Chereads / La fureur d'Aniaba / Chapter 40 - Chapitre 40

Chapter 40 - Chapitre 40

Dans son bureau richement décoré, Monclair contemplait la vaste étendue des plantations à travers une fenêtre encadrée de rideaux épais. La lumière du jour déclinait, plongeant les lieux dans une pénombre teintée d'angoisse. Il tenait dans ses mains une coupe de vin rouge, qu'il tournait distraitement, son esprit perdu dans des pensées obsédantes.

Le départ des hommes, il s'en souvenait comme si c'était hier. Avant qu'ils ne s'enfoncent dans la jungle, Monclair avait personnellement convoqué Cadet Roche en privé. Sur son bureau, enveloppés dans un linge noir, reposaient deux couteaux de chasse, leur acier brillant malgré l'absence de lumière directe. Ces armes n'étaient pas ordinaires. Elles lui avaient été confiées par une entité dans des circonstances qu'il préférait ne pas évoquer. C'était une présence malsaine qui se nourrissait de la douleur de la peine et la souffrance. Montclair frissonna en repensant à l'être mystique.

— Ces lames, avait dit Monclair en tendant les couteaux à Roche, ne sont pas simplement des outils. Elles sont une garantie. La garantie que vous ramènerez Aniaba, mort ou vif.

Roche avait pris les couteaux sans poser de questions. Monclair savait que c'était un homme de peu de paroles, mais il avait vu dans son regard une lueur, une fascination presque malsaine pour ces armes. Il en etait certain ces lames lui parlaient. Depuis ce moment, Monclair se demandait ce qui allait se produire. Les couteaux, il en était sûr, avaient un effet sur celui qui les portait. Raison pour laquelle il ne les avait pas utilisés lui même. Une partie de lui les redoutait. Il connaissait cette entité et maintenant il se demandait ce qu'il avait libéré.

Il bu une gorgée de vin, ses pensées revenant à la mission.

— La victoire a toujours un coût, murmura-t-il à lui-même. La question est de savoir si Roche pourra payer ce prix.

Dans la clairière, Roche, armé des poignards, avançait vers Aniaba avec une assurance surprenante. Le chasseur était déjà redoutable, mais maintenant, il dégageait une aura terrifiante. Aniaba, malgré sa rage et la puissance des ombres qui l'entouraient, sentit quelque chose clochait, Roche n'était plus un homme, il etait autre chose de bien plus monstrueux.

Les premières échauffourées furent brutales. Aniaba frappa avec toute la force de sa fureur, mais Roche para avec une facilité déconcertante. Ses mouvements étaient fluides, presque surnaturels, tout autant que ceux d'Aniaba, et chaque contre-attaque était rapide et précise. Les ombres, qui jusque-là avaient contenu les soldats et mercenaires, semblaient hésiter à s'approcher de Roche. Les couteaux qu'il tenait dans chaque main émettaient une lueur rougeâtre, comme si une énergie malsaine y était enfermée.

Aniaba recula légèrement, analysant la situation. Roche n'avait pas seulement gagné en force : il semblait également insensible à la douleur. Des blessures qui auraient du au moins le ralentir étaient encaissées sans sourciller. Le sang qui jaillissait de ses blessures était épais et sombre, presque visqueux, et il ne coulait pas comme celui d'un homme normal. Pire encore, les yeux de Roche luisaient d'un rouge surnaturel, et des larmes de sang, d'un rouge écarlate presque brillant, coulaient de ses orbites.

— Qu'es-tu devenu ? grogna Aniaba en resserrant sa prise sur son sabre.

Roche esquissa un sourire, dévoilant des dents tachées de rouge.

— Quelque chose de plus, répondit-il d'une voix rauque. Quelque chose qui te détruira.

Il attaqua, ses mouvements si rapides qu'Aniaba malgré toute la force accumulée eut à peine le temps de réagir. Les couteaux s'entrechoquèrent contre le sabre d'Aniaba dans une pluie d'étincelles. Chaque coup porté par Roche semblait chargé d'une énergie malveillante qui faisait vibrer l'air autour de lui. Les ombres tentèrent d'intervenir, mais dès qu'elles s'approchaient des lames, elles semblaient se dissiper, comme consumées.

Jean-Baptiste, observant de loin, sentit le danger croissant. Il vit Aniaba repoussé encore et encore, et même s'il se battait avec une férocité inhumaine, Roche semblait égaler, voire surpasser, sa puissance.

— Ces couteaux…, murmura Jean-Baptiste. Ils sont l'origine de cette transformation.

Il se retourna vers les marrons qui restaient en retrait, hésitants.

— Continuez à harceler les soldats, éliminez les ils ne sont plus qu'une poignée ordonna-t-il. Ne laissez pas la barrière de ce mage les protéger trop longtemps. Nous devons déséquilibrer leur ligne.

Puis, à voix basse, il ajouta pour lui-même :

— Aniaba, tiens bon.

Le duel entre Aniaba et Roche atteignit un paroxysme de violence. Les deux hommes étaient des forces opposées, incarnant des puissances qui les dépassaient. Plus Aniaba frappait, plus il semblait se heurter à un mur. Roche, lui, s'épanouissait dans cette confrontation. Chaque coup qu'il portait semblait renforcer sa force, et les blessures qu'il recevait ne faisaient que le rendre plus monstrueux.

Aniaba, malgré sa rage, sentit une étincelle de doute. Ce n'était pas un combat normal. Roche n'était plus un homme. Ses mouvements, ses réactions, même son regard n'avaient rien de naturel. Il était devenu une arme vivante, un instrument du mal. Et Aniaba comprit que, pour vaincre Roche, il ne pouvait pas se contenter de force brute. Il devait trouver un moyen de briser l'emprise de ces couteaux maudits.

Pendant ce temps Marceau regardait la confrontation entre les deux monstruosités d'un œil terrifiés. A ses yeux si Aniaba était l'incarnation de la vengeance divine, Roche lui représentait la violence pure et le plaisir de la destruction. Les deux forces étaient également terribles, mais il ne savait pourquoi quelque chose en lui espérait la victoire d'Aniaba, face à cette abomination.

_Que dois je faire? Se demandait il.

L'ombre d'un doute commençait à se former dans son esprit.