Le lendemain de la découverte de la cité Kiyuza par Kenshiro, Ki-Igno et sa fille entrent dans la salle de jugement et s'installent aux places qui leur sont dédiées. Le public est déjà présent, ignorant totalement quel est le motif de leur convocation. Certains individus, ayant aperçu l'étranger la veille, commence à faire circuler des rumeurs à son sujet. Une certaine anxiété, croisée avec une bien cachée, se répand.
« Aujourd'hui est un jour particulier pour notre communauté. Tout d'abord, soyez rassurés. Je suis conscient que ce qui va arriver ne plaît pas à tout le monde. Le grand Ki-Ramen aurait-il accepté ceci ? Nous ne pouvons mettre sur son dos des décisions qui ne sont pas de son temps. Cette décision ne vient pas de moi. L'extraordinaire événement de ce jour vient de votre Kozana. »
Sa dernière phrase surprend les Kiyuzas. Aussitôt, les siens fustigent des regards froids et retenus. Elle n'ose pas les affronter. Certains parlent entre eux.
« Si la lumière de notre chère Faironne confirme son statut, la responsabilité de cette décision lui reviendra de droit. Mettons nos différents de côté pour le moment, si vous le voulez. Gardes ! Faîtes-le entrer ! »
Ils ouvrent les deux grandes portes lourdes. Kenshiro, accompagné de celui qui a été son enseignant, découvre les lieux. Le peuple ne lui accorde aucun échange physique. Sentant la tension palpable qui règne dans l'air, l'ex-Shirenai reste malgré tout concentré, totalement conscient que toute dérive, même infime, pourrait anéantir toute chance d'aider sa protégée. Une fois arrivé là où le jeune garçon fut expulsé, il s'immobilise, yeux fixés vers Ki-Igno, sans montrer la moindre animosité alors qu'il sait ce qu'il a fait.
« Se dresse devant vous un homme, sous peu habité par une des cinq énergies généreusement confiés par notre chère Faironne. Il a prétendu qu'il n'avait plus rien en commun avec eux. »
A l'évocation de cette affirmation, quelques Kiyuzas se retiennent de rire ou d'éclater leur colère. Leur attitude irrite leur Kozana.
« Mes amis ! Un peu de discipline je vous prie. Ce genre de comportements pour ce type de situations est un déshonneur. Vous pouvez ne pas me croire. J'entends bien. Suite à une discussion plus que mouvementée, je lui ai accordé une chance qui nous a réuni ici. Sous la supervision de l'un d'entre vous, il a intégré toutes nos connaissances de base. Je me dois d'honorer ma part. Mes amis, veuillez vous lever. Veuillez joindre vos énergies, je vous prie. »
Après un moment d'hésitation plus que justifié, ces derniers finissent par obéir. Le public et le Kiyuza enseignant, ayant rejoint les siens entre temps, joignent les mains en position de prière. Leur chef tend les bras, ferme les yeux et lève la tête. Fraya ne fait rien. Plus les kis de chacun sont concentrés, plus Kenshiro commence à percevoir de nouveau un bruit venteux, signe distinctif de son affiliation à la foudre. Pris de panique, il se force à bloquer intérieurement son élément en focalisant son esprit sur l'énergie neutre qu'il a pu éveillé en lui. La Kozana remarque quelque chose émaner de lui, sans en être totalement convaincue.
« O Faironne, épeyazo-okta kukanar. Zaé yoél ijamazu faganel od-to, gekazu yoél. Zaé yoél ijamazu faganel od-no, polarazu yoél okta bolafar. Mo, Ki-Igno, wanpogorer od-to rampolower, omazo bolil ad-okta bejitar zaé makinazu om-orazo mitefazél. » (= j'invoque ta lumière. Si tu le juges digne de toi, baigne-le. Si tu le juges digne de nous, impose-lui ton emprunte. Moi, Ki-Igno, successeur de ton émissaire, suis prêt à subir ta colère si tu décides que j'ai fauté.)
