Kamiru n'a pas le temps de se remettre de l'ambiance étrange qui règne au lycée qu'il est déjà dirigé vers son premier cours d'anglais. Lorsqu'il pousse la porte de la salle, une atmosphère d'anarchie totale s'empare de lui. Des élèves s'agitent dans tous les sens, jetant des balles de ping-pong dans la pièce, criant des répliques d'anciens films américains et chantant à tue-tête des chansons qu'il n'a jamais entendues. Le professeur, un certain M. Hasegawa , ne semble absolument pas dérangé par ce tumulte. Il est en train de lire un magazine en buvant un smoothie, complètement déconnecté de la réalité.
Kamiru se fige sur le seuil de la porte, cherchant désespérément un endroit où il pourrait se glisser sans être vu. Mais son regard se pose sur M. Hasegawa, qui, d'un air totalement décontracté, lève enfin les yeux vers lui, un sourire amusé aux lèvres.
— Ah, Takahashi Kamiru, je suppose que c'est de toi dont tout le monde parle ! Bienvenue au royaume de la folie ! Si vous voulez survivre ici, vous devrez lâcher prise ! annonce-t-il avec un enthousiasme débordant, tout en se levant pour saluer Kamiru d'un geste exagéré, presque théâtral.
Kamiru se retrouve embarqué dans ce tourbillon sans même savoir comment réagir. Mr. Hasegawa jette son magazine en l'air, attrape une chaise, et se précipite vers le tableau en trébuchant, tout en hurlant :
— Aujourd'hui, nous apprenons à commander une pizza en anglais !
Un silence s'installe un instant. Puis, M. Hasegawa, avec un grand sourire, écrit sur le tableau : « Comment commander une pizza en anglais ». Le cours, pourtant d'apparence anodine, se transforme en une série de mises en scène improbables où les élèves doivent jouer des rôles. Kamiru, bien que totalement perdu, se voit attribuer le rôle du livreur de pizza.
— Kamiru, tu seras the livreur ! Offrez-nous une livraison digne de ce nom ! crie M. Hasegawa, en balançant un carton de pizza en direction de Kamiru, qui, instinctivement, l'attrape dans les airs.
Le reste de la classe se lance dans des scènes de "commandes de pizzas" complètement absurdes : des clients qui exigent des pizzas avec des ingrédients farfelus, des disputes entre livreurs et clients, et même un numéro de danse impromptu pendant lequel M. Hasegawa mime une pizza géante.
— Excusez-moi, livreur , j'ai commandé une pizza avec de l'ananas et du chocolat en plus , mais où est mon thon épicé ? crie une élève, qui joue le rôle du client.
Un autre élève, jouant un autre livreur, se précipite pour corriger le "problème", mais se prend une autre pizza en pleine figure alors qu'il essaie de plaider sa cause.
- Non! J'ai dit NON à l'ananas ! Ce n'est pas ce que je voulais ! C'est un scandale ! lance un autre élève, brandissant une boîte de pizza comme une arme, en colère contre son livreur, qui ne cesse de se justifier dans un anglais approximatif.
Kamiru, complètement perdu dans ce chaos, regarde autour de lui et se rend compte qu'il n'a aucune idée de ce qu'il doit faire. La situation devient de plus en plus absurde. M. Hasegawa, sans se laisser perturber, continue de courir autour de la salle, jetant des tranches de pizza à tout-va et lançant des répliques dans un anglais totalement incompréhensible, comme si chaque mot devait être une nouvelle scène de théâtre improvisée.
— Je suis le king of pizza , personne ne peut m'arrêter ! C'est moi qui fais la loi ici !
Kamiru se force à entrer dans le jeu. Il prend une grande inspiration et se dirige vers un groupe d'élèves qui attend leur commande. En se baissant, il trébuche sur un sac de cours qui se trouvait par terre, et la boîte de pizza qu'il tenait se renverse dans un fracas assourdissant.
— Ah non ! Catastrophe des pizzas ! s'exclame M. Hasegawa, éclatant de rire alors qu'il s'efforce de garder son sérieux. Comment as-tu pu gâcher this beautifull pizza ?!
Les élèves éclatent de rire tandis que Kamiru, plus gêné que jamais, ramasse les morceaux de pizza. Il ne sait pas s'il doit pleurer ou rire avec eux. Mais finalement, il se laisse emporter par l'ambiance et se prend au jeu. Il se relève et lance, d'un ton faussement dramatique :
— Désolé, plus de pizza pour toi. The pizza est morte !
