La douleur sourde dans la cuisse de Jared le réveilla avant l'aube. Il grimaça sous l'effet de la brûlure causée par la balle qui l'avait effleuré, et qui, malgré une nouvelle couche d'antiseptique et de bandages, ne le laissait pas oublier leur fuite in extremis du Greyline Depot. Une simple ampoule nue éclairait faiblement la petite pièce d'un jaune maladif, révélant le canapé usé sur lequel il était allongé. Chaque muscle de son corps était endolori, la tension s'étendant le long de ses épaules et de son dos.
Il prit un instant pour reprendre ses repères. Ce n'était pas l'appartement de Marcus, ni la chambre miteuse du motel où il avait logé en arrivant à Silvercoast. Il se trouvait dans le modeste trois-pièces d'une collègue d'Ava—une amie partie de la ville pour quelques semaines, laissant un refuge vide, quoique spartiate. Des affiches de vieux films décoraient les murs, et quelques meubles dépareillés occupaient l'espace principal. Mais surtout, l'endroit était relativement discret et, il l'espérait, hors de portée du Syndicat.
Par la fenêtre, les premières lueurs du matin peignaient le ciel de nuances de bleu pâle et de rose. La ville, en contrebas, demeurait enveloppée d'une légère brume, ses immeubles hauts dressés tels des sentinelles silencieuses, veillant sur une population largement inconsciente des complots qui se tramaient en sous-main. Une douleur lancinante s'empara de la cuisse de Jared tandis qu'il bougeait, et il expira longuement pour tenter d'évacuer ce tourment.
Son regard se posa sur la petite table basse, à quelques pas : les Shades of Authority y reposaient sur une serviette pliée. Même d'ici, les verres antiques semblaient luire légèrement, comme s'ils l'appelaient. Des sentiments contradictoires l'assaillirent : un soulagement d'avoir récupéré l'artefact, la crainte de ce que cela impliquait, et la colère envers ce Syndicat décidé à s'en emparer à tout prix.
La porte de la chambre s'ouvrit, laissant apparaître Ava, encore ensommeillée. Elle portait les mêmes vêtements que la veille—pantalon de tailleur et veste froissée. Elle s'arrêta en voyant Jared éveillé, puis s'approcha, foulant le parquet rayé de pas feutrés.
— « Ta jambe ? » demanda-t-elle d'un ton doux en s'asseyant sur le fauteuil tout proche.
Jared esquissa un sourire fatigué.
— « Ça fait mal, mais je gère. Ce n'est qu'une éraflure, après tout. »
— « La cascade que tu nous as faite hier soir… » reprit-elle, un sourire naissant aux lèvres. « Briser des vitrines, éviter les balles… Tu es sûr de ne pas avoir fait l'armée ? »
Il laissa échapper un léger ricanement.
— « Non, juste quelques cours d'autodéfense à la fac. Mais l'artefact m'a beaucoup aidé. » Son visage se ferma, plus grave. « Il me donnait l'impression de ressentir leurs gestes avant qu'ils ne les fassent. Je ne sais pas l'expliquer, mais… tu as vu ce que ça donne. »
Ava hocha la tête, se calant dans le dossier du fauteuil.
— « J'ai filmé pas mal de choses avec ma caméra cachée, mais je ne sais pas si l'effet de ces lunettes apparaîtra clairement à l'image. J'ai aussi capturé des plans des acheteurs, des gros bonnets qui étaient là pour la vente. Ça pourrait ébranler toute la pègre de Silvercoast si on rend ça public. »
Le cœur de Jared se serra.
— « Mais on aurait alors une cible géante sur le dos. »
— « Exact. Publier les images maintenant, sans preuves solides, pourrait juste alerter le Syndicat. Il nous faut être plus stratégiques. »
Jared acquiesça, conscient que des actions impulsives risquaient de leur coûter cher.
— « On trouvera un plan. Mais avant tout, je dois examiner l'artefact de plus près, comprendre s'il peut faire plus que… détecter des auras lors d'un combat. »
Ava l'observa un instant.
— « Tu penses qu'il y a autre chose ? »
Il laissa échapper un lent soupir, se réinstallant contre le dossier du canapé.
