Le chemin devenait de plus en plus escarpé. Alors qu'ils progressaient dans la montagne, la végétation changeait peu à peu, passant des grandes étendues herbeuses à des forêts denses où la lumière du jour perçait difficilement. Le sentier qu'ils suivaient se faisait de plus en plus étroit, et les éclats de voix joyeux qui les avaient accompagnés au départ commençaient à s'atténuer. Ils devaient maintenant faire plus attention à leurs pas, concentrés sur chaque pierre glissante sous leurs pieds.
Livia marchait toujours en tête du groupe, ses yeux constamment en alerte pour trouver le chemin le plus prometteur. Derrière elle, Tom suivait de près, prêt à la rattraper si jamais elle trébuchait. C'était une habitude chez lui, veiller sur Livia, même si elle n'en avait pas vraiment besoin. Il savait qu'elle avait l'esprit aventurier, mais aussi un talent certain pour se mettre dans des situations risquées.
Max et Hugo, plus en retrait, semblaient ne pas se soucier du danger. Ils chahutaient comme d'habitude, leurs blagues incessantes résonnant à travers les arbres. Anaïs, toujours calme, les observait en silence, un léger sourire sur les lèvres, tout en vérifiant mentalement leur position à chaque tournant. Elle était la plus méthodique du groupe, celle qui pensait à des détails auxquels personne d'autre ne prêtait attention.
— "Eh, Livia !" cria Max depuis l'arrière du groupe. "Dis-moi qu'on est bientôt arrivés, parce que si je glisse encore une fois sur ces cailloux, je vais commencer à croire que cette cascade est un mythe pour nous perdre dans cette foutue montagne !"
— "Toujours en train de te plaindre, Max," répondit Livia avec un sourire en coin, sans se retourner. "On n'est plus très loin, j'en suis sûre. C'est juste une question de temps avant qu'on tombe sur quelque chose d'extraordinaire."
— "Si on tombe tout court, on risque de ne pas apprécier l'extraordinaire," murmura Jules, qui venait de rattraper le groupe, son souffle légèrement plus court que les autres.
Le ton de Jules fit sourire Livia. Toujours pragmatique, mais d'une manière subtile, il était celui qui remettait les choses en perspective sans paraître ennuyeux. Le groupe avançait au rythme de ses commentaires sarcastiques et des rires de Max et Hugo, dont l'enthousiasme semblait inépuisable malgré les pentes raides.
Alors qu'ils atteignaient une petite clairière au milieu de la forêt, Livia s'arrêta soudainement. Un silence étrange régnait autour d'eux, comme si la montagne elle-même les observait. Le vent qui soufflait doucement à travers les arbres semblait s'être figé. Pas un oiseau ne chantait, pas une feuille ne bruissait. L'atmosphère pesait lourdement, remplie d'une énergie indéfinissable.
— "Pourquoi tu t'arrêtes ?" demanda Tom, inquiet de voir Livia immobile, ses yeux fixés sur l'horizon.
— "Vous ne sentez pas ?" murmura-t-elle.
Anaïs hocha doucement la tête.
— "Quelque chose a changé," ajouta-t-elle, sa voix basse.
Le reste du groupe échangea des regards confus. Max, essayant de détendre l'atmosphère, lança une de ses blagues habituelles, mais personne ne rit. Il y avait, dans cet instant précis, une tension palpable que personne ne pouvait ignorer. C'était comme si la montagne retenait son souffle.
— "Je ne sais pas ce que c'est, mais on est près de quelque chose d'important," dit Livia en brisant finalement le silence. "C'est par ici, je le sens."
Elle se tourna vers la gauche, où un petit sentier à peine visible semblait se perdre dans la forêt. Sans attendre la réponse de ses amis, elle s'y engagea d'un pas déterminé. Tom la suivit de près, jetant un coup d'œil en arrière pour s'assurer que tout le monde était encore avec eux.
Le groupe s'enfonça dans cette nouvelle partie de la forêt, où les arbres se faisaient plus denses et plus anciens, comme si ce lieu n'avait pas été foulé depuis des siècles. La lumière faiblissait, filtrée par le feuillage épais au-dessus de leurs têtes. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, et l'air devenait plus frais.
Après plusieurs minutes de marche silencieuse, Livia s'arrêta brusquement.
— "Regardez," souffla-t-elle.
Devant eux, à travers un entrelacs de branches, ils purent enfin apercevoir ce qu'ils cherchaient depuis le début de la journée. Une cascade majestueuse, entourée de rochers couverts de mousse, déversait son eau limpide dans une petite source cristalline en contrebas. Le spectacle était à couper le souffle. L'eau scintillait sous les faibles rayons de lumière qui perçaient à travers la canopée, créant une ambiance presque irréelle.
— "Wouah," murmura Max, oubliant pour une fois ses blagues habituelles. "C'est… c'est incroyable."
— "C'est encore plus beau que ce que j'imaginais," ajouta Anaïs, ses yeux s'élargissant de fascination.
Ils restèrent tous immobiles pendant un long moment, hypnotisés par la scène devant eux. Livia, cependant, n'avait d'yeux que pour la source au pied de la cascade. Quelque chose dans cette eau attirait son attention plus que tout le reste.
— "Il faut qu'on s'approche," dit-elle, une lueur d'excitation dans le regard.
— "Et après ? On prend une photo et on rentre ?" demanda Hugo, qui se remit peu à peu de sa stupeur initiale.
— "Non," répondit Livia d'une voix grave. "Il faut qu'on entre dans l'eau."
— "Quoi ?" s'exclama Jules. "Attends, attends. Tu veux qu'on… plonge là-dedans ?"
— "Oui. C'est ça qu'on doit faire," insista-t-elle.
Le groupe échangea des regards perplexes. L'idée semblait absurde, mais il y avait dans la voix de Livia une certitude qu'ils ne pouvaient pas ignorer. Tom, qui connaissait mieux que quiconque son amie, savait qu'elle n'abandonnerait pas cette idée.
— "Je ne sais pas ce que tu ressens, Liv," dit-il doucement, "mais si tu penses que c'est important, alors je te fais confiance."
Anaïs acquiesça lentement, tout en retirant ses chaussures.
— "D'accord," dit-elle. "On y va."
Jules hésitait encore, mais le regard résolu de ses amis le convainquit. Max et Hugo, toujours prêts pour une idée un peu folle, étaient déjà en train de se déshabiller pour se préparer à plonger.
Livia s'avança la première vers la source, ses pieds nus touchant l'herbe fraîche. L'eau semblait l'appeler, comme si elle renfermait une promesse mystérieuse. Elle trempa un premier orteil, puis un pied entier. À sa grande surprise, l'eau était tiède, presque accueillante. Elle fit un pas de plus, puis se laissa glisser entièrement dans la source, ses bras écartés pour accueillir la sensation enveloppante.
Un par un, ses amis la suivirent. L'eau semblait les entourer d'une chaleur apaisante, presque protectrice. Livia ferma les yeux et plongea complètement, sentant l'eau engloutir son corps.
C'est alors que tout changea.
Le monde autour d'eux bascula soudainement. Un tourbillon se forma sous leurs pieds, les entraînant vers les profondeurs. Ils tentèrent de se débattre, mais l'attraction était trop forte. Ils n'étaient plus maîtres de leurs mouvements. En un instant, tout devint flou, l'eau se métamorphosa en lumière, et une force invisible les aspira dans un vide infini.
Puis tout devint noir.