Le tout récent trio d'aventuriers continuent leur périple à travers Faironne. Ils traversent une forêt. Le soleil brille énormément. Les oiseaux délivrent leurs plus beaux chants. Parmi eux, le grondement lourd de l'estomac de Rajik. Affamé, ce dernier se met à renifler, à la recherche désespérée de mettre n'importe quoi sous la dent. Le Shirenai a les yeux rivés sur son katana. Mille questions se bousculent dans son esprit.
« Je ne reconnais aucun arbre fruitier ni buisson. Il faudrait que je pense à répertorier les espèces présentes ici. » laisse remarquer Yoru.
Soudain, le nez de Rajik est attiré ailleurs par une odeur de cendres. Lorsqu'il lève les yeux, il aperçoit de la fumée. L'image d'une belle rôtisserie s'incruste en lui, la bave sur le coin de la bouche. Reviennent en mémoire du sabreur toutes les explications fournies précédemment par Yoru.
« Vous aviez dit que nous étions capables de maîtriser les éléments ? Quel est le vôtre ? »
« Je suis affilié à l'eau, plus particulièrement dans la maîtrise de la glace. Attendez, je vais tout vous expliquer. »
Il ouvre son grimoire et s'arrête sur une autre double page qu'il montre à l'inconnu. Ce dernier découvre quatre sphères alignées horizontalement sur celle-ci.
« Le feu, la terre, l'eau et la foudre . Avec chacun un rôle bien précis pour chacun d'entre eux. »
En dessous de celles-ci, deux croquis représentant deux personnes. Celle de gauche porte une épée basique et l'autre portant des bijoux.
« Les personnes capables de les manipuler sont les Shirenais comme toi, un peuple utilisant des armes contondantes pour les matérialiser. Et les Enijiakkus comme moi, utilisant d'autres objets divers pour arriver au même résultat. Dans les deux cas, il suffit qu'une infime partie d'un des quatre éléments se trouve dans l'objet en question et soit identique à celui de son utilisateur pour qu'un lien se crée. Voilà pourquoi nous sommes capables de les manipuler suivant des formules précises selon l'utilisation souhaitée. »
Après avoir si gracieusement fourni ces croustillantes explications pour calmer la faim de savoir de son interlocuteur, l'aquamancien proclamé referme le grimoire.
« Comment avez-vous mis la main dessus ? »
« Loin de moi de paraître soudain mais maintenant que nous nous côtoyons quotidiennement, nous pouvons nous tutoyer. »
« D'accord. Comme vous... Euh pardon... Comme tu veux. » dit-il, un peu gêné.
« Avant que ma rencontre rocambolesque avec Rajik, il était mon unique ami. Encore avant ça, il appartenait à celui qui m'a tout appris. J'aurais souhaité l'acquérir dans la dignité. Cependant... Ce n'est pas ce qu'il s'est produit... Une histoire disons... »
« Compliquée ? »
Yoru n'ose pas répondre mais sa gestuelle, la pointe d'amertume dans sa voix lorsqu'il a évoqué son héritage et le mutisme qui s'en est suivi le trahissent un peu. Alors qu'ils continuent de marcher, le Shirenai entend un crépitement. Intrigué, il se tourne vers ses deux compagnons de voyage, qui ne semblent pas percevoir la même chose que lui. Ignorant ce qui pourrait en être la cause, il ne prend pas le réflexe de demander à l'aquamancien de consulter son puits de savoir. Rajik s'arrête brusquement. Son comportement soudain n'échappe par à l'œil de son ami.
« Qu'y a-t-il Rajik ? » lui demande-t-il.
« Moi sentir présence ! »
« Où ? » questionne le Shirenai avec une pointe de stress dans la voix.
« Autour de nous ! »
Les deux élémentalistes regardent autour d'eux.
« Je ne vois rien. »
« Idem. Mais... »
L'Enijiakku, aperçoit des courants verts et gris, que seul lui peut voir, présents sur le sol, rassemblant vers eux.