L'incantation suscite la curiosité et l'admiration de l'exilé, n'étant habitué qu'à de simples formules pour donner vie à ses anciennes techniques. Les sceaux présents sur le corps du paternel se mettent à scintiller. Leur manifestation aiguise encore plus l'intérêt de l'apprenti. Un faisceau de lumière, provenant du plafond, vient l'englober. Tous ont les yeux rivés sur lui, attendant quelque chose de précis. Celui qui subit l'épreuve ne comprend pas tout de suite ce qu'il se passe quand, tout à coup, une aura grise surgit contre son grès, à la grande surprise de l'ex-mercenaire ainsi que celle des spectateurs. Seul l'enseignant semble ravi de la situation. La légère onde qui s'en dégage atteint la Kozana, soudain atteinte de vertiges dès qu'elle l'atteint. Son père ne le remarque pas. La révélation de l'aura neutre de Kenshiro agace le chef du peuple Kiyuza. Une fois écartée mystérieusement de son trouble, Fraya regarde l'homme qui a juré de l'aider.
« Père, est-ce que ça veut dire qu'il est digne ? »
Par ses actions, il fait comprendre la vérité à sa fille. En désactivant sa panoplie de sceaux, le faisceau de lumière disparaît d'un seul coup. L'aura de Kenshiro est encore présente. Ce dernier n'arrive pas à l'étouffer. Les spectateurs semblent confus. Certains n'osent pas y croire. Comment un étranger, habité par un élément, serait capable d'un tel exploit ? C'est alors que son enseignant revient vers lui.
« Tu n'arrives pas à le calmer ? lui demande-t-il.
- Non. J'ai beau me concentrer. C'est insuffisant.
- Normal. Tu n'es pas habitué. Laisse-moi t'aider. »
Il pose sa main gauche sur l'épaule droite de son protégé. Après quelques secondes, l'aura neutre s'estompe.
« J'ignorais totalement que le ki aussi possédait une manifestation concrète. souligne l'ancien sabreur.
- Je ne t'ai transmis que les bases. »
Son chef lui fait signe de rejoindre l'audience. Ce dernier obéit instantanément.
« Par les pouvoirs qui me sont conférés, moi, vénérable Ki-Igno, reconnaît Kenshiro comme étant l'un des nôtres. Veuillez accueillir votre nouveau frère. »
Les Kiyuzas s'inclinent, certains à contre cœur, remettant presque en question la légitimité de Ki-Igno. Fraya est ravie qu'il fasse partie des siens. Cependant, cet enthousiasme fait rapidement place à de l'incertitude. Que va-t-il faire pour la sortir de tout ce bordel ? Se dit-elle. Pour le moment, elle ne peut que constater le conflit émotionnel se dessinant sur le visage de son père. Il devient alors évident que la réponse qu'elle lui a fourni pourrait se retourner contre elle, surtout si l'épreuve de révélation s'avoue être un échec. Elle part alors précipitamment, sous les yeux inquiets de Kenshiro. Ce dernier n'a pas le temps de se demander pourquoi elle fait ça que quelques hommes et femmes viennent à sa rencontre.
« Bienvenu, frère Kenshiro. salue l'un deux.
- Nous sommes heureux que tu t'es écarté de la voie de l'interdit. » poursuit l'une d'elles.
Ce mot résonne dans son esprit.
« Nous allons tout t'expliquer. Tout d'abord, nous allons te guider vers ta nouvelle demeure. affirme un autre.
- Ensuite, nous t'apprendrons l'histoire de notre communauté. » conclut une autre.
Ils l'embarquent délicatement vers la sortie. Ki-Igno se rend alors compte que Fraya n'est plus là. Suspectant quelque chose, il part la chercher. Plus tard, elle revient dans sa chambre afin de remettre la main sur le parchemin qu'elle avait découvert auparavant. Lorsqu'elle le déroule, un œil inversé et violet lui apparaît brièvement, ce qui la perturbe beaucoup. Soudain, on toque à la porte.
