La soirée avait atteint un étrange équilibre. La musique légère en arrière-plan, les rires étouffés et les conversations feintes ne parvenaient pas à masquer complètement la tension qui flottait dans l'air. Je pouvais le sentir dans chaque mouvement, dans chaque regard furtif.
Alessandro restait près de moi, vigilant, comme une ombre protectrice. Sa main sur ma taille ne quittait pas sa place, et à chaque fois que quelqu'un s'approchait, il se plaçait subtilement entre moi et l'invité, comme s'il anticipait un danger invisible.
Je pensais que ce malaise était peut-être lié à mon imagination ou à ma nervosité. Mais tout bascula en une fraction de seconde.
Un bruit sourd retentit.
Bang.
Je sursautai, mes yeux cherchant instinctivement l'origine du son. Tout le monde s'arrêta net, les conversations mourant instantanément.
Puis, un deuxième coup, plus fort, suivi de cris étouffés venant de l'extérieur.
La salle entière se figea, le silence devenant oppressant. Je sentis Alessandro se raidir à mes côtés.
« Qu'est-ce que c'était ? » murmurai-je, mon cœur battant à tout rompre.
Il ne répondit pas immédiatement, son regard scrutant la salle avec une intensité glaçante. Puis, d'un mouvement ferme mais mesuré, il me poussa légèrement derrière lui.
Un murmure traversa les invités comme une vague : des mots rapides, prononcés dans un italien que je ne comprenais pas entièrement. Mais une chose attira mon attention : certains des hommes présents – des invités, pourtant élégamment habillés – glissèrent leurs mains sous leurs vestes pour en sortir des armes.
Je restai figée, mes yeux s'écarquillant face à cette scène.
« Alessandro, pourquoi… ? » Je ne terminai pas ma phrase, incapable de trouver les mots.
Il posa une main rassurante sur mon bras. « Reste calme, Arianna. Je suis là. »
Le chaos éclate
Un troisième coup de feu retentit, beaucoup plus proche cette fois, suivi de bruits de pas rapides et désordonnés à l'extérieur.
L'ambiance changea du tout au tout. La majorité des invités – hommes comme femmes – semblaient étonnamment préparés. Ceux qui ne brandissaient pas déjà une arme cherchaient des couvertures ou échangeaient des regards entendus, comme s'ils savaient exactement quoi faire.
Je, en revanche, restai figée, mon esprit incapable de comprendre ce que je voyais.
Alessandro, lui, était déjà en action. Il s'approcha rapidement d'un de ses hommes, qui venait de revenir d'une porte latérale.
« Combien ? » demanda-t-il froidement.
« Trois hommes, armés, » répondit le garde. « Dans le jardin. Ils n'ont pas tenté d'entrer, mais ils ont tiré plusieurs fois en l'air. »
« Cible ? »
Le garde secoua la tête. « Pas claire. Ça ressemble à un avertissement. Mais avec tous ces clans réunis… difficile à dire. »
Je regardai Alessandro, une vague d'angoisse montant en moi. « Qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi des hommes armés… ? »
Il se tourna vers moi, son expression toujours aussi froide. « Reste ici. »
« Quoi ? » Ma voix tremblait. « Non, je ne vais pas te laisser… »
Il se pencha légèrement vers moi, son regard devenant plus intense. « Écoute-moi, Arianna. Je vais m'occuper de ça. Toi, tu restes ici. Fais-moi confiance. »
Avant que je ne puisse protester, il fit un signe à plusieurs de ses hommes et disparut dans la foule, me laissant seule derrière un pilier.
Alors que je restais figée près du pilier, tentant de comprendre ce qui se passait autour de moi, une voix résonna à mes côtés.
« Arianna. »
Je sursautai et me retournai brusquement. Lorenzo se tenait là, son expression plus sérieuse que celle qu'il affichait généralement. Malgré la tension ambiante, il esquissa un sourire léger, mais ses yeux montraient une certaine vigilance.
« Lorenzo, » murmurai-je, légèrement soulagée de voir un visage connu, même si ma nervosité restait palpable.
Il fit un pas vers moi, réduisant la distance entre nous, comme pour se rapprocher tout en établissant une sorte de protection. « Tout va bien ? »
Je secouai la tête, incapable de masquer mon trouble. « Pas vraiment. Il y a des coups de feu à l'extérieur, et… tout le monde ici semble armé. Lorenzo, qu'est-ce qui se passe ? »
Son sourire s'effaça légèrement, et il soupira doucement, comme s'il réfléchissait à la meilleure manière de répondre.