« Je détecte un flux d'énergie. Étant affilié à l'élément eau, je suis capable de détecter des débits d'énergie. Pour te faire une image plus claire, c'est comme si je percevais le débit d'une rivière ou d'une cascade. C'est ainsi que je perçois les énergies. C'est la propriété des personnes affiliées à cet élément... Rajik, es-tu sur de toi ? »
« Moi être sûr ! Toi savoir d'où venir ? »
En allant plus en profondeur dans son analyse, Yoru remarque que les flux sont très dispersés. Un phénomène très étrange. Le sabreur perçoit encore le mystérieux crépitement. La seule chose qu'il peut en déduire c'est que l'eau n'est pas son élément. Soudain, des entités de terre, à silhouette humaine et portant un sceau sur le front, surgissent du sol, tout autour d'eux comme pour les encercler. Le Shirenai prend un peu peur face à leur apparition brusque. L'aquamancien est focalisé sur les étranges dessins qu'ils arborent.
« Rajik, tu sais ce que ça veut dire ? » amorce-t-il avec un petit air joyeux.
Aussitôt, son ami laisse exprimer un large et franc sourire, sourcils légèrement froncés, torse bombé en avant.
« Castagne !! »
Le Shirenai perçoit un bruit venteux provenant du combattant adepte du corps-à-corps, plus particulièrement à l'arrière de ses jambes. Le grimoire de Yoru émet une très légère lumière bleue claire. Lorsqu'il pose les yeux dessus, l'amnésique entend cette fois le bruit d'une rivière. Tous ces phénomènes, que seul lui semble percevoir, lui sont incompréhensibles et accaparent toute son attention, comme un nouveau né lorsqu'il découvre ses sens. Des petits morceaux de glace se forment à quelques mètres au-dessus de leurs têtes.
« Charge Bestiale ! »
Il fonce sur l'un d'eux en chargeant un poing. A chacun de ses pas, le sol craquelle partiellement. La vivacité avec laquelle il réalise ceci impressionne le Shirenai.
« Poing Bestial ! »
Rajik lui assène un coup de poing en plein visage qui le fait s'écrouler immédiatement. Sur le moment, le spectateur se demande s'il l'a tué ou non. L'aquamancien reste perplexe malgré la démonstration de force de son ami. Deux entités de terre naissent derrière l'Enijiakku.
« Yoru ! Derrière toi ! »
« Ular Ilwaï ! »
Les morceaux de glace, qui s'étaient formés avant l'assaut du combattant adepte au corps-à- corps, tombent du ciel d'une traite sur les deux assaillants, transpercés en passant par leurs sceaux. Ils s'effondrent à leur tour.
« C'est normal... Ça ? » interroge le sabreur.
L'Enijiakku d'eau ouvre son grimoire, tourne les pages et s'arrête sur l'une d'elles où le même sceau vu sur les assaillants figure. Y est également représenté le sceau les contours d'un croquis humain.
« Des invocations. Des êtres qui obéissent aux volontés d'un autre être qu'on appelle invocateur. Les sceaux correspondants sont si complexes que même mon maître n'a pas su en reproduire un seul. Tu as vu les inscriptions sur leurs fronts ? »
« Oui. » lui confirme le Shirenai.
Sur une autre page, une multitude de pentagrammes et autres symboles circulaires sont représentés.
« Ce sont des sceaux. Un autre moyen que nous avons développé il y a fort longtemps pour se détourner des pratiques élémentaires classiques. Mon mentor m'avait raconté que de nombreux procédés, interdits aujourd'hui, avaient été inventés par les Enijiakkus, frôlant même parfois avec les limites vitales et naturelles de Faironne. L'invocation en est une. Elle casse les codes et désobéit complètement avec les règles élémentaires. J'ai toujours cru que c'était une légende. Je t'expliquerai le principe d'une formule plus tard. »
Il tourne la tête un instant.
« Hé ! L'invocateur ! Montre-toi ! »
« Alors comme ça j'ai affaire un confrère d'eau. J'aurais du distribuer de l'énergie à mes serviteurs... » s'exclame une inconnue.
Rajik et le possesseur du katana ne s'attendaient pas à ce qu'elle réponde. Yoru analyse les propos tenus. Distribuer de l'énergie ? A quoi fait-elle référence ? Par prudence, son ami se remet en position près de lui.
