Le jour du mariage arriva plus vite que je ne l'avais imaginé. Tout semblait s'être enchaîné à une vitesse folle depuis ma décision d'emménager avec Alessandro. Je n'avais pas eu le temps de digérer ce qui se passait, encore moins de comprendre comment ma vie avait basculé aussi rapidement.
Depuis mon arrivée dans la villa, Alessandro avait maintenu une certaine distance physique, affirmant respecter les traditions avant le mariage. « Nous ne partagerons pas le même lit tant que nous ne serons pas mariés, » avait-il déclaré avec son calme habituel, comme si cela suffisait à alléger le poids de cette situation absurde.
Cependant, en public, c'était une toute autre histoire. Alessandro trouvait chaque excuse pour poser une main dans le bas de mon dos, effleurer mon bras ou maintenir un contact visuel intense. Ces gestes semblaient anodins, presque naturels, mais je savais qu'ils étaient calculés. Une partie de moi se demandait s'il jouait simplement son rôle pour que ce mariage paraisse légitime ou si c'était quelque chose de plus profond.
Le matin du mariage, Teresa frappa doucement à ma porte.
« Mademoiselle Costa… » commença-t-elle avec son sourire bienveillant. « Pardon, Arianna. Il est temps de vous préparer. »
Je m'extirpai du lit, encore engourdie par le sommeil. La chambre était baignée d'une lumière douce qui filtrait à travers les rideaux épais. Teresa posa un plateau contenant un petit-déjeuner léger sur la table basse avant de se tourner vers moi.
« Alessandro a tout organisé. Vous n'aurez à vous soucier de rien », dit-elle d'un ton rassurant, comme si elle savait à quel point j'étais nerveuse.
« Bien sûr », murmurai-je, plus pour moi-même que pour elle.
Alors que Teresa s'affairait avec mes affaires, mon regard se posa sur mon téléphone posé sur la table de nuit. Une impulsion soudaine m'envahit. Je pris le téléphone et, sans trop réfléchir, composai le numéro de Nina.
Elle décrocha presque immédiatement.
« Ari, enfin ! Tu réponds à mes appels maintenant ? » lança-t-elle, sa voix teintée de soulagement et de surprise.
Je me pinçai l'arête du nez. « Je me marie aujourd'hui. »
Un silence. Puis, d'un ton incrédule, Nina s'écria : « Quoi ? Tu te maries ? Avec qui ? Pourquoi ? »
« Ce n'est pas important. Je veux juste que tu viennes. »
Elle resta silencieuse quelques secondes, comme si elle n'y croyait pas. « Tu es sûre ? Après… tout ça ? »
« Oui, Nina. Je veux que tu sois là. Je… j'ai besoin d'un visage familier. »
C'était un mensonge, bien sûr. Je n'avais pas besoin de sa présence. Mais une part de moi ne pouvait s'empêcher de penser qu'avoir Nina là m'aiderait à garder une apparence normale. Une amie présente pour m'épauler, même si notre lien était désormais fissuré.
« D'accord, » dit-elle enfin. « J'arrive. »
La cérémonie se déroulait dans un manoir somptueux entouré de jardins impeccables. Alessandro avait insisté sur la discrétion : seuls quelques proches collaborateurs, ainsi que des amis soigneusement sélectionnés, étaient invités.
Matteo était là, comme toujours. Silencieux et imposant, il restait près d'Alessandro, veillant discrètement à ce que tout se passe comme prévu. Je l'avais remarqué depuis le premier jour : Matteo n'était pas simplement un homme de main, c'était un allié, quelqu'un qui protégeait Alessandro comme un frère.
À ma grande surprise, Nina était déjà arrivée lorsque je descendis de la voiture. Elle m'accueillit avec un grand sourire, mais mon instinct me souffla que ce sourire n'avait rien de sincère.
« Ari ! » s'exclama-t-elle, venant m'embrasser sur les deux joues. « Tu es magnifique ! On dirait une vraie princesse. »
« Merci, Nina, » répondis-je d'un ton plat.
Je savais qu'elle essayait de regagner ma confiance, mais tout en moi résistait. Après ce qu'elle avait fait – révéler ma grossesse à Marco sans mon consentement – je n'arrivais pas à lui accorder le bénéfice du doute.
La cérémonie elle-même fut rapide et formelle. Quand vint le moment de dire « oui », je croisai le regard d'Alessandro.
« Oui, » dis-je, ma voix légèrement tremblante.
Alessandro répondit à son tour, d'un ton ferme et assuré. Puis, sans hésiter, il se pencha vers moi, sa main chaude se posant sur ma joue, et il m'embrassa.
Ce n'était pas un simple baiser pour les apparences. Il était lent, assuré, comme s'il revendiquait quelque chose. Je fus prise de court par l'intensité de ce moment, et bien que je n'aurais jamais voulu l'admettre, je ne bougeai pas.
Lorsqu'il se recula enfin, je sentis mes joues s'enflammer, mais Alessandro resta impassible.
« C'est fait, » murmura-t-il avant de me prendre doucement par la main pour quitter l'autel.
Lors du dîner, Alessandro était assis à ma droite, son bras posé négligemment sur le dossier de ma chaise. Matteo, à sa gauche, participait silencieusement à la conversation, toujours vigilant. Mais lorsque son téléphone vibra, il se leva discrètement et quitta la table pour répondre à l'appel.
La chaise laissée libre à côté d'Alessandro sembla immédiatement attirer Nina, qui s'approcha avec son sourire éclatant et son assurance déplacée. Elle tira la chaise et s'y installa d'un geste rapide, ignorant complètement les regards interrogateurs des autres invités.
