Le matin suivant la tempête, Arthon se réveilla sous une fine brume qui enveloppait les champs comme un voile délicat. Tout scintillait de l'humidité laissée par la pluie nocturne : des gouttelettes s'accrochaient aux herbes hautes et brillaient sous la lumière matinale. Il pouvait encore sentir l'odeur brute de la terre, renouvelée par l'orage, et ressentir la fraîcheur résiduelle sur la brise. C'était, pensa-t-il, un autre cadeau subtil de son voyage—un moment de clarté imprévu après le tumulte de la tempête.
Il se remit en route d'un pas mesuré, ses bottes encore couvertes de boue séchante. La route, ramollie par l'averse, exigeait une attention particulière à chaque pas, sous peine de glisser dans une flaque ou de s'enfoncer trop profondément. Cela l'obligeait à avancer lentement, à prêter attention. Arthon se surprit à réfléchir à la manière dont le rythme de la vie imitait souvent ce terrain boueux : le progrès restait possible, mais devait être plus doux, plus délibéré. Il repensa à la berceuse de Sella dans la grange, au murmure de sa voix mêlé à la pluie. Certains vers méritaient un voyage lent.
Vers la fin de la matinée, la route commença à grimper, serpentant autour de douces pentes qui s'élevaient en vagues ondulées. Alors que le soleil perçait enfin les nuages persistants, des volutes de brume s'élevaient des sommets, révélant en contrebas un patchwork de champs—certains verdoyants de jeunes pousses, d'autres laissés en jachère. Quelques fermes éparses ponctuaient le paysage, chacune flanquée d'une grange ou d'un hangar, avec de fines volutes de fumée s'échappant des cheminées tandis que les familles préparaient leurs repas ou réchauffaient leurs foyers.
Finalement, la route mena Arthon au sommet d'une colline. De là, il aperçut quelque chose qui attira son attention : un bâtiment bas et rond, isolé des habitations environnantes. Il arborait un toit conique en tuiles rouges, et à côté se dressait une structure cylindrique en briques, d'où s'échappait un léger filet de fumée blanche. Derrière, une maisonnette modeste et quelques dépendances complétaient l'ensemble, mais c'était le bâtiment circulaire qui fascinait Arthon. Cela lui rappelait un four qu'il avait vu dans une autre région. Intrigué, il descendit la pente pour en savoir plus.
Une barrière de bois entourait la propriété, mais le portail était ouvert, comme pour accueillir les visiteurs occasionnels. Arthon s'approcha lentement, remarquant la propreté de la cour : des bûches empilées le long d'un mur, des rangées de pots et de bols en argile séchant sur des tables rustiques, et des empreintes fraîches dans la terre humide menant au four. Ici, pensa-t-il, se trouvait un lieu où l'artisanat prenait forme : quelqu'un transformait la terre brute en objets, puis les durcissait par le feu. En se rapprochant, il entendit un bruit doux et régulier, comme une pulsation apaisante. Il suivit ce son jusqu'au côté du four et découvrit un potier à l'œuvre.
Le potier était un homme de stature moyenne, probablement d'âge mûr, assis devant un tour actionné par une pédale simple. Ses mains enveloppaient un monticule d'argile qui tournait lentement, le façonnant en une colonne. Chaque pression et relâchement de ses doigts modifiaient légèrement la forme. À côté du tour se trouvait une table basse encombrée d'outils : des côtes en bois, de petits couteaux, des éponges, et un bol d'eau. Les manches du potier étaient retroussées, laissant voir ses avant-bras parsemés de terre humide. De temps à autre, il trempait ses mains dans le bol pour garder l'argile souple.
Il semblait totalement absorbé par sa tâche, mais Arthon ne perçut aucune réticence à être observé. Au contraire, la posture de l'homme suggérait une acceptation sereine de tout ce qui pouvait survenir : des visiteurs, une brise, ou les variations de la lumière matinale. Arthon resta à une distance respectueuse, préférant attendre que le potier termine son mouvement avant de parler. Lorsque l'artisan leva enfin les yeux, Arthon s'inclina légèrement pour le saluer.
