Chapter 4 - Le tourbillon Yuko

La matinée s'étire paresseusement sous un ciel d'un bleu éclatant, strié de quelques nuages blancs flottant mollement au-dessus de la ville. Kamiru Takahashi observe le paysage qui défile autour de lui depuis l'arrière du vieux scooter de Shoei, le vent réveillant ses sens. Ce moment aurait pu être paisible, presque apaisant, si le véhicule de son oncle ne produisait pas un vacarme épouvantable — une mélodie grinçante de moteur mal huilé, à laquelle s'ajoutaient les ricanements de Shoei.

— Allez, Kamiru ! Crie à tout le monde que le génie d'Hokkaido est là ! plaisante Shoei en jetant un coup d'œil à son cousin, qui s'agrippe à lui pour éviter de tomber. Ça mettra un peu d'ambiance !

Kamiru, rouge de honte, baisse la tête. Il préférerait disparaître plutôt que d'attirer plus d'attention. Mais son supplice atteint son apogée lorsqu'ils arrivent enfin devant les grandes grilles du lycée Takahashi, un bâtiment moderne aux lignes épurées et à l'architecture lumineuse. Shoei coupe brusquement le moteur et, dans un geste théâtral, il crie à pleine voix :

— Voilà le petit génie d'Hokkaido ! Faites-lui une ovation !

Un silence s'abat sur l'entrée. Tous les regards se tournent vers eux, et une vague de murmures amusés s'élève. Kamiru sent la chaleur lui monter aux joues alors qu'un attroupement se forme, les élèves chuchotant et ricanant devant cette entrée peu commune. Shoei, visiblement ravi de son effet, redémarre son scooter dans un concert de pétards et s'éloigne en saluant joyeusement.

Kamiru inspire profondément et se glisse parmi les élèves, espérant se fondre dans la masse. Malheureusement, sa première rencontre avec son professeur principal, Monsieur Tanaka, le ramène immédiatement au centre de l'attention. Tanaka est un personnage impossible à ignorer : grand, filiforme, et vêtu d'un costume jaune fluo qui semble réfléchir la lumière. Sa cravate zébrée et ses sandales en cuir viennent parfaire ce tableau excentrique. Kamiru a du mal à croire que cet homme soit enseignant.

— Ah, Takahashi Kamiru, c'est ça ? Le génie venu d'Hokkaido ! Parfait, parfait ! annonce Tanaka en tapant joyeusement des mains. Je savais que cette année serait exceptionnelle !

Avant que Kamiru ne puisse dire quoi que ce soit, Tanaka se tourne vers la classe et lance avec emphase :

— Mes chers élèves, voici votre nouveau président de classe !

— Quoi ?! Mais attendez, je…

— Pas de protestation, jeune homme ! coupe Tanaka en posant une main sur l'épaule de Kamiru. Un cerveau comme le tien est exactement ce dont cette classe a besoin pour rayonner !

Sous les applaudissements et les encouragements moqueurs de ses camarades, Kamiru se résigne. Il rêve déjà d'un retour immédiat à Hokkaido.

C'est alors qu'une nouvelle tornade humaine entre en scène : Yuko Hanazawa. Tout dans son entrée crie "excentrique". Sur des rollers fluos ornés de rubans, elle traverse la classe en poussant un cri victorieux, brandissant des serpentins qu'elle lance dans les airs.

— Attention, monde cruel ! Yuko Hanazawa est arrivée !

Les élèves rient ou soupirent — apparemment habitués à ses frasques. Yuko, une fille de taille moyenne avec des cheveux teints en violet et coiffés en une queue de cheval asymétrique, est connue pour sa personnalité explosive. Ses lunettes rondes, qu'elle ajuste en fixant Kamiru, lui donnent une allure de scientifique folle.

Elle s'arrête brusquement devant lui, le dévisage et proclame avec un ton dramatique :

— Toi ! Le nouveau président de classe… Parfait ! Tu es exactement la pièce manquante pour mon projet !

— Ton… projet ? demande Kamiru, un peu effrayé.

Yuko attrape une craie et commence à dessiner frénétiquement sur le tableau, un schéma qu'elle nomme "Opération Renaissance Takahashi". Kamiru reste figé alors qu'elle explique avec un enthousiasme débordant :

— Nous allons transformer ce lycée en un lieu où règnent la créativité, la folie et… les crêpes. Oui, des crêpes gratuites à chaque pause ! Et des concours hebdomadaires de talents absurdes…"

Kamiru tente de protester, mais Yuko l'ignore.

— Avant tout, il faut que tu fasses tes preuves ! Un défi s'impose !

Les élèves hurlent d'enthousiasme alors que Yuko organise un concours absurde : jonglage de ballons, écriture de haïku sur le thème des aliens et une dégustation de smoothies faits maison. Kamiru, malgré lui, participe et parvient à réussir les épreuves.

La journée continue dans cet esprit chaotique, ponctuée par l'apparition de Shoei dans la cantine, distribuant des flyers pour le Splash, ajoutant à la confusion.

