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Chapter 19 - Un Accord avec le Roi

L'instant sembla se figer, tendu comme la corde d'un arc bandé. Damon tenait son épée prête, son souffle se condensant dans l'air froid du matin. De l'autre côté de la clairière du tertre, le sorcier encapuchonné levait son bâton noueux, une énergie noire se dégageant en volutes fantomatiques autour de lui. Entre eux, des créatures difformes, aux yeux luisants perçant la pénombre de l'aube. Le vent glissait sur les hautes herbes, charriant un relent de pourriture.

Seraphina, sa dague ferme en main, se tenait à la gauche de Damon. Rivan, arbalète épaulée, était à sa droite, tandis que Faeron — l'esprit rongé par la peur mais résolu — serrait son bâton derrière eux, murmurant des incantations incomplètes. Un peu plus loin, Sir Rodrik et Marisol coordonnaient les escouades sur les flancs, les gardes royaux se dissimulant derrière de vieux menhirs.

Un silence troublant régnait, seulement troublé par le chant sourd du sorcier. La poitrine de Damon se soulevait de nervosité. C'est le cœur de la corruption.

1. L'offensive du sorcier

Soudain, le sorcier tendit la main libre, et une pulsation de force malveillante se propagea. Les créatures difformes hurlèrent et bondirent toutes ensemble. Damon sentit la vague d'énergie le frapper, comme un coup de vent tangible, lui faisant perdre l'équilibre. À ses côtés, Rivan chancela mais tint bon, libérant un carreau d'arbalète qui se ficha dans l'épaule de la créature la plus proche. Celle-ci poussa un cri rauque, du sang noir jaillissant tandis qu'elle trébuchait.

Seraphina s'esquiva d'un pas, entaillant la jambe d'une autre créature. Le coup la repoussa, offrant à Damon la possibilité de pivoter et de planter sa lame dans son torse. La bête se convulsa, puis s'effondra dans la boue. Une de moins, songea Damon, se retournant vers le danger suivant.

À la périphérie de la clairière, Sir Rodrik menait son groupe avec discipline. Les gardes avançaient en formation, boucliers serrés, lames pointées. Plusieurs monstres se ruèrent sur eux, mais les soldats repoussèrent l'assaut, répondant de gestes précis et coordonnés. Toutefois, ces abominations combattaient avec une rage surnaturelle, ignorant des blessures qui auraient terrassé le commun des mortels.

Marisol, le bras encore en écharpe, organisait les renforts en retrait, criant des ordres limpides. D'un geste, elle désigna deux gardes pour déborder l'une des créatures qui, aux membres distordus, se défendait avec férocité. L'initiative fonctionna : coincée de part et d'autre, la bête hurla avant d'être transpercée.

2. Les protections de Faeron

Au milieu de la mêlée, Faeron s'acharnait à dresser son cercle de protection. Il plantait, à intervalles précis, de petits talismans gravés de symboles qui luisaient d'une pâle lumière blanche. Damon l'aperçut agenouillé dans l'herbe, son bâton levé, psalmodiant des formules qui résonnaient comme un écho lointain. Il tente de neutraliser la corruption du sorcier, comprit Damon, repoussant à grand-peine l'attaque furieuse d'une autre bête.

— Protégez Faeron ! lança Damon à Bryce et Helena, deux gardes royaux.

Le duo quitta aussitôt le gros du combat pour couvrir le mage, qui avançait péniblement d'un token à l'autre. Une créature aux griffes en crochet se jeta sur Helena, mais l'épée de Bryce perfora son échine avant qu'elle n'ait pu porter son coup. La bête s'effondra, agitée de spasmes.

Damon sentit un bref espoir l'envahir. Nous tenons bon. Mais aussitôt, le sorcier éleva la voix, et une aura verdâtre malsaine jaillit de son bâton, teignant le sol d'une lueur irréelle.

3. L'ultimatum du sorcier

— Misérables intrus ! cracha-t-il, sa voix résonnant d'un écho surnaturel. Voulez-vous briser le joug de la relique ? Pliez-vous à sa puissance ou mourez !

Un hurlement perçant retentit, et d'autres silhouettes difformes surgirent de l'entrée du tertre, courbées, hérissées de pointes. Elles se précipitèrent avec une vitesse effrayante. Le cœur de Damon se serra. Ils sont plus nombreux que prévu. Il fit signe à Marisol, à l'opposé. La jeune femme, les yeux agrandis, ordonna à la deuxième escouade de reformer les rangs.

