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Chapter 58 - Je ne sais pas pourquoi elle a l'air amusée.

Une fois l'agitation des premières heures passées, le calme était revenu dans les étages de Marline Insurance. Les employés avaient aussi eu l'occasion de parler entre eux durant la nuit, selon Ren, et tout le monde s'accordait à dire que la direction avait pris tardivement une décision qui aurait dû être entérinée depuis longtemps.

Les gens avaient défilé au bureau d'Hana pour lui demander si tout allait bien et si elle avait besoin de quelque chose, ce qui avait un peu perturbé la jeune femme. Jusqu'à présent, c'était elle qui faisait le déplacement pour s'occuper de dossiers, de déplacer des ramettes de papier, ou encore pour faire des photocopies ou distribuer le courrier de tout le monde.

Elle s'était donc rapidement retrouvée débordée, et fort heureusement, Mari et Yuuto avaient joué le rôle de gardes du corps pour tenir éloigné tout ce monde.

De loin, Shinsuke avait observé ces curieuses allées et venues ; tout en ayant plusieurs questions en tête au sujet de la jeune femme.

Elle l'avait entendu parler d'elle, et dire qu'il la détestait. Pourtant, cela ne l'avait pas empêchée de totalement disculper son supérieur hiérarchique.

Était-elle idiote, ou trop sentimentale ?

N'importe qui dans ce cas de figure aurait sûrement préféré le laisser dans les ennuis pour se venger, ou l'aurait même accusé pour le mettre dans une situation encore plus critique.

C'était dans la nature humaine, après tout, de vouloir faire aux autres ce qu'ils nous avaient fait ; et Shinsuke se demandait si la jeune femme avait laissé passer cette chance pour préparer quelque chose de plus dangereux par la suite.

Bah. De toute façon, elle serait sûrement trop prise par le travail qui s'empilait sur son bureau pour tenter quoi que ce soit, et il se focalisa à nouveau sur son écran d'ordinateur.

Il n'avait pas si tort que ça, car Hana avait de nouveau repris le grand document Excel sur lequel elle travaillait presque depuis son premier jour, et continua d'entrer les données de l'année passée sur une des feuilles ; les différentes sommes se répercutant sur les totaux calculés en annexe.

Elle avait pris l'habitude de voir les mêmes montants passer devant ses yeux, et quand elle tomba sur une ligne dont le montant était légèrement différent, elle fronça les sourcils.

Avec doute, elle se pencha vers Mari, seule personne à proximité étant dans la Section Financière comme elle.

« Hasami-san… Excuse moi de te déranger, mais... »

« Tu peux m'appeler Mari, Hana-chan. » La corrigea Mari. « Et qu'est-ce qu'il y a ? »

Hana tourna alors légèrement son écran d'ordinateur vers la femme plus âgée, et lui montra une ligne avec des montants unitaires différents des autres. Yuuto regarda avec curiosité les deux femmes chuchoter entre elles, et haussa les épaules.

« J'étais en train de rentrer les chiffres de mars de l'année précédente, et j'ai une ligne qui ne correspond pas ici... »

« Comment ça ? » Demanda Mari.

« Les montants sont ceux des classeurs papier, mais ce ne sont pas les mêmes que sur le fichier dématérialisé... » Expliqua Hana.

« Hum… Bizarre… » Dit pensivement Mari. « Peut-être que la mise à jour n'a pas été faite dans le classeur papier. C'est probablement pour ça que le Chef Kobayashi t'a demandé de travailler sur ça... »

« Je… Je vois... » S'excusa Hana.

« Contentes-toi de prendre les chiffres du fichier entreprise, comme ça tu as les plus récents. » Lui expliqua Mari. « Le but est d'avoir la comptabilité exacte pour toute cette période, et si jamais il y a des données incorrectes, de les modifier. »

Hana hocha de la tête et la remercia pour l'explication, et continua de recopier les montants des contrats, cette fois en faisant attention à ne pas prendre les chiffres issus des classeurs quand ceux-ci différaient de ceux du fichier partagé disponible sur les serveurs de l'entreprise. Elle trouvait cela bizarre, que les montants soient diminués par rapport aux précédentes sommes enregistrées ; mais peut-être s'agissait-il de données prévisionnelles face à de vraies données collectées après coup.

Mais ce n'était pas le moment de penser à ça, car elle aurait encore plusieurs mois de données à compiler dans le même tableau, et pour la première fois, Hana soupira de lassitude.

Si elle avait su que le travail de bureau serait si répétitif, elle n'aurait peut-être pas postulé pour un tel poste. Après tout, ce n'était pas comme si elle avait un besoin urgent d'argent.

Shinsuke ne manqua pas cette expression défaitiste sur le visage de la jeune femme, et eut un petit sourire mesquin qu'il dissimula derrière son gobelet de thé dont il prit une gorgée.

Attendez… Un gobelet de thé ?

Confus, il écarta la boisson de son visage, se demandant d'où ce truc sortait.

« Saizo, je l'ai acheté quand ce thé ? » Demanda-t-il en relevant un sourcil.

« Hum, je ne dirais pas que tu l'as acheté... » Répondit son ami sans lever le nez de son ordi.

« Comment ça ? »

« Disons qu'il t'a été offert, » continua Saizo sans même daigner le regarder.

« De quoi ? » S'énerva Shinsuke.

« Ah, ça me rappelle vraiment quand ma femme me draguait... » Soupira l'autre homme en faisant un petit sourire. « À l'époque, elle me filait sans arrêt des brioches, et j'avais même fini par grossir… J'ai dû faire de l'exercice pendant des mois pour reperdre tout le poids que j'avais gagné à cause d'elle.»

Shinsuke se contenta de grimacer, car cela le dégoûtait toujours d'entendre Saizo parler de sa vie sentimentale avec une expression attendrie.