« Fraya, pourquoi n'es-tu pas restée jusqu'au bout ? » demande-t-il.
Encore désorientée, elle ne prend pas le temps de répondre, préférant planquer sa précieuse trouvaille avec précipitation. Ki-Igno prend les devants et entre.
« Fraya, pourquoi as-tu fait ça alors que tu m'as clairement dit qu'à ma place tu passerais outre nos règles ? Si tu me caches quelque chose, je le saurais tôt ou tard.
- Pas du tout ! J'ai juste eu peur.
- Peur de quoi ? Ce qu'il s'est passé te donne raison, non ?
- Oui, en effet.
- Bon... Je vois que, comme d'habitude avec toi, je n'aurais ni réponse ni résultat. »
Alors qu'il commençait à partir, le vénérable détecte soudainement un dégagement de ki anormal dans le corps de sa fille.
« Fraya, est-ce que tu peux m'expliquer ça ?
- Quoi donc ? »
Cette réplique l'énerve au quart de tour, le poussant à activer son aura, terrifiant la Kozana.
« Ne me prend pas pour un imbécile, Fraya !
- Mais de quoi parlez [...] »
Il n'a point le temps de terminer sa question qu'il disparaît de sa vue.
« Péopar Ki ! » invoque-t-il.
Elle subit un violent coup de poing chargé en énergie au ventre. Une onde fait écho dans tout son corps. C'est à ce moment-là que, pour la première fois de sa vie, une aura émerge d'elle.
« De ça. » poursuit-il.
Il se retire. La Kozana s'aperçoit du phénomène se produisant sur elle, à mi-chemin entre la surprise et la terreur.
« Je... Je... » répond-elle, la voix tremblante.
Ki-Igno réactive alors la multitude de sceaux utilisés juste avant le rituel qu'a subit Kenshiro, tout en étant en écartant les bras.
« Vous... Vous... Vous invoquez la lueur de révélation ? Vous outrepassez l'avis de Faironne ? Que comptez-vous faire ?! » panique-t-elle.
Ignorant totalement les sentiments de sa fille, il émet une forte lumière vers elle pendant plusieurs secondes. Craignant que cette dernière dévoile le fameux parchemin, Fraya recule afin de le couvrir. Ki-Igno finit par mettre fin au processus. L'aura de la Kozana est encore présente. D'ailleurs, il remarque qu'elle a parfaitement encaissé sa technique. Espérant que ce qu'il attend d'elle soit enfin là, le chef des Kiyuzas la regarde attentivement. Une profonde déception suinte sur son visage. Tous ses sceaux redeviennent des tatouages sans énergie. Ne souhaitant pas donner plus de temps à la situation fade se déroulant devant lui, Ki-Igno préfère quitter la pièce sans s'excuser. Une fois seule, Fraya se remémore les chorégraphies effectuées par ses semblables. Après quelques profondes respirations, elle parvient à étouffer son aura. C'est alors qu'un dessin en forme de lotus, entouré de quelques symboles, brille sur le haut de son torse. Surprise, elle se rue en face de son miroir et constate ce qu'il se passe. Ne le reconnaissant absolument pas, elle prend soin de le couvrir avec une écharpe et fonce vers les archives. Pendant ce temps, Kenshiro, accompagné des Kiyuzas l'ayant abordé, arrive devant une maison en terre blanche, à un étage. Sur la porte se trouve un parchemin blanc sur lequel un sceau inscrit à l'encre noire est accroché.
« Bienvenu chez toi, frère Kenshiro. déclare un des deux hommes.
- Pour ton premier jour parmi nous, tu n'auras pas besoin de cuisiner quoique ce soit. Nous te donnerons tout ce qu'il te faut avant tes premières leçons. affirme l'une des deux femmes.
- Je vous remercie. répond-il en s'inclinant.
