Shizuko s'inquiétait d'un certain phénomène naturel qui allait se produire dans quelques jours.
Dans le monde moderne, cela aurait été quelque chose à observer joyeusement avec sa famille, mais à l'époque Sengoku, cela était plutôt vu comme un mauvais présage.
Shizuko avait peur que les villageois en soient effrayés.pa
La Terre, la lune et le soleil… comment est-ce que je pourrais leur expliquer ça ?
L'expliquer serait assez facile, mais les villageois n'avaient pas les connaissances de base nécessaires pour comprendre cette explication.
Par conséquent, elle s'inquiétait de ne pas être capable de calmer leur anxiété en leur disant que ce phénomène était naturel.
D'un autre côté, cet événement allait se produire entre 22h45 et 2h18.
Presque personne ne le remarquerait car à cette époque, une fois le soleil couché, il n'y avait rien à faire à part dormir.
Mais quelqu'un pourrait se réveiller et il risque de voir ça.
Après une longue réflexion, elle décida que si quelqu'un verrait ce phénomène, elle l'expliquerait sous la forme d'un conte de fée.
Elle pensait qu'en l'expliquant sous la forme d'une histoire pour enfants, tout en y ajoutant des faits, elle pourrait calmer l'anxiété.
Après être parvenue à cette conclusion, elle se mit immédiatement à inventer une histoire et à l'écrire sur une planche qu'elle utilisait comme un cahier.
Mme Soleil se cache derrière M. Lune, ou un truc dans le genre.
Pendant que Shizuko écrivait son conte de fées, Aya nettoyait la pièce dans laquelle Shizuko rangeait ses affaires.
Mais la pièce n'était pas vraiment sale car Shizuko était assez méticuleuse du côté de la propreté.
Au mieux, elle avait juste besoin de faire quelques coups de balai.
Aya avait beau avoir été chargée d'enquêter sur les talents de Shizuko, elle devait également veiller sur elle.
On pourrait penser qu'enquêter tout en faisant les tâches ménagères était difficile, mais en réalité, cette méthode était plus pratique.
Après tout, Aya pouvait fouiller dans les affaires de Shizuko autant qu'elle le voulait sous prétexte qu'elle faisait du nettoyage.
Et comme Shizuko n'avait aucune suspicion vis-à-vis d'Aya, elle la laissait faire.
Shizuko occupait principalement trois pièces de sa maison. La première était un débarras, la deuxième était un atelier et la dernière était sa chambre.
Cette maison, qui était plus grande que celle d'un paysan ordinaire, était la récompense de Nobunaga pour les récoltes qu'elle avait offertes au cours des deux années qu'elle avait passées dans ce monde.
Autrefois, c'était une maison ordinaire, mais une clôture, quoique simple, avait été construite autour, le jardin avait été converti en zone de séchage de nourriture, une cabane avait été construite pour Wittmann et sa famille et il y avait assez de pièces pour les compter sur deux mains.
Une aide était devenue inévitablement nécessaire pour s'occuper de cette maison et cela avait servi de prétexte pour envoyer Aya.
Mais les choses ne se passaient pas très bien pour Aya.
Tout d'abord, il y avait toujours deux ou trois loups présents quelque part dans les pièces de Shizuko.
Lorsqu'elle essayait de faire quoi que ce soit sous couvert de nettoyage, ils réagissaient au moindre bruit et entraient dans la pièce.
Elle avait l'impression d'être surveillée, ce qui était le cas.
Mais leur motivation était différente de ce que pensait Aya : ils ne s'intéressaient qu'à la hiérarchie et se demandaient "Que fait cette sous-fifre dans le territoire de la patronne ?".
Il y avait deux choses étranges qu'Aya avait trouvées dans ces circonstances.
La première était une grande boîte fermée par des cordes solides.
L'autre était l'arbalète de taille moyenne que Shizuko utilisait pour la chasse.
La boîte en bois avait été placée dans une pièce régulièrement utilisée par Shizuko, et la maigre force d'Aya lui donnait du mal à l'ouvrir.
Comme les cordes étaient assez serrées, la seule méthode possible pour elle d'ouvrir la boîte était de couper les cordes.
Mais si elle faisait cela, Shizuko saurait qu'elle enquêtait secrètement sur elle.
Aya détermina qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'attendre patiemment une opportunité de voir ce qu'il y avait à l'intérieur.
L'arbalète, en revanche, était extrêmement facile à obtenir.
Elle n'était pas préservée aussi strictement que la boîte et était empilée avec les autres équipements de chasse.
Même lorsqu'elle l'avait tenue dans ses bras en prétextant qu'elle la nettoyait, Shizuko n'avait rien dit.