« Oh j'en ai oublié mes bonnes manières, mes chères petites proies. Je suis Endalia. Et je vous viens vous dépouiller de vos possessions mais, apparemment, vous valez plus que ça. Tant mieux ! »
Alors que l'étrange déclaration de celle qui les encercle amène mille questions dans son esprit, Yoru perçoit soudainement un flux grisâtre se concentrer avant d'être subdivisé en trois parts égales, sur trois points précis au sol. Après avoir brièvement tourné les yeux vers son ami amnésique, il comprend tout de suite qu'il est le seul à être capable de percevoir le phénomène en cours.
« Onozal Épeyon ! »
Ces derniers dessinent aussitôt trois sceaux apparaissent. De la terre s'élève, formant trois nouvelles entités. Quelques feuilles se désintègrent aux alentours. Les créations d'Endalia semblent posséder une peau plus blindée, notamment alimentée par l'énergie précédemment perçue par l'aquamancien. Ainsi, il pose le diagnostic suivant : l'élément natif de l'attaquante ne peut être que celui de la terre pour la modeler avec tant de facilités.
« Nodoyon Énar ! » enchaîne-t-elle.
A leurs pieds, de l'énergie, sous la forme de petites étincelles grises, vient s'incruster en eux. Rajik et le sabreur ne comprennent rien de ce qu'il se passe. Voilà donc ce qu'elle voulait dire par « distribuer de l'énergie »...
« Chargez ! » hurle-t-elle.
Aussitôt, ils lancent l'assaut simultanément. L'homme baraqué ne perd pas un seul instant et vient les intercepter. Alors prêt à bondir, tel un félin guettant le bon moment pour agir, la même énergie utilisée par l'invocatrice se concentre dans ses bras. A cet instant, le guerrier au katana entend à nouveau un vent, plus fort, plus bruyant, limite apte à lui provoquer de brusques frissons.
« Impact Bestial ! » vocifère-t-il à pleins poumons, imitant un peu le rugissement d'un tigre.
Une onde de choc projetée en avant, produite par un coup qu'il porte au sol, tel un mur d'air faisant bloc, repousse les trois assaillants. Le tandem qu'il compose avec son ami Enijiakku entre en action. Des morceaux de glace apparaissent dans les airs.
« Ular Ilwaï ! » énonce leur créateur.
Une autre pluie de glace les empale par leurs sceaux, ce qui les fait à nouveau disparaître.
« Onozal Épeyon ! »
Trois autres invocations font leur apparition face aux nouveaux amis du Shirenai. Aucun ordre n'est donné concrètement mais cela ne les empêche pas d'attaquer, comme téléguidés.
« Tu n'as que ça à nous offrir ? Tu ne fais pas dans l'originalité, invocatrice. »
Les amis de longues dates réitèrent la même tactique. Mais, au moment où Yoru lance son sort d'attaque, une quatrième invocation, restée bien cachée sous le radar à flux d'énergies qu'incarne l'aquamancien, fait irruption dans le dos des trois compagnons et se rue celui qui n'a toujours pas répliqué. Rajik et Yoru, totalement pris par surprise, ne comprennent pas comment celui-ci a pu tromper leurs flairs. Alors que l'assaillant allait le toucher, les sens du Shirenai ressurgissent. De l'électricité réapparaît à l'endroit où la femme du chapitre 1 l'avait touché. L'apparition soudaine de cet élément interpelle directement l'homme au grimoire. Ni une, ni deux, le soldat de Kigen décoche alors un poing sur le plexus solaire de l'invocation. De très légères lignes jaunes translucides se dévoilent sur la partie des doigts qui touche l'attaquant.
« Kameraï ! » crie-t-il.
Une puissante décharge éclate la création d'Endalia en un mélange de sable et de cailloux. Face à cette incroyable démonstration de force insoupçonnée, ses deux compagnons sont stupéfaits.
« Ai-je bien entendu ? » interroge la géomancienne.
