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Chapter 22 - Il essaie de me draguer.

« Shinohara, on doit parler. »

Le Chef Kobayashi avait prononcé ces paroles avec un tel sérieux que la jeune femme ne savait pas si elle allait être réprimandée, ou simplement assignée à une nouvelle tâche. C'était un peu difficile à jauger, étant donné que son supérieur hiérarchique avait une expression énervée par défaut pour toutes ses autres expressions.

Il l'avait abordée juste à côté de la machine à café pendant la pause de l'après-midi, soulevant les regards curieux et suspicieux de plusieurs collègues de la jeune femme, à commencer par Ren, Yuuto et Mari.

Toutefois, s'étant rendu compte de la demande un peu trop directe et singulière, le Chef Kobayashi s'était rapidement rattrapé.

« Ce soir, au repas d'équipe, je dois faire le point avec toi sur quelque chose, » avait-il dit avec précipitation.

Ce qui n'avait pas du tout dissipé les airs pleins de doute et de curiosité des employés du Département Catastrophes Naturelles. Loin de là.

Hana se demandait d'ailleurs ce qui lui prenait, à soudainement venir lui parler comme ça, sans prévenir. Elle en était même venue à se demander si elle allait vivre son dernier jour en tant qu'employée de Marline, avant que Mari ne la rassure sur le fait que les internes ne pouvaient pas être renvoyés avant la fin de leur période d'essai.

Elle avait donc soupiré, soulagée mais restant tout de même anxieuse face à la future conversation avec cette personne ; et restant stressée jusqu'à la fin de la journée.

Alors…

Pourquoi est-ce qu'il n'était toujours pas là ?

La jeune femme était déjà arrivée dans le bar restaurant où se trouvait le reste des employés depuis une bonne demi-heure, les tablées s'étant formées depuis longtemps dans plusieurs pièces de l'établissement. Pourtant, aucune trace du chef Kobayashi.

La première tournée de bière et de sake avait déjà été distribuée dans toutes les salles occupées par Marline, en même temps que les apéritifs et les divers biscuits et bols d'edamame posés à intervalles réguliers sur les longues tables basses autour desquelles les employés s'étaient assis à même le sol sur des coussins moelleux.

« Ils ont probablement été retenus par la RH ou par le boss au-dessus d'eux... » Dit mollement Yuuto, déjà à son troisième verre de bière. « C'est vache pour eux, mais c'est tant mieux pour nous. »

Maintenant qu'elle y prêtait plus attention, monsieur Ogawa n'était pas non plus présent.

« Tu devrais ralentir sur l'alcool, Yuuto-kun, » le prévint Mari.

« Et toi te lâcher un peu, » répondit-il en levant son verre dans sa direction.

Mari avait réussi à ne pas se laisser entraîner par l'ambiance générale, et s'était contentée de boire jus de fruits sur jus de fruits au milieu de toute cette excitation.

« Et Shinohara-chan, toi aussi tu devrais te détendre ! » s'exclama-t-il. « Déjà que tu fais la tête depuis cet après-midi... »

Il prit une cannette de bière et la tendit vers la jeune femme qui se trouvait en face de lui à table, mais cette dernière secoua la tête.

« Je ne supporte pas l'alcool, » s'excusa Hana.

« Oh, pas de chance… Ça en fera plus pour moi alors ! » Dit-il avec entrain en versant le reste de la boisson dans son verre encore à moitié plein.

Ren se contentait de grignoter quelques crackers de riz tout en prenant de temps en temps une minuscule gorgée de sake.

Hana se fit la réflexion qu'avec lui, tout était dans la modération. Même pour faire la fête.

Toutefois, elle remarqua que la pièce dans laquelle ils se trouvaient tous les quatre était essentiellement occupée par des employés du huitième étage.

« Ah, ça ? » Releva Mari. « Disons qu'on a l'habitude, depuis le temps… Les gens n'aiment pas trop nous côtoyer, en général. »

« Pourquoi ? » demanda Hana en toute innocence.

« À cause de qui, plutôt... » Soupira Yuuto. « Nos chefs sont un peu trop… Énervants, pour les autres... »

Il jeta un regard en coin à l'autre bout de la table, où le Chef de la section ventes, Tsukasa Heizo, riait à gorge déployée.

