond Calibak, interpellé par ce qui vient d'être dévoilé.
- Tu me plais toi.
- A ce stade, nous ne pouvons rien faire. C'est certain. affirme Kenshiro.
- Alors… Nous sommes tous finis ?
- Quelqu'un d'autre y parviendra.
- Qui ? s'étonnent ses interlocuteurs.
- Dis-moi, Calibak, lorsque tu utilisais tes trucs, tu avais juste à dire la formule ?
- Que si l'émetteur, c'est-à-dire moi, et les récepteurs, mes petits gadgets, partagent la même énergie.
- Bien… Nous devons mettre ces arcanes en lieu sûr.
- Peux-tu nous dire où tu veux en venir ?
- Shirenai, Zigrik ou Kiyuza, nous avions l'héritage de Faironne entre nos mains. Aujourd'hui, oui, nous avons échoué. Mais, nous gagnerons demain. Grâce à ça… Nous ne pouvons pas les utiliser car ils sont trop faibles… Mais… Plus tard, beaucoup plus tard, quelqu'un le pourra et aura alors la puissance nécessaire pour combattre ce Yamos... »
Avant de poursuivre sa tirade finale, ils repensant à toutes les personnes croisées depuis sa rencontre avec le trio originel formé par Rai, Yoru et Rajik, notamment Endalia l'invocatrice, Arito le Zigrik accablé d'abord de malchance avant tout puisse être réarrangé, Tetsuo l'homme qui voulait avant tout servir le bien avant qu'il ne se rende compte qu'on se servait de lui, Tencubo l'être qui, parti du bas, est devenu le bâtisseur d'un nouveau monde qui ne demandait qu'à évoluer, Lyn, celle qui désirait dépasser sa condition d'héritière pour incarner l'exemple que tout est possible. Bien sur il pense également à sa femme qui, sous la menace de la mort, voulait obtenir une vie équilibrée, loin de la pression familiale et sociétale. Enfin, il se revoit entouré de ses trois premiers élèves : Rai, l'amnésique qui a dû tout réapprendre avant de s'élever à de nombreuses reprises en tant que rempart inébranlable contre le chaos, Yoru l'homme dont le but premier fut de perpétuer l'héritage de l'être qui changea sa vie, et enfin Rajik, l'amoureux des combats par excellence mais d'une profondeur d'esprit insoupçonné malgré ce stéréotype de fonceur.
« Pour tous ceux qui ont tombés… Pour le monde que nous aimons… Pour les valeurs que nous défendons… Notre temps renaîtra. »
FIN DE LA PARTIE FAIRONNE