- Pas ce genre de gestes vis-à-vis de nous. L'égalité règne ici. L'exception étant notre vénérable. »
Cette affirmation donne sens à l'avis que l'ancien Shirenai de foudre porte envers Ki-Igno.
« Demain matin, les habitants du quartier Sud ont séance de méditation dans la demeure de Ki-Ramen. Ceux du quartier Nord doivent s'occuper des cultures et ceux du quartier Est ont pour charge l'entretien de nos voies. Nous pourrons en profiter pour t'inculquer tes premières leçons de techniques plus poussées. Demain après-midi, nous prendrons le relais à la grotte. lui indique l'autre homme.
- Un programme bien chargé dis donc ! Ça ne me changera pas trop de là de Kigen. ironise Kenshiro.
- Pardon, tu ne pouvais pas le savoir mais, ici, nous sommes interdits d'évoquer le Continent central. précise l'autre femme.
- Ah bon ? s'étonne-t-il.
- Nous pouvons comprendre que ça soit un peu dur pour toi mais tu es désormais des nôtres. Tu dois t'intégrer très rapidement car, tant que Ki-Igno sera vénérable, le jugement qui t'a été rendu peut encore changer. poursuit-elle.
- Surtout que c'est la première fois que nous accueillons un étranger. ajoute le premier Kiyuza.
- Mille excuses. Je ne vous attirerai plus de problèmes.
- Aucun problème. Si tu le souhaites, tu peux profiter de ta liberté soudaine pour visiter. Tu auras rarement cette chance. Seules nous les femmes peuvent en obtenir pour s'occuper des enfants. Notre philosophie repose sur la vie en communauté. Garde ça à l'esprit. informe la première Kiyuza.
- Je vous le promets. proclame le Shirenai.
- A demain, frère Kenshiro. salue l'autre homme.
- Bonne journée. » répond-il.
Ils s'en vont. Inquiet à propos de Fraya, il part explorer la cité. Dans la salle des archives, cette dernière est au milieu de piles de parchemins et autres gravures disposés de manière bordélique, en train de lire l'un d'entre eux. Frustrée de ne pas trouver un quelconque dessin identique à celui qu'elle porte, elle démolit l'une des piles avec un coup de pied.
« Merde ! » crie-t-elle.
Elle enlève son écharpe, remarquant alors qu'elle émet toujours une lueur. Se demandant si elle peut l'enlever de la même manière qu'elle a utilisée pour son aura, elle prend à nouveau de grandes respirations. Malheureusement pour elle, ça ne fonctionne pas. Des pas se font entendre. Prise de court, elle remet son écharpe instinctivement tout en gardant une main dessus et quitte la pièce. Elle croise deux hommes au passage, en bousculant l'un d'eux. Sa deuxième main le touche.
« Hé ! » s'insurge-t-il.
Elle l'ignore et part.
« Oh, c'est notre Kozana. Qu'est-elle venue faire ici ? demande l'autre Kiyuza.
- Je n'en sais rien. »
En s'introduisant dans la salle, ils remarquent le fouillis qu'elle a laissé derrière elle.
« Elle n'a pas appris à ranger ? Si le vénérable nous voit avec ça, nous allons avoir des problèmes. »
Ils commencent à réparer sa bêtise. Pendant ce temps, une fois revenue dans sa chambre, elle enlève son écharpe et revient devant son miroir. A sa grande surprise, elle constate que le dessin a totalement disparu. Soulagée, elle s'affale sur son lit. La résistance qu'elle a témoigné contre la technique de son père lui revient en mémoire. Ne pas avoir trouver quelconque référence dans les archives lui met la puce à l'oreille. Père aurait-il cacher délibérément ce genre d'informations ? Se dit-elle dans un premier temps. Soudain, elle comprend que ce qu'elle porte pourrait être un talent interdit. La disparition du jeune garçon, à laquelle elle a assistée, décidée par Ki-Igno, lui glace à nouveau le sang. Le jour fatidique approchant, la seule option qui se présente semble être la fuite. Oui, mais comment ? L'envahissante angoisse l'empêche de construire un plan.Entre temps, Kenshiro, n'ayant pas quitté son objectif de vue, se dirige vers la tour trônant sur la cité.