— « Je l'ignore. Cette lentille était au cœur d'une vente souterraine, les gens étaient prêts à payer des millions. Ça ne peut pas se réduire à de simples réflexes améliorés. Il y a sûrement d'autres facettes qu'on ne connaît pas. »
Ava se saisit d'un verre d'eau posé sur la table et le lui tendit.
— « Tant que ta jambe ne te permet pas de trop bouger, je suggère qu'on attende le réveil de Marcus. Il est plus doué pour analyser les phénomènes. Il pourra peut-être bricoler quelque chose pour mesurer l'énergie de l'artefact. »
Jared but une gorgée, puis se laissa retomber contre les coussins, sentant un épuisement retomber sur lui maintenant que l'adrénaline de la veille s'était dissipée. La présence d'Ava, calme et déterminée, était un baume inattendu. Elle lui rappelait qu'il n'était pas seul dans ce combat.
— « Repose-toi encore un peu, » conseilla-t-elle d'une voix posée. « On réfléchira à la suite quand Marcus sera sur pied. »
Il opina, se laissant happer par une somnolence lourde et agitée.
Projets du matin
Lorsqu'il se réveilla à nouveau, le soleil était plus haut, baignant l'appartement d'une vive clarté. Il aperçut Marcus affairé dans la petite cuisine, fouillant à la recherche de filtres à café. L'odeur de café fort lui chatouilla les narines.
— « Salut, » lança Marcus sans se retourner. « J'espère que tu te contenteras de café soluble, parce que je n'ai pas trouvé mieux. »
Jared bailla et se redressa, grimaçant au passage. La douleur dans sa cuisse persistait, mais s'était légèrement atténuée.
— « Tout ce qui contient de la caféine me va très bien. »
Marcus versa deux tasses d'un café un peu trop clair. Il en tendit une à Jared, puis s'assit sur l'une des chaises de la table à manger.
— « Ta jambe ? »
— « Endolorie, » reconnut Jared en fixant la vapeur s'élevant de sa tasse. « Mais pas d'infection, à vue d'œil. »
— « Parfait. » Marcus but une longue gorgée, avant de grimacer et de forcer la bouchée à passer. « Il faut qu'on parle de la suite. Ava m'a dit que tu voulais expérimenter sur l'artefact. Moi, je veux bien, mais restons prudents. »
Le regard de Jared se tourna vers la table basse où reposaient les lunettes.
— « Je sais. Mais on ne peut pas laisser ce truc dans l'ombre. Si le Syndicat est prêt à tout pour le récupérer, il doit cacher autre chose que de simples réflexes améliorés. »
Marcus hocha la tête.
— « Je peux réutiliser l'analyseur spectral que j'ai bricolé, améliorer la lecture. Peut-être que, maintenant que tu es 'connecté' à l'objet, on obtiendra d'autres données. »
C'est alors qu'Ava revint de la salle de bains, les cheveux encore humides, un air résolu sur le visage.
— « J'ai aussi quelques indices issus de la vidéo d'hier soir qui pourraient nous en apprendre plus sur la hiérarchie du Syndicat. Des noms, des visages… J'ai reconnu au moins un collaborateur d'un conseiller municipal. »
Jared les regarda tour à tour.
— « D'accord. Voici le plan : on reste discrets aujourd'hui, on étudie les lunettes et on épluche les images. Peut-être qu'on débusquera qui, au conseil municipal, soutient Selina Vaughn. Et ce soir, on avise. »
Ava et Marcus opinèrent. Tous trois affichaient un soulagement teinté d'espoir—même si leur stratégie demeurait encore floue. Durant l'heure qui suivit, ils dégagèrent le centre du salon, poussant fauteuil et table basse de côté pour se ménager un espace de "laboratoire". Marcus fouilla dans son sac de matériel électronique, en sortant un petit engin de la taille d'un téléphone, rempli de câbles et de composants.
— « Analyseur spectral 2.0, » annonça-t-il en l'agitant. « Je l'ai modifié depuis la dernière fois. Il devrait afficher en temps réel tout écart de fréquence. »
Jared déposa les lunettes sur la table à manger. Une vague d'appréhension le traversa à l'idée de les rechausser—revivre cette hyperacuité, ici, dans le calme, plutôt que sous la menace de la mort. Mais il devait en apprendre davantage.