Elle s'était contentée de la prévenir de la manier avec précaution car c'était une [arme].
Le fait que Shizuko l'avait appelée une [arme] était la raison du vif intérêt d'Aya pour l'arbalète.
Cette structure est complètement inconnue… Shizuko-sama avait appelé ça un arc, mais je n'en ai jamais vu sous cette forme.
Shizuko possédait trois arbalètes différentes.
La première était une arbalète avec une structure très simple, la seconde était la plus grande des trois et avait une corde rigide, et la troisième était une arbalète composite à poulies.
La deuxième arbalète était une version agrandie de la première et elle s'en servait pour chasser le cerf, mais elle avait besoin d'un équipement spécial pour tirer la corde.
Comme elle manquait d'idées, Shizuko consulta le livre de sa sœur et tomba sur l'arbalète à poulies.
Mais ces poulies nécessitaient un niveau de technologie plus élevé que les équipements dédiés.
Avec l'aide de Kinzō, elle avait commencé par fabriquer de l'équipement d'artisanat spécial.
Après de nombreux essais, ils étaient parvenus à fabriquer les poulies, mais comme ils se servaient d'un moulin à eau, le temps de fabrication dépendait du débit de la rivière.
Dans de bonnes conditions, il leur fallait environ trois mois pour fabriquer un seul système de poulie, mais si le débit de la rivière était lent, cela pourrait prendre près de cinq mois.
Ils pouvaient produire une vingtaine de poulies en parallèle, mais il fallait quand même énormément de temps pour fabriquer une seule pièce.
Par conséquent, ils avaient fabriqué et stocké plusieurs pièces de rechange.
De plus, il ne fallait pas juste faire un système de poulies, il avait fallu concevoir la crosse de façon à ce que le tremblement de la visée soit réduit, la gâchette a été faite avec des métaux précieux, une corde d'armement auxiliaire était nécessaire, une bandoulière en peau de cerf a été ajoutée pour qu'elle puisse être transportée et de nombreuses autres petites améliorations avaient été incorporées.
Elle n'avait rien pour mesurer sa puissance, mais Shizuko avait estimé que sa puissance faisait entre 150 et 185 lb (68,04 – 83,91 kg).
Shizuko ne se souciait pas vraiment du chiffre exact car son seul critère était qu'elle soit capable d'abattre facilement un cerf.
Naturellement, le troisième modèle d'arbalète était facile à bander et permettait de tirer avec une posture stable, facilitant la chasse.
Comme la corde d'armement était auxiliaire, elle n'avait généralement pas besoin de l'utiliser et se contentait de la transporter.
Lorsqu'Aya avait vu cette arbalète d'une technologie de pointe, elle avait immédiatement ressenti le besoin d'en parler à Nobunaga.
C'était son devoir de signaler l'existence de ce genre de choses étranges, mais cette arbalète était beaucoup trop étrange.
Shizuko n'avait pas parlé de cette arbalète dans ses rapports car elle savait qu'elle était inférieure aux arquebuses dans tous les domaines et ne servait qu'à la chasse.
Peu importe combien de coups étaient tirés, malgré la vitesse initiale et le taux de pénétration élevés, les carreaux d'une arbalète étaient plus courts que les flèches d'un arc long japonais, réduisant leur portée à 50-70 mètres, ce qui était assez court.
L'Histoire avait prouvé qu'il était plus efficace d'équiper des soldats avec des arquebuses qu'avec des arbalètes.
Mais Aya n'avait pas cette connaissance.
… Le problème, c'est comment la livrer à Mori-sama.
Aya réfléchit en regardant l'arbalète composite.
Il n'y avait que trois arbalètes, alors s'il en manquait une, Shizuko le remarquerait immédiatement.
Et comme Aya était la personne chargée de faire le ménage, elle serait la première suspectée.
Aya réfléchit sans parvenir à trouver une solution, mais le problème fut résolu étonnement facilement.
"Hein ? Tu veux emprunter une arbalète ? Vas-y."
Elle avait essayé de demander sans réelle attente, et elle avait reçu la permission assez facilement.
Elle avait reçu la permission si facilement qu'elle en fut bouche bée.
"Il n'y a pas de sécurité dessus, alors fais attention quand tu la tiens. Mais bon, je t'ai montré comment on s'en sert, alors ça devrait aller."
Après avoir dit cela, Shizuko se tourna vers son bureau et se remit au travail.
Ne voulant pas aigrir son humeur en la dérangeant, Aya s'inclina et quitta la pièce.
