Lorsque les derniers invités quittèrent la villa, un silence pesant s'installa. Tout semblait étrangement calme après l'agitation de la journée. Alessandro et moi montions les escaliers côte à côte, ses pas assurés contrastant avec ma nervosité croissante.
C'était notre première nuit ensemble.
Depuis que j'avais emménagé dans la villa, Alessandro m'avait laissée occuper seule cette chambre, respectant une distance qui semblait dictée par des principes auxquels il tenait fermement. Mais ce soir, les choses étaient différentes.
Lorsqu'on atteignit la porte, Alessandro l'ouvrit et se tourna vers moi, ses yeux sombres et perçants fixés sur les miens.
« Après toi, » dit-il calmement, d'un ton qui ne laissait pas de place à l'hésitation.
Je pris une profonde inspiration avant de franchir le seuil.
La pièce était comme je l'avais laissée, mais ce soir, elle paraissait différente. Ce n'était plus juste ma chambre : c'était la nôtre.
Je posai mes chaussures près du fauteuil et m'assis sur le bord du lit, mes doigts jouant nerveusement avec un pli de ma robe. Alessandro referma la porte derrière lui et retira sa veste, qu'il déposa soigneusement sur le dossier d'une chaise. Ses gestes étaient précis, méthodiques, comme s'il voulait apaiser une tension qu'il percevait sans doute.
« Alors… » commençai-je, ma voix hésitante.
Il se tourna vers moi, un sourcil légèrement levé, comme s'il attendait patiemment que je trouve mes mots.
« Comment… est-ce que ça va fonctionner ? » demandai-je finalement, évitant soigneusement son regard.
Un sourire imperceptible effleura ses lèvres.
« Fonctionner ? » répéta-t-il, s'approchant lentement.
Je levai les yeux vers lui, cherchant à capter une once de clarté dans son expression. « Tu sais très bien de quoi je parle, Alessandro. Nous… ce lit… cette chambre. »
Il s'arrêta à quelques pas de moi, croisant les bras sur sa poitrine. « Arianna, ce mariage est loin d'être ordinaire, mais certaines choses restent simples. Nous sommes mariés, et cela signifie que nous partageons un espace. Ce lit. Cette chambre. »
Je fronçai les sourcils, le défiant. « Alors, tout est aussi simple pour toi ? »
Ses yeux s'adoucirent légèrement, mais son ton demeura sérieux. « Rien de tout cela n'est simple, Arianna. Mais tu dois comprendre une chose : je ne te forcerai jamais à quoi que ce soit. Jamais. »
Je ne répondis pas immédiatement, mes pensées se bousculant. Puis, d'un ton plus bas, il ajouta :
« Ce n'est pas seulement une question de traditions ou d'apparences. Ce que nous faisons ici a des conséquences sur tout ce qui nous entoure. Mais au-delà de tout cela, il y a toi et cet enfant. Votre sécurité, votre bien-être… c'est tout ce qui m'importe. »
Son regard, ancré dans le mien, était si intense que je sentis ma nervosité vaciller. Je déglutis, détournant les yeux.
« C'est facile à dire, » murmurai-je.
Il fit un pas de plus, réduisant la distance entre nous. Je pouvais sentir la chaleur de sa présence, presque écrasante.
« Ce n'est pas juste des mots, Arianna. Tu portes mon enfant, et tu portes désormais mon nom. Cela fait de toi la personne la plus importante dans ma vie. Que tu l'acceptes ou non, c'est une réalité. »
Je baissai la tête, son regard devenant trop difficile à soutenir.
Plus tard, après m'être changée, je revins dans la chambre et le trouvai déjà installé sur un côté du lit, appuyé contre les oreillers. Il avait retiré sa chemise, laissant entrevoir son torse marqué par des cicatrices discrètes mais profondes.
Je me glissai de l'autre côté, évitant soigneusement tout contact visuel.
« Tu sembles tendue, » remarqua-t-il calmement, son ton légèrement teinté d'amusement.
« C'est parce que je le suis, » rétorquai-je en me glissant sous les draps.
Le silence s'installa brièvement, mais je savais qu'il m'observait toujours. Finalement, je pris une profonde inspiration.
« Alessandro… » commençai-je, ma voix hésitante.
« Oui ? » répondit-il, sans bouger.
Je tournai légèrement la tête vers lui. « Je dois te parler de Marco. »
À l'entente de ce nom, un éclat passa dans ses yeux, mais il resta calme, presque trop calme.
« Non, » coupa-t-il fermement, avant que je puisse continuer.
Je clignai des yeux, surprise. « Non ? Tu ne veux pas savoir ? »
Il se redressa légèrement, appuyant son dos contre la tête de lit. « Ton passé ne m'intéresse pas, Arianna. Ce qui compte pour moi, c'est ce qui arrive maintenant. Ce qui arrive alors que tu portes mon nom et mon enfant. Marco, ou qui que ce soit d'autre, appartient à une autre vie. Et cette vie n'a plus aucune importance ici. »
Son ton était calme, mais tranchant, et il mit fin à la conversation avec une finalité qui ne laissait aucune place à la discussion.
Je me rallongeai, frustrée mais étrangement soulagée.
La fatigue finit par me gagner, et je m'endormis, bien que mon sommeil fut agité.
Mais au milieu de la nuit, je me réveillai doucement, consciente d'une chaleur inhabituelle autour de moi.
Je réalisai alors qu'Alessandro m'avait attirée contre lui pendant que je dormais. Son bras reposait autour de ma taille, son torse chaud et solide pressé contre mon dos.
Mon premier réflexe fut de me tendre, mon cœur battant un peu plus vite. Mais avant que je ne puisse bouger, sa voix basse et rauque brisa le silence.
« Rendors-toi, chérie, il fait encore nuit, » murmura-t-il près de mon oreille, sa main se resserrant légèrement, comme pour me garder là.
Je restai immobile, troublée par la simplicité de son geste et de ses mots. Une partie de moi voulait protester, se dégager, mais je n'en fis rien.
Au lieu de cela, je fermai les yeux, laissant la tension s'évanouir. Il ne semblait pas étrange, à cet instant précis, d'être dans ses bras. C'était presque… naturel.
Et bien que je sache que cela ne devrait pas être le cas, je me rendormis ainsi, bercée par la présence de cet homme qui, malgré tout, était désormais mon mari.