Le grondement des moteurs envahit l'air lourd de l'entrepôt, brisant le silence tendu qui régnait. Matteo, alerté, serra immédiatement la crosse de son arme, ses yeux fixant la large porte délabrée qui tremblait légèrement sous les vibrations.
Alessandro détourna les yeux de Luca pour les poser sur Matteo. L'intensité de son regard me glaça sur place, mais je ne pouvais pas détourner les yeux. Il était à l'affût, comme un prédateur qui sentait l'odeur du danger. Sa mâchoire se contracta, et je le vis échanger un bref signe de tête avec Matteo, qui se prépara aussitôt à riposter.
« Ils sont combien ? » demanda Alessandro d'une voix grave, sa main se posant instinctivement sur la crosse de son arme.
Matteo se rapprocha, jetant un regard à l'extérieur. « Au moins trois voitures. On dirait qu'ils sont armés. »
Alessandro pinça les lèvres, son regard passant brièvement sur moi et le bébé, toujours blotti dans mes bras. Ses traits se durcirent encore plus, mais je savais qu'il pensait à nous. Mon cœur s'accéléra tandis que le chaos semblait imminent. Je baissai les yeux vers mon fils. Il était si fragile, si petit. Comment allions-nous nous en sortir ?
« Matteo, protège Arianna et… mon fils. » La voix d'Alessandro était calme mais tranchante, empreinte d'une autorité qui ne laissait aucune place à la discussion.
Matteo hocha la tête, se plaçant immédiatement à mes côtés. « Comptez sur moi, boss. »
Alessandro se tourna ensuite vers Luca, le visage fermé. « Tu veux prouver ta loyauté ? Voici ta chance. Reste avec eux et assure leur sécurité. »
Luca déglutit difficilement. Ses traits étaient tirés, mais il hocha la tête. « Je ne laisserai rien leur arriver. »
Je voulais protester, mais les mots moururent dans ma gorge. Le regard d'Alessandro s'assombrit alors qu'il me fixait, comme s'il voulait graver ce moment dans sa mémoire.
« Je vais m'occuper d'eux, » murmura-t-il enfin, sa voix adoucie, presque imperceptible.
Il fit un pas en avant, mais avant qu'il ne disparaisse dans l'ombre, je le saisis par le bras. « Alessandro… sois prudent. »
Il s'arrêta net, surpris par mon geste. Son regard descendit vers ma main, puis remonta vers mes yeux. Sans un mot, il avança une main ferme et protectrice contre ma joue, sa chaleur me rassurant malgré la terreur qui grondait autour de nous.
Avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, ses lèvres trouvèrent les miennes. Ce n'était pas un baiser précipité, ni un adieu hâtif. C'était une promesse. Une promesse silencieuse, passionnée, qu'il reviendrait pour moi, pour nous. Je sentis mon cœur s'emballer alors que sa main glissait doucement sur ma nuque, m'ancrant à lui dans cet instant suspendu, comme si le monde extérieur n'existait plus.
Lorsque nos lèvres se séparèrent, son regard se posa sur le petit visage de notre fils, blotti contre ma poitrine. Alessandro s'inclina légèrement et déposa un baiser délicat sur le front de notre enfant.
« Ti amo, Leonardo, » murmura-t-il, sa voix basse et empreinte d'émotion. Ses doigts effleurèrent la petite tête de notre fils, comme pour imprimer ce moment dans sa mémoire. « Je reviendrai pour toi. Pour vous deux. C'est une promesse. »
Un frisson me parcourut alors que j'entendais pour la première fois le prénom qu'il avait choisi pour notre fils. Ce simple mot, « Leonardo, » prononcé avec tant d'amour, me bouleversa.
Une larme roula sur ma joue alors que je retenais un sanglot. Je voulais croire en ses mots, mais le grondement des moteurs et la tension autour de nous ne faisaient qu'intensifier ma peur. Pourtant, je hochai la tête, incapable de parler. Je devais être forte pour lui, pour Leo.