Un dernier éclat de rire général secoue la classe. Et c'est dans cette ambiance complètement décalée que la sonnerie retenue enfin. Kamiru, épuisé et légèrement confus, quitte la salle avec une seule pensée : Est-ce que ça, c'est vraiment ce qu'on appelle l'école ?
La journée touche à sa fin, et Kamiru, épuisé par les événements imprévus, cherche désespérément à retrouver un semblant de calme. La cloche sonne, marquant la fin des cours, et la classe se vide en quelques secondes sous les bruits de sacs qui claquent et de bavardages enthousiastes. Kamiru, à moitié assommé par tout ce qui vient de se passer, rassemble ses affaires avec une lenteur exagérée, espérant pouvoir sortir en toute discrétion.
Yuko, cependant, n'a aucune intention de le laisser partir tranquillement. Elle se précipite vers lui, un sourire espiègle sur les lèvres.
— Kamiru ! Tu m'accompagnes au Splash ce soir, c'est une obligation ! Un petit peu de plaisir pour bien finir la journée !
Kamiru hésite, son regard se perdant sur les autres élèves qui quittent la classe en riant. Il n'avait pas prévu de passer une autre minute dans ce tumulte, mais l'idée de se retrouver à l'écart, loin de l'agitation du lycée, le tente à peine. Néanmoins, il a envoyé que refuser à Yuko serait aussi futile que de tenter de stopper un typhon avec une main.
— Bon… d'accord, mais juste pour un moment, je ne veux pas rentrer trop tard, murmure-t-il, conscient que cette soirée risque de prendre une tournure inattendue, comme tout ce qu'il vit depuis son arrivée.
Ils sortent ensemble du bâtiment, et la journée scolaire se termine sur une note bruyante et presque irréelle. Les élèves se croisent dans les couloirs, rient, se bousculent, mais Kamiru n'y prête guère attention. Ses pensées sont ailleurs, en train de tenter de comprendre ce qu'il se passe exactement autour de lui.
Lorsque Kamiru et Yuko arrivent enfin au Splash , le bar local, une atmosphère électrique les enveloppes. Le lieu est bondé, avec des élèves et quelques enseignants qui semblent avoir laissé de côté leur rôle officiel pour se fondre dans la masse de jeunes à la recherche de distractions après une longue journée. La musique électronique pulse dans l'air, tandis que des lumières colorées dansent sur les murs, projetant des ombres mouvantes qui donnent une sensation de mouvement constant.
Yuko l'entraîne vers une table en fond de salle, et Kamiru se laisse guider. Il remarque rapidement que le bar n'est pas seulement un lieu de détente, mais un véritable centre névralgique pour ceux qui veulent faire partie de la scène sociale du lycée. L'agitation est palpable, et Kamiru ressent déjà un malaise croissant. Ce lieu est loin de la tranquillité qu'il espérait.
Les deux prennent place, et Yuko, toute excitée, se précipite pour aller chercher des boissons. Kamiru, lui, observe les autres tableaux, ses yeux tombant sur un groupe d'élèves qui semblent discuter sérieusement. Il n'en reconnaît aucun, mais quelque chose dans leur manière de se comporter tenue son attention. Il remarque un garçon à l'air calme et observateur, Ren , dont les yeux sombres ne quittent pas Kamiru. À ses côtés se trouve une jeune fille aux cheveux argentés, Mika , qui semble plus lointaine mais observe tout ce qui se passe autour d'elle avec une concentration inhabituelle. Enfin, un autre garçon, Taro , semble avoir l'habitude de ce genre de soirées. Son charme souriant et son attitude décontractée contrastent avec l'ambiance sérieuse de ses deux amis.
Ren, sans prévenir, se lève et s'approche de Kamiru. Il s'installe en face de lui, ses yeux analysant chacun de ses mouvements.
— Alors, Kamiru, j'ai beaucoup entendu parler de toi. Tu sembles... différent des autres ici, dit Ren avec un sourire énigmatique.
Kamiru le regarde, légèrement déconcerté. Pourquoi ce garçon s'intéresse-t-il à lui de manière aussi directe ?
— Différent en quoi ? répond Kamiru avec hésitation. Je ne suis qu'un autre étudiant.
Ren sourit d'un air entendu mais ses yeux brillent de curiosité, comme s'il testait quelque chose chez Kamiru.
À ce moment-là, Yuko revient avec des boissons, se lançant dans la conversation avec son exubérance habituelle. Mais Kamiru ne peut se débarrasser du sentiment que quelque chose de plus important est en jeu ici – il ne sait juste pas encore quoi.