« Hé ! Toi là ! » interpelle un Kiyuza qui le scrutait avec insistance.
L'ancien guerrier de Kigen s'arrête.
« Tu as peut-être gagné le droit de piétiner nos terres mais tu n'es pas, et ne seras jamais, mon frère ! Tu n'es qu'un émissaire de l'interdit ! Un être vaniteux !
- Tu me crois sans doute être comme ça. Mais, à juger la saveur de ton discours, je ne suis sans doute pas le seul à être atteint d'orgueil.
- Qu'est-ce que tu as dit ?! »
Alors qu'il allait s'élancer vers l'ancien utilisateur de foudre, les copains de l'agresseur le retiennent.
« Croyez ce que vous voulez. Je ne suis pas venu pour anéantir tout ce que vous avez bâti. Je suis juste fasciné par ce qui fait de vous ce que vous êtes aujourd'hui. Maintenant, si vous me le permettez, puisque je n'aurais sans doute plus l'occasion, j'aimerais pouvoir continuer ma visite en toute quiétude. Je vous salue bien bas. »
Scotchés par sa politesse, les Kiyuzas ne tentent rien contre lui, le laissant s'en aller.
« Hé ! Où comptes-tu aller comme ça ?! » reprend l'agresseur.
- J'aimerais m'entretenir avec le vénérable. Après tout, dois-je rappeler la particularité de ce jour-ci ? Dîtes-moi si je me trompe. répond-il, d'un calme olympien.
- Ha ! Si tu crois qu'il va t'écouter, tu te plantes lourdement !
- Je préfère la discussion à la violence comme première approche. »
Leur clouant le bec pour de bon, il s'en va. Plus tard, à la salle de méditation où aime aller le père de Fraya très régulièrement, ce dernier est assis en tailleur sous la statue féminine. On toque à sa porte.
« Vénérable Ki-Igno, quelqu'un demande à vous voir.
- Vous avez vraiment l'art de me déranger au pire moment ! s'insurge-t-il.
- Notre nouveau frère Kenshiro.
- Qu'il vienne donc ! Et plus vite que ça ! »
L'ancien Shirenai entre. Ki-Igno se relève tout en remettant correctement sa toge.
« Quel est l'objet de ta visite, nouveau Kiyuza ?
- Mes leçons commençant demain, j'aimerais prendre les devants. Y aurait-il ici un endroit servant de lieu d'apprentissage théorique ?
- Oui, bien sur. Qu'est-ce qui te motive à ce point ?
- L'envie d'être encore plus l'un des vôtres, évidemment. Loin de moi d'être une source à problèmes au sein de ma nouvelle communauté mais on vient de m'attaquer verbalement il y a quelques instants à cause de mes origines.
- Je vois. Pour être tout à fait franc avec toi, j'exprime la même chose. Sache avant tout que, sans l'avis de ma fille, je t'aurais directement expulsé. Mais voilà, Faironne semble t'accepter. Je ne peux aller contre sa volonté. Notre antre de mémoires se trouve à l'étage inférieur. Suis-moi. »
Tous les deux, Ki-Igno en avant, quittent la pièce. Quelques instants plus tard, après avoir croisé deux Kiyuzas qui serviront de gardes sous l'ordre de leur chef, ils arrivent là où désire se rendre leur nouveau membre.
« Consulte tout ce que tu as envie. Tu as jusqu'au coucher de la lune. Je resterai avec toi d'ici là. » déclare le supérieur.
