Les jours s'étaient écoulés dans un calme relatif depuis qu'Alessandro m'avait confié la vérité sur son monde. Mais ce calme n'était qu'en apparence : tout en lui trahissait la tension d'un homme préparant une guerre. Et bien qu'il ne me le dise pas directement, son comportement le rendait évident : il ne me quittait plus d'une semelle.
Chaque matin, il veillait à ce que je prenne un petit-déjeuner équilibré, caressait doucement mon ventre arrondi, et me lançait ces regards à la fois tendres et possessifs. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir un peu protégée, même si une partie de moi trouvait sa surveillance étouffante.
Mais Alessandro n'était pas le seul à adoucir mes journées : Luca, l'un des gardes qui veillaient sur moi, était devenu un allié inattendu. Plus jeune et plus décontracté que les autres, il avait une manière de me faire rire, même quand tout semblait sombre.
Un après-midi, alors que nous étions dans le jardin, Alessandro arriva sans prévenir. Je levai les yeux et mon souffle se coupa un instant. Il portait une simple chemise blanche, les manches retroussées, dévoilant ses avant-bras puissants. Sa silhouette imposante contrastait avec le calme du jardin. Ses yeux acier se posèrent immédiatement sur moi, puis sur Luca, et je sentis l'atmosphère changer.
Il s'approcha, son regard perçant, et posa une main ferme sur ma taille avec une fluidité presque naturelle.
« Luca, tu peux y aller, » dit-il d'un ton calme mais ferme.
Luca hocha la tête rapidement, lançant un dernier sourire poli avant de s'éclipser.
Une fois seuls, Alessandro se tourna vers moi, son regard s'adoucissant légèrement.
« Cuore mio, je n'aime pas trop l'idée qu'un homme soit collé à toi… et encore moins que tu souries à quelqu'un d'autre que moi. »
Je sentis mes joues rougir légèrement, mais je refusai de lui donner raison. « C'est ridicule. Luca est gentil, et il ne ferait jamais rien pour… »
Il posa un doigt sur mes lèvres pour me faire taire, un sourire en coin adoucissant sa réponse. « Il n'a pas besoin de faire quoi que ce soit. Ton sourire est à moi. »
Son ton était doux mais d'une intensité troublante, et je n'avais pas la force de protester.
Après des jours enfermée dans la villa, je sentais que je suffoquais. Mon ventre de cinq mois m'alourdissait physiquement, mais c'était surtout l'impression d'être prisonnière qui pesait sur moi.
Un matin, après avoir insisté une énième fois, Alessandro céda finalement.
« Alessandro, je t'ai dit que je suffoque ici. Je suis enceinte, pas malade ! J'ai besoin de voir autre chose que ces murs. »
Il fronça les sourcils, hésitant. « Ce n'est pas une bonne idée, amore mio. Mais… je vais arranger quelque chose. »
Quelques heures plus tard, je me retrouvais dans sa voiture, Luca assis à l'avant, silencieux comme à son habitude.
L'immeuble qui abritait le siège de l'entreprise d'Alessandro était aussi impressionnant que lui : moderne, avec des vitres réfléchissantes qui semblaient s'étendre à l'infini. Dès que nous avons franchi le hall, tous les regards se sont tournés vers nous.
Alessandro, toujours impeccable dans son costume, posa une main possessive sur le bas de mon dos, guidant mes pas. Je me sentais à la fois protégée et exposée sous ces regards scrutateurs.
« Ils te regardent, » murmurai-je en levant les yeux vers lui.
Il baissa légèrement la tête, un sourire amusé aux lèvres. « Non, amore mio. Ils regardent la femme du patron. »
Lorsque l'ascenseur s'ouvrit au dernier étage, une femme se tenait déjà là, visiblement prête à accueillir Alessandro. Grande, élancée, vêtue d'un tailleur impeccable qui soulignait son élégance froide, elle arborait un sourire professionnel, mais ses yeux ne trahissaient aucune chaleur.
« Monsieur Valenti, » dit-elle d'une voix parfaitement maîtrisée. « Votre réunion avec les actionnaires est prévue dans quinze minutes. »
Son regard se posa ensuite sur moi, et bien que son sourire ne vacilla pas, il se fit plus figé, presque crispé.
« Et vous devez être… madame Valenti, » ajouta-t-elle, avec une pointe de surprise qu'elle ne tenta même pas de cacher.
Alessandro posa une main possessive sur le bas de mon dos, un geste à la fois protecteur et affirmatif. « Oui, Sofia. Ma femme. Elle m'accompagne aujourd'hui. Assurez-vous qu'elle soit à l'aise. »
Sofia hocha la tête avec un sourire qui semblait plus forcé que naturel. « Bien sûr, monsieur. »
Elle nous guida jusqu'à son bureau, ses talons claquant sur le sol de marbre avec une précision presque irritante.
Une fois dans le bureau, Alessandro se tourna vers moi, déposant un léger baiser sur mon front.
