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Le Voyage Silencieux d'Arthon

🇫🇷Francois_Bartolo
11
Completed
--
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Synopsis
Il n’y a ni héritages cachés, ni querelles ancestrales, ni romances interdites dans le monde d’Arthon. Cette saga littéraire se déploie à travers la tapisserie discrète des rencontres tranquilles de la vie. Tandis qu’Arthon parcourt des paysages changeants, il converse avec des voyageurs qui ne portent aucun secret à dévoiler—seulement des pensées simples, du pain partagé, et des réflexions apaisées. Au fil du temps, il affine sa grande vision poétique, découvrant que l’esprit humain s’épanouit non pas dans de grandes révélations, mais dans des espoirs chuchotés et un artisanat patient. Le Voyage Silencieux d’Arthon est une exploration contemplative de ce que signifie persister, écouter, et trouver un sens dans les coins les plus modestes du monde.
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Chapter 1 - Le Départ Sans Gloire

La lumière du matin s'étirait sur le chemin de terre, fine et hésitante, comme si elle hésitait à révéler pleinement la journée à venir. Quelques nuages effilochés flottaient près du soleil, à peine levé, diffusant une lueur douce sur le village natal d'Arthon. Il se tenait au bord de l'unique rue irrégulière qui traversait l'établissement, les deux mains posées sur un bâton de marche qu'il avait taillé dans une branche tombée quelques semaines plus tôt. En cette heure calme, bien avant que les villageois ne sortent de leur sommeil, il se préparait à partir. Pas de grands adieux, pas de rassemblements. Il n'avait confié ses projets à personne. Ce n'était pas un départ dramatique, pas une fuite provoquée par la honte ou la colère, pas une quête imposée par un noble ancêtre. C'était simplement ce qu'il avait décidé de faire.

Arthon portait des vêtements en toile non teintée : un pantalon simple, une chemise ample, et des chaussures en cuir qu'il avait économisé pour acheter au cordonnier itinérant la saison précédente. Pratiques, rien de plus. Il transportait un petit sac contenant trois miches de pain dur, une gourde d'eau, et quelques feuilles de papier grossier attachées par une ficelle. Il avait également un morceau de charbon, avec l'intention de noter des pensées, des phrases et des images en chemin. Car Arthon avait pour but de composer un long poème—une sorte d'épopée. Il ne savait pas encore quelle forme cela prendrait. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il parlerait de l'humanité : des gestes modestes, des espoirs discrets, des vérités quotidiennes souvent laissées dans l'ombre.

Aucun drapeau flamboyant ne l'accompagnait. Aucun personnage d'autorité ne lui disait de rester. En vérité, personne ne lui avait jamais demandé grand-chose dans ce village. C'était un endroit fait de routines modestes : se lever à l'aube, entretenir de petits jardins, traire les chèvres, filer la laine, partager des repas simples dans la lumière dorée du crépuscule. Les villageois n'étaient ni très soudés, ni véritablement éloignés les uns des autres. Ils coexistaient dans une harmonie neutre. Arthon n'avait pas de différends avec eux, pas plus qu'eux avec lui. Et pourtant, il ne voyait aucune raison de rester. À vingt-cinq ans, il avait appris tout ce qu'il pouvait ici. Il voulait voir d'autres chemins, écouter des inconnus, découvrir ce que la vie signifiait au-delà des limites de cet endroit. Il voulait transformer ces découvertes en mots, étirer le langage comme une toile et la couvrir de sens. Alors, en ce matin doux, il s'éclipsa, aussi discrètement qu'un renard traversant un champ lointain.

Il ajusta son sac sur ses épaules, ressentant son poids léger. Le portail à l'extrémité de la rue n'était guère plus que deux poteaux de bois tordus et une courte barrière destinée à empêcher les animaux de s'éloigner trop loin. Passer ce seuil fut facile, presque sans effort. Il s'arrêta une seule fois pour jeter un dernier regard aux maisons aux toits bas, leurs sommets de chaume se découpant en ombres contre le ciel pâle. Tout semblait plus petit à présent—une collection de formes et de lignes trop modestes pour imaginer qu'elles contenaient des drames. Mais il pensa aussitôt que le drame était souvent surestimé. La vie était une tapisserie tissée de fils ordinaires. Il inspira profondément et se détourna.

