Roche recula légèrement, sa respiration devenant saccadée alors qu'il observait Aniaba. La puissance décuplée de son adversaire, son sabre incandescent et sa maîtrise surnaturelle des ombres commençaient à éroder la patience du chasseur d'esclaves. Un rictus effrayant déforma son visage encore défiguré par l'impact de balle qui lentement se refermait. Tandis qu'il observait son ennemi, les murmures des lames dans ses mains s'intensifiaient. Elles semblaient chanter une mélodie sombre, une incantation destinée à le pousser à bout, à payer un prix encore plus grand pour encore plus de puissance.
Roche laissa échapper un rire rauque, presque hystérique, puis murmura :
— Alors, c'est ça, votre véritable pouvoir… Montrez-moi jusqu'où il peut aller ! Je vous donne tout ! hurla t-il.
Sans hésitation, il planta ses deux poignards profondément dans ses propres flancs. Un jaillissement de sang noir visqueux éclaboussa le sol, mais au lieu de s'écrouler, Roche rugit. Le liquide sombre se mit à bouillonner et à se répandre sur son corps, le recouvrant entièrement. Sa silhouette commença à se déformer, à grandir, jusqu'à atteindre une taille terrifiante de plus de 2,5 mètres.
Ses bras se transformèrent en tentacules noirs et musclés, chacune de leurs extrémités arborant l'une des lames rougeoyantes, désormais encore plus terrifiantes. Son visage, méconnaissable, n'était plus qu'une masse d'ombres, de crocs et deux yeux incandescents.
Aniaba serra la garde de son sabre, un frisson parcourant son échine.
— Toi aussi, tu es devenu un monstre… murmura-t-il, avant de lever les yeux vers le ciel. Baron Samedi, Ogun Feray, je vous en supplie, donnez-moi la force d'abattre cette abomination !
Alors le temps sembla s'arrêter, le vacarme de la bataille se tut, l'odeur maintenant familière de terre et de rhum emplirent ses narines. Aniaba tourna la tête et il le vit , coiffé de son habituel haut de forme et de sa veste noire semblable à des millier d'ombres agglomérées, il était la lui souriant comme à son habitude, le Baron Samedi, assis sur un arbre déraciné par la confrontation.
— Ah mon prince te voila dans un sacré bourbier s'exclama la divinité vaudou.
— Pourquoi ne m'aides tu pas, répondit Aniaba,. Il sentait la fatigue le gagner et ses membres s'épuiser. Supporter la force mystique des Loas n'était pas une mince affaire même pour lui.
— Mon prince si je ne t'avais pas aidé tu serais déjà de l'autre coté, ricana le gardien des morts.
— Alors aide moi plus! s'écria Aniaba, Ne vois tu pas ce qu'il y a devant toi? Une créature soutiens les esclavagistes, ce n'est pas de la magie traditionnelle, c'est l'œuvre d'un démon!!! N'est ce pas le devoir des Orishas de protéger le monde de …
— Ne me manque pas de respect mon garçon, rugit subitement le Baron. Les ombres se mirent à voler en tous sens et il sembla grandir de plusieurs mètre alors qu'il n'avait pas bougé. Aniaba senti un frisson le parcourir et il se souvint subitement qu'il parlait à la mort elle même. Je ne suis pas un Orisha, repris le Baron Samedi plus calmement, raison pour laquelle tu es encore en vie. Et je te le répète depuis le début, tout pouvoir à son prix. Penses tu que je sois aveugle? Penses tu vraiment que je sois impotent au point de ne pas voir le mal quand il est sous mes yeux? Non … et toi mon prince, toi tu es là justement en ce moment pour lutter, pour contrer cette menace. Mais tu te refuse à payer.
Aniaba dégluti, il ne comprenais pas très bien de quoi parlait l'esprit de la mort. Il s'était engagé corps et âmes dans cette lutte, que voulait il de plus?
