Damon inspira lentement, les narines évasées, alors qu'il se tenait sur le sol en marbre poli de la grande salle d'entraînement de Silverhold. D'immenses vitraux laissaient filtrer la lumière du soleil, illuminant des rangées de cuirasses et de râteliers d'armes étincelants. Des lances finement ouvragées, des rapières élégantes, des cimeterres recourbés — chaque pièce racontait un fragment du passé martial du royaume. Une odeur de métal et de cuir usé flottait dans l'air, révélant l'utilisation assidue de ce lieu.
Depuis la victoire contre le sorcier qui sévissait dans le Bois de Sombrebranche, plusieurs semaines s'étaient écoulées. Damon et ses compagnons étaient revenus à Silverhold, accueillis en héros pour avoir éradiqué une menace grave. Toutefois, les célébrations s'étaient teintées de la conscience que la menace ne s'était pas vraiment éteinte — seulement sa manifestation locale avait été anéantie. La gratitude du roi s'était accompagnée d'une désignation officielle : Damon, Seraphina, Rivan et Marisol avaient reçu l'ordre de s'entraîner avec la Garde Royale d'Élite — un honneur exceptionnel, censé les préparer à de futures batailles plus ardues encore.
Aujourd'hui marquait le début de cette formation exigeante.
— C'est impressionnant, non ? lança Seraphina en s'approchant de Damon. Elle portait une tunique ajustée et un pantalon sombre, sa longue tresse auburn nouée serrée derrière la tête. Son regard parcourait le plafond voûté de la salle d'entraînement et les colonnes où s'étiraient des sculptures de bêtes mythiques. Je suis déjà entrée dans des salles fastueuses, mais celle-ci respire vraiment l'héritage martial.
Damon acquiesça :
— C'est magnifique… et intimidant.
Il serra légèrement les doigts, songeant au décret officiel qui l'avait conduit ici : S'entraîner avec la Garde Royale. Prouver sa valeur au royaume. Une preuve de la confiance nouvelle du roi Alastair — ou peut-être un test pour jauger la réputation grandissante de Damon.
Non loin, Sir Rodrik s'avança, vêtu d'une armure partielle qui reflétait les rais de soleil. Il avait été parmi les premiers à se proposer comme instructeur pour Damon et ses compagnons.
— Tu t'es forgé un joli nom, fit-il d'un ton posé. Mais l'entraînement de la Garde d'Élite est d'une toute autre trempe. Prépare-toi à une discipline dont tu n'as pas idée.
Rivan et Marisol les rejoignirent. Marisol avait enfin pu retirer son écharpe, même si elle restait prudente avec les épées lourdes. Elle esquissa un sourire en coin :
— Aucun répit pour les vaillants, pas vrai ?
1. L'arrivée du Grand Maître
Un silence solennel traversa la salle lorsqu'une haute silhouette en armure richement gravée fit son entrée : la grand-maîtresse Aveline, cheffe de la Garde Royale d'Élite. Son armure, ornée de fines arabesques argentées représentant l'aigle royal, montrait aussi des éraflures prouvant son expérience du combat. Une courte cape bleue drapait ses épaules, et sa prestance respirait la confiance inébranlable.
— Garde-à-vous ! lança un soldat près de l'entrée.
Aussitôt, chacun se mit au garde-à-vous, y compris Rodrik. Damon et ses amis imitèrent du mieux qu'ils pouvaient, incertains du protocole, mais suivant l'exemple.
Les yeux gris acier d'Aveline parcoururent les recrues — un mélange hétéroclite de chevaliers, de vétérans et de novices, dont le groupe de Damon.
— Bienvenue, annonça-t-elle, la voix empreinte d'une autorité tranquille. Dans les semaines à venir, vous porterez vos compétences au plus haut niveau exigé par la défense personnelle du roi. Vous vous entraînerez jusqu'à ce que vos muscles hurlent, que vos esprits s'aiguisent, et que votre loyauté envers le royaume se renforce.
Son regard s'attarda un instant sur Damon, conscient du rôle d'envoyé favori du roi qui lui était attribué. Puis elle s'attarda de même sur Seraphina, Rivan et Marisol — adressant à chacun un léger signe de tête.
— Vous avez prouvé votre valeur dans des situations extrêmes, mais la Garde d'Élite repose sur la précision, la discipline et l'unité. Ici, pas de place pour l'héroïsme solitaire. Nous combattons comme un seul homme.
