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Chapter 2 - Arc 1 - Épisode 2 : Moi ? Un Shirenai ?

Le Shirenai gît toujours sur le sol, inconscient. Quelques mètres plus loin, deux inconnus gambadent : un jeune homme à l'allure maigre, lunettes au nez, grimoire fermé sous le bras, cheveux longs attachés, grande taille, vêtements amples, bref l'archétype même d'un être peu résolu à résoudre les conflits physiquement, et l'autre, plus baraqué que son compagnon, bandana blanc et partiellement déchiré sur la tête, cicatrice sur le nez, plus petit que son collègue, haut blanc en lin troué ci et là, pantalon court vert ayant perdu tout éclat. Ce dernier est en train de chercher quelque chose en reniflant.

« D'où ça provenait ? » se demande l'homme à lunettes.

De premier abord peu intéressé par cette interrogation, son compagnon, attiré par de multiples odeurs et parfums, poursuit son analyse olfactive un peu partout tout en avançant dans différentes directions.

« Moi pas savoir. répond-il.

- J'ai pourtant perçu un flux impressionnant provenir de cet endroit. Fin mais vif. Tel un éclair qui s'abat mais horizontalement. Ce qui est extrêmement bizarre si nous ne possédons pas quelques connaissances sur les maîtrises, je te l'accorde.

- Moi pas vouloir savoir pourquoi. Moi avoir senti grande force ! Moi vouloir l'affronter ! Maintenant !

- Peux-tu te calmer un peu ? A force de se laisser aller aux émotions comme tu le fais, nous perdons de précieux indices pouvant nous aider à comprendre ce qu'il s'est passé. En tout cas, je te l'assure. Je n'ai pas halluciné.

- Mais moi vouloir savoir qui avoir fait ça ! »

Excité comme une puce, il bouge frénétiquement dans tous les sens. Un peu fatigué que cet homme un peu musclé et bestial n'ait, encore une fois, rien écouté, l'homme à lunettes lâche un soupir. De toute évidence, être accompagné par un tel être représenterait un vrai fardeau pour n'importe qui possédant un intellect assez élevé. Or, pour une raison encore inconnue, il préfère ne pas s'en séparer. C'est alors que, au bout de quelques secondes, il s'arrête soudainement.

« Oh... Cette... Cette odeur.

- Pour être plus précis, j'ai perçu deux flux... Très puissants... Intenses... Je peux pleinement confirmer qu'ils se sont battus. Malheureusement, pour une raison que j'ignore encore, je n'ai pas réussi à déterminer la nature exacte des personnes qui se sont affrontés. Il semble que quelque chose brouillait leurs signatures énergétiques... C'est très curieux et, j'avoue, j'ai hâte de percer ce mystère ! De plus, sur les derniers instants, je peux te confirmer que l'une des deux a pu l'emporter sur l'autre. Sans doute que celle-ci vient de connaître la mort. Et puis... Nouvelle énigme... Juste après... J'ai un senti un troisième flux, semblable au tien. Quelqu'un d'autre sait maîtriser la force que tu utilises. Dommage qu'on ne le retrouve pas. Je lui aurai demandé des informations sur son mode de fonctionnement. Encore une fois, je dois t'étudier pour mieux la comprendre. Reviens par ici, Rajik. Le combat est terminé depuis un moment. Nous n'avons pas d'intérêt à poursuivre. »

Un silence, imposé par le manque flagrant d'intérêt de la part du baraqué, s'installe.

« Tu m'écoutes quand je te parle ?

- Moi avoir faim !

- Tu n'es vraiment qu'un goinfre !... Bon... Attends... Je dois avoir encore quelque chose dans ma besace. En tout cas, j'espère qu'il y a quelque chose car on a encore un peu de distance à faire avant d'atteindre le prochain village. Nous nous trouvons dans une zone peu généreuse en nourriture consommable. J'aimerais économiser le plus possible jusqu'à ce que des âmes charitables puissent nous venir en aide. »

Alors que l'homme démontrant une lucidité assez impressionnante par rapport à la situation actuelle entame une fouille, son ami, les poils soudainement hérissés, arrête de bouger dans tous les sens et renifle.

« Qu'y a-t-il Rajik ?

- Moi sentir quelque chose !

- De la nourriture ?! Ce serait vraiment étonnant alors ! Serait-ce un signe évident de changement dans cette région ? »

Celui qui fut porté par une envie irrésistible de se mesurer à l'incroyable puissance qui a alerté à ce point le duo, mobilise une nouvelle fois son odorat.