« C'est une soirée… un peu plus agitée que prévu. »
« Agitée ? » répétai-je, incrédule. « Il y a des coups de feu, Lorenzo. Ce n'est pas une simple agitation ! Pourquoi tout le monde a des armes ? »
Il hésita un instant, posant ses mains sur ses hanches avant de lever brièvement les yeux vers le plafond, comme s'il cherchait ses mots. Lorsqu'il baissa les yeux vers moi, son regard s'adoucit.
« Écoute, Arianna. Je sais que tout ça te semble insensé. Mais parfois, les choses ne sont pas aussi simples qu'elles paraissent. »
Je plissai les yeux, frustrée par son ambiguïté. « Alors explique-moi. Parce que pour moi, rien ici n'a de sens. »
Un éclat passa dans son regard, quelque chose d'indéfinissable – de la curiosité, peut-être ? Ou même une pointe d'admiration ?
Il s'approcha encore légèrement, suffisamment pour que je puisse sentir la chaleur de sa présence. « Je ne peux pas tout t'expliquer maintenant. Mais sache une chose : tu n'as rien à craindre. Je ne laisserai rien t'arriver. »
Son ton, bien que rassurant, ne parvint pas à apaiser totalement mon angoisse. Mais je ne pus m'empêcher de remarquer qu'il semblait sincère, presque protecteur.
« Reste près de moi, d'accord ? » ajouta-t-il.
Je ne répondis pas immédiatement, mais je me rapprochai instinctivement de lui, cherchant un peu de stabilité au milieu de ce chaos.
Quelques minutes plus tard, alors que je me tenais toujours près de Lorenzo, Alessandro réapparut dans la salle.
Son visage était fermé, ses yeux parcourant la foule jusqu'à nous trouver. Lorsqu'il posa son regard sur Lorenzo, une ombre passa dans ses traits, et ses pas devinrent plus rapides, presque pressés.
Il arriva devant nous et s'arrêta net, son attention fixée sur Lorenzo avec une froide intensité.
« Lorenzo, il me semble que ta présence est superflue ici, » déclara Alessandro, son ton glacial mais chargé d'une menace implicite.
Lorenzo, imperturbable, esquissa un sourire poli qui avait tout d'une provocation. « Je veillais simplement à ce que ta femme soit en sécurité, Alessandro. Il semblait que tu avais… d'autres priorités. »
Je sentis une main ferme glisser dans le creux de mon dos, et Alessandro m'attira doucement mais résolument contre lui.
« Je suis ici maintenant. Et elle n'a pas besoin de toi, » répondit-il, chaque mot prononcé avec une précision calculée.
Lorenzo haussa les épaules, son sourire s'élargissant légèrement. « Bien sûr. Mais tu sais comment sont ces soirées, Alessandro… imprévisibles. »
Alessandro ne bougea pas, son regard fixé sur Lorenzo avec une intensité qui semblait geler l'air entre eux. « Si tu tiens à éviter un incident imprévu, je te conseille de t'occuper de tes propres affaires. »
Cette fois, Lorenzo leva les mains en signe de capitulation, bien qu'un éclat amusé brille dans ses yeux. « Très bien. Mais si jamais elle a besoin de quelque chose… »
« Elle a tout ce dont elle a besoin, » coupa Alessandro sèchement.
Lorenzo recula d'un pas, me lançant un dernier regard, à la fois curieux et légèrement provocateur. Puis, il s'éloigna lentement, disparaissant dans la foule avec son assurance habituelle.
Lorsque nous montâmes dans la voiture, Alessandro referma la portière avec une force légèrement excessive. Le silence dans l'habitacle était pesant, presque oppressant.
Je finis par briser la glace, incapable de rester muette plus longtemps. « Tu n'étais pas obligé de réagir comme ça. Lorenzo ne faisait que m'aider. »
Alessandro détourna les yeux vers la fenêtre, sa mâchoire serrée. « Lorenzo ne fait jamais rien sans arrière-pensée. »
Je fronçai les sourcils, intriguée par son ton. « Tu exagères, Alessandro. Il était là parce que tu n'étais pas là. Il ne voulait que… »
Il me coupa brusquement, son regard intense se posant sur moi. « Arianna, écoute-moi bien. Lorenzo est comme un serpent. Toujours à l'affût, toujours prêt à profiter de la moindre faiblesse. Ne le laisse pas s'approcher. »
Je restai silencieuse, surprise par la dureté de ses mots.
Après un moment, il reprit, sa voix plus douce cette fois : « Je ne dis pas ça pour te contrôler. Je dis ça parce que je ne veux pas qu'il te blesse. »
Cette fois, je détournai les yeux, troublée par la sincérité dans son regard.