Via un sceau dessiné en trois secondes sur le sol, elle apparaît auprès de ses trois créations, habits à motifs tribaux, manches amples, peau un peu mâte, une longue natte noire pendant sur sa droite. Sous le choc de sa performance, le manieur de katana ne comprend pas ce qu'il vient de se passer, les yeux débordant de frayeur rivés sur son poing. Yoru et Rajik viennent le rejoindre.
« Qu'est-ce que je viens de faire ? » bégaie-t-il, complètement déboussolé.
« Tu viens d'utiliser ton élément d'attaque : la foudre. Sans ton arme. En principe, c'est impossible... »
« Ça avoir été un bon coup de poing ! » complimente copieusement Rajik.
« Hé le Shirenai ! Retourne-toi ! » exige-t-elle.
Naïvement, à cause de l'adrénaline hors de son contrôle, il lui obéit. Dès que son visage lui apparaît entièrement, son sang ne fait qu'un tour. Ahurie devant cette révélation, elle se frotte les yeux. Est-ce ça la réalité ? En tout cas, l'étrangeté de son attitude met la puce à l'oreille de l'aquamancien.
« Que fais-tu avec ces deux guignols ?! » blâme-t-elle.
« De qui toi parler ?! » répond Rajik dans la seconde.
En portant plus d'attention sur sa tenue, désireux de savoir par quel moyen elle réalise ses invocations, Yoru ne dénote aucune présence évidente d'Obujepawa.
« Hé ! C'est à toi que je cause ! » insiste-t-elle, visant clairement du doigt l'affilié à la foudre.
« Moi ? »
« Oui ! Toi ! Qui d'autre ?! Tu ne me reconnais pas ?! »
Une nouvelle fois, le vide émotif exprimé sur son visage suffit comme réponse. Il le complète d'un mouvement de tête horizontal. Le malaise conféré jette un sacré froid entre elle et le trio. Il n'en faut pas plus pour appuyer la thèse d'une profonde amnésie selon Yoru. Comment quelqu'un peut pousser la comédie à ce point ? Impossible.
« Tu te fous de moi là ? »
« Absolument pas. »
Il l'a oublié ? Non, c'est inconcevable dans l'esprit de l'invocatrice. La seule explication qui lui vient tout de suite est que ceux qui l'accompagnent lui ont lavé le cerveau. Il faut les écarter et vite. Poussée par cette pensée, elle passe sa main gauche dans l'une des poches intérieures composant sa longue veste en lin. En sort un petit parchemin qu'elle cache le long de sa manche gauche. Aucun soupçon chez ses ennemis. Afin d'appuyer ce sentiment en eux, d'un claquement de doigt, elle détruit ses propres créations. Ce stratagème tape dans le mille avec Rajik. Synonyme d'un arrêt total de la castagne. Seul Yoru reste un minimum alerté et le Shirenai est juste paumé. Rassurée derrière cette façade pacifiste, elle prononce une formule à voix basse. La seconde suivante, plus d'invocatrice visible. Tout de suite, passée la surprise, Rajik s'appuie sur ses sens aiguisés. L'homme au grimoire part à la recherche de tout flux suspect. Après quelques secondes sans résultat, l'invocatrice apparaît subitement à côté du baraqué.
« Rajik ! A ta droite ! » alerte son ami.
« Prapalyon ! »
Non désireuse de lui laisser le temps de se défendre, grâce à la même énergie utilisée pour donner forme à ses invocations, en un coup, elle le projette quelques mètres plus loin. La rapidité démontrée impressionne les deux autres hommes. Sachant maintenant qu'elle est sa principale force, il se dit que peut-être qu'en gelant le sol, il lui infligera un énorme handicap. Malheureusement son ingénieuse stratégie part en lambeaux. L'invocatrice apparaît en face de lui. Après avoir subi exactement la même chose, il atterrit à côté de son ami. Forte de sa polyvalence à toute épreuve, elle fait appel à trois autres invocations, encerclant les deux compagnons de voyage du Shirenai.
« Itiwer Ukukoyon ! »
Un nouveau sceau, formé également grâce à l'énergie tectonique, dont le périmètre s'arrête aux pieds des hommes de terre, apparaît sous Yoru et Rajik.