Peu de temps après, Aya appela un messager de Mori Yoshinari et lui remit une lettre.
Le contenu était bref :
[Shizuko-dono possède une arme qui semble être d'origine Nanban.]
***
Le 27 octobre, Aya remit personnellement l'arbalète à poulies à Mori Yoshinari, puis ils allèrent voir Nobunaga.
Normalement, la position d'Aya l'aurait rendue incapable d'avoir une audience avec Nobunaga, mais l'objet en question était beaucoup trop étrange pour que Yoshinari puisse le décrire, alors il avait emmené Aya qui avait vu son utilisation de près.
Une fois les formalités terminées, Yoshinari montra immédiatement l'arbalète à Nobunaga.
"… C'est censé être un arc ?"
Nobunaga posa cette question en fronçant les sourcils.
Les arbalètes et armes similaires avaient existé au Japon, mais avec la formation de la caste des guerriers et l'augmentation des conflits à petite échelle, ces armes avaient progressivement disparu car elles nécessitaient beaucoup d'entretien et ne parvenaient pas à apporter beaucoup d'exploits militaires.
La période exacte est inconnue, mais on dit que durant la période Muromachi, plus aucun artisan ne savait fabriquer d'arbalètes.
À la place, les armures légères et les arcs faciles à entretenir étaient devenus la nouvelle tendance.
Et lorsque les armées s'étaient remises à utiliser des immenses groupes de soldats, principalement de l'infanterie, les arcs longs avaient déjà été améliorés pour les attaques à distance, faisant que personne n'avait pensé aux arbalètes.
Nobunaga prit l'arbalète dans ses mains.
Puis il observa soigneusement sa structure comme s'il manipulait un objet fragile.
Au bout d'environ cinq minutes d'inspection, Nobunaga posa l'arbalète sur le plateau devant lui et dit à Yoshinari :
"C'est inutilisable sur le champ de bataille."
Nobunaga ignora leur réaction et continua comme s'il parlait tout seul.
"Sa structure est trop complexe et étrange. Si il est endommagé, sa réparation prendra du temps. J'ignore comment il a été fabriqué, mais la méthode doit sûrement être élaborée. Et comme Shizuko s'en sert pour chasser du gibier, cela doit signifier que sa puissance se limite à ça."
"Ce qui signifie…"
Nobunaga hocha la tête.
"Shizuko le savait, et c'est pour cela qu'elle ne l'a pas mentionné dans ses rapports. C'est comme si elle disait que cela ne sert à rien de parler de choses qui ne peuvent pas être utilisées sur le champ de bataille."
"Mais…", murmura Nobunaga, jouant avec son éventail pliant alors qu'il continuait de parler.
"Avec cela, nous savons que Shizuko a également des connaissances sur les armes du Nanban. C'est une bonne récolte."
"Mais est-ce que notre pays peut s'en servir ?"
Les arquebuses s'étaient beaucoup développées au Japon, mais on ne pouvait pas en dire autant pour les autres armes.
Lorsque l'arbalète avait été réintroduite par les pays occidentaux, elle avait été jugée comme une arme inférieure, plus faible qu'une arquebuse et plus lente qu'un arc, et n'était pas très populaire.
Certaines armes qui réussissaient dans le monde occidental étaient difficiles à utiliser au Japon.
"S'il ne peut pas être utilisé, nous n'avons qu'à faire en sorte qu'il puisse l'être. Mais la structure de cet arc est vraiment étrange et complexe."
Pensant qu'il serait capable d'introduire la technologie du Nanban plus tôt que prévu, Nobunaga se mit à jubiler.
***
Comparé au calme de novembre, le début de décembre était plutôt mouvementé.
C'était le moment de récolter le soja et les cannes à sucre.
Les zones de culture étaient d'à peine 1 ha pour les cannes à sucre et environ 50 ares pour le soja, mais ils s'attendaient à une bonne récolte.
En particulier le soja, comme ils n'avaient pas d'engrais azoté, Shizuko n'avait pas eu beaucoup d'attentes, mais il s'avère que les récoltes allaient être abondantes.
Si on arrivait à obtenir ou à fabriquer de l'engrais azoté, on pourrait utiliser la méthode de culture spéciale de grand-père pour récolter 400 kg/10 ares… ce sera pour l'année prochaine ou celle d'après.
Shizuko avait oublié que le soja était précieux car il pouvait servir de nourriture pour les chevaux de guerre et pouvait même être considéré comme du matériel militaire.
Mais pour elle, les graines de soja n'étaient que des ingrédients pour faire de la sauce soja et du miso, leur valeur était extrêmement faible à ses yeux.
