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Chapter 4 - Chapitre 3 : Enlèvement (2)

Hizashi Ryūno, oyabun du clan Ryūno, fut réveillé en sursaut. Il prit appui sur ses coudes pour s'aider à s'asseoir dans son futon, qu'il partageait avec son épouse, Hanae Ryūno.

L'œil acéré du chef de clan scanna sa chambre. Il n'y voyait que les ombres dansantes que les arbres du jardin projetaient sur les murs, éclairés par la lumière nacrée de la lune. La pièce était baignée dans le silence, seulement perturbé par des éclats de voix provenant de l'étage inférieur. Il tendit l'oreille, l'ouïe aiguisée telle la lame d'un katana dans cette quasi absence de bruit.

- Prévenez l'oyabun ! s'écriait une voix de jeune homme, à laquelle il fut incapable d'attribuer un visage. Prévenez-le au plus vite ! Il faut vite les retrouver !

Au sein de ce brouhaha, il reconnaissait les voix puissantes de ses subordonnés, qui interdisaient avec véhémence à l'intrus de s'aventurer plus loin dans la demeure.

À ses côtés, Hanae remua, elle émergeait à son tour des brumes du sommeil. Ses longs cheveux d'un noir d'encre, qu'elle laissait pendre librement le long de sa silhouette pour la nuit, glissèrent en cascade sur ses frêles épaules lorsqu'elle se redressa à son tour sous les couvertures, s'agaçant du remue-ménage.

Constatant que le raffut n'avait pas l'air de se calmer, Hizashi, qui se savait dorénavant incapable de se rendormir, se décida à sortir de sa couche, priant avec quelques mots à sa femme de retourner à son sommeil.

Les épaules droites, il traversa le couloir et s'engagea dans les escaliers en bois.

De toute évidence, son épouse et lui n'avaient pas été les seuls qui s'étaient vus tirés de leur repos, puisque d'autres voix – deux, il compta – s'étaient ajoutées à la dispute.

Arrivé vers le milieu des marches, il tonna d'un ton calme, mais sans appel :

- Qui ose créer un tel chambardement à une heure pareille ?

Comme un seul homme, quatre de ses subordonnés, qui étaient attroupés devant le palier de la porte d'entrée, obliquèrent le menton vers lui.

- Oyabun ! s'étonna l'un d'eux, celui qui s'était vu assigné la surveillance de la porte d'entrée ce soir et répondait au nom de Toshiro. Excusez-nous pour le bruit, nous allons le faire sortir de suite !

Lorsqu'il eut descendu les dernières marches et enfin atteint l'étage du bas, Hizashi suivit la ligne du regard de son subordonné. L'attention générale se porta sur ledit intrus, un jeune homme mince, élancé, aux cheveux bruns légèrement ondulés et au visage piqueté çà et là de grains de beauté. Ses traits, qui indiquaient qu'il ne devait de toute évidence pas dépasser les vingt ans, et ses yeux d'un brun tirant vers l'ambre foncé, ne lui étaient pas inconnus. Malgré l'air frais de la nuit, il n'était vêtu que d'un tee shirt, d'un short et de chaussures aux lacets mal noués.

- Hizashi-Oyabun, s'adressa à lui le jeune adulte en tombant à genoux, et le ton presque calme dont il usa pour s'adresser au chef du clan surprit tant Toshiro que les autres subordonnés d'Hizashi. Je vous en prie, aidez-moi.

Ne recevant aucune réponse du maître des lieux, lequel se contentait de le regarder sans mot dire, Hajime prit cela pour une invitation à poursuivre ses explications.

- Je suis le fils d'une de vos servantes, Irina Tadashi. Mon nom est Hajime Tadashi. Ma mère est la seule servante et a été la nourrice de votre fils Sora, et je… Je crois… Non, enfin je suis sûr que… !

- Du calme.

Hizashi invita le jeune homme à se calmer avec un signe apaisant de la main.

- Oyabun, fit le jeune homme, en tentant de regagner son souffle. Je pense que votre fils Sora et ma mère viennent tous les deux d'être enlevés !

Un silence de stupéfaction s'empara du reste des personnes à l'entrée. Il fallut quelques secondes pour que les différentes informations détenues dans ces paroles soient digérées par chacun d'entre eux, et que ce silence de plomb ne soit rompu par des exclamations de trois des subordonnés, toutes plus grondantes les unes que les autres.