2. Exercices et rigueur
Les premières heures se passèrent en exercices rigoureux, sous le regard attentif de divers instructeurs. Damon se retrouva sous la supervision de l'instructrice Freya, une femme aux cheveux coupés ras et aux avant-bras barrés de cicatrices. Elle lui présenta une forme d'escrime commune aux officiers de haut rang, avec des mouvements fluides assurant attaque et défense. Damon, fier de son adaptabilité, peina néanmoins à exécuter parfaitement le jeu de jambes et la synchronisation demandés.
Rivan, de son côté, fut envoyé dans la section consacrée aux lances, affrontant tour à tour trois gardes à la fois. Marisol, malgré son bras encore endolori, rejoignit un petit groupe pour s'exercer à l'épée-bouclier. Seraphina, quant à elle, rejoignit un module spécialisé dans l'agilité et le combat rapproché à la dague, maîtrisant saltos et manœuvres d'évitement sur un parcours semé d'obstacles.
Les cliquetis des lames, les grognements d'effort résonnaient dans la vaste salle. Damon, lui, tentait de suivre sans faillir, mais l'instructrice Freya le corrigeait sans cesse : Allège ta foulée. Tourne plus vite. Ne t'étire pas trop. En une demi-heure, Damon suait à grosses gouttes, les bras en feu.
Freya l'observa d'un regard dur :
— Tu as du talent, mais tu comptes trop sur l'improvisation. La Garde exige constance et discipline. Il faut que ces postures deviennent automatiques.
Damon retint un commentaire et hocha la tête. Je lui prouverai, se jura-t-il, reprenant la séquence. Cette fois, sa lame trouva une trajectoire plus harmonieuse, conforme au style enseigné. Freya ne fit qu'incliner brièvement la tête avant de pointer une nouvelle erreur au niveau de ses appuis. Soit. Pas de progrès sans travail.
3. Tensions dans les rangs
Au cours d'une courte pause, Damon retrouva ses compagnons auprès d'un râtelier d'armes, tous transpirants. Seraphina roula ses épaules en soupirant :
— Ils sont exigeants, j'apprécie leur minutie, mais c'est intense.
Rivan, vidant une gourde, eut un petit rire :
— Je me suis fait plaquer deux fois. Certains de ces gardes sont infatigables.
Marisol passa délicatement la main sur son bras encore sensible :
— On a vécu pire, souvenez-vous… le sorcier et ses créatures.
Sir Rodrik les rejoignit, ôtant son casque, les cheveux trempés :
— Il y a une différence entre le danger brut et la maîtrise formelle. L'Élite met l'accent sur la technique et la constance. C'est ainsi que le royaume tient bon, pas seulement par des coups d'éclat, mais par un professionnalisme à toute épreuve.
Damon acquiesça, même s'il ressentait une légère impatience. Le royaume est menacé. Peut-on se permettre de passer des mois à apprendre chaque détail ? Il se rappela que toute aptitude acquise ici pourrait sauver des vies.
Ils allaient repartir sur le terrain d'entraînement lorsque des éclats de voix leur parvinrent. Damon distingua un groupe de gardes vétérans les fixant avec un mépris à peine voilé. L'un d'eux, large d'épaules et au nez aquilin, s'exclama :
— Donc voilà les « recrues spéciales » du roi, ceux qui ont tué un sorcier et se considèrent comme des héros ?
Damon sentit ses muscles se tendre. Nous ne nous sommes jamais proclamés héros. Mais il resta calme, s'avançant d'un pas :
— Nous ne nous prétendons rien de tel, monsieur. Nous remplissons juste notre devoir.
Le chevalier retroussa les lèvres en un rictus :
— Devoir, hein ? On verra si tes techniques tiennent le choc de l'entraînement. Trop d'histoires de chance et de coups de folie.
Seraphina s'apprêta à réagir, mais Sir Rodrik posa une main apaisante sur son bras :
— Certains anciens gardes craignent de voir arriver des « promus » trop vite, chuchota-t-il.
Damon inclina la tête en signe de respect :
— J'espère dissiper vos doutes à l'exercice — et sur le champ de bataille, si besoin.
Le regard du chevalier brillait de défi, puis il tourna les talons en grognant :
— On verra bien.