« Quoi elle avoir fait à nous ?! »
Une barrière en demi-lune, quasi-transparente, vient prendre le duo en otage. Le spécialiste de la glace ouvre son grimoire afin d'étudier la technique employée par leur redoutable adversaire.
« Quoi toi faire ? »
« J'essaye d'identifier ce que c'est ! Imbécile ! »
Au lieu de chercher intelligemment une solution, Rajik préfère avoir recours à sa force. Malgré la puissance de ses coups, leur prison ne cède en rien. A coté de cette brutalité irréfléchie, Yoru compare l'un des dessins présents dans son grimoire avec celui qui se trouve sous leurs pieds. Après en avoir identifié la nature, il se met à feuilleter frénétiquement. Ne pouvant que constater l'extrême inutilité de ses coups, envahi par une profonde frustration, Rajik tente de s'en prendre à une des trois invocations en vain.
« Attaques à moi pas fonctionner sur truc à eux ! Quoi toi faire ? »
« Les sceaux ont beau être de puissants outils, ils ne sont pas parfaits. Tout réside dans l'agencement des points d'énergie. Selon leur disposition et l'élément utilisé, il est possible d'obtenir l'effet souhaité. Nous avons affaire à un sceau de neutralisation. Il suffit qu'un seul point présente une carence en énergie et il devient possible de le briser. »
Malgré cette explication ô combien complète, Endalia semble très sûre d'elle. En aucun cas il ne pourra l'annuler, notamment à cause de la liaison qu'elle a effectué entre l'énergie tectonique et la neutre.
« Qu'est-ce que vous leur avez fait ? » exige de savoir le sabreur.
Cette confiance en elle-même se métamorphose en une forme d'arrogance. Ses gestes sont plus chaloupés, se délectant de chaque once de panique émise par ses proies. Elle se retourne vers le Shirenai.
« Je te retrouve enfin, mon cher Yukito. »
« Qui appelez-vous Yukito ? »
« Non mais j'hallucine, c'est pas possible. C'est moi, Endalia ! »
Enfants, ils se promenaient dans une cité à l'allure médiévale enneigée. Ils avaient l'habitude de prendre tous les deux des épées en bois, simulant des combats. Leurs parents les regardaient, la joie transpirant sur leurs visages.
« Ton amie ! Ta sœur d'armes ! Ta pote d'enfance ! »
« Non. »
Évidemment, ignorant totalement le terrible sort qui s'est accaparé de lui, cette réponse la frustre au plus profond d'elle-même. Sentant des larmes venir, elle les empêche de couler, se secoue la tête un instant et serre les poings.
« Non. Vraiment. J'y crois pas. Si c'est un jeu que tu joues, c'est vraiment pas marrant. Tu n'peux simplement pas m'oublier. »
Elle se rapproche de lui.
« Nos entraînements... L'altercation... »
Leurs pères se firent face, auras actives. Une flaque de sang fut projetée sur la neige.
« Ce qu'il s'est passé là-bas... »
« Non vraiment ! Je vous assure ! Je ne vous connais pas ! »
« Tu vas arrêter de me vouvoyer oui ! Arrêtes de faire semblant ! Tu n'peux pas avoir oublié ça ! »
« Mais puisque je vous dis que vous avez tort ! » insiste-t-il avec plus d'intensité.
Exaspérée de ce triste spectacle qui la blesse profondément, elle jette un bref regard sur ses deux prisonniers. Lui vient alors une idée.
« Je ne vois qu'un moyen pour t'remettre les idées en place ! »
Le sceau qu'elle a déployé sur eux est répliqué sur la paume de sa main droite.Le Shirenai entend un vent plus fort que lorsque Rajik chargeait son poing.
« Itiwer Zifitan ! » crie-t-elle sous l'émotion.
Elle s'efface d'un seul coup, cela surprend énormément le Shirenai de foudre. Comme la fois précédente, il est incapable de déterminer sa position. Son adversaire profite de cet état d'instabilité pour apparaître dans son dos et l'attaquer à plusieurs reprises, à l'aide de propulsions d'énergie, avant de s'arrêter un court instant pour matérialiser un autre sceau, sous les yeux médusés des pauvres prisonniers.