Marcus s'agenouilla pour orienter le capteur de l'appareil vers l'artefact, puis enclencha un bouton. Un léger bourdonnement s'éleva, l'écran affichant des lignes de code tremblotantes.
— « OK, ça prend la mesure de base… activité minimale. Jared, tu peux les mettre ? »
Jared remit les Shades of Authority. La pièce sembla d'emblée s'assombrir, sans rien d'exceptionnel au départ—ni auras, ni sensations particulières.
— « Ça ressemble à d'habitude, » marmonna-t-il.
— « Concentre-toi, » insista Marcus, pianotant sur les commandes de l'analyseur. « Essaie de reproduire ce que tu as fait au Greyline Depot. Tu disais avoir perçu leurs gestes avant qu'ils ne les fassent. »
Jared ferma les yeux, repensant au combat, aux pulsations de rouge qui entouraient les assaillants. Il se remémora l'adrénaline, la sensation de lire les intentions adverses. Quand il rouvrit les paupières, la pièce semblait toujours banale—un canapé usé, des murs défraîchis, un réfrigérateur qui bourdonnait dans la cuisine.
Puis, un léger scintillement apparut à la périphérie de sa vision. Il fixa Ava, debout près de la fenêtre, les bras croisés. Un halo ténu, rosé, se dessina autour d'elle. Surpris, il cligna des yeux, et l'éclat s'éteignit aussitôt.
— « Il se passe quelque chose, » dit-il à voix basse. « Je vois comme un halo autour de toi, Ava. Il disparaît si je le fixe trop. »
Elle arqua un sourcil.
— « Tu peux voir mon aura sans que je cherche à t'attaquer ? Intéressant. »
— « Hmm, j'ai un pic sur l'appareil, » intervint Marcus, étudiant l'écran. « Tes capteurs ont l'air de dégager une certaine énergie. Continue. »
Jared persévéra, essayant de stabiliser sa respiration et de repenser à la sensation née durant le combat. Son regard balaya la pièce. Le halo autour d'Ava se renforça en un rose pâle, tandis qu'autour de Marcus, un léger orange pulsait, comme un foyer discret. Les lumières restaient faibles, mais nettement perceptibles.
— « Ça s'intensifie, » souffla Jared, un mélange d'émerveillement et d'inquiétude dans la voix. « Ava, ton aura est rosée. Marcus, la tienne tire vers l'orange. Et je perçois des petites étincelles dans les recoins de la pièce. »
— « Voyons si l'analyseur peut interpréter ces 'étincelles', » suggéra Marcus en ajustant les réglages. « Ça pourrait être des résidus d'énergie émis par les êtres vivants ou quelque impulsion électronique… difficile à dire. »
Jared retira les lunettes, ébloui par la luminosité normale.
— « Donc ce n'est pas juste la détection de danger. L'artefact peut me montrer les auras en toute circonstance, quoique moins intenses si les émotions ne sont pas fortes. »
Ava acquiesça, l'air songeur.
— « Tu pourrais ainsi capter l'état émotionnel des gens, détecter mensonge, hostilité… Un pouvoir dangereux. Ça explique pourquoi le Syndicat le convoite tant. »
Nouvelle alarmante
Ils poursuivirent leurs essais pendant une heure, Jared remettant par intermittence les lunettes. Lorsque Marcus ou Ava le surprenaient par un geste brusque ou une question incisive, l'éclat des auras s'intensifiait, confirmé par de nouvelles fluctuations sur l'analyseur. À la mi-journée, tous étaient épuisés : Jared souffrait de sa jambe, Marcus d'un début de migraine à cause du bourdonnement de son appareil, et Ava consultait régulièrement son téléphone.
Un message arriva, faisant froncer les sourcils d'Ava.
— « Les flics ont débarqué au Greyline Depot après notre fuite. Ils ont saisi une partie des lieux, mais aucune trace du Syndicat. Quelques retardataires ont été interrogés, pas de grosse arrestation. »
— « Ça doit être l'inspecteur Gallagher, non ? » hasarda Jared. « Son nom revenait souvent au commissariat quand j'étais encore à Bernington. Il est réputé intègre. »
Ava confirma, retapant un texto.