- Qui est ce Sora ? s'égosilla l'un des subordonnés d'Hizashi.

- Qu'est-ce que tu entends par « enlevés » ? Que s'est-t-il passé ?

- Explique-toi ! Le seul fils d'Oyabun est le Jeune maître Kaito.

- Calmez-vous ! les remit à l'ordre Toshiro, qui semblait être le seul à vraiment garder la tête froide parmi tous les suivants de Hizashi présents sur les lieux. Laissez-le d'abord terminer son histoire avant de l'agresser comme vous le faites.

- Mais Toshiro... ! protesta l'un deux, qui arborait une mine blafarde dans la lumière tamisée de l'entrée de la demeure.

- Silence ! s'énerva Toshiro, dont le visage virait doucement vers le pourpre.

- Du calme toi aussi, Toshiro, intervint finalement Hizashi. Tu ne fais qu'alerter les alentours inutilement en élevant la voix comme tu le fais.

Toshiro adressa un bref instant un regard compatissant à son maître, après quoi, la mâchoire serrée, il esquissa un pas de retrait et se tut. De toute les personnes présentes, il était le seul à savoir de quoi ce jeune homme aux cheveux noisettes parlait. De toute les personnes ici présentes, excepté Hajime et son chef, il était sans doute le seul à véritablement comprendre l'urgence de la situation.

Toujours prostré à genoux sur le parquet de l'entrée, Hajime pencha la tête vers le boss du clan.

Celui-ci ne l'avait pas quitté des yeux tout du long. Il l'étudiait sans émettre le moindre son depuis tout à l'heure. Hizashi Ryūno était un homme que tous savaient stoïque, voire froid pour toute personne autre que sa femme et leur progéniture, la plupart du temps. Son règne en tant que figure de proue du clan avait gravé de la lassitude et de la sévérité sur ses traits, ainsi qu'une rigueur et une certaine fierté dans sa manière de se tenir. Le passage des âges ne l'avait lui non plus pas épargné ; des rides s'étaient mises à creuser les recoins de ses yeux, l'espace entre ses deux sourcils, les rebords de sa fine bouche ainsi que la jonction de son nez. Sa chevelure, quant à elle, d'antan aussi sombre que les plumes d'un corbeau, se décorait chaque jour davantage de touches poivre et sel.

Du haut de sa mi quarantaine, le chef du clan Ryūno faisait plus âgé que ce qu'il ne l'était.

En effet, pour qui le côtoyait, Hizashi Ryūno était un homme impassible... Pourtant, à l'annonce de la disparition d'un de ses enfants, bien qu'illégitime, un voile de préoccupation s'était abattu sur son visage fatigué.

S'il ne se dégageait de lui que de l'impassibilité à toute épreuve, ses sujets avaient pleine connaissance de sa réelle sensibilité. Il était un homme digne, rigide, mais pas inhumain.

- Oyabun, reprit Hajime, en courbant l'échine jusqu'à ce que son front touche le bois du sol, il faut retrouver votre fils au plus vite. Et je vous en prie, sauvez également ma mère.

- Très bien, convint Hizashi, qui tournait déjà des talons vers la pièce où il recevait ses invités.

Devant l'attitude inhabituelle de leur meneur, chacun de ses loyaux sujets retenait son souffle, pour les uns de compassion, pour les autres d'incompréhension.

- Mais je me dois de connaître les circonstances de cet incident, précisa Hizashi. Donc explique-moi en détail ce que tu sais. Chaque information que tu nous donneras nous rapprochera de l'endroit où ils ont été emmenés.

Le souffle maintenant retrouvé, Hajime acquiesça du chef, oubliant sur le moment que Hizashi ne le regardait déjà plus et s'avançait d'une démarche lasse dans le couloir. Le jeune adulte emboîta le pas du maître des lieux, suivi par Toshiro. Ce dernier avait d'ailleurs invité – à comprendre, obligé – ses compagnons d'armes à garder le silence jusqu'à ce que leur chef décide de leur prochaine marche de manœuvre. Il était inutile de réveiller en trombe le reste du clan, ils ne feraient que s'alarmer inutilement, créer un grabuge à en réveiller même un sourd, et retarder la collecte d'informations qui leur était si précieuse.