« Prapalyon ! »
Comme avec Rajik et Yoru, elle le projette quelques mètres plus loin. Le spécialiste de la glace ne peut que constater l'incroyable polyvalence de la géomancienne, soulignée par sa grande maîtrise de sceaux à distance ou au corps-à-corps.
« Moi pas arriver à sortir de là ! Nous devoir aider notre ami ! »
« Je sais Rajik ! Pas moyen de créer un contre parfait à son sort ! »
Après s'être léchée le dos des mains, la malicieuse Endalia ne peut se retenir d'admirer ce qu'elle a infligé à celui qu'elle nomme Yukito. L'être envers qui, lorsqu'elle n'était qu'une simple petite fille, elle éprouvait une admiration sans faille dans ses compétences d'apprenti épéiste.
« Alors ça te revient ? Tu te souviens de moi maintenant ? Ou faut-il que je te frappe encore et encore pour que ce piètre jeu auquel tu veux me faire participer honteusement prenne fin ? »
L'amnésique regarde ses compagnons essayer tant bien que mal de se libérer du sceau d'Endalia afin de venir à son secours. Malgré leurs efforts témoins de leur bonne volonté, rien n'y fait. Ils sont piégés. L'affilié à la foudre est bien conscient que s'il reste les bras croisés, ils le resteront. Ces deux hommes qui l'ont accueilli à bras ouverts. Non, il ne doit pas les abandonner.
« Encore intéressé par eux ? Laisse ces cloportes de côté ! »
« Je ne te laisserai pas les insulter ! »
« Sinon quoi ? Ils sont si importants que ça ? Plus importants que moi ? »
Un autre souvenir s'invite à la fête. Seule dans la nature enneigée, elle tenait fermement un sac entre ses bras.
« Retrouvez-la ! » crie un homme.
Elle se retenait de pleurer. Un autre Shirenai, épée ordinaire à la main, la cherchait inlassablement. Elle déballa un peu le sac, laissant entrevoir cinq lames fines.
« N'oubliez pas de récupérer son Obujepawa ! » continue-t-il.
Il s'approchait dangereusement d'elle, obligée de retenir son souffle.
« Montre-toi ! Enijiakku ! »
Ce mot, cette allocution précise, la ramène dans le présent. Au bord de l'implosion, elle regarde son ami d'enfance droit dans les yeux.
« Tu... Es... Vraiment... Sérieux... »
Un silence qui en révèle long sur les sentiments qui l'animent. Soudain, elle les vise.
« Ukukoyon ! »
Le sceau présent sous eux émet une lumière. De l'énergie provenant des alentours vient s'agglomérer sur les créations de la géomancienne. Celui présent sur leurs fronts clignote au même rythme qu'un cœur au repos. Plus elle vient s'accumuler en eux, plus ces battements accélèrent.
« Cher Rajik, je crains que, d'ici peu, le flux grandissant que je perçois tout autour de nous finisse par nous réduire en poussière. »
« Moi pas vouloir mourir ! »
Sous le coup du désespoir, Rajik tente une nouvelle fois de les atteindre. Sans succès. Au contraire, les forces engagées dans ses attaques viennent rejoindre celles déjà réunies.
« Pas moyen de taper eux ! Pourquoi ? »
« Nous sommes enfermés, idiot ! Et ce que tu fais nous précipite encore plus vers la mort ! Réfléchissons. Je trouverai la solution. Mais, par pitié, n'aggrave pas la situation. »
« Arrêtes ça ! » supplie le Shirenai, prêt à poser les genoux à terre.
Peu convaincue, et préférant se délecter de lui être enfin supérieure, elle accélère le processus en cours.
« Arrête ! »
« Puisqu'ils sont plus importants que moi, lorsqu'ils seront morts, j'utiliserai leurs gueules pour donner une nouvelle apparence à mes chéris ! Ce sera la première fois qu'un confrère deviendra mien ! A toi de choisir ! Eux ! Ou moi ! »