Kamiru, fraîchement sorti de l'aéroport de Naha, se retrouva face à l'immensité d'Okinawa. Comparé aux montagnes austères d'Hokkaido, ici, tout respirait la légèreté. L'air était chaud, une douce brise salée dansait dans ses cheveux, et le soleil tapait avec une intensité qu'il n'avait jamais ressentie. Okinawa était bien loin de la neige et du froid, et cette simple pensée lui arracha un sourire.
Kamiru (pensées) : Bon sang, c'est un autre monde ici. Pas de neige, pas de montagnes à grimper, juste du sable, de l'eau et des gens qui doivent probablement se foutre des records de descente en ski. Juste… le paradis.
Il avança dans le petit hall de l'aéroport jusqu'à apercevoir son oncle Shoei, un homme d'une quarantaine d'années, un peu bedonnant, vêtu d'un débardeur qui affichait fièrement « Beach Life », avec des lunettes de soleil fumées qui lui donnaient l'air d'un type sorti d'un film d'action bon marché. À côté de lui, une vieille camionnette de couleur délavée qui avait sûrement connu des jours meilleurs.
Kamiru serra la main de Shoei, un peu embarrassé.
Kamiru : « Merci, Oncle Shoei… vraiment. »
Shoei lui décocha un sourire qui dévoila une rangée de dents un peu jaunies.
Shoei : « Mais de rien, gamin ! Allez, monte dans la bête, on va te montrer ce que Naha a dans le ventre ! »
Kamiru (regardant la camionnette avec horreur) : C'est une blague, cette épave ? murmura-t-il.
Shoei hocha la tête, fier comme un coq.
Shoei : « Eh ouais ! C'est pas le dernier modèle, mais ça roule ! » Il tapa le toit de la camionnette, qui émit un sinistre crac.
Kamiru (murmurant) : « Rouler, ouais… ou plutôt prier pour qu'on arrive en un seul morceau. »
Kamiru monta dans la camionnette en priant pour sa survie, et l'engin démarra dans un grondement qui trahissait son âge.
Shoei : « Bien, direction le centre-ville ! »
La fourgonnette cahota sur la route comme un cheval boiteux, chaque secousse faisant grincer l'intérieur. Kamiru s'agrippa à son siège, remarquant soudain que le volant semblait bouger de façon alarmante.
Kamiru : « Tonton… le volant est censé être détaché comme ça ? »
Shoei rigola, haussant les épaules.
Shoei : « Ça tient, c'est tout ce qui compte ! Détends-toi, gamin ! »
Chaque virage semblait une invitation à mourir jeune. À chaque coup de frein, la camionnette émettait un hurlement, et à chaque accélération, un tremblement. Kamiru se retrouvait plaqué contre la portière, s'accrochant pour éviter d'être catapulté à travers le pare-brise.
Kamiru : « Sérieusement, Oncle Shoei, c'est quoi cette… merde ambulante ? »
Shoei sourit, comme si Kamiru venait de le complimenter.
Shoei : « Ah, tu t'y habitueras. Elle a du caractère, cette petite ! »
La scène aurait été cauchemardesque si Kamiru n'avait pas aperçu l'océan qui s'étendait le long de la route. Le bleu infini de la mer, les palmiers bordant la route, les vagues qui venaient caresser la plage… Kamiru resta sans voix.
Shoei : « Pas mal, hein ? T'es plus sur ton tas de neige ici, gamin ! »
Kamiru (soupirant) : « Ça change, ouais. »
Kamiru continuait de fixer la mer à travers la vitre, essayant de calmer ses nerfs après les premières secousses de cette « balade » infernale. Son oncle Shoei semblait ne pas remarquer ses réactions et ne cessait de lancer des regards pleins de fierté en direction du paysage, sans prêter attention à la route.
Shoei : « Bon, petit, parlons peu, parlons bien ! Je te laisse emménager dans ma piaule et tout, donc autant te prévenir tout de suite : je tiens un bar ici, le Splash, c'est l'endroit où tous les costauds du coin viennent fêter leurs records. Les nageurs, les surfeurs, les plongeurs… et on peut dire que j'en ai vu des trucs ! »
Kamiru : « Sérieux, un bar sportif ? Ça doit être… intense. Et pourquoi ça s'appelle Splash ? »
Shoei sourit de plus belle.
Shoei : « Splash, comme dans le son que tu fais quand tu tombes de ton surf ! La devise, c'est : "Boire, rire, et recommencer demain en espérant ne pas se souvenir d'aujourd'hui !" Tu verras, c'est un petit coin de paradis pour les sportifs, les fêtards… bref, les vrais ! »
Kamiru (rétorquant) : « Les vrais… ou les dégénérés, quoi. »
Shoei lui lança un regard moqueur.
Shoei : « Oh, doucement, "petite-bite". Dis donc, avec ton air de pingouin coincé, t'aurais bien besoin de te décoincer ! »
Kamiru le fusilla du regard.
Kamiru : « Tu te prends pour qui, "Tonton-Bof" ? Peut-être que j'ai pas besoin de beugler en caleçon au milieu d'un bar pour prouver que j'ai des tripes ! »
Shoei éclata d'un rire tonitruant.