— « Un des hauts gradés qui gère les dossiers 'compliqués'. S'il se penche là-dessus, il y aura peut-être un vrai focus policier sur le Syndicat. Mais ces criminels vont tout faire pour effacer leurs traces. »
Marcus prit appui sur la table, la mine sombre.
— « Résultat : le Syndicat reste introuvable, et nous sommes sûrement sur leur liste noire. Splendide. »
Ava rangea son portable, l'air grave.
— « Cet endroit n'est pas sûr longtemps. Dès que le Syndicat aura remis la main sur notre piste, il nous localisera si on fait la moindre erreur. »
Jared laissa échapper un long soupir. L'idée que le Syndicat rôdait toujours, prêt à tout pour récupérer les lunettes, renforçait la sensation d'une lutte inachevée.
— « Ils veulent ces lunettes. Ils ne renonceront pas. On doit agir avant qu'ils ne viennent nous traquer. »
Ava posa un regard inquiet sur sa jambe blessée, puis revint à ses yeux.
— « Ce qui signifie élaborer un vrai plan. Cesser de subir les événements. »
Il acquiesça, tentant de calmer sa nervosité.
— « D'accord. Voyons d'abord tes enregistrements d'hier soir, identifions des gens clés du Syndicat. Avec un peu de chance, on mettra en évidence qui, dans l'administration, couvre Selina Vaughn. Ensuite, on avisera. »
Marcus opina, poussant un petit soupir de soulagement.
— « Pendant ce temps, je fouillerai à nouveau les forums clandestins. Peut-être que le Syndicat veut vendre autre chose, ou offre une prime pour nous retrouver. Il faut qu'on reste en alerte. »
Tester ses limites personnelles
Les heures suivantes furent un tourbillon de manipulations informatiques et de stress latent. Ava isolait des images des acheteurs—des criminels en costumes et des requins d'affaires, les visages partiellement dissimulés par l'éclairage vacillant ou par l'angle de la caméra. Un plan montrait nettement Selina Vaughn en gros plan, son tatouage en spirale clairement visible et son attitude dominatrice sur l'estrade. D'autres séquences révélaient des personnalités influentes, proches de certains conseillers municipaux. Avec un recoupement précis, ils pourraient peut-être débusquer qui tirait les ficelles.
De son côté, Jared, à nouveau équipé des Shades of Authority, parcourait l'appartement en boitant, cherchant d'autres signes de cette étrange perception. Il perçut parfois des auras discrètes qui flottaient autour d'objets : un halo bleuté sur le portable de Marcus, sans doute lié aux ondes électroniques permanentes ; des résidus fantomatiques autour d'une tasse à café où Ava venait de poser la main.
Près d'une vieille bibliothèque, il crut deviner un miroitement singulier dans l'air, un petit tourbillon lumineux en suspens. Lorsqu'il avança la main, celui-ci se dissipa en ondes colorées, provoquant un bip sur l'analyseur de Marcus. L'artefact donnait l'impression de révéler des énergies résiduelles, les traces des gestes passés.
Inquiet, Marcus le rappela au canapé, craignant qu'un usage trop prolongé de cette vision ne perturbe son équilibre mental.
— « Tu ne voudrais pas saturer tes sens. À force, ça pourrait te causer des hallucinations ou pire. On ne sait rien de cette technologie. »
Jared, une migraine naissante au front, acquiesça.
— « Tu as raison. Mettons fin aux tests pour l'instant. »
Il retira les lunettes, retrouvant la réalité sans filtre. Bizarrement, il éprouva un léger vertige, comme s'il sortait d'un rêve trop intense. Son cœur s'emballa à l'idée qu'il commençait déjà à s'habituer à cet état amplifié—une dépendance potentielle ?
Ava, relevée de son écran, déclara :
— « On a repéré au moins trois figures majeures reliées au Syndicat. Mais aucune preuve directe de corruption ou de pots-de-vin. Simplement des indices compromettants. » Son visage se durcit. « Il nous faudra un dossier plus solide : des documents, un témoin prêt à parler… ou bien un affrontement où on peut tout filmer sans qu'ils ne nous retournent la situation. »
Jared laissa échapper un soupir, la cuisse toujours en feu.