Sa réplique pousse Kenshiro à croire qu'il le suspecte de vouloir voler de précieuses informations. Restant sur la défensive, il se dirige avec précaution dans les rayons, saisit deux parchemins et s'installe consciencieusement, sous l'œil attentif du vénérable. Pendant ce temps, Fraya reprend sa réflexion sur le moyen de sortir de là. Elle se dit alors que son père doit certainement posséder dans son bureau la solution à son problème, avec peu de de probabilités qu'il n'y soit pas. N'y tenant plus, elle prend sa précieusetrouvaille et sort pour vérifier. Plus tard, elle arrive sur les lieux, après avoir toquer, demander s'il était là et avoir doucement entrouvert la porte. Son absence la soulage grandement. Commence alors une fouille minutieuse pendant plusieurs longues minutes. Lorsque le tour du bureau se présente, elle ouvre les tiroirs un à un. C'est alors qu'elle tombe sur un parchemin soigneusement fermé par des fibres de lin. En les déliant, elle découvre un sceau faisant référence au talent de téléportation. Voilà la solution tant attendue ! Cependant, n'ayant jamais pratiqué de telles techniques à base d'énergie neutre, sa joie s'écrase immédiatement. Ne lui vient en tête qu'une dernière option : la salle de jugement. Elle s'y précipite tout de suite, passant à côté de quelques-uns de ses semblables sur le chemin. Après une course effrénée, elle y entre et se place à l'endroit exact où Kenshiro a dû subir l'épreuve imposée par Ki-Igno, posant l'écrit pour l'aider à se téléporter au sol. Grâce à une concentration intense, son aura émerge. Elle tend les mains vers le dessin et engage toutes ses forces. C'est alors que deux Kiyuzas hommes, curieux, pénètrent discrètement dans la pièce et découvrent avec stupeur l'émanation de son énergie. Le sceau commence à briller.
« Kozana Fraya ! Qu'est-ce que vous faîtes ? »
Ne se laissant pas perturber malgré la situation périlleuse qui se présente, elle persiste dans son effort. Une forte lumière surgit sous ses pieds, reproduisant le dessin à une échelle supérieure, d'un diamètre d'environ plus d'un mètre. Comprenant enfin ce qu'elle est en train de faire, ils courent à vive allure pour y mettre un terme.
« Téliponyon ! » hurle-t-elle.
Elle disparaît instantanément, ne laissant que son écrit sauveur derrière elle. Ses deux compatriotes sont circonspects.
« Nous devons alerter le vénérable de toute urgence ! »
Ils quittent aussitôt l'endroit, après avoir pris soin de ramasser le parchemin de téléportation. Ailleurs, Fraya réapparaît au milieu d'une forêt. Ne reconnaissant par la flore l'entourant, elle comprend tout de suite qu'elle a réussi.
« Oui ! » hurle-t-elle à pleins poumons de bonheur.
Plus tard, alors que Kenshiro continue ses études, toujours sous le surveillance avisée du père de Fraya, ceux qui ont tenté de l'arrêter débarquent en sursaut.
« Vénérable ! Kozana Fraya s'est échappée ! »
Cette annonce abat leur chef et l'ancien guerrier de Kigen. L'un des deux intervenants tend l'objet ayant servi à sa fuite. Lorsqu'il remarque ce que c'est, Ki-Igno laisse aller son aura.
« Dégagez d'ici. » leur ordonne-t-il.
Ils obéissent sans broncher. Le chef Kiyuza se retourne, le regard rempli de haine, vers Kenshiro.
« Je te préviens... Si je découvre que tu es celui qui lui a mis cette connerie dans la tête, je te tue immédiatement, c'est compris ?! »
Aucune réponse. Le père de Fraya se retire, ne remarquant pas que le Shirenai le suit avec précaution. Sa cible rejoint son bureau. Kenshiro, planqué sur le côté de l'entrée, l'observe discrètement. La pièce tremble sous sa colère. Les fenêtres se brisent simultanément. Le vénérable enclenche un engrenage secret qui dévoile un parchemin tamponné d'un symbole fort ressemblant à celui brandit dans Kigen.
« Conseiller Aritsune, conseiller Daigaku, que l'un de vous me réponde, ici votre ancien supérieur, c'est une urgence. Veuillez me répondre, je vous en prie. »
Son appel choque le Shirenai. Au bout de quelques secondes sans un mot, son écrit brille.
