Le lendemain matin, je me réveillai avec une étrange sensation d'agitation. La soirée de la veille ne cessait de tourner dans mon esprit, mais une pensée persistante s'imposait : je devais retrouver un semblant de normalité.
Après avoir passé quelques minutes à réfléchir, je pris ma décision.
Lorsque je descendis au rez-de-chaussée pour rejoindre Alessandro, je le trouvai dans la salle à manger, assis à la table, un document à la main et une tasse de café devant lui. Lorsqu'il leva les yeux vers moi, un sourire léger adoucit brièvement ses traits.
« Bonjour, mia cara, » murmura-t-il doucement, son ton aussi chaleureux que surprenant.
Je restai figée un instant, surprise par ce surnom inattendu, mais je finis par murmurer un simple : « Bonjour. »
Son regard se posa sur moi avec une intensité qui me mit mal à l'aise.
Prenant une profonde inspiration, je m'installai en face de lui et pris enfin la parole : « Alessandro, je veux retourner au travail aujourd'hui. »
Son sourire s'effaça immédiatement, et il posa son document avant de me fixer de ses yeux sombres.
« Non, » dit-il calmement, mais avec une fermeté inébranlable.
Je fronçai les sourcils. « Non ? Comment ça, non ? »
Il se pencha légèrement en avant, ses mains croisées sur la table. « Ce n'est pas une bonne idée, Arianna. »
« Pourquoi pas ? » demandai-je en croisant les bras. « Je ne peux pas rester enfermée ici. J'ai besoin de retrouver un semblant de normalité, Alessandro. Mon travail fait partie de ma vie. »
Il soupira doucement, comme s'il s'attendait à cette discussion. « Arianna, tu es enceinte. Ce n'est pas seulement ta sécurité qui est en jeu, c'est celle de notre enfant. »
« Je sais ! » m'emportai-je. « Mais je ne peux pas rester enfermée ici, à tourner en rond. Je veux sentir que ma vie n'a pas totalement changé ! J'ai besoin de retrouver un équilibre. »
Alessandro haussa légèrement un sourcil, son regard perçant plongeant dans le mien. « Alors tu veux mettre ta liberté avant la sécurité ? »
Je levai les yeux au ciel. « Ce n'est pas une question de liberté. C'est une question de santé mentale, Alessandro. Je suffoque ici. J'ai besoin de retrouver une part de ma vie d'avant. »
Il resta silencieux un instant, ses yeux me scrutant comme s'il essayait de comprendre ma frustration. Puis, contre toute attente, il se leva lentement de sa chaise et contourna la table pour s'arrêter près de moi.
« Tu es si têtue, mia dolcezza, » dit-il doucement, son ton à la fois amusé et exaspéré.
Je le regardai, désarçonnée par ce surnom et par la proximité soudaine.
« Je te laisse y retourner, » déclara-t-il enfin. « Mais à une condition. »
« Je savais que tu dirais ça, » soupirai-je. « Quelle condition ? »
« Tu ne seras pas seule. Tu emmènes des gardes avec toi. »
Je secouai immédiatement la tête. « Hors de question. Je ne veux pas être suivie par des gorilles toute la journée ! »
Un sourire imperceptible effleura ses lèvres. « Arianna, écoute-moi bien. Si quelque chose t'arrivait, je ne pourrais pas le supporter. Ni toi, ni le bébé. »
Je me figeai, troublée par la douceur inattendue de sa voix.
« Alors tu as deux options, » reprit-il calmement. « Tu acceptes les gardes et ils restent discrets, ou tu restes ici. »
« Tu ne me laisses vraiment pas le choix, hein ? » soufflai-je, exaspérée.
Il haussa légèrement les épaules, un éclat amusé traversant son regard. « Je ne plaisante pas avec ta sécurité, mia cara. »
Je le fixai un moment, pesant mes options, puis capitulai. « Très bien. Mais ils restent discrets, Alessandro. Personne ne doit les remarquer. »
« Discrets, » promit-il en hochant la tête.
Je soupirai, me levant de ma chaise. Alors que je passai à côté de lui, il posa une main légère sur mon bras, me forçant à m'arrêter.
« Merci, Arianna, » murmura-t-il, son ton sincère.
Je relevai les yeux vers lui, troublée une fois de plus par sa douceur soudaine. Puis je m'éloignai sans un mot, essayant de calmer le chaos dans ma tête.
La matinée passa plus vite que je ne l'avais imaginé. Être entourée de mes collègues, trier des manuscrits et répondre à des appels me faisait presque oublier cette nouvelle vie qui m'oppressait.
Alessandro avait tenu sa promesse : les gardes étaient restés parfaitement discrets. À vrai dire, je ne les avais même pas vus de toute la journée. Si je n'avais pas su qu'ils étaient là, j'aurais presque pu croire qu'il avait cédé sur ce point. Mais une part de moi savait qu'ils étaient probablement quelque part, veillant à distance.