« Amore mio, je dois assister à une réunion rapide. Reste ici, d'accord ? Je reviens vite. »
« D'accord, » murmurai-je, un peu nerveuse à l'idée de rester seule dans cet environnement.
Il quitta la pièce, et le silence s'installa rapidement. Je m'assis sur l'un des fauteuils en cuir, tentant de me détendre malgré l'atmosphère intimidante.
Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit brusquement, et Sofia entra sans frapper, un dossier à la main.
« Madame Valenti, » dit-elle avec un sourire pincé, en s'avançant dans la pièce.
Je relevai la tête, surprise par son intrusion. « Oui ? »
Elle déposa le dossier sur le bureau avec une lenteur calculée avant de se tourner vers moi, ses bras croisés.
« Je dois dire que vous êtes… différente de ce que j'imaginais. »
Je fronçai légèrement les sourcils. « Vraiment ? Et qu'est-ce que vous imaginiez ? »
Elle haussa les épaules avec une légèreté presque insultante. « Disons simplement que monsieur Valenti a des standards… élevés. Mais peut-être qu'il a décidé de revoir ses critères. Après tout, il y a des situations où les hommes font des compromis. »
Je sentis une vague de colère monter en moi, mais je gardai mon calme. « Et que voulez-vous dire par là ? »
Elle jeta un regard appuyé à mon ventre avant de sourire froidement. « Se jeter sur un homme comme lui sous prétexte d'une grossesse, c'est… audacieux. Mais je suppose que certaines femmes sont prêtes à tout. »
Je pris une profonde inspiration, me redressant légèrement sur ma chaise. « Si vous pensez que vos insinuations me déstabilisent, détrompez-vous. Alessandro est parfaitement capable de prendre ses propres décisions, et je n'ai pas besoin de justifier ma place ici. »
Son sourire se figea, mais elle n'eut pas le temps de répondre.
La porte s'ouvrit brusquement, et Alessandro entra, son regard passant immédiatement de Sofia à moi. Il n'eut pas besoin de mots pour comprendre que quelque chose s'était passé.
« Sofia, » dit-il d'un ton glacial, ses yeux perçants rivés sur elle. « Je ne t'ai pas demandé de venir ici. Que fais-tu ? »
Sofia sembla chercher une excuse, mais sa voix tremblait légèrement. « Je voulais juste apporter ces documents et m'assurer que tout était en ordre pour madame Valenti. »
Il haussa un sourcil, clairement peu convaincu. « Sors. Maintenant. »
Elle hésita un instant, puis hocha la tête avant de quitter la pièce en silence, refermant doucement la porte derrière elle.
Alessandro se tourna immédiatement vers moi, son expression passant de glaciale à douce en un instant.
« Amore mio, tout va bien ? » murmura-t-il en s'approchant.
Je hochai la tête, mais il remarqua mon regard contrarié. Il glissa une main dans mes cheveux, son geste apaisant et protecteur.
« Tu n'as pas besoin de t'inquiéter de quoi que ce soit ici. Je suis là. Et je m'assurerai que plus personne n'essaie de te manquer de respect. »
Son ton était rassurant, mais également chargé d'une promesse silencieuse.
Alessandro, toujours debout près de moi, m'effleura doucement la joue du bout des doigts avant de se tourner vers la porte en entendant frapper.
« Entrez, » dit-il d'une voix calme, mais qui ne laissait aucune place à l'hésitation.
Sofia ouvrit la porte, arborant son sourire professionnel. Mais ses yeux étaient légèrement baissés, comme si elle redoutait quelque chose.
« Monsieur Valenti, votre rendez-vous est arrivé. Dois-je le faire entrer ? »
« Oui, faites-le entrer, » répondit Alessandro d'un ton neutre, son attention se reportant immédiatement sur moi.
Il ne bougea pas tout de suite, comme s'il pesait quelque chose dans son esprit. Puis il prit ma main et m'attira doucement vers le fauteuil le plus proche.
« Viens, amore mio, » murmura-t-il, s'asseyant avant de me guider sur ses genoux.
La chaleur de ses bras m'entoura immédiatement, et bien que je sois surprise, je me laissai faire. Sa main se posa sur ma taille, tandis que son autre main effleurait une mèche de mes cheveux.
Quelques instants plus tard, Marco entra dans la pièce.
Je le reconnus instantanément, et je vis la surprise se peindre sur son visage en me voyant. Ses yeux se fixèrent sur mon ventre arrondi, mais il détourna rapidement le regard pour se reprendre.
Alessandro le salua d'un signe de tête. « Asseyez-vous, » dit-il, désignant un fauteuil en face de nous.
Marco hésita un instant, puis obéit, s'installant lentement. Il semblait tendu, et ses mouvements étaient plus raides qu'à l'accoutumée.
« Je ne savais pas que vous seriez… accompagné, » dit-il enfin, lançant un regard rapide dans ma direction avant de se concentrer sur Alessandro.