— Je vois que tu ne comprend pas de quoi je parle, repris le gardien des morts, je te l'ai dis depuis notre première rencontre, le prix du pouvoir que je t'offre mon prince est toi dans ton entièreté.
Aniaba était là face à l'entité qui le regardait avec son sourire narquois habituel, il tourna la tète vers la créature qu'était devenu Roche toujours immobile piégé dans le temps, puis il regarda à nouveau le Baron qui semblait simplement attendre sa réponse. Il avait peur de comprendre le sens des mots de la mort. Les entité telles que le Baron demandaient toujours un sacrifice, et plus déchirant il était plus l'entité étaient ravie et plus puissante était la bénédiction accordée en contrepartie. Aniaba inconsciemment s'était toujours refusé à payer le prix fort. Mais maintenant il savait qu'il n'avait pas le choix, pour lui même car s'il refusais il mourrait indéniablement, pour les marrons avec qui il avait noué des liens, pour les morts qui se sont sacrifié pour la cause, pour les vivants qui comptaient encor sur lui. Aniaba pris un grande inspiration et se résigna à son sort.
— Le prince Aniaba est mort sur le bateau négrier durant la traversé. Je suis la main des Loas, je sacrifie mon héritage royal, je sacrifie mon droit au trône et même … il mit quelque instant à forcer les mots hors de sa bouche, je sacrifie même ma quête de justice et de vengeance. Dorénavant je serai l'outil des Loas pour délivrer mon peuple, rien d'autre.
Le sourire sur le visage du baron sembla se faire encore plus grand si cela était possible. il se leva et marcha vers Aniaba. Son pas était lent et sa démarche théâtrale mais Aniaba n'eu nullement envie de rire. Il posa un main maigre presque décharnée sur l'épaule de l'homme qui avant était un prince
— Bravo mon champion, je suis fièr de toi, saches que ce qui est pris n'a pas de valeur il faut que cela soit offert pour que cela compte, et toi tu as offert tous ce qu'il te restait. Je ne suis pas un ingrat, tu as ma bénédiction : main des Loas, invoque ton nom et tu verras que même la mort t'obéira.
Dans un ricanement sombre le Baron Samedi disparu. Le temps reprit son cours. Le vent recommença à souffler emmenant l'odeur acres du feu du sang et de la poudre. Roche recommença à bouger ses tentacules tendues préparant une attaque.
Aniaba lui senti une vague de chaleur intense l'envelopper. Les ombres qui dansaient autour de lui s'enfoncèrent dans son corps, le renforçant, tandis que son sabre s'embrasait d'un feu incandescent. Son souffle redevint régulier, sa concentration absolue. Il n'était plus seulement un homme : il incarnait une force divine, une vengeance incarnée. Pas la sienne mais celle de tous ceux qui sont tombé sous les coups de fouets, celles de ceux qui sont morts en résistant, celle de ceux qui ont préféré vivre libre ou mourir. Il était la fureur des Loas qui voyaient leur peuple exterminé et asservi.
Aniaba se redressa de tout son long et vers le ciel il cria :
— Je suis Aniaba la main de Loas, et par mon nom je vous ordonne de vous battre.
Alors les ombres qui résidaient dans son corps fusèrent vers l'extérieur. on les voyait virevolter avant de se poser sur les corps tombés au sol. Puis petit à petit les morts se mirent à bouger puis se relever. En un instant ils formaient une colonne derrière Aniaba, général de l'armée des morts
— Viens, Roche, grogna-t-il. Montre-moi ce que tu vaux.
Jean-Baptiste et Marceau continuaient leur duel à l'écart du champ de bataille principal. Le mage, bien que calme et méthodique, commençait à sentir la fatigue le rattraper. Ses attaques de vent n'avaient pas suffi à briser la ténacité de Jean-Baptiste, qui, malgré ses propres blessures, se battait avec une ruse et une persévérance redoutables.