« Non. »

C'est alors qu'il aiguise sa vue, à la recherche du moindre indice menant à la source de cette intrigante émanation. Puis, au bout de quelques secondes, il finit par apercevoir la victime de la femme que pourchassaient Alnor et son compagnon de voyage. L'homme au grimoire, élancé par des principes moraux dénotés par son accoutrement et son accessoire, et Rajik, dont la motivation coupe totalement avec le premier, avec un pas beaucoup plus sauvage, arrivent auprès du Shirenai. Comme l'accoutrement de ce dernier ne lui est pas familier, malgré la présence du collier qui, apparemment, lui a sauvé la vie, il ne s'attarde pas dessus, préférant plutôt la prise de son pouls.

« Lui mort ou lui dormir ?

- J'écarte tout de suite la première option. Pas de blessures apparentes. Cependant, je sens un flux d'énergie encore bien actif en lui... Vu l'aspect discontinu de ce dernier, et, tenant compte de ma première théorie, il est fort probable que quelqu'un a dû l'assommer ou quelque chose d'autre assez similaire. »

- Toi croire que force ressentie appartenir à deuxième personne et pas à lui ? »

Comme il ne peut délivrer d'explication sur le moment, guidé par son diagnostic, il fouille dans sa besace pendant un petit instant. Malheureusement, plus aucune plante médicinale n'est à sa disposition.

« Nous pas pouvoir sauver lui ? »

A court d'options primaires, l'homme du duo dont on ne connaît pas encore le prénom ouvre son grimoire.

« Toi utiliser sort ?

- Je ne vois que cette possibilité. Tant pis pour les effets secondaires. Si nous pouvons le ramener, j'ai beaucoup de questions à lui poser. »

Alors qu'il s'était arrêté sur une page précise, commençant à peine à consulter les modalités pour employer ce qui pourrait sortir celui qui fut l'adversaire d'Alnor, tout à coup, le Shirenai ouvre les yeux.

« Lui être réveillé ! »

L'esprit le plus éduqué du couple de voyageurs semble déçu de cette résolution soudaine. Sans doute allait-il expérimenter quelque chose sur lui ? Nul ne le sait. Le sabreur se relève de moitié en sursaut.

« Que... Que s'est-il passé ? demande-t-il.

- Excellente question. Nous vous avons juste trouvé là par terre.

- Où suis-je ? Et vous, qui êtes-vous ?

- Vous ne savez pas où vous êtes ? »

L'air circonspect dégoulinant sur son visage paraît une réponse grandement suffisante pour le propriétaire du grimoire.

« Bon... Pouvez-vous nous dire votre nom ? »

A cause du coup infligé par la femme qu'Alnor voulait éliminer, impossible pour lui de se souvenir de quoique ce soit.

« Toi pas avoir de nom ? Toi avoir quel âge ?

- Avoir quoi ? »

- Toi pas connaître âge à toi ? Toi te ficher de nous ?

- Non Rajik, ce n'est pas ça. S'il ne le sait pas, je ne vois qu'une explication : il a perdu la mémoire. »

L'homme le plus baraqué des deux semble ne pas comprendre ce que son ami vient de déclarer. Toujours dans une totale confusion, l'amnésique les regarde tous les deux, l'un après l'autre, plusieurs fois de suite.

« Qui êtes-vous ?

- Oh pardon, j'ai oublié de nous présenter. C'est vrai que voir débarquer deux parfaits inconnus de la sorte peut déranger. N'ayez aucune inquiétude. Nous vous voulons aucun mal comme vous pouvez le constater. A part peut-être lui dans certaines circonstances. »

Cette indication insère un léger doute dans l'esprit du sabreur, surtout lorsqu'il se rend compte de la musculature impressionnante de l'être sensible aux odeurs. Point le temps de s'y attarder que le baraqué l'aide à se remettre sur pieds

« Je suis Yoru. Et lui c'est Rajik.

- Salut ! S'exclame-t-il.

- Nous sommes de simples voyageurs, à la conquête de toutes les richesses culturelles de notre monde. Surtout moi. Pour ma part, je suis un des derniers Enijiakkus. Quand à mon ami, sans vouloir paraître condescendant ou autre, sa nature m'est encore inconnue. L'unique passion qui l'anime est soit de se goinfrer de nourriture à n'en plus finir, soit de chercher les ennuis à tout bout de champ quand l'occasion se présente !