Seraphina grimaça, du sang s'écoulant d'une légère entaille à son bras :

— Il faut foncer, sinon ils nous submergeront.

Damon hocha la tête et se tourna vers Rivan, dont le carquois était presque vide :

— Rivan, veille sur Faeron. Seraphina et moi allons nous rapprocher du sorcier. Il faut le stopper avant qu'il invoque d'autres monstres.

Rivan acquiesça d'un signe ferme, chargeant son dernier carreau. Damon et Seraphina s'élancèrent, zigzaguant parmi les gardes et les créatures mêlées. Des corps jonchaient le sol détrempé, qu'il s'agisse d'abominations ou de soldats royaux. Chaque mort envenime ma rage.

4. Vers le sorcier

Ils atteignirent l'enceinte du tertre, où le sorcier se dressait, son bâton en avant. De près, Damon distingua un symbole sombre incrusté sur le bois, probablement lié à la relique. La silhouette encapuchonnée paraissait démesurée, sans doute gonflée par quelque illusion. Des émanations noires crépitaient autour de lui, réagissant à l'arrivée de Damon comme des étincelles maléfiques.

Seraphina lança un couteau, visant l'épaule de l'ennemi. Le projectile heurta un bouclier immatériel d'un vert malsain, puis ricocha. Le sorcier s'esclaffa, un rire empli de cruauté.

— D'autres agneaux voués au sacrifice, gronda-t-il, pointant son bâton vers Seraphina. Un éclair de lumière fétide jaillit du bâton. Elle l'évita de justesse, le sol à l'arrière se couvrant d'une fumée corrosive.

Damon profita de la diversion pour frapper, lame en biais sur le flanc du sorcier. Mais ce dernier brandit son bâton, et une force invisible frappa Damon comme un marteau, l'envoyant presque au sol. Une douleur irradia ses côtes tandis qu'il luttait pour rester debout. Il est puissant.

— Seraphina ! s'écria Damon, haletant. Il nous faut les runes de Faeron pour l'affaiblir !

— Il est en train de les activer ! répondit-elle. Gagnons du temps !

5. Le sort de Faeron

Plus loin, Damon entendit la voix de Faeron hurler :

— Le cercle — qu'il se referme !

Le mage semblait proche de la rupture, mais continuait d'invoquer ses sorts. Les talismans, plantés autour du périmètre, s'illuminèrent d'un halo blanc, formant un arc de lumière autour du tertre. Le sorcier laissa échapper un grognement de rage et enfonça son bâton dans le sol, propageant une énergie verdâtre qui heurta de front la barrière de Faeron. Des étincelles jaillirent, grésillant dans un vacarme assourdissant.

Damon serra les dents. C'est le moment. Il se jeta à nouveau à l'assaut, sa lame balayant bas. Cette fois, le bouclier du sorcier fut partiel, et la lame de Damon traça une entaille au niveau de la cuisse. Un sifflement douloureux s'échappa de la capuche. Durant un bref instant, Damon vit un visage blafard, tordu par la colère et la souffrance.

6. Le pari de Seraphina

Profitant de l'ouverture, Seraphina bondit, dague en avant, visant le torse. Le bâton du sorcier riposta, provoquant un choc magique qui dévia la lame. Elle recula à temps, esquivant de justesse un jet d'énergie corrompue prêt à lui brûler la main. Il faiblit, mais reste redoutable, jugea Damon. Les runes de Faeron réduisaient peu à peu le pouvoir du sorcier, le forçant à lutter sur plusieurs fronts.

— Poussez ! vociféra Damon.

Ils intensifièrent leurs attaques, contraignant le sorcier à diviser son attention entre la protection et le contrôle de ses sbires. Partout autour, les monstres semblaient reculer, hurlant sous l'effet du cercle de Faeron qui les refoulait. Certains titubaient en arrière, comme gênés par un mur invisible.

Sir Rodrik en profita pour mener une charge décisive au milieu des créatures. Lames et piques fendirent les chairs corrompues, forçant les ennemis à se replier. Marisol, ignorant sa blessure, transperça une bête massive, serrant les dents pour endurer la souffrance. Puis elle vola au secours d'un garde à terre, en mauvaise posture.

7. Un pacte obscur

Le sorcier, la jambe ensanglantée, laissa échapper un sifflement. Sentant la déroute imminente, il recula vers l'entrée du tertre :

— Vous ignorez les forces que vous éveillez, gronda-t-il d'un ton rauque.

Damon avança, l'épée levée :

— Nous savons que tu transformes des innocents en monstres. Ça suffit.

