Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 16 - Elle ne semble pas aller bien.

Chapter 16 - Elle ne semble pas aller bien.

Quelques minutes plus tard, Ren et Hana s'étaient enfin retrouvés dans le grand hall au rez-de-chaussée de l'immeuble de Marline Insurance.

Déjà fatiguée à force d'avoir fixé un écran d'ordinateur toute la journée, Hana vit à nouveau ses yeux être agressés par l'éclairage éblouissant du hall ; aussi puissant que dans la journée, mais bien plus cruel en pleine nuit.

« J'espère que vous réfléchirez à ce que je vous ai dit, si possible, après une bonne nuit de repos, » dit alors Ren.

Au fond, Hana savait qu'il avait raison.

Elle demanderait directement au Chef Kobayashi pourquoi il semblait avoir une dent contre elle.

C'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Surtout qu'elle ne voulait pas que leur relation professionnelle fasse pâtir leur relation personnelle. Et vice-versa.

Ils sortirent du bâtiment ensemble, et Hana fut surprise de constater que Ren allait exactement dans la même direction qu'elle.

« Vous prenez aussi cette ligne de métro ? » Demanda-t-elle tout en continuant de marcher à travers la place devant l'immeuble.

Pour toute réponse, Ren hocha de la tête.

Tout en se dirigeant vers la station de métro située à l'Est, Hana se perdit à regarder les immeubles encore entièrement éclairés tout autour d'eux.

Le quartier des affaires était relativement calme, à cette heure-ci, mais même en sachant que la majorité des étages étaient vides, elle ne pouvait s'empêcher de penser au fait qu'une poignée de personnes devait encore être en train de travailler et de faire des heures supplémentaires.

Quand elle avait annoncé à son père quelles études elle voulait suivre, il avait au départ été réticent à la laisser continuer dans cette voie.

Pas parce qu'il pensait que cela ne lui convenait pas, ou qu'il doutait d'elle, mais plus parce qu'il avait peur qu'elle tombe prisonnière d'un cycle d'heures supplémentaires et finisse par s'exténuer au travail.

Mais, devant son insistance, il avait fini par céder.

Si en revanche, il avait su la vraie raison qui avait poussé Hana à choisir cette voie, il aurait sûrement été plus virulent et aurait été moins conciliant sur son choix de carrière.

Mais même cela n'aurait pas empêché la jeune femme de se retrouver ici, à cet endroit, en ce moment même.

Elle avait une immense dette à payer. Et pour cela, elle était prête à tout.

Arrivés à l'intérieur de la station de métro, elle remarqua que beaucoup de personnes étaient encore sur les quais, à attendre la prochaine rame. Comme si c'était une heure tout à fait normale de la journée.

Ce qui lui fit enfin réaliser que les grandes villes étaient vraiment différentes de la campagne. D'où elle venait, les gens étaient systématiquement chez eux à cette heure-là, et les rues rapidement désertées.

Mais les villes, grandes ou non d'ailleurs, seraient toujours plus animées qu'une petite ville de province.

Ren et elle se positionnèrent sur le quai côte à côte, en attendant leur transport, et sans un mot, ils se mirent tous les deux à regarder les différentes publicités défilant sur les écrans vidéos en face d'eux.

Elle ne pouvait pas vraiment savoir à quoi pensait son collègue aîné, car il avait toujours le même air sérieux et impassible.

Toutefois, elle remarqua un épi de cheveux commençant à dépasser à l'arrière du crâne de l'homme. Signe que, même pour monsieur parfait, la journée avait été un peu trop longue.

Elle sourit discrètement, avant de reporter son attention sur le panneau annonçant en direct les prochaines arrivées de rames.

Attendre.

Attendre en sachant quelle durée restait avant le prochain train.

Attendre, en ayant une durée pré-établie.

Elle en perdit son sourire.

Hana venait de faire le parallèle avec une certaine partie de sa vie, et prit un air amer.

