« C… Chef Kobayashi ? Qu'est-ce que vous faites ici ? »
Elle le regardait vraiment comme s'il venait de la prendre la main dans le sac. Mais il était aussi un peu fautif, pour avoir écouté aux portes. Sa curiosité avait eu le meilleur de lui-même.
Ça ne voulait pas dire pour autant qu'il allait se laisser marcher dessus.
« Je n'ai pas à me justifier auprès d'une subalterne. » Répondit-il sèchement.
Il s'avança lentement dans la cage d'escaliers, faisant reculer la jeune femme devant lui, et laissant la porte se refermer silencieusement derrière eux.
Les yeux gris de la jeune femme continuaient de trembler, comme si elle avait peur de quelque chose. Ou plus précisément, de lui. Et ce genre de réaction l'énervait au plus haut point. Il ne lui avait encore rien fait, et elle était déjà effrayée.
« Vous semblez avoir quelque chose à vous reprocher, Shinohara-san... » Dit Shinsuke, tout en continuant à la fixer sévèrement de ses yeux marrons. Il plissa un peu plus des yeux à cause de l'attitude énervante de la jeune femme.
Avait-elle peur qu'il ait entendu sa discussion téléphonique ? Ou avait-elle tout simplement peur de son attitude intimidante ?
« N-non Chef ! » Répondit la jeune femme, tout en détournant le regard.
Ah, elle cachait définitivement quelque chose. Il le sentait, rien qu'au fait qu'elle évite son regard. Est-ce qu'il avait déjà mis le doigt sur un sujet intéressant ?
« Vous semblez également fatiguée, malgré le fait que ce soit votre premier jour, » observa-t-il.
Cette remarque fit réagir la jeune femme, qui porta à nouveau son regard sur lui. Elle leva même ses mains devant elle, comme pour le tenir à l'écart.
« Ah, non ! Ce n'est rien Chef ! » Se confondit-elle en excuses. « C'est juste que c'est mon premier jour, et que tout est nouveau pour moi ! »
Elle souriait maladroitement, comme pour se rassurer elle-même que ce qu'elle disait était la vérité. Shinsuke eut la désagréable impression qu'elle cherchait à éviter le sujet. Ce qui le conforta dans le fait qu'il était sur la bonne voie, et qu'elle cachait définitivement quelque chose.
« Vous devriez éviter de sortir faire la fête la veille d'un jour important comme celui-ci, » se moqua-t-il.
Allez, montre-moi que tu te souviens de la veille. Même un peu. Et tu vas voir à quel point je peux être terrifiant. Pensa-t-il.
« Ah, ce n'est vraiment pas ça, Chef! » Répondit-elle en agitant à nouveau ses mains devant elle. Elle semblait même embarrassée et gênée par ce qu'elle était en train de dire. « J'ai plutôt tendance à rapidement être fatiguée et à m'endormir quand je suis stressée ! »
Tch. Elle évitait vraiment le sujet, là. C'était une experte de l'esquive, ou quoi ?
« Vous devriez éviter de faire des choses stressantes, dans ce cas. Et si ce travail est trop stressant pour vous, vous devriez tout simplement démissionner. » Dit-il avec un regard agressif.
Peut-être que la menacer allait éventuellement la pousser à se confondre en excuses.
« Le travail n'est pas trop stressant pour l'instant... » Pensa à voix haute Hana. « Mais je ferai en sorte qu'il ne le devienne pas plus, et que ça n'impacte pas mes performances ! »
Non, encore une fois, ce n'est pas ce qu'il avait voulu dire par là. Elle avait compris que ce qu'elle avait voulu comprendre, sans voir ses intentions dans ses paroles ou son attitude.
Mais Shinsuke était également entêté, et n'allait pas s'arrêter là. Il allait lui faire cracher le morceau, à propos d'hier soir. Quitte à se montrer encore plus comme un enfoiré.
« Non, je veux dire pas là, que vous devriez faire attention en sortant le soir, » Continua Shinsuke avec un sourire mauvais. « Vous êtes le genre de femme qui n'est clairement pas à l'abri de détraqués, surtout si vous vous habillez en tenue légère. »
La rabaisser allait sûrement la vexer et la pousser à réagir, n'est-ce pas ?
Mais sa remarque n'eut pas l'effet escompté.
La jeune femme détourna le regard, visiblement embarrassée, et rougissant légèrement - notamment au niveau des oreilles - et sourit. Ça aurait pu être mignon aux yeux de Shinsuke, si elle n'avait pas été une aussi mauvaise rencontre la veille. Notamment pour ses cheveux et son dos, mais aussi son égo.
« Ah, c'est gentil de vous inquiéter pour moi, Chef Kobayashi... » Dit-elle timidement d'une voix ravie.
Ah, qu'est-ce qu'elle allait imaginer maintenant ? C'était pas ce qu'il voulait dire par là. Pas du tout !
Ça commençait à le fatiguer là.
« Enfin… Vous devriez éviter de faire des folies, et aussi d'embarquer les autres dans les ennuis ! » Grogna Shinsuke, frustré.
