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Chapter 8 - Chapitre 7 : Enlèvement (6)

Les bras croisés sur son torse, Hajime tapait du pied avec nervosité sur le sol de la voiture. Le ronron régulier du moteur ne suffisait pas à calmer sa nervosité.

Le dos calé dans le fond du dossier de son siège, cela faisait déjà une bonne poignée de minutes que le trajet durait sans qu'aucun mot ne soit échangé entre lui et le conducteur du véhicule.

Décrochant le regard du paysage qui défilait de l'autre côté de la vitre, le jeune étudiant en université le glissa sur l'homme assis à ses côtés devant le volant ; Toshiro, le garde du corps du chef du clan Ryūno. Le noiraud n'avait pas émis un traitre mot de tout le trajet, comprenant probablement, compte tenu de son attitude nerveuse et de son agitation plus qu'apparente, qu'Hajime n'avait pas spécialement envie de discuter non plus.

Si le fait qu'un complet silence ne les surplombe depuis de bien trop longs instants l'aurait presque rendu anxieux, intérieurement, Hajime se fit la remarque que ce n'était pas plus mal de cette manière. Il n'aurait su quel genre de discussion échanger avec le chef d'une escouade de gardes du corps. De plus, il n'avait définitivement pas la tête à cela.

Il avait tenté de se changer les idées en accompagnant le garde du corps partout où il allait en dehors de la demeure du clan, songeant qu'être dans l'action lui permettrait de se sentir plus utile, cependant rien n'y avait fait. Ses idées noires, ses inquiétudes, lui revenaient à la volée dans la figure dès qu'il disposait d'un moment avec lui-même.

Le temps filait à vive allure et il leur manquait encore la pièce la plus importante du puzzle ; l'identité des membres du gang à l'origine de l'enlèvement.

Hajime s'efforça de chasser au loin, une nouvelle fois, ses sombres réminiscences. Éreinté, l'étudiant appuya l'arrière du crâne contre le repose-tête de son siège de voiture.

Ils n'étaient que deux dans l'habitacle ; les subordonnés de Toshiro se chargeaient, pour l'un de veiller à la sécurité de Yoshi à l'hôpital – lequel avait subi une lourde opération, les deux coups de couteau ayant fait davantage de dégâts que ce qu'ils n'avaient pensé au préalable – et pour les autres, enfin, au visionnage des caméras de surveillance.

Après l'arrivée du paquet contenant les photos de Sora et d'Irina, l'urgence de la situation s'était manifestée de surcroît.

Sans attendre l'avis de ses conseillers, Hizashi avait indiqué à son garde du corps personnel de concentrer les recherches dans Ikebukuro. Ils disposaient en effet, dorénavant, d'une possible piste sur les assaillants de son fils et de sa servante. Obéissant aux ordres de son maître tel un automate, Toshiro avait donc proposé à Hajime de l'accompagner, ce que le jeune adulte avait aussitôt accepté en bondissant tel un ressort sur ses jambes.

En dépit de sa fatigue, il était incapable de tenir en place. Il lui fallait faire quelque chose, n'importe quoi, du moment qu'il pouvait se sentir acteur de la situation.

Ensemble, non accompagnés de Taro, Saburou et Yasu, Toshiro et Hajime avaient embarqué dans le véhicule du garde du corps pour embrayer en direction d'Ikebukuro.

N'ayant reçu aucun autre ordre précis de la part du chef du clan, Hajime s'interrogeait sérieusement sur les futures actions que mènerait Toshiro. Le garde du corps préservait son plan pour lui, muet comme une tombe, et Hajime se sentait incapable d'en comprendre toute l'ampleur quand bien même le garde du corps aurait décidé de lui en faire part.

Concernant le chef de la brigade des gardes du corps, par ailleurs, ce dernier arborait actuellement un sourire bien trop confiant pour ne pas savoir quelle marche de manœuvre il comptait adopter pour retrouver les deux victimes.

Au moment de sa montée en voiture, Hajime n'avait pas réellement réfléchi à ce qu'il allait lui-même entreprendre comme actions. À présent il cogitait, espérant pouvoir être utile d'une quelconque autre manière que lors de l'affrontement prochain entre Toshiro et ses hommes, et le gang une fois qu'ils auraient retrouvé la trace de ses membres.