Le temps leur était peut-être compté. Il leur fallait garder contenance et agir efficacement.

Toshiro le savait ; quand bien même il n'était pas du genre à réfléchir – lui c'était l'action qu'il privilégiait, il suivait les ordres de son maître sans les remettre en question car il lui avait juré une fidélité sans faille –, Sora Ryūno avait beau ne pas être le fils de sang de leur maîtresse, n'avoir pour ainsi dire aucune influence auprès des plus hautes instances du clan, être inconnu du plus grand nombre, il demeurait néanmoins un de leurs jeunes maîtres.

Sa situation avait beau être précaire, son statut d'enfant issu d'une relation d'une nuit ne le mettant peut-être pas en valeur auprès de ceux qui montraient leurs faveurs à son jeune demi-frère, dernier de la lignée directe, son existence pesait son poids sur la balance.

S'il avait été passablement, pour ne pas dire de manière très régulière, négligé des repas de famille et des autres célébrations, si bien que seulement les réguliers membres de la maison principale étaient au courant de son existence, il n'en demeurait pas moins un de leurs héritiers.

Un jour, peut-être, s'il se décidait à devenir un candidat au poste de successeur dans un avenir proche, ses compagnons et lui, Toshiro, échangeraient une coupe de saké avec lui, le prendraient pour unique chef et lui jureraient une allégeance à toute épreuve, comme ils avaient pu le faire avec leur présent chef.

S'attaquer à lui aussi de façon aussi directe, peu importe son importance dans la hiérarchie, équivalait à s'en prendre à l'avenir du clan, et ainsi au clan tout entier.

Toshiro le savait, oui, il était entré dans les rangs voilà déjà une dizaines d'années et savait les tenants et les aboutissants d'une telle démarche. Il leur fallait garder la tête froide, se montrer impénétrable tel un mur de pierres, et agir dans l'urgence. C'est pourquoi il ravala la peine qu'il ressentait pour son maître, qui n'était épargné d'aucun répit, se posta en garde devant la porte de la pièce où s'étaient enfermés son chef et leur invité impromptu du soir et demeura muet comme une tombe. Son rôle serait de ne laisser aucune oreille indiscrète se balader d'un peu trop près de cette discussion de la plus haute importance.

~ x.x.x ~

Dans la pièce réservée à l'accueil des invités, Hajime s'abstint d'enfoncer la tête dans les épaules. Les prunelles perçantes de l'homme en face de lui brillaient d'une lueur austère. Or, Hajime ne faisait pas partie de ses fidèles, il ne ploierait donc pas, pas alors que sa mère et le protégé de celle-ci étaient en danger.

- Je t'écoute, l'invita Hizashi. Parle.

La tête du clan Ryūno n'avait allumé qu'une bougie entre eux, sûrement pour éviter que d'autres personnes ne remarquent leur présence dans la pièce. La demeure était grande, certes, bâtie dans un style japonais typique, imposant par le nombre impressionnant de ses couloirs, qui s'entourait de jardins et de plusieurs petits points d'eau où nageaient des carpes koi, cependant si le silence siégeait en maître dans la pièce, si personne n'avait l'air paré à écouter leur discussion... les murs avaient des oreilles. La prudence était de mise.

Les doigts de Hajime se refermèrent sur ses genoux jusqu'à en faire blanchir leurs jointures.

- Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, avoua-t-il à demi-mots, dans un murmure qui ne se serait certainement pas entendu si la pièce n'avait pas été aussi calme. J'étais chez moi, et j'étudiais encore alors qu'on approchait les minuits... quand j'ai reçu un appel de ma mère. J'étais étonné de la voir m'appeler à une heure aussi tardive, ce n'est pas dans ses habitudes, alors j'ai décroché par réflexe.

Il évalua un instant la réaction de son vis-à-vis, qui ne lui prêtait qu'une oreille silencieuse.

- Tout ce que j'ai entendu dans cet appel, c'était les cris de ma mère, plusieurs voix d'hommes et ce qui ressemblait à des bruits de fracas.

- Ils sont rentrés dans la maison ?

Ce détail semblait avoir piqué au vif la curiosité du chef. Hajime hocha la tête.

