Le lendemain matin, je me réveillai avec une étrange sensation de calme, un calme artificiel qui masquait la tempête à venir. J'étais désormais engagée dans quelque chose de bien plus grand que moi, et le poids de cette réalité me pesait déjà.
À 8 heures précises, mon téléphone vibra sur la table de chevet. C'était un message d'Alessandro.
Alessandro : Je passe te prendre à 10 heures. Prépare tes affaires. Tu emménages aujourd'hui.
Je relus le message plusieurs fois, incapable de croire à son ton direct. Il n'y avait ni demande ni explication, juste un fait.
Je lui répondis, mes doigts tapant avec une irritation que je ne tentais même pas de masquer : C'est un peu précipité, non ?
Quelques secondes plus tard, sa réponse arriva.
Alessandro : Pas du tout. Tu es enceinte. Il est de ma responsabilité de veiller à ce que toi et l'enfant soyez en sécurité.
Je soupirai, agacée par son contrôle constant, mais je savais que le débat était inutile. Il semblait évident qu'Alessandro Valenti ne perdait jamais une discussion.
À 10 heures précises, comme annoncé, la berline noire était garée devant mon immeuble. Alessandro m'attendait en bas, vêtu d'un costume sombre, impeccable comme toujours.
Je descendis avec ma petite valise. Je n'avais pas beaucoup de possessions, juste le strict nécessaire. Ce déménagement ne me semblait pas réel, comme si je vivais une scène absurde dans un film dramatique.
Alessandro ouvrit le coffre sans un mot, y plaça ma valise et me fit signe de monter dans la voiture.
« Vous auriez pu au moins demander mon avis », lançai-je en m'installant sur la banquette arrière.
Il se tourna légèrement vers moi, un sourcil levé. « Si je vous avais demandé votre avis, vous auriez dit non. »
Je croisai les bras sur ma poitrine. « Et ça ne vous aurait pas traversé l'esprit de respecter ma décision ? »
Il posa ses mains sur ses genoux, calmement, et répondit : « Arianna, vous savez aussi bien que moi que cet arrangement est nécessaire. Il ne s'agit pas seulement de vous ou de moi, mais de ce que nous devons faire pour cet enfant. »
Je soupirai et regardai par la fenêtre, incapable de trouver une réponse.
La voiture s'arrêta devant une immense villa entourée de hauts murs. Les portails automatiques s'ouvrirent en silence, révélant un jardin parfaitement entretenu et une maison qui ressemblait davantage à un palais moderne.
Je restai sans voix pendant quelques instants, incapable de croire que quelqu'un vivait réellement dans un endroit aussi opulent.
Alessandro sortit de la voiture et ouvrit ma portière. « Bienvenue chez toi », dit-il d'un ton neutre.
« Chez moi », répétai-je avec un mélange de sarcasme et de frustration. « C'est un peu grand pour une personne, vous ne trouvez pas ? »
« Nous serons deux. Et bientôt trois », répondit-il sans sourciller.
Je levai les yeux au ciel, mais je ne fis aucun commentaire supplémentaire. Il semblait inutile d'essayer de discuter avec lui.
À l'intérieur, la maison était encore plus impressionnante que je ne l'avais imaginé. Le hall d'entrée était immense, avec un escalier en marbre qui s'élevait en spirale. Les murs étaient décorés de tableaux modernes, et les grandes fenêtres laissaient entrer une lumière éclatante.
Une femme d'un certain âge, vêtue d'un uniforme impeccable, s'approcha de nous avec un sourire chaleureux.
« Bienvenue, mademoiselle Costa. Je suis Teresa, la gouvernante. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis à votre disposition. »
« Merci », murmurai-je, encore un peu intimidée par tout ce luxe.
Alessandro se tourna vers moi, son regard grave mais légèrement adouci.
« Teresa va te montrer notre chambre. »
Je clignai des yeux, prise de court. « Notre chambre ? » répétai-je, incapable de masquer ma surprise.
« Oui, » répondit-il d'un ton qui ne laissait aucune place à la discussion. « Nous sommes mariés, ou nous le serons bientôt. Il est naturel que nous partagions le même espace. »
« Naturel ? » rétorquai-je, un rire nerveux échappant de mes lèvres. « Alessandro, ce mariage est tout sauf naturel. Je pensais que… que nous aurions chacun notre propre espace. »
Il inclina légèrement la tête, me fixant avec cette intensité habituelle qui avait le don de me déstabiliser. « Ce mariage n'est peut-être pas traditionnel, mais il doit paraître authentique. Nous vivrons ensemble, sous le même toit, et dans la même chambre. »
Je me sentis rougir, à la fois par colère et par gêne. « Cela n'a rien à voir avec l'apparence ou ce que pensent les autres. Vous cherchez à me contrôler. »
Il laissa échapper un soupir, comme s'il s'attendait à cette réaction. « Arianna, ce n'est pas une question de contrôle. C'est une question de protection et de cohérence. Que diront les gens si tu es dans une aile séparée ou dans une autre chambre ? Dans mon monde, chaque détail compte. »
« Votre monde, » murmurai-je avec amertume. « Encore votre monde. Et moi, dans tout ça ? Ce n'est pas mon monde, Alessandro. Je ne suis pas prête à… »
Il m'interrompit doucement, mais fermement : « Tu le seras. Et je ne te demanderai pas d'accepter cela du jour au lendemain. Mais crois-moi, Arianna, je ne te mets pas dans cette chambre pour te manipuler. »
Je haussai un sourcil sceptique. « Alors pourquoi ? »
Il se pencha légèrement en avant, réduisant la distance entre nous, son regard devenu presque tendre. « Parce que c'est aussi mon rôle, désormais, de veiller sur toi. Ce n'est pas seulement une question d'apparence ou de sécurité. Je veux être présent, pour toi, pour l'enfant. Et cela commence par partager cet espace. »
Je déglutis, déconcertée par la sincérité de son ton. Une partie de moi voulait croire qu'il était sérieux, qu'il tenait réellement à ce que nous construisions quelque chose. Mais l'autre partie – celle qui s'accrochait désespérément à ma méfiance – me criait de ne pas céder.