Tout le long du trajet, Hajime no, plus n'avait pas cherché à rompre le silence. Or, Toshiro dut sans doute, au bout d'un interminable moment, comprendre que ses nombreux regards en coin en sa direction trahissaient un profond questionnement intérieur chez l'étudiant.

Le bouclier du chef des Ryūno fut donc le premier à briser la glace :

- Tu as des questions ?

Hajime déglutit avec difficulté à ces mots. Des questions ? Il en avait tant en réserve qu'il ne savait par où commencer, ni laquelle résumerait le mieux ce qu'il était en train de penser.

N'était-ce pas déjà trop tard ? Était-il si certain de les retrouver ? Qu'est-ce qu'Hajime pouvait faire, de son côté, pour espérer ne pas être un simple poids lourd pour eux ? Comment les retrouveraient-ils ?

Tant de questions sans réponses fusaient dans sa tête, sans qu'il ne puisse trouver laquelle était la plus propice à être posée en cet instant.

Maladroitement, d'une voix qu'il se découvrit légèrement tremblotante, une de ses nombreuses interrogations finit par se former sur ses lèvres :

- Je me demandais… ce que vous comptiez faire en arrivant à Ikebukuro.

Sans lui accorder un regard, le garde du corps ébaucha un sourire en coin avant de lui répondre :

- On va voir Boba Baba.

Un des sourcils d'Hajime fit un bond sur son front.

- « Boba Baba » ? répéta-t-il.

Toshiro hocha le menton.

- C'est ça. Boba Baba. C'est la personne qui en sait le plus sur Ikebukuro et ses environs. Entre autres, on s'apprête à aller récolter des infos sur les responsables de l'attaque.

Hajime cligne un instant des yeux, pris au dépourvu, mais comprit l'approche du problème du conducteur du véhicule.

C'était en effet logique comme démarche, surtout s'ils avaient besoin d'informations sur les gangs de la région. Rien ne valait mieux, en l'actuelle situation, que d'aller recueillir des informations afin d'agir de la manière la plus efficace qui soit.

Toshiro se fit rassurant en précisant :

- Dans quelques heures, tu retrouveras ta mère. Une fois qu'on a les infos qu'il faut, ce ne sera plus qu'une simple question de temps. Sois encore un peu patient, ok ?

Hajime ne put qu'acquiescer après de longues secondes seulement, ne sachant pas trop comment réagir devant une telle assurance, devant un tel aplomb, lui qui avait grande peine à en avoir ces derniers jours.

Il s'écoula encore quelques minutes avant que la voiture ne débouche enfin dans le centre d'Ikebukuro. Après plusieurs intersections franchies, Hajime vit Toshiro les conduire dans une rue plus étroite que les autres, paraissant plus tranquille, par ailleurs, par rapport aux rues bondées du centre-ville.

Sans en expliquer davantage, le garde du corps gara le véhicule sur le côté de la rue avant d'indiquer à Hajime :

- Nous sommes arrivés.

Sans trop saisir, Hajime ne put qu'observer attentivement l'endroit où ils se situaient ; une rue constituée essentiellement de petits restaurants, qui devaient ouvrir en grande partie le soir puisque presque tous les volets étaient rabattus sur les vitrines.

Sans plus expliquer à Hajime où il leur serait possible d'entrer en contact avec la fameuse personne du nom de « Boba Baba » dans tous ces magasins, Toshiro mit pied à terre et se mit à marcher vers l'entrée de ce qui, à première vue, donnait l'impression d'être un bar sans grande prétention.

En lettres lumineuses, d'une écriture cursive, le mot « Taka » figurait en grand sur la façade aux briques brunes. Hajime s'attarda un instant sur la banalité que dégageait la façade du bar. Sur la porte d'entrée, une pancarte en carton indiquait « Closed », par-dessus laquelle figuraient les horaires d'ouverture imprimés sur une feuille de papier collée sur la vitre avec du ruban adhésif, et des tenture bleu marine se discernaient de part et d'autres des deux grandes fenêtres flanquant la porte.

Tout en continuant d'examiner l'endroit, s'étant, il ne voulait pas l'avouer, attendu à autre chose quand Toshiro lui avait fait mention des informations qu'ils s'apprêtaient à récolter en ce lieu, Hajime emboita le pas du garde du corps et fit irruption à l'intérieur.

À leur entrée dans le bar, dont la porte, quand Toshiro la poussa, s'avéra n'être étrangement pas fermée, un léger claironnement de sonnette d'entrée tintinnabula d'un son clair.

