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Chapter 12 - Excréments

Une semaine s'était écoulée depuis que Quatro avait rêvé de la femme aux cheveux d'or. Ses paroles résonnaient encore dans son esprit comme une prière obsédante : « Deviens indispensable. La souffrance est ton chemin. » Pourtant, ici, dans l'étouffant dortoir des esclaves, le seul chemin semblait être celui de la survie.

Le masque collé à son visage l'étouffait presque, mais il savait qu'il ne devait pas l'enlever, pas même pour une seconde. L'air du dortoir, saturé de vapeurs putrides et de relents d'excréments, s'insinuait partout. À chaque respiration, le parfum artificiel chargé dans les filtres était la seule barrière contre une lente asphyxie.

Un bruit familier retentit dans le silence pesant : le gargouillis d'un homme accroupi au-dessus d'un des seaux d'excréments. Son souffle saccadé résonnait, accompagné de gémissements à la fois de soulagement et de douleur.

« Par Grain Blanc, tu pourrais pas faire ça ailleurs ? » grogna un esclave trapu, allongé non loin, sa voix étouffée par son masque.

L'homme accroupi ne répondit pas immédiatement, trop occupé à lutter contre la crampe qui tordait son ventre. Ses mains tremblaient alors qu'il s'agrippait au bord du seau.

« Si t'aimes pas l'odeur, va dormir ailleurs, » lança-t-il finalement d'une voix rauque, un sourire amer déformant ses traits.

Un autre esclave, étendu sur une couche de paille moisie, éclata d'un rire bref et désabusé.

« Laisse-le chier tranquille. Avec tout ce qu'on avale dans les laboratoires, c'est un miracle qu'on ait encore un système digestif qui fonctionne. »

Un ricanement nerveux parcourut les lits voisins, mais l'esclave trapu ne trouva pas la scène amusante. Se redressant d'un bond, il marcha d'un pas lourd vers l'homme accroupi.

« T'es qu'une putain de merde ambulante ! » hurla-t-il en agrippant violemment l'épaule de l'autre.

Le mouvement fut brusque, maladroit. L'homme vacilla, son masque mal fixé se décrocha et tomba dans le seau.

Le silence retomba aussitôt, lourd comme une pierre.

Tous les regards se tournèrent vers eux. Même les respirations semblaient suspendues, comme si la salle entière retenait son souffle. L'homme, maintenant démasqué, cligna des yeux, ses narines dilatées se remplissant de l'odeur suffocante du dortoir. Il toussa violemment, son visage rougissant presque instantanément.

« Merde... Merde... » balbutia-t-il, paniqué, en cherchant son masque d'une main tremblante.

Mais c'était trop tard.

Ventio, depuis son lit, murmura à Quatro d'une voix basse et résignée :

« Il ne tiendra pas longtemps comme ça. »

Des pas lourds résonnèrent à l'entrée du dortoir. Les gardes, alertés par le vacarme, pénétrèrent dans la pièce. Leurs masques noirs, imposants, semblaient absorber toute la lumière autour d'eux.

« Qu'est-ce qui se passe ici ? » rugit l'un d'eux, frappant le sol poussiéreux de son bâton métallique.

L'esclave trapu, encore debout, désigna l'homme accroupi.

« Il a brisé son masque lui-même. Il voulait mourir, c'est sûr ! »

L'accusation suffisait. Deux gardes s'approchèrent, leurs mains gantées de cuir agrippant l'homme démasqué qui suffoquait déjà, le visage tordu de douleur.

« Non... non ! Je... je peux encore travailler ! » tenta-t-il de plaider, mais ses mots s'étouffèrent dans une quinte de toux.

Sans un mot, les gardes le traînèrent hors du dortoir, ses pieds griffant le sol dans une vaine résistance.

Un silence glacial s'installa une fois la porte refermée.

Ventio, toujours allongé, murmura à Quatro sans tourner la tête :

« Il ne reviendra pas. »

Quatro hocha la tête, les mâchoires serrées. Ses yeux fixèrent le seau renversé, son esprit hanté par les paroles de la femme de son rêve. Dans cet enfer, il n'y avait que deux choix : la servitude ou la mort.