"Hum, pour fabriquer du miso et de la sauce soja, il nous faut du sel… on peut pas en avoir beaucoup pour l'instant."
Dans le monde moderne, le sel pouvait facilement être acheté à une supérette, mais à l'époque Sengoku, le sel n'était pas fabriqué via la méthode de la membrane échangeuses d'ions, il était produit exclusivement dans des marais salants.
Mais la fabrication de sel via cette méthode demandait beaucoup de main-d'œuvre pour une production de la taille d'une larme d'hirondelle.
Je me demande si on peut légèrement modifier le marais salant pour qu'on puisse produire du sel en masse. Parce que c'est pas bon du tout de ne pas avoir assez de sel.
Il n'y avait aucun mal à avoir plus de sel, que ce soit pour assaisonner les repas ou pour fabriquer les autres assaisonnements.
Comme le sel n'était pas une matière organique, la moisissure ne poussait pas dessus, faisant qu'il n'y avait pas de nutriments pour permettre aux germes de se développer.
Par conséquent, même s'il était produit en grande quantité, il pouvait être stocké sans problème. Il suffisait juste de le mettre dans une jarre ou un tonneau et de le stocker dans un entrepôt.
Le problème de stockage est plutôt pour la production en masse de riz… mais ça devrait pouvoir se régler en construisant un silo en bois. Après ça, il va peut-être nous falloir une usine pour battre et décortiquer le riz récolté.
Shizuko appelait cela une usine, mais il n'y avait pas de besoin d'équipement mécanique, elle imaginait plutôt une usine où du travail à la chaîne serait effectué sur un tapis roulant.
Et par chance, ils pouvaient se servir d'un moulin à eau pour l'alimenter, ce qui facilitait la construction d'une chaîne de production.
"On verra ça plus tard… pour l'instant, il faut s'occuper du soja."
Les graines de soja devaient être séchées immédiatement après la récolte. Pour cela, il fallait d'abord les façonner.
Ensuite, il fallait sécuriser un emplacement. Le petit jardin de Shizuko était déjà rempli de nourriture en train de sécher.
Comme la quantité de soja était trop élevée, Shizuko fit construire de longs terrains de séchage devant sa maison.
Comme ils étaient près de l'entrée, les allées et venues seraient quelque peu gênantes, mais comme cela ne prenait qu'une ou deux semaines, Shizuko décida de faire preuve de patience.
Le séchage facilitait le battage qui s'ensuivit.
Elle étala un grand morceau de tissu par terre et déversa les tiges de soja avec leurs cosses dans un grand seau.
Avec cette méthode, la plupart des graines étaient battues, mais cela ne suffisait pas. De plus, les cosses et les morceaux de tiges s'accumulaient.
Pire encore, des larves émergeaient des gousses infestées d'insectes.
Les traiter une par une serait une perte de temps, donc une fois qu'une certaine quantité de graines avait été accumulée, elle était versée dans un seau large et peu profond.
Après cela, une tactique de vagues humaines fut utilisée pour séparer les graines de soja du reste.
Puis les bonnes graines furent séparées des mauvaises.
Mais faire cela tout seul prenait du temps, alors les tâches furent réparties avec la séparation des graines de soja du reste mise en priorité.
Après une autre journée de tri, environ 480 kg de bon soja fut récolté.
Parmi celles-ci, Shizuko sélectionna les graines qui seraient utilisées comme semis pour l'année prochaine, ne laissant plus que 400 kg de graines de soja pouvant être utilisées comme nourriture.
Les cosses et les insectes furent utilisés comme compost pour fabriquer l'engrais de l'année prochaine.
"Mouah ha ha, quelle belle récolte. Je veux qu'on en obtienne 10 fois plus l'année prochaine."
"Mais vous aurez besoin de 10 fois plus de main-d'œuvre, alors…"
Une Aya légèrement sceptique avait dit cela à Shizuko qui regardait ses seaux remplis de graines de soja triées avec un sourire éclatant sur son visage.
Pour les gens de cette époque, cela était semblable à une montagne de trésors, mais pour Shizuko, cela n'était qu'un tas de graines de soja.
"Allez, transformons tout ça en miso et en sauce soja (shōyu)."
"(Sauce soja (chaud-yu)… ?) Veuillez le faire après avoir envoyé la moitié au seigneur en guise de tribut. Et qu'en est-il de cette immense herbe-plume ?"
"Ouais, ouais, je sais. Maintenant, on va s'occuper des cannes à sucre. On va en faire du sucre brun tout de suite."
Sur ces mots, Shizuko s'attaqua à sa dernière grosse récolte de l'année : les cannes à sucre.