Le chapitre se termine sur le toit, où Kamiru espère trouver un peu de calme. Yuko, bien sûr, le rejoint avec un carnet rempli de nouveaux plans.

— On commence demain, Kamiru ! Prépare-toi, le chaos ne fait que commencer !

Kamiru, résigné, soupire en contemplant l'horizon.

Le vent qui souffle sur le toit semble rafraîchir ses pensées, mais il n'arrive pas à se débarrasser de l'impression que cette journée n'était qu'un prélude à une série d'événements encore plus absurdes. Yuko, qui l'accompagne toujours, ne semble pas comprendre la notion de calme. Elle agite son carnet devant lui, les yeux brillants d'une excitation dévorante, tandis que Kamiru se perd dans le paysage urbain qui s'étend devant eux, les toits des immeubles se dressant comme des vagues figées dans le temps.

— Kamiru, écoute-moi bien, lance Yuko, sa voix perçant le silence comme une cloche. J'ai de grands projets pour cette année, tu vas voir, c'est une année où rien ne va rester pareil !

Kamiru, bien que son esprit soit empli de doutes et de fatigue, laisse échapper un sourire nerveux. Comment une année scolaire aussi chaotique pourrait-elle être différente de ce qu'il avait imaginé ? Ce lycée, un monde à part, semblait fait de contradictions et de surprises, et il n'était même pas sûr de pouvoir y trouver sa place. Mais Yuko avait une manière de l'entraîner dans ses projets qui ne laissait guère de place à la réflexion, et il se retrouvait déjà à accepter des défis qu'il n'aurait jamais envisagés dans ses rêves les plus fous.

À l'intérieur de lui, une guerre silencieuse faisait rage. Kamiru était un garçon réfléchi, presque introverti, souvent plongé dans ses livres et ses idées. Le bruit, la folie, l'anarchie de cette école lui étaient étrangers. Mais il savait au fond de lui que cette aventure, aussi déroutante soit-elle, pourrait l'amener à se découvrir sous un jour nouveau. Peut-être que ce chaos qu'il redoutait finirait par lui apprendre quelque chose de précieux, quelque chose qu'il ne pourrait pas obtenir en restant enfermé dans sa routine et ses habitudes.

Il tourne son regard vers Yuko, dont l'enthousiasme semble inépuisable. Elle n'a aucun souci de l'opinion des autres, et c'est peut-être cela qui la rend si attachante et... épuisante à la fois. Ses yeux brillent d'une énergie presque irréelle, et Kamiru se demande comment elle fait pour maintenir un tel rythme. Ses idées, aussi farfelues soient elles, prennent vie dans son esprit avec une clarté incroyable. Elle croit fermement que tout peut être réinventé, transformé, même le quotidien le plus banal.

— Kamiru, tu vas voir, on va rendre ce lycée unique en son genre, avec des projets créatifs, des événements à n'en plus finir, et des crêpes gratuites pour tout le monde ! Ce n'est qu'un début !

Kamiru secoue la tête, un sourire malgré lui se dessine sur son visage. Il s'apprêtait à répondre, quand il entend un bruit aigre, puis une éclatante explosion de rires. Shoei, fidèle à lui-même, venait de débarquer en haut du toit, un immense sourire sur son visage, et un flyer du Splash dans la main. Il s'était apparemment amusé à distribuer des tracts dans toute l'école, récoltant les regards amusés et les murmures des élèves.

— Kamiru ! Yuko ! Vous êtes là ! Il faut absolument que vous veniez ce soir ! Le Splash va être épique ! » déclare Shoei avec enthousiasme. Vous allez voir, ce sera le plus grand événement de l'année !

Kamiru soupire en se laissant tomber sur un banc du toit, le regard perdu dans les nuages ​​qui flottent paresseusement au-dessus de lui. Shoei, Yuko, et ce lycée qui ne rappelle à rien qu'il connaît. Il n'avait jamais envisagé une rentrée aussi folle. Mais au fond de lui, une petite voix, aussi timide qu'incertaine, commençait à se faire entendre : peut-être que ce chaos n'était pas si mal, après tout. Peut-être qu'il pourrait y trouver sa place, même si cette place semblait encore floue et incertaine.

Yuko, qui avait perçu son hésitation, s'assoit à côté de lui, son regard toujours aussi pétillant.

— Kamiru, tu sais, parfois il faut juste se laisser emporter. La vie, c'est pas un long fleuve tranquille. C'est comme des montagnes russes. Et toi, mon cher génie, tu es à l'avant du train. Alors accroche toi, ça va secouer !

Kamiru sourit faiblement, son esprit déjà envahi par les pensées confuses de cette journée qui semblait ne jamais vouloir finir. Mais à cet instant précis, sur ce toit, au milieu du tumulte qui semblait gouverner ce lycée, il commençait à se dire qu'il pourrait peut-être laisser tomber un peu de ses inhibitions, et accepter que, parfois, le chaos pouvait aussi être un terrain fertile pour la découverte.

La journée, pour Kamiru, ne faisait que commencer.