Devant lui s'étirait la route ouverte, une bande de terre brune serpentant à travers des champs qui portaient encore l'odeur de la rosée matinale. Les premiers oiseaux du jour—des créatures minuscules et virevoltantes—lançaient leurs appels depuis les haies. Il fit un pas, puis un autre, et bientôt il marchait d'un rythme régulier. Il ne ressentait ni peur ni exaltation, seulement une détermination calme. Il marcherait jusqu'à midi, trouverait un coin d'ombre, mangerait un morceau de pain, et continuerait. Il écouterait le silence et le bourdonnement lointain des insectes. S'il croisait quelqu'un sur son chemin, il le saluerait. Sinon, il savourerait la solitude. Voilà la douce structure de sa nouvelle vie : avancer, observer, et recueillir des impressions pour ce poème encore sans nom.

Les premières heures passèrent avec une rapidité surprenante. La route montait et descendait doucement au gré de petites collines. De temps à autre, quelques fleurs sauvages se balançaient dans la brise. Arthon remarqua comment leurs pétales captaient la lumière, comment une abeille voletait près d'un bouquet, goûtant au pollen avant de s'éloigner. Il observait ces détails en silence, les enfouissant dans sa mémoire. Le poème naîtrait de tels moments—non pas de grandes déclarations, mais de nuances subtiles, la façon dont le lever du soleil d'un jour différait de celui d'un autre par une infime variation de couleur.

Il réfléchit à ce que cela signifiait de partir sans grand dessein. Les gens semblaient souvent avoir besoin d'une excuse grandiose : vengeance, amour, destin. Arthon n'avait rien de tel. Il partait simplement parce qu'il en avait envie. Cela rendrait-il son voyage moins significatif ? Il ne le pensait pas. La valeur résidait non pas dans la justification, mais dans l'expérience elle-même. Ce détachement d'un secret ou d'un passé enfoui lui permettait de se concentrer sur le monde tel qu'il était. Il n'était pas alourdi par des attentes ou hanté par d'anciennes promesses. Au contraire, il portait simplement un doux désir : composer quelque chose d'honnête et d'immense, une chorale poétique des expériences humaines qui n'aurait pas besoin de rebondissements ou de vérités cachées.

Vers la fin de la matinée, il atteignit un virage bordé de hautes herbes pâles. Une brise légère les fit onduler comme une mer tranquille. Arthon s'arrêta, fasciné par ce mouvement. Il sortit son morceau de charbon et une feuille de papier, s'agenouilla, et écrivit quelques mots—quelque chose sur l'harmonie des petits mouvements, sur la manière dont la nature offrait une beauté sans commentaire. Il ne chercha pas à forcer ces mots en vers. Il les laissa bruts, comme une matière à polir plus tard, peut-être sous un ciel étoilé ou à la lueur vacillante d'une lanterne.

Quand il se releva, son estomac émit un léger grondement. C'était l'heure de sa pause de midi. Il trouva un rocher plat à l'ombre d'un saule solitaire, s'assit, et sortit un pain de son sac. Lentement, il en rompit un morceau, savourant la sécheresse et le goût subtil des grains. Alors qu'il terminait, il leva les yeux vers la route. Il se demanda quels détails l'attendaient encore : un pont de pierre enjambant un ruisseau, une cabane isolée, ou un inconnu fredonnant un air. Tout cela, il le désirait non pas pour le conquérir, mais pour en être témoin.

Quand il reprit sa marche, il sentit une certitude douce s'installer en lui. Le monde s'étendait devant lui, ouvert et honnête, comme une page blanche attendant l'encre. Il marcherait, écouterait, et un jour, il chanterait.