Alessandro ne répondit pas immédiatement. Il jouait doucement avec une mèche de mes cheveux, ses yeux gris rivés sur Marco. Puis, il parla d'une voix posée mais tranchante :
« Je vous présente ma femme, Arianna Valenti. Maintenant que les présentations sont faites, pourquoi êtes-vous ici ? »
Je sentis Marco se raidir légèrement, et il détourna à nouveau les yeux, comme s'il évitait de croiser les miens.
« Je… Je suis venu pour discuter d'une affaire importante, » dit-il, sa voix légèrement hésitante. « Mais… peut-être devrions-nous en parler en privé ? »
Je sentis Alessandro se tendre légèrement, mais son visage resta impassible. Il resserra légèrement son étreinte autour de ma taille avant de répondre calmement :
« Vous pouvez tout dire devant ma femme. Je ne lui cache rien. Alors, parlez. »
Marco sembla peser ses options, mais finalement, il hocha la tête, le regard toujours évitant.
« Très bien. Je vais aller droit au but. Une amie en commun m'a contacté récemment… Nina, » commença-t-il.
À l'entente de ce nom, je me raidis instinctivement. Alessandro ne bougea pas, mais son expression devint plus froide, presque imperceptiblement.
« Elle m'a dit que… Arianna s'était mariée… contre son gré. Elle m'a aussi laissé entendre que cet enfant… pourrait être le mien. »
Sa voix tremblait légèrement, mais il tenta de maintenir une façade assurée.
Je voulais intervenir, mais Alessandro glissa ses doigts sur mon bras dans un geste silencieux, presque imperceptible, pour me demander de rester calme.
Marco continua : « Je ne suis pas ici pour causer des problèmes. Mais si cet enfant est le mien… j'ai le droit de savoir. Et si ce mariage n'était qu'une façon pour elle de me rendre jaloux, alors je pense que nous devons être honnêtes l'un envers l'autre. »
Un silence lourd s'installa dans la pièce après ses paroles. Alessandro ne répondit pas immédiatement, laissant le poids de ses mots flotter dans l'air. Je pouvais sentir la tension émanant de lui, bien qu'il gardât un contrôle parfait de ses émotions.
Finalement, il parla, sa voix calme mais glaciale :
« J'imagine que cette… amie en commun a omis de mentionner certains détails. »
Il marqua une pause, fixant Marco avec une intensité qui aurait fait reculer n'importe qui.
« Je sais qui vous êtes, Marco. Vous êtes l'ex-petit ami de ma femme. Et je sais également tout ce que je dois savoir sur vous. Mais laissez-moi être très clair. »
Il glissa sa main dans mes cheveux, jouant distraitement avec une mèche tout en continuant :
« Ce mariage n'est pas contre son gré. Elle est ici parce qu'elle l'a choisi. Quant à cet enfant, il est le mien. Et je vous conseille de réfléchir très attentivement avant de remettre en question ce fait. »
Marco ouvrit la bouche pour répondre, mais Alessandro leva une main, le coupant immédiatement.
« Vous avez pris rendez-vous pour me parler, et je vous ai écouté. Mais si c'est tout ce que vous avez à dire, je vous suggère de partir maintenant. Nous avons tous les deux des choses plus importantes à faire que de perdre du temps avec vos… absurdités. »
La froideur dans sa voix était indéniable, et je vis Marco se tendre légèrement, réalisant qu'il avait perdu tout contrôle sur la situation.
Alessandro se pencha légèrement en avant, son regard perçant fixé sur Marco. « Et une dernière chose. Ne vous avisez plus jamais de tenter de rentrer en contact avec ma femme. La prochaine fois, je ne serai pas aussi… courtois. »
Marco, visiblement déstabilisé, hocha la tête rapidement avant de se lever.
« Je comprends, » murmura-t-il, avant de quitter la pièce sans un mot de plus.
Lorsque la porte se referma derrière lui, je laissai échapper un soupir que je ne savais pas avoir retenu. Alessandro, lui, resta immobile un instant, ses bras toujours fermement ancrés autour de moi.
« Il n'y a rien à craindre, cuore mio, » murmura-t-il doucement, déposant un baiser léger sur ma tempe. « Tu es à moi. Et personne n'osera jamais remettre cela en question. »
Sa main glissa ensuite lentement sur mon ventre arrondi, et son expression se transforma. Ses traits durs s'adoucirent, son regard perdit de sa froideur habituelle pour se teinter d'une tendresse désarmante.
« Et toi, piccolo erede, » dit-il à notre enfant, sa voix grave mais étonnamment douce. « Mon héritier. Tu es le futur de ce que je construis, et rien ni personne ne viendra jamais te menacer. Je suis là, et je te protégerai, toi et ta mère, coûte que coûte. »
Je sentis ma gorge se nouer à ses mots. Il parlait avec une telle certitude, une telle conviction, que pour la première fois depuis longtemps, je sentis une véritable lueur d'espoir au milieu de tout ce chaos.