Lorsque j'ouvris les yeux, la lumière tamisée de la pièce m'aveugla un instant. J'avais l'impression d'avoir dormi une éternité. Mes muscles étaient lourds, mes paupières encore fatiguées, mais un calme étrange m'enveloppait. J'inspirai profondément, cherchant à rassembler mes pensées. La douceur des draps contre ma peau me rappela que je n'étais plus dans ce bateau glacé. J'étais chez moi. En sécurité.
Un bruit léger me fit tourner la tête. Je remarquai alors le petit berceau placé près du lit, berceau qui n'était pas là avant que je m'endorme. Mon cœur s'emballa doucement en le découvrant. Mon fils dormait paisiblement à l'intérieur, ses minuscules poings serrés contre lui. La vision de sa petite poitrine se soulevant au rythme de sa respiration me rassura, et je me penchai légèrement pour mieux le voir.
Un autre mouvement attira mon attention. Je me retournai, mes yeux tombant sur Alessandro, profondément endormi sur le lit. Il avait le visage détendu malgré les bandages visibles sous son tee-shirt sombre. Pour la première fois depuis des jours, il semblait en paix, même si des cernes sombres marquaient encore ses traits. Mon cœur se serra à cette vision. Il avait tout risqué pour nous ramener ici, et le voir vulnérable m'émut plus que je ne l'aurais cru.
Comme s'il avait senti mon regard sur lui, Alessandro bougea légèrement. Ses sourcils se froncèrent d'abord, puis il ouvrit lentement les yeux. Ses prunelles grises, encore embrumées de sommeil, se posèrent sur moi. Pendant quelques secondes, il parut désorienté, puis son regard s'adoucit lorsqu'il réalisa où il était.
« Arianna... », murmura-t-il d'une voix rauque, marquée par le sommeil.
Je ne répondis pas tout de suite, incapable de détacher mes yeux de lui. Il se redressa doucement, grimaçant légèrement en se servant de son bras valide pour s'appuyer. Ses mouvements étaient précautionneux, mais déterminés. Alessandro Valenti n'était pas homme à se laisser abattre, même par une balle.
« Tu es réveillée », ajouta-t-il avec un sourire fatigué, ses yeux cherchant les miens.
Je hochai la tête, la gorge serrée. Je voulais lui dire tant de choses, lui reprocher de s'être encore mis en danger, le remercier de m'avoir ramenée ici, en sécurité. Mais aucun mot ne franchit mes lèvres.
Alessandro se leva lentement, contournant le lit pour s'approcher de moi. Mon cœur battait la chamade tandis que je restais immobile, observant chaque mouvement de celui qui, malgré sa blessure, semblait invincible. Lorsqu'il arriva près de moi, il s'arrêta un instant, son regard descendant doucement vers le berceau où dormait Leo.
Un sourire imperceptible éclaira son visage fatigué. Il tendit la main pour effleurer du bout des doigts la couverture qui entourait notre fils, son geste plein d'une tendresse qui me fit fondre. Puis, il se retourna vers moi, ses yeux plongés dans les miens.
Sans un mot, il m'attira doucement contre lui, passant son bras valide autour de mes épaules pour me serrer contre son torse. Je me laissai faire, sentant son souffle chaud effleurer mes cheveux alors qu'il m'enlaçait fermement, comme s'il voulait s'assurer que j'étais bien réelle.
« Tu es là », murmura-t-il. « Toi et Leo… vous êtes en sécurité. »
Je fermai les yeux un instant, me laissant bercer par sa voix grave et apaisante, profitant de cet instant précieux, ce moment où le monde semblait enfin nous laisser tranquilles.
« Ces épreuves loin de toi étaient insupportables… Comment peux-tu penser que tu dois toujours nous protéger seul, alors que nous avons besoin de toi autant que toi de nous ? »
Je sentis Alessandro se raidir légèrement, comme si mes mots touchaient une corde sensible. Il inspira profondément avant de répondre, sa voix grave résonnant doucement dans le silence. *
« Parce que je ne peux pas me permettre de vous perdre. Ni toi, ni lui. »
Je relevai la tête pour le regarder, touchée par la sincérité brute de ses mots. Son regard était intense, empli d'un amour et d'une détermination que je connaissais bien. Il passa une main sur ma joue, ses doigts effleurant ma peau avec douceur.
« J'allais devenir fou en ne sachant pas où tu étais, Arianna. Je ne tolérerai plus jamais de ne pas vous avoir sous les yeux. Plus jamais. »
Mes yeux s'embuèrent malgré moi, mais un sourire tendre éclaira mon visage. Il n'avait jamais été doué pour exprimer ses émotions avec des mots, et pourtant, ce qu'il venait de dire résonnait dans chaque fibre de mon être.
« Je t'aime », murmura-t-il soudain, sa voix plus basse, presque hésitante, comme s'il venait de briser une barrière qu'il s'était toujours imposée.
Je le fixai, bouche bée, choquée d'entendre ces mots sortir de sa bouche. Alessandro Valenti, cet homme si puissant et fier, venait de dire qu'il m'aimait. Pendant un instant, je ne pus rien dire, mais son regard plongé dans le mien m'encouragea. Finalement, je laissai échapper un rire léger, mêlé de larmes.
