Méfiez-vous de l'Alpha qui sécurise l'avant, mais le Theta qui sécurise l'arrière pourrait s'avérer encore plus redoutable.
ZINA
Zina sentit la lame froide et tranchante contre son cou alors qu'elle frottait ses mains en prière dans l'unique temple de la déesse de la lune près de sa petite meute. La sensation soudaine lui coupa le souffle, et elle se figea, ses pensées s'affolant.
Qui pouvait être ici, osant perturber ses prières ?
Instinctivement, sa main se tendit pour attraper son bâton en défense, mais l'haleine chaude de l'intrus contre sa peau la glaça sur place. Les mots suivants de l'homme scellèrent son destin.
"Je te conseillerais de ne pas faire ça. En plus, tu empestes encore la douleur de ton rejet. Penses-tu vraiment pouvoir lutter contre moi dans cet état ?" Sa voix était rauque, gutturale, et elle déclencha en elle une vague de terreur.
La main de Zina retomba, son corps la trahissant tandis que des souvenirs qu'elle avait tenté d'enterrer commençaient à refaire surface. Les mots de l'étranger avaient appuyé sur quelque chose en elle, un écho d'une voix qu'elle ne pourrait jamais oublier mais qu'elle souhaitait oublier.
'Je, Jacen Vampage rej... non, je ne te rejetterai pas. Cependant, tu dois être ma maîtresse, tu n'as tout simplement pas l'étoffe de ma future compagne, mais je pourrais te trouver agréable au lit.'
"Qui êtes-vous ?" demanda Zina d'une voix faussement ferme bien qu'elle connaissait déjà la réponse. Pas à qui il était, mais peut-être, à quel était son dessein.
"J'ai ceux pour qui tu es en train de prier." répondit la voix rauque, sa voix empreinte de joie face au dilemme de Zina. La voici — aveugle, sans loup, rejetée et luttant pour s'accrocher au dernier vestige de raison qui lui restait dans sa vie... les membres de sa meute.
Un autre souvenir égaré de sa rencontre avec Jacen Vampage lui traversa l'esprit, cette fois-ci, c'était sa réponse au fils du bêta de la Meute Vampage.
'Votre maîtresse ?! Le ciel tombera le jour où je serai la maîtresse de quelqu'un !'
Zina chassa le souvenir. Elle n'avait pas le temps de s'attarder sur sa propre douleur alors qu'elle avait des choses bien plus importantes en jeu.
"Que voulez-vous ?" demanda Zina à l'homme, la seule question raisonnable qui lui venait à l'esprit. S'ils avaient enlevé tous les membres de sa meute sauf elle, ils devaient vouloir quelque chose d'elle bien que Zina ne puisse imaginer quoi que ce soit.
Elle n'avait rien à offrir à personne, pas même à elle-même.
"Suis-moi et ne fais aucun bruit en faisant cela. Essaie quoi que ce soit et nous massacrerons les vingt-cinq membres de ta meute, y compris ton frère Pia." Il gronda les derniers mots menaçant, poussant Zina qui était agenouillée debout, et la menant hors du temple.
Zina se précipita après son bâton alors qu'elle marchait à l'aveugle, menée par l'homme qui était tout sauf doux avec elle.
Elle fut poussée dans une calèche, et alors que les roues passaient sur les chemins cahoteux menant au monde souterrain, Zina prit douloureusement conscience de la douleur de son rejet qu'elle avait tant bien que mal ignoré en réalisant que les membres de sa meute manquaient ce matin-là.
Elle se recroquevilla sur elle-même, étreignant son corps alors qu'une obscurité familière accueillait sa vue. Elle ôta son bandeau blanc, laissant l'obscurité de la calèche caresser ses paupières rarement exposées à la lumière du soleil.
Depuis sa naissance, Zina était née sans la vue. Mais alors, les dieux l'avaient bénie avec un autre type de vision terrifiant... l'aptitude rare à voir l'avenir.
Mais face au désespoir de ce matin, même en frottant ses paumes ensemble, priant avec ferveur, demandant à la déesse de la lune une vision. Sa vue spirituelle l'avait lamentablement abandonnée. Elle rencontra une obscurité différente de celle à laquelle elle était habituée dans le monde physique, et dans cette obscurité, sa vue spirituelle la narguait, lui faisant réaliser qu'elle n'était qu'un outil, et elle, sa maîtresse.
La vue était la sienne, mais le voir ne lui revenait pas de décider… c'était pour les dieux et les pouvoirs inconnus.
Les dieux, c'étaient des gens amusants. La calèche s'arrêta brusquement, projetant Zina en avant sous l'impact. Alors que sa tête heurta le côté de la calèche, un autre souvenir égaré l'envahit.
'Qu'est-ce qui te fait croire que moi, ou quelqu'un d'autre d'ailleurs, voudrait de toi pour compagne ! Tu es aveugle, tu as ces cheveux blancs étranges et hantés, et tes yeux... Je ne les ai pas vus mais je ne peux qu'imaginer quelle vue ce serait !'