« Alessandro, » dit-elle, ses yeux brillants d'un intérêt calculé. « Enfin, je rencontre le grand homme dont Arianna m'a si souvent parlé. »
Je me figeai, mon estomac se nouant instantanément. Je t'ai parlé d'Alessandro ?
Alessandro tourna lentement la tête vers elle, ses yeux perçants la détaillant comme un prédateur évalue une proie.
« Vous êtes ? » demanda-t-il d'un ton neutre, mais suffisamment distant pour la faire vaciller.
Nina cligna des yeux, mais elle se reprit rapidement. « Nina, » répondit-elle avec un petit rire. « La meilleure amie d'Arianna. Enfin… jusqu'à récemment. »
Elle se tourna brièvement vers moi, un sourire mielleux sur le visage, avant de concentrer à nouveau toute son attention sur Alessandro.
« Je dois dire, maintenant que je vous vois en personne, je comprends pourquoi Ari a été si discrète. Un homme comme vous ? Impressionnant. »
Elle posa une main légère sur son bras, un geste que je trouvai immédiatement déplacé.
Alessandro baissa les yeux vers sa main, puis, avec un calme calculé, il la retira et croisa les bras sur sa poitrine.
« Si elle a été discrète, » répondit-il d'un ton froid, « c'est parce que je le lui ai demandé. Ce n'est pas quelque chose qui vous regarde. »
Nina rougit légèrement, mais elle tenta de se rattraper avec un petit rire nerveux.
« Oh, je ne voulais pas paraître indiscrète ! Je voulais simplement m'assurer qu'Ari était entourée des bonnes personnes. Marco aussi s'inquiétait beaucoup pour elle. »
Le nom de Marco sembla glacer l'air autour de nous. Alessandro posa son verre avec lenteur, ses yeux se rétrécissant légèrement alors qu'il fixait Nina.
« Marco, » répéta-t-il d'un ton glacial.
Nina sembla encouragée par sa réaction, comme si elle pensait tenir un moyen de s'attirer son attention. « Oui, Marco. Vous savez, son ex. Ils étaient tellement proches ! Il m'a appelé plusieurs fois, inquiet pour elle. Je pense qu'il espérait qu'elle revienne vers lui… »
« Nina ! » coupai-je, ma voix tremblante de colère. « C'est suffisant. »
Mais Alessandro leva légèrement une main pour me faire signe de rester calme, son regard toujours fixé sur Nina.
« Continuez, » dit-il d'un ton si bas qu'il en était presque menaçant.
Nina cligna des yeux, déconcertée par sa réponse. Elle hésita, mais sa propre arrogance sembla prendre le dessus.
« Eh bien, » reprit-elle avec un sourire forcé, « Marco était très inquiet. Je lui ai dit qu'elle allait bien, bien sûr. Mais maintenant que je vous vois… » Elle fit une pause, posant à nouveau sa main sur son bras. « Je comprends pourquoi Arianna a tourné la page. Vous êtes… impressionnant. Puissant, même. »
Cette fois, Alessandro ne bougea pas. Il la fixa simplement, son regard si intense qu'elle finit par retirer sa main d'elle-même.
« Vous savez, » commença-t-il doucement, sa voix froide comme la lame d'un couteau, « je n'apprécie pas qu'on parle de moi dans mon dos. Encore moins lorsque cela concerne ma femme. »
Nina ouvrit la bouche pour répondre, mais il la coupa.
« Vous parlez beaucoup, Nina. Trop, peut-être. Votre ami Marco… » Il appuya intentionnellement sur le mot, le transformant presque en insulte. « Il n'a aucun rôle à jouer dans la vie d'Arianna. Tout comme vous. »
Nina se figea, son sourire disparaissant.
« Je voulais juste… » balbutia-t-elle, mais Alessandro se redressa légèrement, s'appuyant sur le dossier de sa chaise avec une élégance contrôlée.
« Vous vouliez quoi ? Vous immiscer ? Vous rendre importante ? Laissez-moi clarifier quelque chose. Arianna n'a pas besoin de votre approbation. Elle n'a pas besoin de vous. Et encore moins de votre ami Marco. »
Le ton calme mais autoritaire d'Alessandro fit rougir Nina, qui tentait désespérément de se défendre.
« Je voulais juste être une bonne amie… » murmura-t-elle.
Alessandro la coupa à nouveau. « Une bonne amie ne révèle pas des secrets qui ne lui appartiennent pas. Une bonne amie ne fait pas pression sur une femme enceinte. Alors, dites-moi, Nina : êtes-vous une bonne amie ? »
Le silence qui suivit fut presque douloureux. Nina baissa les yeux, cherchant ses mots, mais Alessandro lui laissa à peine le temps de réagir.
« Vous devriez partir, » déclara-t-il finalement.
Elle releva la tête, choquée. « Partir ? »
« Maintenant, » ajouta-t-il d'un ton tranchant.
Elle hésita, cherchant du soutien dans mon regard, mais je restai immobile, les bras croisés, refusant de la secourir. Finalement, elle se leva, réajustant sa robe d'un geste dramatique avant de quitter la table, rouge de honte.
Lorsqu'elle disparut enfin, Alessandro se tourna vers moi, son regard se radoucissant légèrement.
« Désolé si cela a gâché ton dîner, » dit-il simplement.
Je secouai la tête, encore trop troublée pour répondre. Mais au fond de moi, je savais que je n'avais jamais été aussi soulagée de voir Nina partir.