Un rire amer échappa au sorcier :

— Imbéciles. Vous ne détruirez pas l'héritage de la relique — sa puissance dépasse la chair mortelle.

Ses yeux glissèrent vers Seraphina :

— Messagère de la Couronne… oui, je le ressens en toi. Tu es à l'aube d'une destinée plus vaste, et tu la gaspilles à protéger des moutons ?

Seraphina serra la mâchoire, du sang maculant légèrement son bras entaillé :

— Je ne sais pas de quoi tu parles, et je m'en fiche. Rends-toi, ou nous t'achevons ici.

Le sorcier inclina la tête comme s'il la plaignait :

— Tu nies l'appel. Soit. Mais sache que d'autres convoitent ces antiques pouvoirs. Morath le Noir n'est qu'un pion. Vous ne faites qu'entrevoir l'orage qui vient. Votre roi ne pourra pas tous les contenir.

Un frisson de doute traversa Damon. Il connaît Morath… et parle de la Couronne ? Il n'eut pas le temps d'y songer davantage : le sorcier brandissait déjà son bâton, y faisant crépiter une flamme sombre.

8. L'assaut final

Avant que le sort n'aboutisse, Faeron, à distance, brandit son bâton :

— Cercle, scelle la brèche !

Les runes s'illuminèrent d'un éclat éblouissant, formant comme un dôme de lumière blanche autour de la clairière. Un instant, Damon ressentit une pression dans ses tympans, comme si la forêt entière retenait son souffle. Puis le dôme se resserra, heurtant l'aura du sorcier.

Un craquement strident se produisit, et le bâton du sorcier se brisa au milieu. La flamme verdâtre s'éteignit en un jaillissement d'étincelles, et le sorcier recula en criant tandis que les défenses magiques se rompaient. Damon n'hésita pas : il fondit sur lui, la lame plongeant dans sa poitrine, et Seraphina, en soutien, lui enfonça sa dague dans le flanc. Le sorcier, secoué de spasmes, se laissa tomber à genoux, le capuchon glissant et révélant un visage émacié, tordu par la terreur et la rage.

— Vous… ne pouvez… l'anéantir, souffla-t-il, la voix mourante. La relique… est hors du temps…

Du sang coula de ses lèvres, et son corps s'affaissa d'un bloc.

L'effet fut instantané : les créatures restantes émirent des cris stridents avant de se convulser, comme si une chaîne invisible les retenant venait de se rompre. Leurs yeux ternirent, certains s'effondrèrent sur place, d'autres se désorientèrent, ouvrant la voie aux gardes royaux qui les achevèrent. En quelques instants, la clairière sombra dans un calme étrange, ponctué des souffles haletants des survivants.

9. Après la victoire

Damon extirpa son épée du cadavre, la sueur et la boue lui collant au front. Un tourbillon d'émotions l'envahit : la fierté d'avoir abattu le sorcier, le soulagement de voir encore nombre de ses camarades debout, et l'incertitude quant à la relique. Nous ne l'avons pas détruite.

Seraphina s'accroupit auprès du bâton brisé du sorcier. Son milieu était fendu, le symbole gravé vacillant d'une faible lumière.

— Est-ce la relique elle-même ? murmura-t-elle, fronçant les sourcils. Ou juste un canal ?

Faeron, boitant, prit appui sur son propre bâton. Il examina le bois éclaté, la mine sombre :

— Sans doute un conduit. La véritable relique doit reposer plus en profondeur dans le tertre. Ce bâton lui servait de relais… mais la source de ce pouvoir subsiste.

Sir Rodrik arriva, haletant, sa cuirasse maculée de quelques éclaboussures de sang :

— Nous avons perdu deux gardes, mais les autres sont sains et saufs, dit-il, la voix grave. On ne peut abandonner cette relique dans le tertre, si elle existe toujours.

Marisol, bien que blessée, hocha la tête :

— D'accord. On doit fouiller le tertre et l'anéantir ou le sceller.

Faeron adressa un regard suppliant à Damon :

— Laissez-moi vous aider. Mes protections subsistent en partie, et je sens toujours sa présence. Si nous ne la détruisons pas, un autre sorcier pourrait surgir, ou les sbires de Morath pourraient s'en emparer.

Damon poussa un long soupir. On ne peut reculer. On doit aller jusqu'au bout.

— Bien. Je vous accompagne. Mais avançons prudemment. Seuls quelques-uns entreront, le reste soignera les blessés et gardera la sortie.