Non loin d'eux, une voix grasse d'homme les accueillis :

- Nous sommes fermés. Revenez plus tard.

Hajime, qui était en train de détailler les lieux du regard, notant tous les cadres photos d'animaux en noir et blanc suspendus aux murs et la propreté étincelante des tables, glissa son attention en direction de l'endroit d'où était provenu cette voix rauque et traînante.

Derrière le bar, la silhouette courbée d'un homme dans la fin de quarantaine, peut-être quarante-sept ou quarante-huit ans, venait de relever le menton en leur direction.

Hajime réalisa alors, en avançant dans le sillage de Toshiro, que si l'homme se courbait, c'était parce qu'il était en train d'essuyer un objet, qu'il identifia après quelques secondes comme étant un verre de whisky.

L'homme avait les épaules larges, des sourcils impressionnants au-dessus des yeux, une moustache protubérante et un air bougon placardé sur le visage.

S'il n'y avait eu que cela, l'homme aurait pu faire penser à un voisin aigri que l'on aurait pas spécialement envie de croiser au petit matin, en allant au travail. Cependant, les trois détails imparables qui confirmèrent son appartenance au milieu de la pègre furent la cicatrice qui lui barrait la joue en diagonale et lui avait coupé un bout d'oreille, le petit morceau d'annulaire qui lui manquait sur la main gauche, sans oublier la vague impression qu'un tatouage grignotait la partie droite de son torse sous son tee shirt d'un blanc étincelant.

- Oh, c'est toi, Asano ?, s'étonna l'homme, son air bougon devenant soudain moins intimidant.

Toshiro s'avança à sa rencontre avant de le saluer à son tour.

- Bonjour, patron.

Hajime crut rêver le micro sourire qui se dessina à la commissure des lèvres du dit patron. D'un coup, l'homme paraissait moins inapprochable, plus avenant qu'à leur entrée dans le bar.

- Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Que me vaut cette soudaine visite ?

- J'ai besoin de l'aide de « Baba ».

- Oh, ma femme ? Elle est-

Toutefois, le tenancier du bar n'eut pas le temps d'en dire davantage. Une voix mécontente venait de rugir de derrière le rideau suspendu à la porte du fond, derrière le bar :

- Hé ! Sérieusement ?! C'est des voix de clients, que j'entends ?!

Le rideau se souleva, comme soufflé par une soudaine bourrasque de vent, et la propriétaire de cette voix de fumeuse aguerrie se dévoila derrière celui-ci. Elle appartenait à une femme menue aux cheveux frisés. Habillée d'un débardeur noir découvrant ses épaules recouvertes de tatouages de fleurs, la dame, dans la même tranche d'âge que le tenancier du bar, portait un cageot de bières à bout de bras et toussait une fumée de cigarette qu'elle venait probablement d'éteindre.

Dans un profond raclement de gorge, la nouvelle venue posa les boissons alcoolisées sur le sol dans un tintement retentissant de bouteilles de verres s'entrechoquant, puis se releva en déroulant le dos.

Plantant les mains sur les hanches, elle s'adressa au patron du bar avec un regard mauvais :

- Combien de fois je t'ai dit de ne pas laisser rentrer les clients quand on est fermés ? Hein ?

Le patron du bar, d'antan d'allure si digne, se ratatina sans plus attendre sur lui-même et s'excusa mollement d'une petite voix :

- Pardonne-moi, ma chérie. Mais c'est Toshiro, il a demandé à te voir. J'allais pas le faire sortir.

Le yakuza désigna d'un geste poli de la main les nouveaux venus.

Suivant des yeux la ligne dessinée par la main de son époux, ce ne fut qu'à ce moment-là que la dame daigna enfin leur adresser son attention. Un grand sourire jovial fendit son visage de part en part quand ses yeux se posèrent sur Toshiro.

- Mon p'tit Toshi ! s'exclama-t-elle avec enthousiasme, accordant à peine un regard à Hajime, qui très sincèrement préférait que cela reste comme cela.

Toshiro lui accorda aussitôt le même salut qu'il avait octroyé au gérant du bar :

- Bonjour Baba.

Un sourire espiègle fendit les lèvres de la femme.

- Bah alors ? Qu'est-ce que tu viens faire dans Ikebukuro ?

Toshiro prit la peine de s'asseoir sur une chaise du bar, s'accoudant sur celui-ci, avant d'expliquer les raisons de sa venue.