4. Franchir des limites
Le reste de la matinée s'écoula dans un tourbillon de leçons éprouvantes. Vers midi, Damon, les bras en feu, baignait dans la sueur. Il voyait ses compagnons dans un état similaire — visages creusés, vêtements trempés. Freya finit par décréter une pause, exigeant qu'ils s'hydratent et se nourrissent. Damon s'affala sur un banc en bordure de la salle, le dos contre un mur.
Marisol s'assit à côté, son bras valide encore tremblant d'exercices répétés :
— Je ne me plaindrai plus jamais d'une simple bagarre dans une taverne.
Seraphina, leur tendant des gourdes, s'essuya le front :
— Mais on progresse. Freya m'a dit que je m'adaptais bien à leurs postures de dague.
Damon hasarda un sourire las :
— Moi, j'ai du mal avec ce style strict. C'est… très cadré.
Rivan, assis à leurs pieds, roula ses épaules endolories :
— Donne-toi une semaine ou deux. On va y arriver. C'est toujours comme ça, on finit par s'adapter.
5. La convocation inattendue du roi
À cet instant, les portes massives de la salle s'ouvrirent dans un grand fracas. Un héraut en livrée bleue pénétra, sa voix claironnant :
— Par ordre de Sa Majesté le roi Alastair, Damon Blackthorn est convoqué immédiatement dans la Chambre Solaire !
Un frémissement de surprise parcourut les soldats présents. Freya s'interrompit, jetant à Damon un regard circonspect. Sir Rodrik fronça les sourcils :
— Maintenant ? Il est en plein entraînement.
Le héraut s'inclina sobrement :
— La requête du roi est urgente.
Le ventre de Damon se noua. Encore une convocation, si vite ? Se relevant péniblement, il échangea un regard inquiet avec ses compagnons. Seraphina laissa transparaître son inquiétude ; Rivan haussa les épaules comme pour dire Pas moyen d'y échapper.
— Bien… fit Damon, en tentant de redresser ses jambes tremblantes.
Le héraut l'invita à le suivre, et Damon s'éloigna de la vaste salle sous les regards intrigués des recrues.
6. Dans la Chambre Solaire
Le héraut le conduisit à travers une enfilade de couloirs illuminés par de grandes fenêtres donnant sur les cours grouillantes de Silverhold. Des domestiques allaient et venaient, des gardes les saluaient de la tête. Finalement, ils atteignirent des portes dorées, encadrées par deux sentinelles qui se mirent au garde-à-vous. Le héraut entra le premier, annonçant Damon.
À l'intérieur, la Chambre Solaire baignait dans la lumière de fin d'après-midi. De hauts vitraux surplombaient la pièce, et des tapisseries retraçant l'histoire du royaume ornaient les murs. Sur le sol, une mosaïque figurait l'aigle argenté, resplendissante. Le roi Alastair se tenait près d'une table couverte de cartes, l'air tendu. À ses côtés se trouvait Lord Cyril, le conseiller-mage, qui jouait pensivement avec ses doigts entrelacés.
Damon s'inclina :
— Votre Majesté, vous m'avez fait appeler ?
Alastair fit signe de fermer les portes, puis se tourna vers lui, le visage grave :
— Oui, Damon. Je veux un point sur ton entraînement… et surtout ton avis sur un sujet urgent.
Un sursaut de tension gagna Damon. Le roi ne l'aurait pas extirpé de l'entraînement pour une simple conversation de routine.
— Je suis à votre disposition, Sire.
Le regard du roi glissa vers Lord Cyril, qui acquiesça. Alastair reprit :
— Nous avons reçu des rapports d'agitation vers les frontières nord. Morath le Noir assemblerait davantage de troupes. Certains évoquent des alliances monstrueuses proches de ce que tu as affronté dans le Bois de Sombrebranche. Je crains de ne pouvoir attendre la fin complète de ta formation chez l'Élite avant de te renvoyer là-bas.
Damon sentit son esprit s'emballer. Encore Morath le Noir. Le roi l'observait intensément :
— Penses-tu que ton expérience face à la magie dévoyée puisse nous aider si Morath s'allie à des forces similaires ?
Damon retint son souffle, se rappelant les derniers mots du sorcier défait, évoquant Morath :
— Je ne peux rien promettre, Votre Majesté. Mais mes compagnons et moi avons déjà combattu des cultistes, détruit une relique. Si Morath manipule des pouvoirs comparables, nous pourrions en reconnaître les signes avant d'autres.