« Je t'aime aussi, Alessandro. Et même si avant toi ma vie était simple et loin de tout ça… même si je n'avais jamais imaginé intégrer ce monde dangereux, je ne regrette rien. Si je devais recommencer, je t'épouserais encore et encore. Je te choisirais à chaque fois. »
Un sourire sincère, presque triomphant, illumina son visage alors qu'il se penchait vers moi. Ses lèvres trouvèrent les miennes dans un baiser tendre, doux, mais empli d'une intensité qui me laissa sans souffle. Il me relâcha juste assez pour me murmurer d'un ton taquin :
« Je te l'avais dit que tu ne le regretterais pas. »
Je ris doucement, posant ma tête contre son épaule, tandis que ses bras nous entouraient tous les deux. Je sentis mon fils remuer légèrement dans son berceau, comme s'il participait lui aussi à ce moment d'apaisement.
Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais enfin complète, entourée par les deux êtres que j'aimais le plus au monde.
Alessandro resserra son étreinte autour de moi, et je fermai les yeux un instant, savourant ce moment de calme. Mais alors que je croyais pouvoir enfin me reposer pleinement, un bruit sourd résonna dans la maison. Très léger, presque imperceptible, mais suffisant pour faire tressaillir Alessandro. Je sentis son corps se tendre instantanément.
« Qu'est-ce que c'était ? » murmurai-je, relevant doucement la tête.
Alessandro ne répondit pas tout de suite. Ses mâchoires étaient serrées, son regard fixé vers la porte de la chambre comme s'il attendait que quelque chose ou quelqu'un surgisse d'un instant à l'autre. Sans un mot, il relâcha doucement son étreinte et se leva du lit, ses mouvements silencieux mais calculés.
« Reste ici, Arianna », ordonna-t-il fermement, sa voix redevenue celle de l'homme froid et déterminé que je connaissais.
« Alessandro… Qu'est-ce qui se passe ? » insistai-je en chuchotant, la panique remontant en moi comme une vague glacée.
Il ne me répondit pas. Il se dirigea vers la porte de la chambre et l'ouvrit lentement, sans faire de bruit. Dans la clarté du couloir, seule la lumière du matin filtrant par les fenêtres venait dissiper l'ombre des inquiétudes. Alessandro s'arrêta un instant pour écouter, son profil tendu, prêt à agir.
Je restai debout près du lit, malgré l'avertissement, et jetai un coup d'œil vers le berceau où Leo dormait paisiblement. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine tandis que l'angoisse s'insinuait dans chaque fibre de mon être.
« Alessandro… » murmurai-je à nouveau, presque suppliant.
Il se retourna légèrement, m'adressant un regard qui disait clairement : Ne bouge pas. Puis il disparut dans le couloir, la porte se refermant presque complètement derrière lui.
Le silence dans la chambre devint soudain assourdissant. Je restai immobile, figée près du lit, tendant l'oreille pour entendre ce qui se passait. Un bruit de pas léger, presque feutré, parvint à mes oreilles, mais je n'arrivais pas à savoir s'il venait d'Alessandro ou de quelqu'un d'autre.
Je serrai les poings, mon regard oscillant entre la porte et Leo. L'instinct maternel me dictait de rester près de mon fils, de le protéger coûte que coûte, mais une autre part de moi voulait courir derrière Alessandro, ne pas le laisser seul.
Le temps semblait s'étirer à l'infini.
Soudain, un bruit sourd retentit au rez-de-chaussée, suivi d'un éclat de voix étouffé. Mon souffle se coupa. C'était bref, comme si quelqu'un avait essayé de se retenir de crier. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que j'avais l'impression qu'il allait exploser.
Je me précipitai vers le berceau, posant une main tremblante sur le bord pour m'assurer que Leo était toujours endormi. Puis, incapable de rester immobile plus longtemps, je fis un pas vers la porte.
Mais avant que je ne l'atteigne, celle-ci s'ouvrit brusquement, me faisant sursauter.
Alessandro apparut, son visage tendu mais intact, et je laissai échapper un soupir tremblant. Mais avant que je n'aie pu dire quoi que ce soit, il s'approcha rapidement de moi et m'attrapa par les épaules.
« Tout va bien, » souffla-t-il, bien que son ton soit bas et sérieux.
« C'était Matteo. Rien de grave. Mais tu ne dois pas sortir d'ici, d'accord ? »
« Matteo ? Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe, Alessandro ? » le pressai-je, cherchant à comprendre ce qu'il me cachait.
Alessandro hésita, comme s'il réfléchissait à ce qu'il devait me dire ou non. Finalement, il relâcha légèrement ses épaules, passant une main nerveuse dans ses cheveux.
« On a eu une visite inattendue. Rien que Matteo et moi n'ayons pu gérer. Mais ça ne s'arrête pas. Moretti est toujours en mouvement. Je pensais qu'il nous laisserait du répit, mais il semble déterminé. »
Mon estomac se noua.
« Tu veux dire qu'ils savent où nous sommes ? » soufflai-je.
Il se contenta de hocher la tête, sa mâchoire serrée.
« C'est pourquoi je ne peux pas baisser ma garde, Arianna. Pas tant que vous serez en danger. »
Il me prit doucement dans ses bras, posant un baiser sur mon front avant de murmurer :
« Je te promets que cette guerre se terminera bientôt. Pour toi, pour Leo… Je ne laisserai personne vous éloigner de moi. Plus jamais. »
Mais ses mots, bien qu'apaisants, ne suffirent pas à chasser le malaise grandissant dans mon ventre. Car je savais qu'avec Moretti toujours en liberté, cette accalmie n'était qu'une illusion fragile.
Et au fond de moi, une seule question résonnait : Combien de temps encore avant que tout n'explose ?