- J'ai besoin d'informations, Baba.

- Des informations ? répéta-t-elle, sur le ton d'une question.

- Oui, et je ne peux que te demander à toi. C'est une mission confiée par Oyabun.

Pendant qu'il les écoutait parler, Hajime avait eu le temps d'assembler les pièces du puzzle. Primo, cette femme était donc la dite « Boba Baba » dont lui avait parlé Toshiro dans la voiture. Secondo, bien que plus petite, elle était bien plus intimidante que son mari.

La nouvellement nommée « Boba Baba » se tourna vers son mari en sortant une cigarette de sous le bar :

- Je m'occupe d'essuyer le restant de la vaisselle. Tu peux aller ranger le casier de bières. Ah ! Et passe chercher les alcools manquants dans la pièce du fond.

- D'accord, chérie. Au revoir les garçons.

Opinant à la suggestion de sa femme, le gérant du bar se frotta les mains sur son tablier, s'excusa alors à Toshiro et Hajime d'une courbette, avant de s'éclipser derrière le rideau d'où avait surgie son épouse quelques instant plus tôt.

Boba Baba attendit que son mari ne soit plus dans les parages pour se tourner vers ses deux visiteurs. Les épaules d'Hajime se tendirent quand les yeux pénétrants de la dame se fixèrent sur lui.

- Tes infos, là. Ça a un rapport avec le garçon ?

Toshiro jeta un regard compatissant à Hajime. Il hocha le chef à la question de la femme du patron du bar, avant de préciser :

- Il est un dommage collatéral.

- Un dommage collatérale, hein ? elle répéta de nouveau, avant de claquer la langue. Tch, pas croyable… Le chef le sait ?

- Malheureusement, admit Toshiro, de toute évidence aussi mécontent de la situation que la surnommée « Baba ». Les informations que l'on recherche nous concernent donc tous les deux.

Ne sachant pas quoi rajouter, Hajime se contenta d'un simple hochement du menton en guise de remerciement silencieux.

Tiquant une seconde fois, Boba Baba attrapa entre ses doigts longilignes un verre mouillé en train d'égoutter sur l'évier ainsi qu'un essuie de vaisselle qu'elle utilisa pour se mettre à l'essuyer avec précaution.

- T'es en heures sup', je ne travaille pas gratuitement. Tu sais que c'est un prêté pour un rendu chez nous. Rien n'est gratuit dans ce monde, Toshi.

Comme s'il avait prévu le coup dès le début, Toshiro n'attendit même pas qu'elle finisse sa phrase pour sortir un billet de dix milles yens de sa poche de pantalon. Tandis que la mâchoire d'Hajime venait de se décrocher, se demandant si obtenir des informations coutait aussi cher, Toshiro déposa le billet sur le bar.

Baba eut un moment d'hésitation en apercevant la somme indiquée sur le billet, étudiant l'air parfaitement neutre que lui renvoyait à présent le garde du corps.

- Ça a l'air d'être important, constata-t-elle, en attrapant sans plus tarder le billet dans sa main non mouillée pour le placer dans la caisse du bar, qui émit un « cling ! » en s'ouvrant.

- Je t'écoute, poursuivit-elle. Pose tes questions. Je te dirai tout ce que je sais.

Toshiro appuya les coudes sur le bar et avança le buste vers la dame.

- On a besoin d'infos sur un gang.

- Un gang ? fit Baba, en soufflant vers le haut la fumée de cigarette qu'elle venait d'allumer avec son briquet. Tu sais combien il y en a dans les environs, Toshi ? Va me falloir plus de précisions si tu espères mon aide.

- J'y viens, lui assura Toshiro. D'après notre témoin, ils sont six.

Baba attrapa un autre verre dans l'évier et réitéra sa besogne.

- Mais encore ?

- Le chef aurait possiblement un tatouage de scorpion et les cheveux blonds.

Assemblant les informations au compte-goutte, Baba prit un air songeur.

- Six personnes dont une avec les cheveux blonds et un tatouage de scorpion, tu dis ?

- C'est cela. Ça a l'air de t'évoquer quelque chose.

- Mmh, convint-elle avec détachement, malgré la petite lueur qui s'était mise à luire dans les tréfonds de ses iris sombres. Disons que cette description m'a déjà été rapportée dernièrement par des voisins. Ça m'y a fait penser.

- On pense qu'ils peuvent être impliqués dans un incident avec des kobuns du clan.