- Pas vrai ! Moi vouloir juste baston ! »

Devant cette déclaration, l'amnésique ne sait quoi penser. Juste le mot employé par Yoru pour se qualifier lui-même semble lui être familière à l'oreille sans qu'il ne sache encore pourquoi. Au moins, la seule chose dont il est peut être sûr c'est que ces deux inconnus n'ont effectivement aucune mauvaise intention. Il n'y aurait aucun mal à leur faire confiance. Après tout, si le contraire était vrai, ils l'auraient sans doute ignoré, dépouillé ou effectué des actes plus cruels.

« Moi avoir vécu toute ma vie dans nature ! Moi pas savoir quand moi avoir vu nature pour la première fois.

- Il dit ça car, à notre rencontre, j'ai remarqué une instabilité énergétique en lui. Du coup, j'ai déduis son âge par rapport à son apparence. A vous regarder je dirai que vous êtes du même âge. Nous vivons tous dans le monde nommé Faironne. »

- Faironne ?... Ça ne me dit rien. »

Pour faire face à l'incompréhension régnant sans partage dans l'esprit de Shirenai, celui qui s'est présenté comme étant un Enijiakku feuillette son livre pour s'arrêter sur une double page et la tend vers lui.

« Regardez. »

Il voit alors ce qui s'apparenterait à une vieille carte. Cinq parties terrestres sont représentées. Une au milieu. Les quatre autres sont répartis tels les quatre points cardinaux de notre monde.

« Faironne se compose de cinq continents. Nous sommes actuellement dans le continent central où toutes les énergies se croisent. lui indique-t-il de son majeur gauche.

- Toi savoir rien en fait car toi être aidé par ça ! »

Malgré la remarque désobligeante, quoique un peu teintée de taquinerie, de son ami, le prétendu Enijiakku ne se laisse pas distraire, l'esprit ravi à l'idée de poursuivre sa captivante explication.

« N'écoute pas cet animal. Mon précieux héritage est une source inégalée de connaissances certes mais j'en ai dans la tête. Mon éducation ne vient pas de nulle part ! Ne me sous-estimez pas. répond-il en esquissant un léger sourire.

- Yoru regarder ! Lui avoir arme là ! »

Piqué par la drôle remarque du baraqué, c'est avec surprise qu'il ne peut que constater la présence d'un fourreau.

« Une arme ? Sur moi ? » panique le Shirenai sans mémoire.

Devant l'implacable vérité arborant sa tenue, le pauvre sabreur ne sait pas comment réagir. La sincérité qui en découle n'échappe pas à l'œil avisé du propriétaire de l'ouvrage qui vient de lui expliquer l'univers où il évolue.

« Je peux l'examiner ? » s'avance-t-il prudemment.

Profitant sans doute un peu de la confusion qui règne chez lui, sans perdre un instant, Yoru l'enlève instinctivement, comme un enfant peu ou pas habitué à manipuler une telle confection. L'Enijiakku peut maintenant la scruter dans ses moindres détails.

« J'ai déjà vu ces symboles quelque part... La forme du fourreau par contre ne m'est pas familière. Puis-je prendre ce qu'il y a à l'intérieur ?

- Faites. J'ignore ce que fait cette chose sur moi. »

Avec une extrême prudence, l'éduqué sort l'arme de son somptueux fourreau doré. Le resplendissant sabre se dévoile, laissant volontiers quelques infimes rayons de soleil sublimer l'art dans lequel il a été façonné.

« Par Faironne ! s'exclame-t-il, médusé.

- Ça quoi être ? »

Fasciné par cette fabuleuse découverte, Yoru ne peut s'empêcher de saisir son petit calepin et de commencer à gribouiller quelques notes qu'il est le seul à déchiffrer.

« Si on m'avait dit un jour qu'entre mes mains siège un sabre, jamais je ne l'aurais cru... L'emblème ultime des forgerons du Nord, rarement fourni au corps armé de Kigen... Si un de ses membres m'aperçoit ainsi, je suis sur qu'ils me condamneront la peine capitale.

- En tout cas, moi aimer beaucoup sabre ! Moi vouloir toucher ! »

Il tente de la prendre mais son partenaire l'écarte au tout dernier moment.

« Oh que non Rajik ! Ceci n'est pas un jouet ! Tu peux te blesser !