« Bonjour, » dit le potier, d'une voix aussi calme et régulière que ses gestes.
« Bonjour, » répondit Arthon. « Désolé de vous déranger. Je voyageais et j'ai remarqué votre four. J'ai toujours trouvé fascinant le travail de l'argile. »
Le potier hocha doucement la tête avant de retourner à son cylindre tournant. « Vous ne dérangez pas, vraiment. Je m'appelle Mallor. Je fabrique des pots, des bols, des cruches—tout ce dont les gens ont besoin. Et je les cuis dans ce four. » Il fit un geste de la tête vers la structure ronde. « Les voyageurs s'arrêtent souvent ici. Certains achètent mes créations, d'autres se contentent de regarder. Vous êtes le bienvenu, quoi qu'il en soit. »
Arthon se rapprocha, captivé par le mouvement hypnotique du tour. « Je m'appelle Arthon. Je suis un vagabond, à la recherche d'observations pour un poème que je compose. » Il lâcha un rire un peu gêné. « Cela peut sembler étrange, mais je trouve de la poésie dans les processus simples auxquels les gens se consacrent—comme la patience du pêcheur ou la main ferme du charpentier. Vous aussi, vous façonnez quelque chose d'essentiel. »
Mallor leva les yeux, une curiosité scintillant dans son regard. « Un poème, dites-vous ? C'est intéressant. Je n'ai jamais considéré mon travail comme particulièrement poétique, mais il y a sans doute un rythme à ce que je fais. »
Arthon observa Mallor humidifier ses doigts pour guider le bord de l'argile, transformant le cylindre en un récipient élégant. Il y avait une tension subtile : trop de pression, et les parois s'effondreraient ; trop peu, et l'argile vacillerait ou resterait inégale. Arthon sentit grandir en lui une admiration pour cet équilibre : les mains du potier, la malléabilité de l'argile, le mouvement du tour travaillant en harmonie.
« Est-ce difficile ? » demanda Arthon. « Sentir exactement la force à appliquer ? »
Mallor pinça les lèvres, pensif. « Ça l'est, au début. Mais avec le temps, on apprend à écouter l'argile. Cela peut sembler étrange, mais c'est vrai. Chaque lot d'argile est différent—certains plus grossiers, d'autres plus lisses. Le temps, la température, l'humidité—tout cela influence la façon dont l'argile réagit. Il faut s'adapter, sentir le moment où elle va céder trop ou pas assez. »
Cette remarque fit écho en Arthon. Il pensa au calligraphe qu'il avait rencontré auparavant, qui disait que l'encre devait respirer, et que si on la forçait, la forme des lettres mourait. « Cela semble être une constante dans de nombreux arts, » murmura-t-il. « Ce dialogue avec la matière. »
Mallor sourit doucement. « Exactement. Certains pensent que la poterie consiste à imposer sa volonté à l'argile. Mais ce n'est qu'une partie de la vérité. En réalité, l'argile a sa propre volonté. Si vous essayez de la dominer, elle se rebelle. Si vous êtes patient, elle révèle ce qu'elle souhaite devenir. Votre rôle est de guider cette révélation. »
Arthon se sentit enchanté par cette idée, qui faisait écho à sa propre tentative d'écrire de la poésie sans forcer une structure. « Puis-je vous regarder travailler un moment ? » demanda-t-il. « Ou peut-être vous aider d'une manière ou d'une autre ? »
« Regardez, bien sûr, » répondit Mallor. Et ainsi, Arthon passa une matinée paisible à observer le potier travailler, absorbant chaque geste et chaque mot. L'argile, comme la vie, exigeait patience et soin—un lent modelage où le temps jouait son rôle. Et dans cet atelier empli du doux parfum de la terre et du feu latent, Arthon trouva encore une strophe pour enrichir son poème infini.