Jean-Baptiste, abrité derrière un arbre, sortit une petite fiole de gaz irritant préparée par Victor et la lança dans la direction de Marceau. Un nuage opaque enveloppa le mage, mais celui-ci leva une main, dissipant la brume d'un simple geste.
— C'est inutile, dit-il froidement. Tu ne fais que retarder l'inévitable.
Jean-Baptiste ne répondit pas. Il avait une dernière carte dans son jeu : une grenade artisanale. Il avait assemblé l'objet avec soin grâce à "une décoction enflammable" comme l'appelait Victor : un mélange de poix, de souffre et d'une "essence" : une substance hautement inflammable que Victor avait composé à base de résines et de sèves d'arbres de la forets. Ce mélange déjà puissant Jean-Baptiste l'avait amélioré à sa sauce. Il avait associé ce mélange de poix, résine et souffre à de la poudre noire et de la mitraille. Il utilisa la couverture de fumer pour glisser d'un lancer vif et précis la grenade derrière Marceau, juste sous une racine derrière le pied gauche du mage, avant de se repositionner avec précaution.
Le mage, utilisa une rafale pour contraindre Jean-Baptiste à se montrer, en déracinant sa couverture. Pris au piège, ce dernier fit semblant de lancer dans une ultime attaque, levant lentement son mousquet.
— C'est la fin pour toi, dit Marceau, sans prendre la menace du fusil au sérieux, levant une main chargée de magie. On pouvait y voir un orbe de vent tourbillonnant, comme si une tornade avait été compressée dans la paume de sa main
Jean-Baptiste, un sourire calculateur sur les lèvres, murmura :
— Pas encore.
D'un geste rapide, il visa la grenade cachée derrière Marceau et tira. Le mousquet fit feu, et la poudre contenue dans la grenade s'embrasa immédiatement. Une explosion retentissante déchira l'air, projetant des flammes et des éclats de métal dans toutes les directions. Marceau fut enveloppé par le feu, son cri de surprise rapidement étouffé par le rugissement de l'explosion.
Profitant de la confusion, Jean-Baptiste s'élança dans les bois, utilisant la fumée et le chaos comme couverture. Ses pas rapides et silencieux l'éloignèrent rapidement du lieu de l'explosion.
Marceau émergea peu après des flammes, indemne mais visiblement épuisé. Par sécurité il avait conjouré une bariere magique autour de lui avant meme le début de la confrontation avec les marrons. La barrière magique l'avait protégé de la mort, mais son sort avait puisé dans ses réserves pour le sauver et l'avait vidé de son énergie. Il regarda autour de lui, constatant l'absence de Jean-Baptiste.
— Astucieux, murmura-t-il en serrant les dents... Mais ce n'est pas toi que je crains.
Il tourna les yeux vers la clairière principale, où le duel entre Aniaba et Roche atteignait son apogée. Roche, dans sa forme monstrueuse, ravageait tout sur son passage, mais Aniaba, infusé de la puissance d'Ogun Feray, se battait avec une maîtrise divine, soutenu par une armée de morts vivant. Marceau sentit un frisson parcourir son corps.
— Ce combat… Je ne peux pas gagner, se dit-il à voix basse.
Prenant une décision rapide, il fit un dernier effort pour renforcer son énergie, traçant un cercle complexe autour de lui. Mais cette fois, ce n'était pas pour attaquer : c'était pour fuir. Une rafale de vent l'enveloppa, et en un instant, il disparut dans les ombres de la jungle avec la vivacité d'un fauve et la rapidité d'un faucon.
Dans la clairière, Aniaba affrontait Roche avec une intensité qui transcendait la compréhension humaine. Le choc de leurs attaques faisait trembler le sol, et les flammes de son sabre illuminaient la scène, dansant avec les lames rougeoyantes des tentacules de Roche. Chacun savait qu'un seul des deux ressortirait vivant de ce duel.