- Mais moi vouloir...

- Hors de question ! Laisse-moi l'admirer encore un peu. »

Soudain, en scrutant plus attentivement les quelques symboles qui l'arborent, une sorte de révélation percute son esprit. Ces derniers sont typiques des écrits du peuple originaire de Kigen. Le port d'une telle arme confirme le statut très spécial de l'amnésique.

« Cher monsieur, vous pouvez être sûr d'une information vous concernant. Vous êtes un Shirenai. »

A l'écoute de ce mot, Rajik a des étoiles plein les yeux. Quand au concerné, il ignore s'il doit en être fier ou s'il doit s'inquiéter. Il n'en faut pas plus à l'Enijiakku pour lui délivrer de plus amples détails.

« Ce sont des guerriers spécialisés dans la maîtrise des éléments. Ceux-ci composent les différentes énergies qui circulent dans notre monde. Leur principe fondateur est de conserver l'équilibre entre elles. Leur existence, selon eux, est consacrée à la sécurité de tous. Chaque Shirenai maîtrise un élément prédéfini à la naissance. Maintenant que vous en savez plus, la logique suivante serait de découvrir quelle énergie élémentaire vit en vous.

- Et comment pourrais-je le savoir ?

- Si la signification de ces symptômes m'était accessible, j'aurais pu vous le dire mais, malheureusement, je n'ai aucune connaissance dans ce domaine. Je n'ai pas reçu l'éducation nécessaire.

- Ah… Et vous alors ?

- Je suis ce qu'on appelle un Enijiakku. Une personne qui, contrairement à eux, n'utilise pas une arme contondante pour avoir accès à la maîtrise de mon élément.

- Pourquoi ? Ça laisse un avantage aux Shirenais !

- Vous avez tout à fait raison. Cependant, ce n'est pas comme ça que moi et les miens abordons l'art de manier les énergies. Nous aimons expérimenter, explorer. Se conformer à la pratique classique n'est pas dans nôtre intérêt. Seulement... Les Shirenais ne l'interprètent pas comme ça et, de nos jours, nous sommes dans l'incapacité totale de les exploiter au même niveau qu'eux ou au-delà. »

Face à cette cruelle vérité, l'homme sans nom éprouve une profonde empathie envers le propriétaire du grimoire. A ses yeux, le monde de Faironne semble plus inégalitaire que ce que prétend l'ethnie à laquelle il est sensé appartenir. La remarque qu'il a laissé devant l'absence d'armes significatives chez les Enijiakkus n'a pas échappé à l'oreille de l'ami de Rajik, beaucoup trop inhabituelle pour lui.

« Moi savoir comment aider lui à trouver élément à lui ! s'exclame soudainement le baraqué.

- Ah bon ? Toi ? Et quelle idée saugrenue a pu atterrir dans ta tête ?

- Lui et moi devoir faire castagne ! »

Cette étrange proposition consterne le sabreur et, à contrario, n'affecte pas l'autre homme, visiblement trop habitué à ça.

« Vous voyez, quand j'avais dit qu'il aimait attirer les ennuis, c'est à cause de cette passion insensée, qu'il nomme affreusement castagne, baston ou encore bagarre. Au moins, là-dessus, il présente un vocabulaire varié.

- Faire ça pouvoir peut-être aider lui. Shirenai aimer combattre, non ? Donc lui devoir combattre ! Donc castagne !

- C'est assez primitif comme raisonnement mais, j'avoue, ça se tient.

- Quoi ? Mais je ne veux pas me battre ! Je ne sais même pas comment faire et je ne veux pas lui faire mal sans le vouloir !

- Ne vous en faîtes pas, sans que je ne sache encore réellement pourquoi, Rajik est solide. Je suis très bien placé pour le savoir. Reprenez votre sabre. »

Bien que les affirmations avancées puissent être bel et bien réelles, le Shirenai récupère son katana, avec malgré tout une certaine réserve.

« Shirenai pas faire peur à moi !

- Vous êtes sûr ? Il n'est pas armé ! Vaut mieux que je ne l'utilise pas, je risque de le blesser gravement. Il faut être à égalité.

- Comme vous voulez...

- Toi tout donner !