Rodrik approuva, ordonnant à la moitié de ses soldats de surveiller l'entrée et de récupérer les dépouilles. L'autre moitié accompagna Damon, Seraphina, Faeron et Rivan dans l'obscur passage du tertre. Une odeur de terre humide et de pourriture les enveloppa. Les torches découpaient des reflets sur des parois de pierre brute, des gravures effacées représentant des serpents ou des formes draconiques.

10. Un Accord avec le Roi

À mesure qu'ils progressaient, Damon repensa à l'ordre du roi Alastair — récupérer ces reliques pour le bien du royaume. Veut-il sceller ou exploiter cette abomination ? Le sorcier l'avait dit : Morath et bien d'autres menacent le royaume, et même si nous brisons cette relique, il en reste peut-être ailleurs.

Enfin, le couloir déboucha sur une petite salle. En son centre trônait un piédestal de pierre recouvert d'un tissu élimé, sur lequel reposait un petit orbe taillé dans un cristal noir. Seraphina l'approcha prudemment, lame en main. Faeron, lui, blêmit en reconnaissant l'artefact :

— C'est lui… La relique. On sent ses émanations morbides.

Rivan se tendit :

— Alors comment la détruire ?

Faeron s'agenouilla, disposant ses talismans autour du socle :

— Éloignez-vous. Je vais rompre les sortilèges qui la protègent, puis nous essaierons de la briser.

Damon sentit un flot de terreur le gagner ; l'orbe pulsait, comme appelant à des souvenirs de visions draconiques et de cauchemars entrevus. C'est ce pouvoir qui a corrompu tant de gens.

La lumière pâle des runes de Faeron enveloppa l'orbe d'un maillage lumineux. Une fissure zébra la surface noire, et un cri étouffé, comme celui d'âmes tourmentées, résonna dans la salle. Damon eut la chair de poule, mais se maintint sur place. Faeron, d'un dernier effort, fit éclater l'orbe. Des fragments cliquetèrent sur le piédestal, irisés un instant avant de s'éteindre.

Un soulagement immense submergea Damon. C'est fini. Le sorcier est mort, ses sbires anéantis, et la relique réduite en miettes.

Pourtant, alors qu'il laissait l'apaisement l'envahir, une nouvelle inquiétude se superposa : Que dira le roi quand on lui racontera tout ça ? Nous avons détruit cette relique, mais son existence révèle qu'il en subsiste d'autres. Et les derniers mots du sorcier résonnaient en boucle : D'autres convoitent ces antiques pouvoirs.

De retour à la surface, encore tremblants mais triomphants, ils virent que le cauchemar immédiat avait pris fin. La clairière baignait dans un silence étrangement paisible, les survivants s'agenouillant près des blessés ou serrant leurs camarades. Certaines bêtes, désormais inertes, gisaient, tandis que les vivants se recueillaient pour honorer leurs morts.

Seraphina croisa le regard de Damon, tous deux conscients que la bataille était gagnée, mais la guerre continuait — contre les ténèbres et contre les complications de la cour.

Faeron s'écroula de fatigue, articulant un remerciement :

— Vous… vous avez sauvé ce bois. Peut-être la forêt guérira-t-elle à présent.

Sir Rodrik posa une main gantée sur l'épaule de Damon :

— Tu as servi le roi avec honneur. Soignons nos blessés et rentrons à Silverhold. Il voudra savoir tout ce qui s'est passé.

Marisol, couverte de sang et de boue, renchérit :

— Il voudra plus que ça : il voudra un accord. Damon, c'est toi l'artisan de cette victoire. Tu as maintenant un atout.

Damon contempla la forêt, où les premiers rayons du matin perçaient enfin la brume. Il se rappela les ambitions du roi concernant les reliques, l'horreur du pouvoir démoniaque, et la menace de Morath le Noir. Quel accord passer avec un roi qui pourrait exploiter ces reliques comme armes ?

Malgré l'incertitude qui le tenaillait, Damon sentit la satisfaction d'avoir, au moins pour l'instant, éradiqué le mal. Le prix en vies humaines était lourd, mais l'union de ses compagnons avait vaincu. Serrant la garde de son épée, il jura intérieurement de protéger le royaume contre les ombres à venir, fût-ce au prix de pactes fragiles avec la couronne.

Pour l'heure, il accepta la main tendue de Rodrik et laissa son esprit se relâcher. Ils enterreraient leurs morts, secourraient les blessés, puis s'engageraient sur la longue route vers Silverhold, où le roi Alastair — et la prochaine étape du destin incertain de Damon — les attendait.