« Ah, je suis quelqu'un de très raisonnable, Chef ! Mais ne vous en faites pas, je suis quelqu'un de très fiable ! » Sourit Hana.
Ah, là il avait l'impression d'être un lanceur dont toutes les balles étaient systématiquement frappées et renvoyées par le batteur.
Elle arrivait vraiment à esquiver ses questions comme une vraie pro.
« Et vous avez l'air du genre de femme à s'accrocher à un type toute la soirée ! » S'énerva-t-il en faisant un pas de plus vers elle. « Du genre, à vous accrocher à lui cooooomme ça, et à lui arracher les cheveux ! »
Il joignit le geste à la parole, et croisa ses bras sur son torse comme s'il se faisait un câlin à lui-même, avant finalement mettre ses mains dans ses cheveux pour les décoiffer.
« Vous avez une imagination débordante, Chef ! » S'étonna Hana, interloquée. Elle avait du mal à croire ce qu'elle venait d'entendre. « Mais vraiment, vous n'avez pas à vous en faire pour moi. Je suis quelqu'un de raisonnable ! »
Puis, comme si elle venait de réaliser quelque chose, elle ajouta avec un petit sourire:
« Je sais que ce n'est pas ma place de dire cela, Chef Kobayashi, mais vous devriez aussi faire attention à vous quand vous sortez le soir. »
Home Run.
Elle avait renvoyé sa balle tellement loin qu'il ne pouvait même plus espérer la rattraper.
Non, à ce stade là, ce n'était pas qu'elle comprenait encore de travers. Elle le faisait exprès ? Est-ce qu'elle se moquait ouvertement de lui en faisant ça ?
Il ne pouvait clairement pas se douter de ce qu'Hana voulait vraiment dire par là, et était de toute façon trop aveuglé par son envie de vengeance qu'il n'aurait même pas pu y penser.
La jeune femme avait continué à lui retourner arguments sur arguments, ce qui l'avait exaspéré au plus haut point.
Cette fois, ça allait vraiment barder.
« Non, écoutez… » Commença-t-il en haussant le ton.
Il n'eut pas le temps d'en ajouter plus, qu'il fut interrompu par la porte derrière lui s'ouvrant en grand.
« Oh, Shinsuke ! » S'exclama Saizo. « On va aller au resto à côté de la station de métro, tu viens ? »
Génial. Pile quand il allait se mettre à crier sur la jeune recrue. Décidément Saizo avait le chic pour interrompre à chaque fois au pire moment.
« Oh, mais qui avons-nous là ? » S'étonna alors Saizo en souriant. « Vous êtes Shinohara-san, n'est-ce pas ? »
Récupérant de l'effet de surprise causé par la soudaine irruption, Hana s'inclina légèrement en avant pour saluer le nouvel arrivant.
« E-Enchanté de vous connaître ! Je suis Shinohara Hana, et je vais être interne pendant un an pour la Section Financière ! » Dit-elle encore une fois à la limite du cri.
« Hé bien, hé bien. Je vois que vous semblez être enthousiaste ! » Sourit tendrement Saizo. « Je suis Ogawa Saizo, Chef Adjoint de la Section Financière ! »
Cela sembla faire réfléchir un instant Hana, qui semblait rassembler les pièces d'un puzzle invisible dans son esprit.
« Donc… Vous êtes juste en dessous du Chef Kobayashi dans la hiérarchie, c'est ça ? » Demanda-t-elle.
« C'est tout à fait ça, Shinohara-san ! » Continua de sourire Saizo. « À présent, si vous voulez bien nous excuser... »
Saizo prit le bras de Shinsuke avec le sien, commençant déjà à entraîner – bras dessus bras dessous - son ami et supérieur direct hors de la cage d'escaliers.
« Hé, lâche-moi » Grogna Shinsuke.
L'attitude familière de Saizo lui tapait sur les nerfs, mais ce dernier n'en avait visiblement rien à faire.
« Surtout prends ton temps pour faire la connaissance de tout le monde, Shinohara-san ! » Lança Saizo, entraînant avec lui Shinsuke.
« Lâche-moi j'te dis ! » S'énerva Shinsuke. Il perdait vraiment le peu de patience qu'il lui restait, là.
« Bon appétit Shinohara-san ! » Dit une dernière fois Saizo, avant que la porte ne se referme à nouveau ; laissant Hana seule sur le pallier des escaliers.
Elle entendit un dernier « Lâche-moi ! » crié depuis derrière la porte, puis le silence revint, comme si rien de tout cela ne s'était produit en premier lieu.
« Qu'est-ce que c'était que ça ? » Se demanda Hana, en murmurant.
l'attitude de son nouveau patron l'avait laissée plus que perplexe. Il avait l'air de beaucoup s'énerver, même pour des petites choses.
Pourtant, malgré tout ce qu'on lui avait dit sur lui…
Le Chef Kobayashi…
« Il est plutôt gentil, en fait. » Dit-elle, pensive.