- Je ne le sens vraiment […] »

Alors qu'il allait terminer sa phrase, la brute fonce subitement sur lui. Sa cible, guidée par d'étranges bruits que seul peut percevoir, esquive au dernier moment. Contre Rajik, pas le temps de respirer, ce dernier enchaîne excessivement les frappes brouillonnes, conformément à ce qu'il incarne. Comme c'est la première fois qu'il fait face à ce genre de situation depuis son réveil, l'amnésique n'effectue que des esquives. L'Enijiakku, nourri par une profonde curiosité, cherche le moindre signe de l'éveil de son élément. Ainsi, il pourra mieux comprendre ce qu'il a perçu avant de le trouver. Normalement, si ce dernier est réellement un Shirenai, il devrait pouvoir sentir un flux d'énergie circuler en lui. Or, il n'y a rien. Cette bizarrerie le stimule au plus haut point. Le baraqué a beau être féroce, il sait être agile malgré sa corpulence.

« Si vous ne vous sentez pas à l'aise au corps-à-corps, utilisez votre lame ! Il vous sert de lanceur de sorts !

- Mais j'ai peur de [...]

- Derrière vous ! »

L'ami de l'homme au grimoire est sur le point de lui asséner un coup descendant. Son adversaire a tout juste le temps de bloquer la charge à mains nues.

« Trouvez un moyen de le repousser et sortez votre sabre ! Sans lui, impossible que votre élément sorte ! »

Désireux de savoir de quoi l'homme armé est capable, Rajik se retire et effectue quelques étirements. Sur le moment, l'homme encore non nommé pense que son adversaire, vu qu'il n'obtient rien, vient de changer d'avis.

« Toi avoir su, toi juste avoir oublié. Toi devoir faire avec ça. Yoru et moi s'être quelquefois battus avant de rencontrer toi.

Cette réponse vient confirmer tout le contraire. Etonné par ce qu'il vient de révéler, il se tourne vers Yoru, comme pour lui demander si c'est vrai ou non.

« Quelquefois c'est lui qui a déclenché la bagarre. N'est-ce pas Rajik ?!

- Moi répéter que moi aimer baston !... Bon, toi être prêt pour la suite ? »

Le Shirenai se met en garde, les jambes un peu tremblantes, dénotant la crainte persistante de le blesser mortellement. L'amoureux des combats lance un nouvel assaut. Comme lors de la première attaque, le sabreur se contente d'éviter.

« Défendez vous ! L'esquiver tout le temps n'est pas forcément un gain de victoire ! »

Un son de bourrasque le convint de sortir de cette manœuvre pour bloquer ses attaques. Le combattant adepte du corps-à-corps, le sourire aux lèvres lorsqu'il constate ce changement, met plus de convictions dans ses coups. Les parades s'enchaînent.

« Toi réapprendre vite ! »

En se concentrant plus particulièrement sur les impacts, l'Enijiakku ne perçoit que le flux d'énergie de Rajik. Détail encore plus intriguant car, pour les rares fois où il put être témoin de Shirenais impliqués dans des affrontements, dès qu'un contact est établi, l'élément qu'ils maîtrisent continue de circuler dans leurs corps. Serait-il un imposteur ? Les échanges s'enchaînent encore.

« Aller ! Toi attaquer ! »

Le Shirenai essaye de trouver, malgré la gêne provoquée par l'apparition incessante de l'étrange bruit qu'il perçoit, un moment pour riposter. Lorsqu'il finit par le percevoir, il passe soudainement à l'attaque. Alors qu'il pensait avoir le dessus, la brute démontre de quel bois il est fait en subtilisant son arme et en la jetant juste après. Puis, il concentre son énergie dans un poing. Ce n'est plus une bourrasque qui perturbe son ouïe mais une rafale.

« Poing Bestial ! »

- Non Rajik ! » crie Yoru paniqué.

Malgré l'interpellation de son ami, il exécute le coup hurlé mais s'arrête juste en dessous du menton de l'homme sans nom. Une onde est tout de même projetée dans son dos, secouant les buissons en arrière plan. Quelques feuilles tombent. L'air qu'il a senti le surprend beaucoup.

« Tu es fou ! Comment oses-tu faire ça alors qu'il a perdu la mémoire ? Tu n'as vraiment aucune retenue !

- Moi avoir dit à moi que si moi utiliser attaque, mémoire à lui revenir !

- Qu'est-ce que.... C'était que ça ? demande le sabreur, accusant encore le choc.