Le roi approuva, les lèvres pincées d'une inquiétude discrète :
— C'est justement mon point. Nous ne pouvons risquer un nouveau foyer de corruption. J'aimerais conclure un accord avec toi, Damon : tu poursuis l'entraînement accéléré avec la Garde d'Élite, mais tu te prépares également à mener une petite troupe vers le nord. Quand le moment sera venu, tu partiras sous mon ordre pour enquêter, voire affronter Morath, si les rumeurs se confirment.
7. Évaluer les risques
Une vague d'émotions submergea Damon. Conduire une force contre Morath ? Déjà ? Il savait combien il manquait d'expérience dans la guerre. Jusqu'ici, son groupe brillait surtout dans des interventions ciblées.
— C'est un grand honneur que vous me faites, Sire, dit-il prudemment. Mais je n'ai même pas achevé la formation de la Garde. Est-ce bien avisé ?
Alastair adoucit un peu son expression, délaissant son masque d'autorité :
— Tu as prouvé ta valeur dans des contextes que la Garde ne maîtrise pas toujours : créatures surnaturelles, corruption magique. Et le royaume ne peut attendre des mois si l'influence de Morath grandit. Je préfère te voir sur le terrain, prêt autant que possible, plutôt que t'avoir coincé dans un dojo pendant que le nord brûle.
Lord Cyril intervint d'une voix feutrée :
— Nous redoutons que Morath ne convoite des reliques semblables à celle que vous avez détruite. Dans ce cas, la crise dépasserait de loin celle du sorcier. Le roi estime que vous pouvez contrecarrer ce projet.
Damon songea à Seraphina, Rivan, Marisol, qui l'accompagneraient sans doute. Ils étaient tous épuisés, à peine formés. Mais la détresse du roi semblait sincère.
— Que comporte exactement cet accord ? demanda-t-il. Vous attendez que je demeure à Silverhold pour poursuivre l'entraînement, jusqu'au moment où vous me donnerez l'ordre de partir ?
Alastair hocha la tête :
— Exact. Ton entraînement sera intensif, accéléré si besoin. Et en parallèle, tu brieferas mes conseillers sur tout ce que tu sais des reliques ou des cultes. Dès que je jugerai le temps venu, tu marcheras vers le nord.
8. Accepter le marché
Damon sentit une tension lui nouer l'estomac. Il allait donc mener une mission contre Morath ? Si vite ? Il était conscient que les menaces se multipliaient.
— Et si je refuse ? demanda-t-il en serrant les dents.
Le roi Alastair soutint son regard, sans colère mais avec une résolution ferme :
— Alors tu resteras dans le cursus normal de la Garde. Mais le royaume risquera de perdre un temps précieux. Je devrai envoyer d'autres, et tu n'aurais plus voix au chapitre… ni dans la façon de gérer les reliques à l'avenir.
Un silence pesant suivit, et Damon sentit le poids de ces mots. Il se souvenait de la peur qu'un autre sorcier ou un autre bandit muté puisse surgir. Si Morath s'emparait d'une relique draconique, des villes entières pourraient tomber. C'est plus grand que moi.
D'un souffle, il inclina la tête :
— Soit. J'accepte. Je reste ici pour l'entraînement, et je me tiendrai prêt à combattre Morath dès que vous m'en donnerez l'ordre.
Un léger soulagement apparut sur le visage d'Alastair :
— Tu ne regretteras pas ce choix, Damon. Dès demain, ton entraînement s'intensifiera. Va te reposer et fais part de ce nouvel arrangement au grand maître Aveline. Je la tiendrai informée.
Lord Cyril s'approcha, son regard perçant posant son évaluation sur Damon :
— Vous avez déjà affronté de sombres forces — restez prudent. Morath est rusé et impitoyable. S'il effleure la magie reliquaire, vos batailles ne feront que se durcir.
Damon opina :
— Je m'en souviendrai, monseigneur.
Sur ces mots, le roi le libéra, se replongeant dans l'examen des cartes étalées. Damon s'inclina, sortit de la pièce, le cœur battant. C'était scellé : le roi comptait sur lui pour contrer Morath et toute nouvelle menace reliquaire. L'idée de mener une expédition au nord l'exaltait autant qu'elle l'angoissait.