Alessandro recula doucement, son regard s'attardant une dernière fois sur nous. Puis, comme si une barrière invisible s'était dressée entre nous, il se tourna vers Matteo.
« je compte sur toi. Fait ce qu'il faut pour qu'ils soient en sécurité, » dit-il fermement. Il inspira profondément et s'avança vers l'entrée, disparaissant dans l'ombre alors que le bruit des moteurs s'intensifiait.
Je restai immobile, mon cœur battant à tout rompre, avec la sensation que le monde venait de basculer. Matteo posa une main rassurante sur mon épaule.
« Ne vous inquiétez pas, madame Valenti, » murmura-t-il. « Le boss sait ce qu'il fait. »
Mais en cet instant, toute ma foi reposait sur une seule prière : qu'Alessandro revienne sain et sauf.
Le bruit des moteurs se rapprochait dangereusement, leurs rugissements semblant envahir chaque recoin de l'entrepôt. Matteo jeta un regard rapide vers Luca, son expression tendue mais concentrée.
« Placez-vous là, » ordonna-t-il à Luca en désignant une pile de caisses métalliques près de l'arrière de l'entrepôt. « Et ne faites rien de stupide. »
Luca hocha la tête sans protester. Il semblait comprendre que sa survie dépendait entièrement de la manière dont il agirait ce soir. Il attrapa son arme d'un geste hésitant, son visage marqué par une tension presque palpable.
Matteo se tourna ensuite vers Mila et Isabella, qui s'étaient rapprochées de moi et de Leo, leurs regards effrayés. « Restez près de madame Valenti et de l'enfant. Si quelque chose se passe, suivez mes ordres sans poser de questions. Compris ? »
Mila acquiesça rapidement, tandis qu'Isabella se contenta de hocher la tête, les larmes au bord des yeux. Je pouvais sentir leur peur aussi clairement que la mienne.
Les premiers coups de feu retentirent, brisant le silence d'une manière brutale et assourdissante. Je sursautai, serrant instinctivement Leo un peu plus fort contre ma poitrine. Mon fils remua légèrement dans mes bras, mais il ne pleura pas. Je posai un baiser rapide sur son front, murmurant des mots apaisants que je n'étais même pas certaine de croire moi-même.
Matteo, positionné près de l'entrée principale, tira méthodiquement en direction des véhicules qui approchaient. Ses mouvements étaient précis, calculés, comme si chaque balle tirée avait un but clair. Alessandro, quant à lui, était une force implacable. Je ne pouvais le voir qu'à travers les interstices des caisses derrière lesquelles nous étions cachés, mais même de loin, sa présence était écrasante.
« Reculez ! » cria Alessandro à ses hommes. « Gardez la ligne ! »
L'échange de tirs s'intensifia. Des éclats de verre et des débris volaient dans toutes les directions, rendant l'air presque irrespirable. Mila se pencha vers moi, sa voix tremblante. « Ça va aller, madame Valenti. Ils vont nous sortir de là. »
Je voulais la croire, mais chaque seconde qui passait me semblait une éternité. Mes yeux restaient fixés sur Alessandro, sur la manière dont il dirigeait ses hommes avec une autorité inébranlable. Mais soudain, mon cœur s'arrêta.
Un mouvement rapide. Une ombre. Et puis Alessandro, qui s'effondrait légèrement en arrière, sa main se posant instinctivement sur son épaule. Je vis la tache sombre se répandre sur sa chemise, et un cri étouffé m'échappa.
« Alessandro… » murmurai-je, ma voix brisée.
Matteo, qui avait vu la même chose, cria un ordre à ses hommes. « Couvrez-le ! »
Mais Alessandro ne céda pas. Malgré la douleur évidente, il se redressa, serrant les dents. Il leva son arme, abattant deux hommes qui tentaient de s'approcher. Son regard, même de loin, semblait crier qu'il ne tomberait pas. Pas maintenant. Pas avant de nous avoir mis en sécurité.