Ce type se mêlait de tout, et mêlait aussi tout le monde à ses affaires.

Cependant, Shinsuke avait aussi un autre problème.

Avec une expression neutre, il fixa le gobelet en carton sur lequel avait été griffonné un « bonne journée » accompagné d'un petit soleil ; et il renifla bruyamment.

Il ne savait pas ce que la jeune femme voulait accomplir par là, mais ça ne marcherait pas avec lui.

Le Chef de Section s'apprêtait donc à jeter la boisson, quand il sentit une présence à ses côtés. Il leva les yeux, et vit qu'Hosoda Chiho se tenait à côté de son bureau, prête à lui adresser la parole.

« Hosoda ? » Dit-il avec curiosité.

« Kobayashi-san, excusez-moi de vous déranger, » dit-elle ; « mais j'aurais besoin d'aide sur les données de terrain. »

« Vous êtes pas censée le finir ce week-end ? » Demanda-t-il d'une voix bourrue.

« C'est ce qui était prévu, mais j'ai remarqué que certains commerces ne sont pas ouverts sur le week-end, et il nous manque des données à cause de cela. » Expliqua la jeune femme.

« Hum, donc il faudrait dégager des heures en semaine pour compléter les données ? De combien de temps est-ce qu'on parle ? » Réfléchit à voix haute Shinsuke.

« Je dirais au minimum deux à trois jours, le temps d'aller sur le terrain et de récolter les derniers chiffres pour les ajouter au rapport, » révéla Chiho.

« Ce qui prendrait le reste de la semaine, jusqu'au week-end prochain… Mais si ça permet de terminer en avance le rapport à remettre au Chef Tsukasa, c'est pas plus mal. »

Shinsuke décrocha alors sans plus attendre son téléphone fixe, et appuya sur le bouton auquel était attaché le numéro interne de son homologue de la Section Ventes.

« Hé, Tsukasa-san, tu peux autoriser Hosoda-san à aller sur le terrain pour les trois prochains jours ? » Demanda-t-il. « C'est pour compléter le rapport sur la zone de chalandise. »

« Oui, pas de problème, » répondit l'homme musclé depuis l'autre bout de la pièce tout en levant la main au-dessus des séparations pour faire le signe « ok » avec ses doigts.

La grosse voix résonna à la fois à travers le combiné, et à travers l'étage ; et Shinsuke se demanda si c'était vraiment utile d'appeler ce type quand il parlait aussi fort pour se faire entendre de tous.

Il raccrocha le téléphone fixe, et pivota son siège vers la jeune femme.

« Vous l'avez entendu, » dit-il en pointant du doigt derrière lui. « Mais vous auriez pu lui demander directement, au lieu de passer par moi... »

« À ce propos, » intervint Chiho. « Je suis venue demander votre autorisation, car j'aurais aussi besoin de l'assistance de l'interne. »

« Shinohara ? » Demanda-t-il avec étonnement.

« Elle m'a bien aidée lors du dernier week-end, » ajouta Chiho en hochant la tête.

Silencieux un instant, Shinsuke pesa le pour et le contre.

Devait-il envoyer la jeune femme dehors pour le plus l'avoir en face de lui, ou la garder à l'œil ici ?

Elle souriait comme d'habitude aujourd'hui, même après ses paroles à lui, et après toute cette affaire d'agression ; et Shinsuke se dit qu'il ne comprenait pas l'attitude de la jeune femme.

Elle paraissait constamment de bonne humeur, ce qui le fatiguait malgré lui, et en voyant que les autres employés du Département lui avaient montré leur sollicitude, il n'avait pas pu être aussi sévère qu'il l'aurait voulu avec elle. La faute en partie aux regards sévères que lui lançait Hasami Mari. Il avait déjà pu voir la veille que cette femme pouvait être assez effrayante en étant furieuse, et espérait ne pas se la mettre à dos en s'en prenant encore à la jeune interne.

Il passa sa main sur son menton, ses doigts glissant sur sa peau pouvant sentir sa barbe de trois jours, et il s'éclaircit la gorge.

« Je vois pas d'inconvénient à ça, » dit-il pour signifier son accord.

« Merci, Kobayashi-san, » dit-elle avant de s'éloigner pour certainement aller se diriger vers l'autre jeune femme.

Pivotant sur son son siège pour faire à nouveau face à son bureau, il fronça les sourcils et se mit à tapoter ses doigts à côté de son clavier sur la surface dure de la table.

Est-ce qu'il l'avait imaginé, ou est-ce que Chiho avait eu un sourire bizarre, juste à l'instant ?

Il lui avait semblé apercevoir une pointe d'amusement dans l'attitude de la jeune femme, et Shinsuke ne sut dire ce qu'elle trouvait de si drôle là-dedans.

Peut-être que les deux femmes avaient sympathisé depuis sortie ensemble, et que Chiho était ravie de pouvoir à nouveau côtoyer la jeune interne ?

De son côté, Chiho s'était en effet déplacée jusqu'au bureau d'Hana, et après avoir appelé la jeune femme par son nom de famille pour signaler sa présence, reprit la parole.

« Tu m'accompagnes dehors, » dit-elle sans ménagement.

« Dehors ? » Répéta Hana, prise de court.

« Le Chef a donné son accord, donc pour les trois prochains jours, tu vas venir avec moi sur le terrain, » compléta Chiho d'un ton sec et tranchant.

Intrigué, Shinsuke les observa depuis son bureau, en se redressant légèrement pour que son champ de vision soit au-dessus des panneaux en plastique ; et vit pour la première fois que Hana semblait inquiète, son visage tendu trahissant un accès de stress qu'elle parvint à peine à dissimuler derrière un air impassible.

Chiho, en revanche, jubilait.