Teresa, qui avait attendu silencieusement dans le hall, choisit ce moment pour intervenir. « Je peux vous montrer la chambre maintenant, si vous voulez, mademoiselle Costa. »
« Arianna », corrigeai-je doucement.
Teresa hocha la tête avec un sourire aimable.
Je lançai un dernier regard à Alessandro, cherchant un signe, une faille dans son masque impassible. Mais il était déjà en train de se détourner, me laissant seule face à cette nouvelle réalité.
Teresa me guida à l'étage, ses pas légers résonnant sur le parquet impeccable.
« La chambre principale est ici », dit-elle en ouvrant une double porte.
Je restai figée en découvrant la pièce. C'était un espace immense, bien plus grand que tout ce que j'aurais pu imaginer. Un grand lit à baldaquin trônait au centre, avec des draps en satin ivoire et des coussins soigneusement disposés. Les murs étaient décorés avec goût, et de grandes fenêtres laissaient entrer une lumière douce, illuminant le mobilier en bois sombre et les tapis moelleux.
Mais ce n'était pas la taille ou le luxe de la pièce qui me troublaient. C'était l'idée de partager cet espace avec Alessandro.
« Vous avez tout ce qu'il faut ici », continua Teresa, rompant le silence. « Une salle de bain attenante, un dressing, et une vue magnifique sur le jardin. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à demander. »
Je hochai la tête, incapable de trouver les mots.
Teresa fit une petite révérence et quitta la pièce, refermant doucement la porte derrière elle.
Je restai seule, debout au centre de la chambre, regardant ce lit qui symbolisait bien plus qu'un simple meuble. C'était un rappel de la vie que j'avais acceptée, du rôle que je devais jouer désormais.
Avec un soupir, je déposai ma valise près du dressing et m'assis sur le bord du lit. Mon regard se perdit dans la lumière qui entrait par les fenêtres, et pendant un instant, je me demandai si je serais capable de vivre ici.
Quelques heures plus tard, alors que je déballais mes affaires, Alessandro revint. Cette fois, il entra sans frapper, refermant la porte derrière lui avec une assurance qui semblait naturelle.
« Nous devons parler », dit-il, son ton direct mais pas hostile.
Je croisai les bras. « Laissez-moi deviner. Vous voulez m'expliquer les règles de la maison ? »
Un léger sourire effleura ses lèvres. « Exactement. »
Il s'avança et s'appuya contre l'un des fauteuils près de la fenêtre. « Première règle : tu ne sors pas de cette maison sans me prévenir. »
Je levai les yeux au ciel. « Vous voulez dire sans votre permission, n'est-ce pas ? »
« Si tu préfères le dire comme ça », répliqua-t-il avec un calme exaspérant.
« Et si je décide de sortir quand même ? » demandai-je, défiant.
Son regard devint plus sérieux. « Alors tu prends un risque inutile. Pas seulement pour toi, mais pour l'enfant. »
Je fusillai du regard cet homme si sûr de lui, mais ses mots avaient touché une corde sensible.
« Deuxième règle », continua-t-il. « Si tu as besoin de quelque chose, demande. Je m'assurerai que tu ne manques de rien. »
Je ris sans humour. « Vous voulez que je me sente redevable, c'est ça ? »
Il secoua doucement la tête. « Ce n'est pas une question de dette, Arianna. C'est une question de responsabilité. »
Je restai silencieuse, incapable de trouver un argument à opposer à sa logique.
Il s'approcha alors, réduisant la distance entre nous, son regard plus doux qu'à l'habitude.
« Cette chambre est la nôtre, Arianna. Je sais que c'est beaucoup à accepter, mais ce n'est pas une option que je te laisse. »
Je fronçai les sourcils, croisant les bras. « Et pourquoi ? Vous avez des dizaines de chambres ici. Pourquoi devons-nous partager celle-ci ? »
Il laissa échapper un soupir, visiblement préparé à ma résistance. « Parce que nous devons apprendre à vivre ensemble. Cet arrangement n'est pas temporaire, et je refuse que nous jouions la comédie, même dans l'intimité. »
Je ris sans joie. « Vous vous souciez de l'intimité maintenant ? Vous contrôlez chaque aspect de ma vie depuis le début. »
Il planta son regard dans le mien, imperturbable. « Ce n'est pas du contrôle, Arianna. C'est de la transparence. Si nous voulons que cela fonctionne, nous devons commencer ici. Ensemble. »