Une explosion soudaine résonna près de l'entrée, projetant une lumière aveuglante et un nuage de fumée. Matteo se retourna brusquement vers moi. « Il faut bouger ! Maintenant ! »
Luca, qui avait jusqu'à présent tenu sa position, accourut vers nous. « Je vais les aider à sortir ! »
Matteo hésita un instant, mais la gravité de la situation ne lui laissa pas le choix. « Très bien. Mais si tu fais un faux pas, je te descends moi-même. »
Luca acquiesça, puis se plaça devant moi et Mila, son arme prête. « Restez derrière moi, » dit-il, sa voix étrangement calme malgré la panique ambiante.
Matteo ouvrit une porte latérale, révélant une allée sombre menant vers l'extérieur. Il fit signe à Isabella de passer la première, suivie de Mila, qui s'assurait que je pouvais avancer avec Leo dans mes bras. Luca couvrait nos arrières, jetant des coups d'œil nerveux derrière nous.
Mais alors que nous atteignions presque la sortie, un mouvement rapide attira mon attention. Un homme, surgissant de nulle part, pointa son arme vers nous. Mon souffle se coupa.
« Attention ! » cria Matteo, mais avant qu'il ne puisse agir, Luca se précipita devant moi.
Le coup partit. Je vis Luca vaciller, sa main se portant à son flanc. Il s'effondra à genoux, mais pas avant d'avoir abattu son assaillant d'une balle en pleine poitrine.
« Luca ! » s'écria Isabella, se précipitant vers lui.
Je sentis une vague de panique m'envahir. Mila attrapa mon bras pour me pousser doucement vers l'avant. « Vous devez continuer, madame Valenti. Matteo nous couvre. »
Mais mon regard restait fixé sur Luca, à terre, son visage tordu de douleur alors qu'Isabella essayait désespérément d'arrêter le saignement. Il leva les yeux vers moi, sa respiration laborieuse.
« Je… Je voulais me racheter, » murmura-t-il, sa voix faible mais empreinte d'une sincérité déchirante.
« On ne peut pas le laisser là, » dis-je à Matteo, ma voix tremblante mais ferme.
Matteo grogna, jetant un regard rapide vers l'intérieur de l'entrepôt où les tirs continuaient de fuser. « Très bien. Mais bougez. Maintenant ! »
Il aida Isabella à soulever Luca, tandis que Mila et moi nous précipitions vers un des véhicules garés près de la sortie. Matteo monta rapidement derrière le volant, démarrant le moteur dans un rugissement qui brisa le chaos environnant.
Je lançai un dernier regard vers l'entrepôt, mon cœur se serrant. Alessandro était encore là, combattant pour nous. Je ne voulais pas partir. Pas sans lui.
« Matteo, arrête la voiture. On ne peut pas le laisser… »
« Madame Valenti, » coupa Matteo d'un ton ferme. « Le boss m'a donné un ordre. Mon travail, c'est de vous mettre en sécurité. Lui, il sait ce qu'il fait. Faites-lui confiance. »
Les larmes brouillèrent ma vision alors que je me blottissais contre Leo, son petit corps chaud contre le mien. Mais mon cœur était resté derrière, avec Alessandro.
Les pneus crissèrent alors que Matteo accélérait, s'enfonçant dans la nuit. Le grondement du moteur emplissait l'habitacle, mêlé aux sanglots étouffés d'Isabella et au silence tendu de Mila.
Leo, blotti contre moi, était étrangement calme. Je posai un baiser rapide sur sa tête, murmurant : « On va retrouver ton papa, Leo… il nous retrouvera. »
Matteo roulait vite, jetant des regards nerveux dans le rétroviseur. L'oppression du silence me submergeait, chaque seconde étirant mon angoisse.
Et soudain, une puissante détonation déchira l'air. Le sol vibra, le bruit brutal et assourdissant résonnant comme un coup de tonnerre.
Je sursautai, le souffle coupé, et un cri m'échappa, instinctif et déchirant : « Alessandro ! »