- Oui, je l'ai constaté en arrivant sur place. Après cet appel, j'ai senti qu'il se passait quelque chose de grave, alors j'ai profité du fait de ne pas habiter loin pour accourir au plus vite à la résidence secondaire. Tout ce que j'y ai trouvé, là-bas, c'était une maison retournée de fond en comble. Et ni ma mère, ni votre fils n'étaient sur place. J'ai tout de suite pensé à un enlèvement.

- Tu n'as donc pas assisté à la scène... songea Hizashi, dont la mine s'était assombrie. Sais-tu ce qu'il est advenu de Yoshi, le garde du corps de mon fils ?

Hajime marqua une pause. Dans l'urgence, il n'avait pas songé à la présence de Yoshi sur les lieux, ni même au fait qu'il n'était justement pas présent à son arrivée.

- N-Non, malheureusement. Je ne l'ai pas vu. Je… n'ai pas vraiment cherché à le trouver sur le moment, je suis désolé.

Hizashi secoua la tête.

- Selon moi, c'est une bonne chose que tu n'aies pas été présent sur les lieux. Ta mère connaît nos différends avec les forces de l'ordre, et la résidence secondaire est trop éloignée pour qu'on entende quoi que ce soit depuis la principale. L'alarme qui a été installée en prévision de ce genre d'incident ne s'est de toute évidence pas mise en marche. Elle a donc fait appel à la première personne qu'elle savait pouvoir agir dans l'immédiat. C'est-à-dire toi.

À l'entente de ces mots, Hajime déglutit avec difficulté. Lorsqu'il avait décroché ce téléphone, les hurlements de sa mère de l'autre côté de la ligne téléphonique lui avaient retourné l'estomac.

Suspendu à son téléphone portable, ses pensées s'étaient subitement dissipées, son corps avait ensuite agi comme un automate. Avant qu'il ne s'en rende compte, ses jambes s'étaient déjà mises à se mouvoir. Son scooter enfourché, il avait englouti les quelques rues qui le séparaient de sa destination. Il avait roulé à toute allure, l'esprit vide, le souffle court, une boule dans la gorge, et la double porte en bois épais qui gardait l'allée de l'entrée de la maison secondaire du clan Ryūno n'avait pas tardé à se dessiner devant lui. Sur celles-ci, contrairement à la maison principale, le kanji "Dragon" n'y figurait pas. Contrairement à la maison principale, cette résidence secondaire, hormis sa taille imposante laissant penser au voisinage qu'elle appartenait à un propriétaire aisé, passait relativement inaperçue.

De l'extérieur, ses murs imposaient le respect. De l'intérieur, si on s'attardait au-dessous de l'iceberg, ce n'était qu'un lieu trop grand pour ne renfermer qu'un adolescent, sa servante et son garde du corps. Une coquille vide qui manquait cruellement de surveillance rapprochée.

Shinjuku, l'un des plus importants et populaires arrondissements de Tokyo où le clan Ryūno avait élu ses quartiers, regorgeait de types sans le moindre scrupule, dont il valait mieux s'abstenir de croiser le chemin le soir venu. Hajime savait que pour sa mère, c'était son travail qui était en jeu, un travail qu'elle aimait particulièrement d'ailleurs, ainsi que la possibilité de lui offrir un avenir convenable à lui, son fils, la perspective de lui payer des études qui lui ouvriraient les meilleures portes avec le surplus de ses revenus. Il lui était infiniment reconnaissant pour tous les sacrifices qu'elle avait pu faire pour lui octroyer une vie normale. Mais pour lui... Pour Hajime, c'était différent. Il avait tout fait jusqu'à présent pour s'écarter de ce monde de violence sans foi ni loi.

Nonobstant, aussi ironique que cela puisse être, c'était vers ce monde qu'il avait tant cherché à fuir qu'il s'était en premier tourné pour obtenir de l'aide après avoir été témoin d'un tel acharnement.

Il savait qu'après aujourd'hui, après avoir prié de sauver sa mère, il aurait une dette envers Hizashi et son clan à l'avenir. Quémander l'intervention d'un yakuza, cela revenait à plonger la tête la première dans des eaux troubles dont il serait difficile de s'extirper à l'avenir. Bon gré mal gré, il se devrait de payer cette dette.

Si l'idée ne l'enchantait guère, il était toutefois prêt à l'accepter. L'impuissance qui lui avait empoigné le ventre lorsqu'il avait découvert la maison sans dessus-dessous le rongeait encore.