Et si elle avait eu plus de temps ? Si tout n'avait pas été terminé en cinq petits mois ?

Est-ce que les choses auraient été différentes ? Est-ce que les gens auraient été différents ? Est-ce que elle même, elle aurait été différente ?

Peut-être qu'avec plus de temps, elle n'aurait pas agi comme elle l'avait fait.

Mais voilà, les choses s'étaient passées d'une certaine façon, et pas d'une autre. Des choses qui se trouvaient dans son passé, et qu'elle ne pourrait jamais changer.

« Shinohara-san ? » Dit Ren, pour se manifester et attirer l'attention de la jeune femme.

Elle tourna un air surpris vers elle, comme s'il l'avait attrapée à un moment qu'il n'aurait pas dû voir. Et rapidement, elle sourit pour cacher sa détresse.

« Qu'y-a-t-il, Ito-san ? » demanda-t-elle avec une voix sonnant comme forcée.

L'homme la regarda curieusement, comme s'il essayait de comprendre exactement ce qu'elle tentait de faire.

Mais vraiment, elle ne tentait rien. Ou si elle tentait en effet quelque chose, c'était de cacher à quel point elle avait pu être déprimée l'espace d'un instant.

Il fronça un peu les sourcils, semblant penser à quelque chose à propos de la jeune femme, puis détournant le regard, ajouta :

« Le prochain train arrive. »

Hana tourna alors la tête vers l'extrémité du quai, et vit qu'en effet, leur moyen de transport était en approche.

Il fallut quelques secondes, pour que les wagons s'arrêtent, et qu'un bip sonore signalant l'ouverture des portes ne retentisse.

Aussitôt, un flux de passants, entrant et sortant en même temps, commença à animer le quai tout entier.

Hana profita du mouvement général pour se faufiler à l'intérieur de la rame ; mais quand elle se retourna, elle vit que Ren n'avait pas bougé de sa position sur le quai, et la regardait.

« Ito-san, venez ! Vous risquez de le rater ! » S'exclama-t-elle.

Il secoua alors la tête.

« Je dois prendre la ligne dans l'autre sens pour rentrer chez moi, » expliqua-t-il.

Ce qui signifiait que depuis tout à l'heure, il attendait avec elle sur le mauvais quai.

Elle fronça les sourcils.

Est-ce que par hasard…. ?

Il inclina légèrement la tête pour lui dire au revoir, et se retournait déjà pour partir, lorsqu'Hana s'exclama assez fort pour qu'il puisse l'entendre à travers les portes déjà en train de se refermer.

« Merci de m'avoir tenu compagnie ! »

Elle le vit sursauter sur place, arrêté net dans son élan. Il avait dû être surpris à la fois par sa voix, mais aussi par les paroles de la jeune femme.

Puis, toujours dos à elle, il tourna la tête légèrement sur le côté pour l'apercevoir du coin de l'œil, et hocha de la tête une nouvelle fois.

Elle sourit, et la rame commença à avancer, laissant Ren à présent seul sur le quai de la station de métro. Elle le vit se diriger vers les escaliers – sûrement pour aller sur le bon quai – puis la station entière disparut, la rame passant dans un grand tournant.

Il avait décidé de lui tenir compagnie jusqu'à ce qu'elle monte dans le train, veillant sur elle. Peut-être pour s'assurer qu'elle rentre bien chez elle, sans encombres.

C'était… Très gentil de sa part.

Et totalement inattendu.

Honnêtement, elle aurait pensé que cet homme si propre sur lui et si carré dans sa réflexion aurait préféré rentrer chez lui directement. Un peu comme un robot, en suivant un trajet pré-établi et routinier. Le genre de trajet à être optimisé pour gagner du temps et éviter le plus de déconvenues.

Un trajet du type 'Ito Ren'.

Cela lui redonna le sourire, et elle dût réprimer un petit rire.

La journée n'avait pas été si horrible que ça, finalement…