Depuis la fusillade, Alessandro ne me quittait plus d'une semelle. Partout où j'allais, il était là, toujours attentif, toujours protecteur. Sa présence était devenue constante, presque envahissante, mais je n'arrivais pas à lui en vouloir. Une part de moi se sentait rassurée, même si je ne voulais pas l'admettre.
Ce soir-là, alors que j'avais passé des heures à tourner en rond dans notre chambre, je décidai finalement de le rejoindre dans son bureau. Je devais connaître la vérité. J'en avais assez des spéculations et des mystères qui m'entouraient depuis que j'étais arrivée dans cette maison.
Lorsque j'arrivai devant la porte entrouverte, je m'arrêtai, hésitante. Alessandro était assis à son bureau, vêtu d'une chemise blanche dont les manches étaient retroussées, révélant ses avant-bras puissants. Sa posture détendue contrastait avec l'intensité de son regard, fixé sur un document posé devant lui. La lumière tamisée soulignait les traits ciselés de son visage : cette mâchoire forte, la courbe parfaite de ses lèvres, et ce petit pli entre ses sourcils lorsqu'il était concentré.
Il leva soudain les yeux, et ses traits se détendirent immédiatement lorsqu'il me vit. Un sourire amusé apparut sur ses lèvres.
« Tu comptes rester là longtemps à m'observer, ou tu vas m'expliquer ce que tu fais ici, amore mio ? » lança-t-il, sa voix douce mais empreinte de malice.
Je rougis légèrement, croisant les bras. « Tu es insupportable. »
Il laissa échapper un léger rire, puis fit un geste vers la chaise en face de son bureau. « Viens t'asseoir. Parle-moi. »
Je m'avançai lentement et m'assis, mais je n'arrivais pas à soutenir son regard trop longtemps. Il m'observait avec cette intensité qui semblait lire à travers moi, comme s'il connaissait mes pensées avant même que je les exprime.
« Qu'est-ce qui te tracasse, cuore mio ? » demanda-t-il, son ton redevenu sérieux.
Je pris une profonde inspiration, croisant mes mains sur mes genoux pour calmer leur tremblement. « Alessandro… depuis que je suis ici, rien n'est normal. Je vois les allées et venues incessantes de ces hommes. Les surnoms qu'ils utilisent pour te parler… et également le surnom qu'ils m'ont donné : regina. »
Je fis une pause, guettant sa réaction, mais il resta immobile, attendant que je poursuive.
« Et cette fusillade… Ce n'est pas une vie normale. Ce n'est pas… la vie d'un simple chef d'entreprise. »
Il posa ses coudes sur le bureau, joignant ses mains devant lui, et me fixa longuement. « Tu n'as pas tort. »
Ces trois mots suffirent à faire battre mon cœur plus vite.
« Alors dis-moi la vérité, Alessandro, » insistai-je. « Qu'est-ce que tu fais ? Qu'est-ce qui se passe ici ? »
Il se leva soudainement, contournant le bureau pour venir s'asseoir sur le rebord, juste en face de moi. Son regard ne quittait pas le mien, et sa proximité me troubla.
« Arianna, écoute-moi, » dit-il doucement, prenant mes mains dans les siennes. « Ce que je vais te dire, je ne l'ai jamais confié à personne en dehors de… ceux qui font partie de mon monde. Mais toi, tu es ma femme, ma moitié, et la mère de mon enfant et héritier. Donc tu as le droit de savoir. »
Je déglutis, mon cœur battant à tout rompre.
« Dans tous les cas, tu l'aurais su tôt ou tard, et je n'aime pas l'idée de te cacher des choses qui pourraient te protéger si un jour je venais à ne pas être près de toi pour le faire. »
Ces mots suffirent à déclencher une vague d'émotions en moi. Il m'observa attentivement, cherchant une réaction sur mon visage, mais je restai figée, incapable de parler.
Il glissa une main sous mon menton, relevant légèrement mon visage pour que nos regards se croisent.
« Arianna… tout ce que tu as vu, tout ce que tu soupçonnes, c'est vrai. Je ne suis pas simplement un chef d'entreprise. Ce rôle est une façade. En vérité, je dirige un réseau, une organisation complexe. Nous contrôlons bien plus que ce que les gens peuvent imaginer. »
Je le fixai, mes lèvres tremblantes, tentant de digérer ses mots.
« Un réseau ? Une organisation ? » murmurai-je, presque incrédule.
Il hocha la tête, son regard plus sérieux que jamais. « Nous maintenons l'ordre dans un monde que beaucoup considèrent comme chaotique. Cela implique des alliances, des négociations… et parfois, des conflits. Ce que je fais, Arianna, c'est pour protéger ce qui m'appartient. »
Mon souffle se bloqua, et je me reculais légèrement. « Protéger quoi ? Moi ? Cet enfant ? »
Son regard s'adoucit, et il acquiesça lentement. « Oui. Toi, notre enfant… mais aussi tout ce que j'ai construit. Chaque décision que je prends est motivée par un seul objectif : assurer votre sécurité et celle de tout ce qui dépend de moi. »
Je détournai les yeux, le poids de ses paroles s'écrasant sur mes épaules.
« Je savais que quelque chose clochait, mais… je ne pensais pas que c'était à ce point. Alessandro, je ne suis pas sûre que je peux… vivre avec ça. »
Il se redressa légèrement, toujours appuyé contre le bureau, mais sa posture devint plus tendue.
« Cuore mio, regarde-moi. »
Je relevai les yeux vers lui, et cette fois, son regard était rempli d'une intensité presque douloureuse.
« Je sais que c'est effrayant. Et je ne m'attends pas à ce que tu acceptes tout immédiatement. Mais je ne peux pas te laisser partir. Tu es ma femme, et je ferai tout pour te protéger, même si cela signifie te retenir ici. »
« C'est une prison alors ? » répliquai-je, ma voix tremblante de colère.
« Non, » répondit-il calmement, mais son ton était implacable. « C'est un sanctuaire. Et tant que je suis en vie, personne ne te touchera. Personne ne touchera à notre enfant. »
Je laissai échapper un soupir tremblant, mes pensées brouillées par la peur et la confusion.
« Et si je refusais ? » murmurai-je, presque dans un défi.
Son expression se durcit, mais il resta tendre dans ses gestes. Il tendit la main, caressant doucement ma joue.
« Ce n'est pas une option, mia regina. Pas parce que je veux te contrôler, mais parce que je ne peux pas te perdre. Tu es à moi, et je suis à toi. »
Je fus troublée par ses paroles, mais plus encore par la conviction qui vibrait dans sa voix.
Il se pencha soudainement, et avant que je ne puisse protester, ses lèvres rencontrèrent les miennes. Ce n'était pas un baiser doux ou hésitant : c'était un acte de possession, une promesse silencieuse qu'il n'abandonnerait jamais.
Quand il se recula, je restai figée, incapable de parler. Mon cœur battait à tout rompre, et mon esprit, lui, était un chaos de pensées et de sensations.
Alessandro me regarda un instant, un léger sourire en coin. « Tu es ma reine, Arianna. Et je protégerai ce qui m'appartient, quoi qu'il en coûte. »
Il se redressa ensuite, reprenant son masque de contrôle parfait.
« Maintenant, va te reposer. Je dois m'occuper de quelques affaires. Matteo m'attend. »
Il quitta la pièce sans un mot de plus, me laissant seule avec mes doutes, mes peurs… et la certitude que ma vie ne serait plus jamais normale.