Tout en posant son verre sur le côté pour en reprendre un autre, Baba poursuivit sa réflexion.

- J'ai beau y réfléchir mais je ne vois que ça.

Elle tapota sa cigarette contre un cendrier en verre qui trainait sur le bar, ensuite reprit :

- Cette description ressemble à celle d'un groupe dont j'ai entendu certaines rumeurs. Pas des bonnes, d'ailleurs. D'après certains de mes voisins, c'est un gang problématique qui fait régulièrement du grabuge dans les commerces et bars du coin et qui a tendance à être violent quand il a un coup de trop dans le nez.

- Vous connaissez les noms des membres de ce gang ? ne put s'empêcher d'intervenir précipitamment Hajime, qui s'attira les regards interloqués des deux autres personnes dans la pièce.

Il se reçut une réponse négative de Baba.

- Ce n'est pas comme ça que ça marche dans le milieu, p'tit brun. Si tu veux des noms, faut que j'envoie des gars sur le coup. Et la commission sera salée. C'est la politique de la maison.

- Nous n'avons pas le temps de te commissionner, refusa Toshiro en secouant la tête. C'est une affaire urgente. Dis-nous juste ce que tu as d'autres comme infos et je me chargerai de les débusquer.

- Tu vas t'en charger ? se surprit Baba, déconcertée par la nouvelle.

- Je te l'ai dit, c'est important, Baba.

- Mais bordel, il se passe quoi pour que tu te charges toi-même de la bleusaille ?

- Tu le sauras bien assez tôt.

- Tu ne veux pas me le dire, hein ? renâcla du nez Boba Baba, avec amusement. Très bien ! Dans ce cas…

Elle replaça une de ses mèches de cheveux qui s'était échouée devant ses yeux, derrière son oreille, puis reprit :

- Les gars dont tu parles, Toshi. Je ne les ai jamais vu trainer de mon côté d'Ikebukuro, du moins pas dans cette rue. Je ne sais pas à quoi ils peuvent bien ressembler, ni même où ils siègent. Mais si tu me parles d'un gars avec les cheveux blonds et un tatouage de scorpion, alors ça doit surement être le chef de ce gang. J'ai cru entendre un truc comme Goto ou Gorou, je sais plus trop. D'après les rumeurs, ils se font appeler « Scorpio ».

- Scorpio ? fit avec perplexité Hajime, surpris par le peu d'imagination du gang.

- Ouais, confirma Baba. Et si tu veux mon avis net et concis, Toshi, ce sont des petites merdes qui mériteraient une bonne dérouillée. Ils vont finir par me faire perdre de l'argent, s'ils continuent d'emmerder mes connaissances.

Voyant la mine déconfite d'Hajime s'assombrir en comprenant l'ampleur de la réputation du gang, Baba rajouta d'un ton détaché.

- Mais même si je ne les ai jamais vu personnellement, les jeunots du coin doivent les connaitre, ils vous en apprendront sans doute davantage.

Pour marquer la fin de la discussion, et qu'il avait en sa possession toutes les informations dont il avait besoin, Toshiro acquiesça et la remercia d'un sourire.

- Merci, Baba. On se revoit bientôt.

- C'est ça, cracha presque la dame. La prochaine fois, t'as intérêt à m'acheter un verre.

En les voyant sur le point de partir, Baba lui dit :

- Tu as l'air pressé.

Refusant d'entrer dans les détails, Toshiro, tout sourire, lui répondit simplement :

- Tu en sauras la raison bien assez tôt.

Hajime crut que la discussion se finirait sur ces mots mais Toshiro ajouta une dernière phrase qui lui fit remonter des frissons du bas de son dos jusqu'en haut de sa nuque.

- Ah ! Et tu sais, Baba. Si Oyabun m'a demandé de m'en charger, c'est justement car il sait que mes dérouillées font plus mal que les tiennes.

Baba éclata d'un rire tonitruant.

- Petit bâtard. T'as de la chance que t'as une belle gueule. Casse-toi de mon bar avant que je te montre d'où trouve son origine mon surnom de Boba Baba.

Toshiro lui rendit un sourire encore plus rayonnant que les autres qu'il avait pu esquisser auparavant puis, ne se préoccupant même pas d'Hajime qui saluait la quadragénaire d'une courbette polie, ouvrit la porte du bar en lui souhaitant une bonne journée.

Il était maintenant temps de faire les choses à sa manière.