Il voulait sauver sa mère. Le prix de cette dette, quelle qu'elle soit, serait bien maigre en comparaison du prix de la vie de sa mère, qui avait été son unique pilier et modèle.

- D'autres détails qui te reviennent à l'esprit ? interrogea Hizashi, mais Hajime ne put que secouer la tête de gauche à droite en guise de réponse.

- C'est tout ce que je sais.

Le chef du clan soupira. À la lumière dansante de la chandelle, sa figure paraissait s'être creusée de quelques années supplémentaires dans les dernières minutes.

- Je vais intervenir.

- Je vous en remercie, fit Hajime, d'un ton humble qui ne réussit pas à masquer son soulagement.

- Un des héritiers du clan a été enlevé, et les coupables ont osé faire cela sous mon nez. Mon intervention n'était qu'une question de temps.

Hajime suivit du regard Hizashi dès qu'il se redressa sur ses jambes.

- Toshiro.

Le pan de la porte glissa sur ses rails, dévoilant un Toshiro à l'expression neutre et aux épaules raides, qui ne faisait qu'attendre les ordres de son chef.

- Va avec tes hommes inspecter les caméras de surveillance de la maison secondaire. Envoie aussi une équipe sur place. Préviens-moi immédiatement si tu parviens à reconnaître qui ou quoi que ce soit.

- À vos ordres.

- Une dernière chose.

- Oui Monsieur ?

- Recherche Yoshi. S'il est arrivé quelque chose à mon fils, c'est qu'il lui est également arrivé quelque chose à lui. Mon père n'aurait jamais choisi un garde du corps qui aurait aussi facilement laissé filer des agresseurs.

- Entendu, Oyabun.

Un acquiescement du menton, une révérence, et Toshiro s'était éclipsé.

- J'aimerais vous accompagner pour les retrouver, si cela est possible, reprit Hajime quand ils ne furent plus que deux.

Hizashi lui accorda un dernier coup d'œil par-dessus son épaule avant de rétorquer d'un ton placide :

- Le clan n'a pas pour principe d'impliquer les civils.

Hajime sentit une pointe d'agacement piquer ses nerfs à vifs.

- Sauf votre respect, ce principe a déjà été bafoué lorsque ma mère s'est vue impliquée dans l'enlèvement de l'un de vos fils, rétorqua-t-il, avec beaucoup plus de véhémence que ce qu'il n'aurait voulu.

Un reniflement moqueur secoua Hizashi. Hajime regretta aussitôt son soudain accès de colère.

- Les jeunes, de nos jours, je ne saurais dire s'ils sont effrontés ou tout bonnement inconscients. Il serait bon pour toi de te souvenir, jeune Tadashi, d'éviter de froisser les hommes sous ce toit.

'Un avertissement.' comprit Hajime. Les ongles de ses doigts lui rentraient dans ses paumes, tant il serrait fort ses poings. Cette dernière phrase était un avertissement pour lui faire comprendre qu'il avait déjà franchi un certain cap, et qu'il serait préférable pour lui de ne pas s'aventurer plus loin dans la provocation.

- Enfin soit, qu'il en soit ainsi. J'accepte que tu accompagnes mes hommes. Mais tu ne prendras part à aucun combat s'il venait à y en avoir un. Tu iras uniquement récupérer ta mère lorsque le lieu où elle est retenue sera sous le contrôle de mes subordonnés, et à l'avenir tu éviteras de remettre les pieds ici. La tolérance est une vertu qui ne me sied guère.

À ces derniers mots, Hizashi Ryūno, maître du clan des yakuzas de la ville de Shinjuku, sortit de la pièce et referma dans un claquement la porte derrière lui.

Les secondes s'égrainèrent après cet échange électrique. Dès que les pas du chef furent suffisamment éloignés pour qu'il ne puisse plus les entendre, Hajime laissa s'échapper la respiration qu'il avait inconsciemment retenue.

Décidément, il n'était pas doué pour copiner avec ce genre de personne. Se laisser guider par ses émotions et tenir tête à un chef de clan, ça avait passé une fois.

Cette seule fois lui avait suffi.

Hajime se promit qu'il ne s'y risquerait plus à l'avenir, ses genoux s'étaient métamorphosés en gelée.