Shoei : « C'est ça, continue de parler, p'tit morveux ! Mais dis-moi, gamin, pourquoi t'as quitté ta station de ski ? T'es venu ici pour échapper à la neige, ou t'espères secrètement devenir un vrai homme ? »
Kamiru soupira, un peu agacé.
Kamiru : « Je suis venu pour les études. C'est tout. À Hokkaido, j'étais entouré de champions de ski, et j'étais… enfin, disons que c'est pas mon truc. Ici, j'ai l'espoir de me concentrer, de travailler au calme. Loin de tous les fous et les cris. »
Shoei : « Donc, en résumé, t'es juste venu pour fuir la neige… et papa-maman ? » dit-il avec un sourire provocateur. « Avoue que tu t'es fait bolosser là-bas ! »
Kamiru : « "Bolosser" ? Sérieusement, t'es resté coincé en 2005, ou quoi ? Et puis, si on veut parler de coincés, t'as vu ta camionnette, là ? C'est une vraie ruine, même une luge sur une piste de verglas lancée à pleine vitesse et moins dangereuse ! »
Shoei leva les yeux au ciel en riant.
Shoei : « Eh, gamin, la camionnette et moi, on se connaît depuis des années ! Elle me lâchera pas. C'est comme une vieille copine : elle grince, elle tremble, mais elle te laisse jamais tomber. »
Kamiru : « Bah, elle grince tellement fort que j'ai cru qu'on allait se décrocher la tête. »
Les deux continuèrent leur joute verbale pendant le reste du trajet, se lançant piques et insultes à tour de rôle. Shoei riait de plus en plus, et même Kamiru finit par se dérider un peu. Malgré l'atmosphère tendue, il devait bien admettre qu'il y avait un certain plaisir à ne pas se sentir jugé, même si son oncle restait un "beauf de compétition".
Ils finirent par arriver devant un bâtiment coloré et accueillant, au bord de la plage. Le Splash était un bar au style tropical, avec une large terrasse qui surplombe l'océan, des parasols colorés, des planches de surf accrochées aux murs, et des guirlandes lumineuses.
Shoei : « Tadaaa ! Voilà le Splash! Un petit bijou, hein ? »
Kamiru resta silencieux, impressionné par le charme du lieu, même si l'extérieur du bâtiment trahissait les années et l'usage intensif qu'il avait connu.
Shoei ouvrit la porte et fit signe à Kamiru d'entrer. L'intérieur était tout aussi vivant, avec des banquettes en rotin, un grand bar en bois couvert de souvenirs de plage et de photos dédicacées de sportifs locaux. Des affiches de compétitions de surf et de plongée, des trophées, et même quelques coquillages et coraux en guise de décoration parsemaient les murs.
Kamiru (en scrutant autour de lui) : Ça fait un peu bazar, mais y'a un truc cool… ça doit être sympa pour eux de venir se retrouver ici après les entraînements.
Shoei attrapa une grande chope de bière accrochée au mur et la brandit en riant.
Shoei : « Ça, c'est la fameuse "Chope du Vainqueur" ! Si tu finis un défi de ouf ici, tu la gagnes pour la soirée ! Bon, je la sors jamais, mais pour toi… je la montrerai aux autres et on te fêtera ! »
Kamiru leva les yeux au ciel, mais il souriait malgré lui. C'était kitsch et bruyant, mais étrangement chaleureux.
Shoei guida ensuite Kamiru vers une petite pièce à l'étage.
Shoei : « Voici ta piaule ! Elle donne sur la plage, avec une vue imprenable. J'ai fait de la place pour que tu t'installes. »
Kamiru entra dans la chambre et posa ses affaires. La chambre était modeste, mais propre, et la vue par la fenêtre était splendide, donnant directement sur l'océan. Le soleil couchant baignait la pièce d'une lumière dorée.
Kamiru (pensées) : Bon, au moins, la vue rattrape le reste… On dirait que je vais survivre ici. Pour l'instant.
Il rangea ses affaires, s'allongea sur le lit, écoutant les vagues au loin, et finit par s'endormir paisiblement.
Et, sans s'en rendre compte, il s'endormit presque aussitôt.
Quelques heures plus tard, il ouvrit péniblement les yeux, perturbé par des bruits étranges. Il aperçut une silhouette… son oncle. Dans sa chambre. Nu. En train de passer un chiffon sur les meubles.
Kamiru (terrifié) : « MAIS QU'EST-CE QUE TU FOUTS, TONTON ?! »
Shoei se retourna nonchalamment, comme si de rien n'était.
Shoei : « Bah, je fais le ménage, gamin ! C'est toujours mieux quand t'es à l'aise . Détends-toi, tu t'y feras ! »
Kamiru se recroquevilla sous les couvertures, priant pour que cette scène n'ait jamais eu lieu, tandis que Shoei continuait à épousseter en sifflotant un air joyeux.
Kamiru (pensées) : Mais c'est quoi ce bordel… Okinawa, tu viens officiellement de te transformer en terre de fou !
Kamiru soupira, réalisant que sa nouvelle vie allait être… pleine de surprises.