Les bruits étranges ne cessèrent pas. Les élèves se tenaient autour du feu, les ombres humaines scintillaient tout autour.
Il fit mine de ne rien voir, bien que très perturbé.
"Cette île ne peut être expliquée par la science. Qu'est-ce que tu en dis, Dereck ?" la voix d'Eloit, bien qu'inaudible, retentit.
"Je suis d'accord. C'est peut-être un rêve. Et on se réveillera bientôt," répondit Dereck. Il voulait croire que c'était le cas, qu'ils se réveilleraient bientôt. Mais la réalité était d'une cruauté effrayante.
"Un rêve, tu dis ? N'as-tu donc pas vu sur la plage ?" Rosa s'écria, sa voix tremblante. Leur sang était bien réel. La douleur n'avait pas disparu. Leurs pieds couverts de blessures, les morceaux de ver avaient été impitoyables.
"Il n'a peut-être pas tort," dit Eloit, son doigt toujours dans la bouche, prenant tout le monde par surprise. Dereck fut abasourdi.
"Qu'est-ce que tu veux dire par là ?" demanda Donovan, qui avait été occupé ailleurs. Tout le groupe tomba dans un silence mortuaire. Les battements de leurs cœurs dans le vent s'intensifièrent.
Eloit hésita, sentant les regards curieux et tranchants de certains. "Quand on y réfléchit, cette île est beaucoup trop symétrique. Les vents violents, le soleil qui ne disparaît pas, les arbres de la même taille. Il est clair que c'est le fruit d'une imagination plutôt arbitraire."
"Ça nous l'avons tous remarqué. Ça ne prouve rien. Une réalité virtuelle aurait pu faire la même chose," rejeta Donovan son idée. Tout le monde hocha la tête en acquiesçant. C'était la réponse la plus probable.
Bien que certains aient eu leurs doutes. Après tout, quelle réalité virtuelle pourrait recréer des douleurs aussi réelles ? Malgré cela, ils avaient tous besoin de croire en quelque chose. Telles des âmes errantes, ils avaient besoin de lumière.
"Ne me prêtez pas attention. Je divague sûrement," finit par dire Eloit d'un sourire gêné, se grattant la tête.
"Sûrement," continua Donovan. Une partie de lui avait saisi ce que Eloit insinuait. Cette île était l'imagination de quelqu'un. Un homme ! Cela expliquait beaucoup de choses. Une réalité virtuelle aurait créé des détails presque impeccables. Pas des incohérences pareilles.
Mais Donovan garda sa réflexion pour lui. Car Eloit avait bien compris que divulguer cela ne serait pas à son avantage. Que se passerait-il s'il était accusé d'avoir créé l'île ? Dans l'état où il était, cela aurait détruit la plupart d'entre eux. Et lui avec.
Dereck respira une fois que tous les regards s'étaient détournés de leur direction. Il n'était pas stressé par leurs regards, mais par l'échange entre Eloit et Donovan. Ses muscles se relâchèrent.
"Un souci ? Tu sembles épuisé," Rosa, près de lui, ne put s'empêcher de poser la question. Elle avait remarqué un changement subtil chez Dereck après les paroles d'Eloit. C'était sûrement ça.
"Non, ne t'inquiète pas, c'est juste mes pieds... Oui, c'est ça," il reprit rapidement. Rosa lui jeta un coup d'œil énigmatique.
Eloit ne fit plus un bruit, se replongeant dans la scène de la plage dans sa tête, avec une précision chirurgicale. Beaucoup ne le savaient pas, mais sa mémoire photographique était la raison pour laquelle il était à Corrone d'Or depuis son très jeune âge. Il était capable de se rappeler toutes les scènes auxquelles il avait assisté ou participé. Un tel prodige ne manquait pas de louanges, mais cela le dégoûtait au plus haut point. Car c'était elle qui avait pourri sa vie.
Il se suça le doigt, ses pensées agitées se calmant lentement.
Se focalisant sur une personne en particulier, il revit la scène. "Il a été grièvement blessé comme tout le monde... Hum... Peut-être que je réfléchis beaucoup trop loin... Oui, c'est sûrement ça," il se secoua la tête.
......
Un calme étrange régna sur le camp. Personne ne savait quoi faire ni où aller. Des grondements sourds retentirent.
Tous se tournèrent vers un jeune homme. "Désolé," dit-il, la main sur le ventre. Bien qu'il reçut des regards sévères, ils ne le blâmèrent pas. Ils étaient tous dans la même situation.
À ce rythme, l'île n'était clairement pas leur seul problème.
Soudainement, les flammes jaillirent dans les airs telles une explosion de feu. Il fut confus, se précipitant en arrière.
Le regard figé sur une silhouette, dont Dereck était particulièrement familier.
"Cher camarade. Salut," la silhouette sans visage salua, tel les valets présentant leurs hommages à leur maître.
"Je m'appelle... hummm... oops, je n'ai pas de nom." Il jeta un regard furtif à Dereck, comme pour dire que c'était de sa faute.
"Appelez-moi simplement le Maître du Jeu," finit-il par dire, plutôt satisfait de sa grande imagination.
"Maître du jeu, où sommes-nous, pourquoi sommes-nous là ?" Donovan prit les devants, bien qu'effrayé comme tout le monde. Il était bien déterminé à quitter cette île maudite.
"Holà, une question à la fois," le Maître du Jeu répondit. "La première question. Vous êtes à Dreamland, une île magnifique digne de vos pires cauchemars."
Ses paroles furent comme des lames tranchant leur faible mental. Certains s'écroulèrent même sous le poids de ces mots.
"Une autre question, quelqu'un d'autre," le Maître du Jeu changea de cible. "Vous n'avez pas répondu à la deuxième. Pourquoi sommes-nous là ?" Donovan insista.
"J'ai peut-être oublié de mentionner quelque chose. Chacun d'entre vous n'a droit qu'à une question. Tu as déjà utilisé la tienne, alors patiente. Pour tout le temps que vous passerez à Dreamland, je ne répondrai qu'à une seule de vos questions. Alors prenez garde, car une fois perdue, elle disparaîtra avec peut-être votre seule chance de survie," le Maître du Jeu sourit.
Donovan fut abasourdi. Il n'avait droit qu'à une question pour tout leur temps ici. Et il avait bêtement utilisé la sienne. Il sentit un courant électrique ravager son corps. Les mains tremblantes, il trébucha en arrière.
"Alors, quelqu'un d'autre a quelque chose à me demander ?" le Maître du Jeu reprit. Un silence inhabituel s'installa.
Ils étaient tous curieux il y a quelques minutes, mais maintenant plus personne n'osait poser une question. "Tic... tac... une fois parti, vous ne me reverrez pas avant un bon moment," le Maître du Jeu les mit en garde.
La panique surgit. Que faire, poser la question ou bien attendre pour plus tard sur l'île ? Déchirés entre faire et ne pas faire, prendre le risque ou ne pas le prendre, leurs cœurs grondaient tel le tonnerre dans le ciel. Une tension palpable les caressait tandis que le froid glacial leur gelait les os. Que faire ?