— « Alors on fait à l'ancienne : on cherche leur maillon faible, quelqu'un qui craquera si on le pousse, ou bien un ennemi de Selina Vaughn disposé à la trahir. »
Marcus rangea l'analyseur, apparemment soulagé.
— « Mais il faudra être extrêmement prudent. Les approcher revient à marcher sur un fil. »
— « Exact, » approuva Ava en fermant son ordinateur. « On peut aussi espérer que la police découvre quelque chose. Si on pouvait s'allier à l'inspecteur Gallagher sans finir en prison pour vol et agression, on aurait un soutien légal. »
Tous trois sentirent le poids de leur situation. L'avenir était jonché d'embûches et de zones grises. Pourtant, aucun ne songea à faire marche arrière, sachant ce qui était en jeu : l'honneur de Jared, la possibilité pour Ava de dénoncer la corruption, et pour Marcus d'aider son ami à ne pas sombrer dans les ténèbres de la ville.
Une résolution commune
Dehors, le soleil amorçait sa descente, baignant les immeubles d'une lumière ambrée. Le grondement des voitures filtrait par la fenêtre entrouverte, mêlé à l'énergie bouillonnante de Silvercoast. La ville pouvait bien occulter la vérité, Jared et ses alliés ne la laisseraient pas faire sans réagir.
Ava posa ses notes.
— « On devrait se tenir prêts à partir. Ou au moins à envisager de bouger. »
Le regard de Marcus glissa sur le sac renfermant son matériel, un rictus las aux lèvres.
— « Cet appart' est un bon refuge temporaire, mais tôt ou tard, ils finiront par nous retrouver. »
Jared se leva prudemment, la jambe en compote. Une grimace tordit son visage, mais il tint bon.
— « Laisse-moi quelques heures, et je serai en état de bouger. »
Ava, soucieuse, proposa :
— « Es-tu certain ? On pourrait partir en éclaireurs, te laisser récupérer. »
Il répondit d'un sourire déterminé.
— « Je m'en sortirai. Si le Syndicat nous tombe dessus, on n'aura pas le loisir de prendre notre temps pour fuir. »
Elle hocha la tête, sans insister. Marcus s'occupa de ranger son électronique et Ava sécurisa ses caméras et son ordinateur dans un sac discret. Ils convinrent de quitter les lieux une fois la nuit tombée, pour rejoindre un autre squat qu'Ava connaissait—un atelier déserté appartenant à un contact.
Avant de boucler sa valise, Jared s'approcha de la table basse, saisissant les Shades of Authority. Son regard glissa sur les arabesques gravées, se rappelant à quel point elles l'avaient sauvé au Greyline Depot, mais aussi les risques que leur possession impliquait s'il se retrouvait à nouveau face aux sbires du Syndicat.
À cet instant, il prit une résolution silencieuse : utiliser les lunettes non comme simple bouclier ou arme, mais comme instrument pour mettre au jour la corruption gangrenant la ville. Il n'était pas policier, ni même justicier de formation, mais le destin l'avait armé d'un pouvoir capable de faire pencher la balance dans cette guerre souterraine entre vérité et mensonge. S'il devait s'y brûler les ailes, tant pis.
Ava et Marcus l'attendaient près de la porte, des cernes tirant leurs visages mais une flamme de détermination dans leurs yeux. Tous trois portaient désormais les cicatrices—physiques ou morales—des épreuves traversées. Mais ces marques les unissaient autour d'une même cause : freiner le Syndicat et rendre un semblant de justice à Silvercoast.
Jared glissa l'artefact dans la poche intérieure de sa veste, sentant son contact froid contre son flanc.
— « Allons-y, » dit-il d'une voix basse. « Il nous reste beaucoup à découvrir, et je refuse de continuer à me cacher. »
Ils sortirent, pas à pas, s'enfonçant plus loin dans le labyrinthe obscur de Silvercoast. La route s'annonçait périlleuse, mais l'étincelle dans leurs regards brillait plus fort que jamais, éclairant la voie qu'ils avaient choisie.