"Dehors !" Le commandement de ses ravisseurs la tira de ses souvenirs alors qu'il la traînait hors de la calèche. Zina avait remis son bandeau alors qu'elle se sentait plus à l'aise avec. Avec le bandeau, les gens la dévisageaient moins, sans le bandeau, les gens la dévisageaient plus.
Jacen avait raison sur un point; la couleur de ses yeux effrayait les gens, même les membres de sa meute ressentaient une sorte de frayeur en les voyant. Ils lui disaient que c'était un blanc clair terrifiant qui transperçait l'âme de quiconque osait le regarder.
L'homme la traîna jusqu'à ce qui semblait être un court escalier, ne se souciant guère du fait qu'elle trébuchait dans sa tentative de le suivre. Elle tomba, se tordit la cheville, et sa peau se gratta et se déchira.
Tout au long de l'épreuve, Zina s'accrochait à son bâton comme si sa vie en dépendait; c'était après tout le seul cadeau que sa mère biologique lui avait laissé, avec son petit corps jeune le jour où elle l'avait abandonnée dans une forêt, pour que les membres de sa meute actuelle la trouvent et l'adoptent.
Sur le bâton de bois étaient inscrits les mots 'L'Abandonné' dans l'ancienne langue des loups des montagnes.
Thralgor.
Tout au long de sa vie, ces mots résonnèrent comme une prophétie horrifiante, la suivant comme une marque laide. Dans tout ce qu'elle entreprenait, rien ne semblait jamais tourner correctement pour elle, et son rejet par Jacen Vampage n'était que la pointe de l'iceberg.
Tous avaient abandonné Zina, sauf pour sa meute, c'est pourquoi elle se battrait plus ardemment avec tout ce qu'elle avait pour les sauver. Personne, pas même le ciel et la terre ne les lui prendra.
Un autre dialogue de sa rencontre horrible avec Jacen lui filtra à travers l'esprit. Cette fois, c'est elle qui répondait,
'Je crois que c'est toi qui es faible et incapable. As-tu pensé que... que tu n'es pas ce qu'une femme recherche chez un compagnon ?! Je te rejette aussi Jacen Vampage. Les dieux d...devaient être fous de nous avoir associés dès le début !'
D'accord, elle avait peut-être bégayé un peu, mais elle croyait avoir malgré tout réussi à transmettre ses intentions.
"Qu'est-ce qui t'encourage tant ?!" Jacen avait crié d'horreur.
Dans une fausse tentative de bravade, Zina avait répondu. "J'ai toujours rêvé d'un homme encore plus beau que les étoiles. Je ne vois peut-être pas, Vampage. Mais crois-moi lorsque je dis que tu n'arrives pas à la cheville de lui ! Su...surtout pas avec cette attitude pourrie et immorale que tu as !'
Jacen Vampage s'était enfui en la traitant de folle car comment une fille aveugle et sans loup comme Zina pourrait être autre chose que folle ? Avec sa sortie définitive, sa première chance d'avoir un compagnon l'avait abandonnée aussi.
Tout cela s'était passé il y a deux semaines lorsque Zina venait d'atteindre dix-huit ans, et les jours qui suivaient l'avaient trouvée dans un brouillard. Malgré la fausse bravade qu'elle affichait, malgré le masque de nonchalance qu'elle portait, la vérité était qu'elle souffrait énormément.
…une douleur au-delà de la perte du lien de compagnon, et une douleur au-delà de son existence pathétique toute entière.
Les membres de sa meute, dans une tentative de console, n'avaient pas été les plus utiles dans sa situation.
La marraine de l'Alpha l'avait consolée en disant "les gens de notre monde sont enfin devenus fous. Personne n'a de considération pour le processus de mise en couple béni par la déesse de la lune. Maîtresse ! Des maîtresses, c'est tout ce qu'ils veulent !"
Puis leur Alpha lui avait dit, "Oh Zina, entre toi et moi nous savons tous les deux que Jace Vampage n'arrive pas à la cheville de toi ! Il pourrait être le fils du bêta d'une meute éminente, mais tes pouvoirs divins sont quelque chose qu'il ne pourra jamais comprendre !"
Puis leur bêta lui avait dit, "chère chère Zina, je sais que tu n'as aspiré qu'à la paix et au calme, la Meute Vampage ne pourrait te donner cela. Certainement, ce rejet est une bonne chose, non ?"
Personne ne lui avait demandé combien de douleur elle ressentait ; personne ne lui avait demandé combien cela faisait mal, Zina savait qu'ils avaient tous supposé que cela ne pouvait pas faire mal puisqu'elle était sans loup.
Zina fut ramenée à sa situation présente lorsque son ravisseur la poussa brusquement au sol. D'après ses sens, il semblait qu'ils étaient entrés dans une sorte de pièce.
"Eh bien, eh bien", la voix claire et sinistre d'un homme d'âge mûr retentit. L'homme regarda Zina qui se tourna vers la direction de la voix, son ouïe toujours aussi aiguisée après presque deux décennies à l'affûter. "Regardez qui nous avons ici."