« Vénérable Ki-Igno, ici conseiller Aritsune. Mon collègue est absent. Ça faisait longtemps ! Qu'est-ce que nous pouvons faire pour vous ?
- C'est épouvantable. Je vous annonce que ma fille, Kozana Fraya, a fugué.
- Pardonnez-moi ma franchise. Ce genre de situations n'est pas de notre ressort. Vous connaissez les exigences de l'accord existant entre nos deux organisa[...]
- Elle s'est procuré un de mes écrits dont l'effet est orienté vers le Continent central ! »
Cette information pétrifie Kenshiro sur place.
« Elle est chez vous ! Donc elle est sous votre responsabilité ! Elle devait subir l'épreuve ultime de révélation de son talent ! Elle s'est désistée ! Elle doit être jugée ! Je vous implore d'agir !
- Calmez-vous cher ami. Si ce n'est que ça, nous pouvons effectivement accéder à votre demande. Dois-je en conclure que ce cas de figure nécessite une intervention extérieure ? »
L'étrange réplique du conseiller interpelle l'espion. Il se demande de quoi il parle exactement, craignant le pire pour sa protégée sur le moment.
« Oui. répond Ki-Igno, totalement accablé par les événements.
- Très bien. Afin d'être totalement transparent avec vous, vu le drame qui s'abat sur vous, avec tout le respect que nous vous devons, je vais vous expliquer la procédure que nous devons appliquer.
- Allez-y. Au point où j'en suis, je n'ai plus rien à perdre. Ceci est ma punition.
- Qu'avez-vous fait de si déplorable ?
- J'ai intégré l'un de vos soldats.
- En effet. Notre si chère Faironne doit être furieuse envers vous. »
Cette vérité cinglante lui coupe l'envie d'ajouter quoique ce soit sur le moment.
« Pour en revenir à notre action, il y a quelques jours à peine, nous avons reçu un message provenant du Nord. On nous a communiqué une candidature prometteuse au poste de mercenaire. Un être très talentueux selon les témoignages. Selon le Code régi ici, un élémentaliste provenant de l'extérieur ne peut intégrer Kigen qu'à une seule condition : réussir une mission de haute importance. Le cas que vous nous présentez remplit ce critère. Nous vous proposons, selon les pouvoirs qui nous sont conférés, de recruter cet être afin de retrouver votre fille. Un détail me chiffonne dans tout ça. Elle a réussi à se téléporter. Avait-elle éveillé son talent ?
- Non.
- Dans ce cas, nous sommes obligés de vous préciser quelque chose. Bien que les informations que vous nous délivrez semblent contradictoires entre elles, nous devons considérer que la cible peut présenter un danger. Nous inscrirons une remarque importante dans l'intitulé de la mission. En cas de refus d'obtempérer, le chargé de mission sera dans l'obligation d'abattre la cible. »
Ce détail important plante un dernier clou dans l'angoisse présente chez Kenshiro. Quelques secondes d'un autre profond silence envahissent l'atmosphère.
« Allez-y. »
C'est à ce moment précis que l'ancien mercenaire décide de quitter les lieux, les poings serrés, témoignant sa gigantesque frustration.
« Très bien. Nous ferons en sorte de satisfaire votre demande dans les plus brefs délais. Nous vous remercions de votre appel. Kigen vous salue. »
Le parchemin cesse de briller. Une pluie soudaine s'abat dehors. Le père, à bout, vient se mettre à genoux devant la statue et joint les mains, pleurant toutes les larmes de son corps. Quelques jours plus tard, sur la côte Nord du Continent Central, une barque vient s'amarrer. Un Shirenai, portant une longue et lourde cape à capuche, aux épaulettes couvertes de fourrure, en descend. Le guerrier dépêché par les conseillers pour répondre à l'appel du chef Kiyuza s'en va, silencieux.