Pour éviter d'attirer l'attention, je passai une bonne partie de la journée à tourner ma bague de mariage autour de mon doigt. Ce geste nerveux m'aidait à me concentrer, mais il avait une autre fonction : cacher l'évidence. Personne au bureau ne savait que j'étais mariée. Et je voulais que cela reste ainsi. Mon mariage… ou plutôt cette situation complexe dans laquelle je me trouvais… n'appartenait qu'à moi.
Vers 16h50, alors que je rangeais mon bureau, mon téléphone vibra sur la table. Je le pris et lus le message d'Alessandro :
Alessandro : Je passe te chercher. Nous avons rendez-vous chez le gynécologue à 17h. Sois prête.
Je restai un instant immobile, relisant ses mots. Quelque chose dans leur simplicité – ce ton direct mais protecteur – me fit réagir d'une manière inattendue. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres.
Je fronçai les sourcils, troublée par ma propre réaction. Pourquoi avais-je souri ? Était-ce parce qu'il prenait soin de moi ? Parce qu'il était toujours aussi prévisible dans son besoin de contrôle ? Ou bien… parce que je commençais à m'attacher à lui ?
Cette dernière pensée me fit frissonner. Je ne voulais pas me poser cette question. Pas maintenant.
Je secouai la tête pour me ressaisir, ajustai la bague à mon doigt une dernière fois, et me dirigeai vers l'ascenseur, prête à rejoindre Alessandro.
Lorsque les portes se fermèrent, je sentis immédiatement une tension inhabituelle. Deux hommes que je n'avais jamais vus étaient entrés juste avant que l'ascenseur ne démarre, et leurs regards ne quittaient pas ma direction.
L'un d'eux, trapu, au visage marqué par une barbe de quelques jours, se plaça devant moi, bloquant ma vue des portes. L'autre, plus grand et plus mince, se tenait légèrement en retrait, mais ses yeux perçants scrutaient chaque détail, comme s'il analysait la situation.
Un mauvais pressentiment s'empara de moi.
Avant que je ne puisse faire un geste, l'homme trapu sortit une arme de sa veste. Il la tenait basse, cachée à tout regard extérieur, mais suffisante pour que je comprenne qu'il ne plaisantait pas.
« Pas un mot, pas un geste de travers, » murmura-t-il, sa voix rauque et froide comme une lame.
Mon souffle se coupa, et une sueur glacée perla sur ma nuque.
Le deuxième homme, plus grand, se rapprocha et m'arracha mon téléphone et mon sac sans un mot. Je voulus protester, mais mon instinct me cria de ne pas bouger.
« Tout ira bien si tu fais ce qu'on te dit, » ajouta l'homme trapu d'un ton mécanique, son regard planté dans le mien.
Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait exploser. Une seule pensée traversa mon esprit : Où sont mes fichus gardes ?
Je regardai autour de moi, cherchant désespérément un signe qu'ils étaient là, quelque part. Mais rien. Pas un bruit, pas un mouvement. Ils avaient promis d'être discrets, mais étaient-ils vraiment là ?
Un sentiment de regret me submergea. Si seulement j'avais écouté Alessandro… Si seulement j'étais restée à la maison, en sécurité. Pourquoi avais-je insisté pour venir travailler ?
Ma main se posa instinctivement sur mon ventre.
« Avance, » ordonna l'homme trapu, me sortant brusquement de mes pensées.
Ils me guidèrent hors de l'ascenseur, traversant un couloir latéral que je n'avais jamais emprunté. La lumière tamisée et le silence oppressant rendaient chaque pas plus insupportable.
Nous atteignîmes une sortie dérobée, où une voiture noire attendait, ses vitres teintées masquant complètement l'intérieur.
Le deuxième homme ouvrit la portière arrière. « Monte, » dit-il d'une voix sèche.
Je restai figée, mes jambes refusant de bouger. « Je… je ne peux pas, » balbutiai-je, ma voix tremblante.
L'homme trapu avança son arme légèrement, juste assez pour me rappeler qu'il ne plaisantait pas. « Fais ce que je te dis, et tout ira bien. Ne complique pas les choses. »
Je déglutis avec difficulté, une larme roulant sur ma joue. Une seule pensée me traversait : Je dois coopérer. Pour la sécurité de mon bébé. Je ne peux pas risquer qu'ils deviennent violents.
Prenant une profonde inspiration, je montai à l'arrière de la voiture. Mes mains tremblaient tellement que je dus m'appuyer sur le siège pour ne pas m'effondrer.
Alors que la portière se refermait derrière moi, mon esprit criait à l'aide. Je savais que, tôt ou tard, Alessandro s'apercevrait de mon absence… et j'espère être encore en vie à ce moment-là.