- Ça, c'est sa spécialité. Il n'utilise pas d'attaques élémentaires mais a trouvé je ne sais comment un moyen de créer des... Techniques, comme on dit dans le jargon Shirenai. Il a développé un art de combat très axé sur le contact.

- Toi avoir perdu. »

Après cette affirmation, il retire son poing. Lorsque l'amnésique se rend compte de l'effet produit derrière lui, il ne peut que constater le niveau de puissance de son adversaire et rester pantois. Le Shirenai ramasse son arme.

« Toi pas t'inquiéter. Toi avoir bientôt revanche. Moi être toujours prêt. Toi pas être encore doué au corps à corps.

- Tu es vraiment incorrigible toi... Ce sera pour une prochaine fois. En attendant d'en savoir plus sur qui vous êtes, je vous propose de faire partie des nôtres. Parcourez Faironne avec nous !

- Oh oui toi venir ! Comme ça toi pouvoir avoir revanche !

- Et mon nom ?

- Le temps viendra où nous le trouverons. Pour l'instant, mieux vaut continuer notre chemin. Il serait plus judicieux que vous nous accompagniez. Et puis par acquis de conscience, il m'est impossible de laisser un amnésique seul dans ce monde parfois hostile.

- Dans ce cas, j'accepte. Merci pour votre gentillesse.

- Pas la peine de nous remercier, ce que nous faisons pour vous est normal. Vous avez l'air d'être quelqu'un de bien.

- Moi content car nous avoir nouvel ami !

- Ami ?

- Oui ! Moi dire que adversaires vaincus par moi être amis !

- Tu en as beaucoup alors ! »

Cette blague inattendue de la part de l'être le plus cultivé du désormais trio nouveau-né le fait doucement rire.

« Avoir rien de drôle ! Toi arrêter de rire sinon moi exiger revanche maintenant ! »

Cette menace un peu teintée d'arrogance n'a pas l'effet escompté et continue à le faire rigoler. Un poil vexé, ce dernier part un peu en avant.

« Pourquoi tient-il tant à affronter même des gens armés ? demande le Shirenai en s'approchant un peu de son oreille.

- D'après ce que j'ai compris, il a vécu dans un environnement assez hostile.

- Moi avoir entendu ! Moi avoir appris à me battre ! Nature être rude ! Toi devoir être fort pour survivre ! La survie forger l'homme. »

Ses propos ancrent encore plus l'admiration qu'il ressent pour cet homme osant transgresser les règles apparemment en vigueur dans le monde de Faironne par l'absence totale de quelconque élément en lui.

« C'est pour ça qu'il ne peut s'empêcher de rentrer dans le tas à la moindre occasion et, crois-moi, je fais tout pour que ça n'arrive pas. Mais... Que voulez-vous faire ? Il est têtu comme une mule.

- Moi vouloir être homme plus fort ! Moi pas avoir peur des Shirenais ! Eux faire mal à la nature ! Et moi pas aimer faire mal à la nature. Elle nourrir nous.

- Rajik, combien de fois dois-je te l'expliquer ? Nous devons nous plier à eux et leurs lois si on ne veut pas avoir de problèmes.

- Qu'est-ce que je dois comprendre ? Pourquoi les miens semblent si autoritaires envers ceux qui ne leur ressemblent pas ?

- Disons que, sans eux, selon d'anciens récits, Faironne ne serait plus. Nous n'aurions jamais existé. Ils garantissent la paix. En échange de celle-ci, nous devons plier. D'où la symbolique derrière leurs lames. La puissance et la protection. C'est ainsi qu'ils se définissent. C'est ainsi que nous devons les accepter.

- Rajik, en tout cas, si tu veux que je t'aide à devenir plus fort. Ce sera avec plaisir.

- Bien parlé ! Dès que toi récupérer mémoire, moi vouloir recommencer castagne avec toi.

- Tu es vraiment tout le temps comme ça ?

- Pourquoi être autrement quand tout être contre toi ? »

La perspicacité et la lucidité nichées dans cette réplique le convainquent. Le mystère de son amnésie désormais bien ancré dans son esprit, Yoru regarde l'homme sans nom. D'après ce qu'il peut percevoir, le flux gris, commun à toute chose, a été interrompu au niveau de la tête. Qu'est-ce qui peut en être la cause au point de lui avoir infligé un tel sort ? C'est très suspect. Heureusement ! Après tant de temps consommé à retranscrire tout ce qu'il observe ou découvre, une énigme de taille l'anime.