9. Vers un nouvel entraînement
Lorsqu'il rejoignit la salle d'entraînement, la séance du jour touchait à sa fin, et beaucoup de soldats rangeaient leur équipement. Seraphina et Rivan attendaient près d'un râtelier, l'inquiétude lisible sur leurs traits.
— Que voulait le roi ? demanda doucement Seraphina.
Damon se laissa tomber sur un banc, s'essuyant le front :
— Il veut qu'on continue à s'entraîner, puis qu'on parte vers le nord affronter Morath le Noir dès qu'il jugera le moment opportun. Il nous donne des moyens, mais exige des résultats.
Rivan siffla :
— Sacrée mission.
Le visage de Seraphina s'assombrit :
— Morath chercherait peut-être à s'emparer d'une relique, c'est ça ? Les rumeurs parlent de pouvoirs sombres.
Damon acquiesça :
— C'est ce que le roi craint. Il ne faut pas qu'un autre seigneur de guerre mette la main sur un artefact comme celui du sorcier… ou pire. Je lui ai donné mon accord. On va s'entraîner, puis partir dès son ordre.
Marisol, sortant d'un exercice près d'un mannequin, s'approcha au moment où Damon terminait :
— On garde donc la cadence ? fit-elle en massant son épaule encore sensible. On va subir la fureur d'Aveline ?
10. La suite du chemin
Comme pour confirmer ses mots, Aveline pénétra dans la salle, son armure résonnant sur le sol lisse. Son regard parcourut Damon et ses compagnons :
— Ah, Blackthorn. J'ai reçu un mot de Sa Majesté. Votre entraînement s'intensifiera. Dès l'aube, vous aurez des exercices avancés, et l'après-midi, des simulations de combat. Aucun passe-droit, c'est le souhait du roi — et l'exigence du royaume.
Ils acquiescèrent sans protester. Damon se releva et salua :
— Nous comprenons, grand-maîtresse.
Aveline croisa les bras :
— Parfait. Soyez ici à l'aube. Reposez-vous ce soir, vous en aurez besoin.
Puis elle repartit d'un pas énergique, laissant le groupe échanger des sourires exténués. À peine rentrés, déjà convoqués. Ils n'avaient guère le loisir de souffler.
Tandis que la salle se vidait, Damon gagna un coin tranquille pour calmer le tumulte de ses pensées. L'accord passé avec le roi l'oppressait comme une épée de Damoclès : S'entraîner, s'endurcir, puis partir contrer Morath. Leur répit touchait à sa fin. Bientôt, ils reprendraient la route, peut-être vers un péril plus grand encore que celui du sorcier. Et si Morath s'allie à une relique draconique…
Un frisson parcourut Damon, la même lueur antique qu'il percevait en lui depuis qu'il avait touché ce coffre dans les ruines. Il se rappela l'attaque des bandits, le Gardien monstrueux, le sorcier du tertre — et comment à chaque fois, son opiniâtreté s'était accrue. À présent, le roi lui offrait la chance de frapper avant que le nord ne sombre. Mais à quel prix ? Le royaume réclame des héros, or les héros deviennent parfois des pions…
Il releva la tête, apercevant Seraphina qui l'attendait, bras croisés. Elle arborait une expression plus douce qu'à l'accoutumée.
— On y va ? proposa-t-elle doucement.
— Oui, acquiesça Damon en se détachant du mur. Allons nous reposer. Demain, on attaque la vraie besogne.
Ils quittèrent la grande salle, s'engouffrant dans le dédale de couloirs éclairés à la lanterne. L'avenir restait incertain, mais Damon sentait poindre en lui une détermination sereine. S'il devait assumer la charge imposée par le roi — et s'entraîner jusqu'à l'épuisement — il le ferait. La guerre contre les reliques obscures et les seigneurs de guerre menaçants n'autorisait aucun relâchement.
Avançant aux côtés de Seraphina, il laissa se glisser en lui un mince espoir. Eux qui avaient déjà affronté l'horreur et survécu, ils pourraient y parvenir encore, portés par la discipline de la Garde et la méfiance prudente du roi. Le jour viendrait où ils marcheraient au nord, faisant face aux ambitions de Morath le Noir. Et ce jour-là, Damon se promettait de ne pas faillir, lame au clair, pour éviter que l'ombre ne dévore Elandris.