« Ils sont soit trop sévères, soit trop laxistes. Tout dans les extrêmes, » expliqua rapidement Ren. « Mais la raison principale est que notre Département a juste une mauvaise réputation auprès des autres... »

« Une mauvaise réputation ? » Répéta Hana.

Ren prit un nouveau cracker, et avant de mordre dedans, lui répondit :

« Notre Département est sans arrêt sous tension, et à plusieurs occasions, on est obligés de refiler du travail aux autres Départements, » ajouta-t-il avant d'enfoncer ses dents dans le biscuit qu'il avait en main.

« Mais ça n'empêche pas des gens de tout de même venir avec nous pour discuter, » sourit Mari.

Ils étaient tous les quatre assis en fin de table, et avec un geste rapide de la tête, Mari désigna alors trois femmes assises à proximité du Chef Tsukasa et ayant des coupes de cheveux similaires : courtes, avec un léger dégradé vers l'arrière.

« Là-bas par exemple, tu as Iwabi-san, Chiaki-san et Tamura-san, » présenta-t-elle. « Elles sont du département véhicules professionnels, et font partie du fan-club de Tsukasa-san. On les surnomme Cerbère, car elles sont toujours au courant de tout. Un peu comme si Ito-san s'était dédoublé, et était devenu une femme.»

Ren claqua sa langue, visiblement ennuyé par le commentaire sur sa personne.

« C...Cerbère ? » Répéta Hana, un peu déstabilisée par le nom particulier qui lui rappelait des cours de lycée sur les mythologies européennes.

« Oui, parce qu'elles sont trois, et qu'elles semblent garder les portes du monde souterrain des ragots. Je soupçonne qu'elles en savent beaucoup plus que ce qu'elles partagent réellement, alors sois prudente lorsque tu leur parles. »

Hana hocha rapidement la tête, tout en lançant un regard curieux au 'Cerbère' qui rigolait joyeusement à l'autre bout de la table.

« Oh, il est presque 21h, » dit alors Mari tout en regardant la montre au fin bracelet rose clair qu'elle avait au poignet. « Je suis désolée, mais je vais devoir vous laisser... »

« Déjà ? » Se plaignit Yuuto. « On est là que depuis une demi-heure... »

« J'ai des choses de prévues demain matin, alors je dois rentrer tôt, » sourit Mari avec un air désolé.

« Qui prévoit des trucs un samedi matin ? » Se moqua Yuuto.

Mari commença à se lever et à prendre son sac, et rapidement, elle fut imitée par Ren.

« Hé, me dis pas que tu pars aussi ?! » Chouina Yuuto comme un gros gamin à qui on aurait refusé un de ses caprices.

Ren se contenta de hocher la tête en silence, avant de suivre Mari à l'extérieur de la pièce après avoir récupéré leurs vestes.

« C'est barbant… Ils auraient pu rester un peu plus longtemps... » Dit Yuuto, déprimé.

Hana lui sourit maladroitement.

Il devait probablement ne pas supporter autant que ça l'alcool.

« Dis, Shinohara-chan, tu restes, hein ? » Supplia-t-il avec un sourire benêt.

Oui, c'était sûr maintenant. Il ne tenait pas du tout l'alcool.

Des serveurs arrivèrent dans la pièce pour distribuer des assiettes de brochettes de viande et de poisson sur la table, laissant la porte de la salle ouverte derrière eux.

Hana pouvait entendre des cris de joie et même quelques voix mécontentes s'élever depuis le couloir, signe que Yuuto ne devait probablement pas être le seul à devenir rapidement ivre.

« Tiens, Shinoraha-chan ! » Dit-il en lui tendant une tasse de sake.

« Je ne peux vraiment pas boire, » se défendit-elle.

Yuuto continua d'agiter la boisson vers elle, ce qui la fit céder.

Elle sourit avec gêne, et prenant la tasse, posa cette dernière juste à côté d'elle sur la table.

Le jeune homme fut satisfait de lui avoir donné de quoi boire, même si elle n'y toucha pas.

La jeune femme continua de regarder les minutes passer sur l'écran de son téléphone, finissant par longuement soupire.

Il était déjà près de 21h30, et toujours pas de signe du Chef Kobayashi. Elle s'était forcée à rester pour espérer l'apercevoir, et comprendre enfin ce qu'il lui voulait, mais ça avait été inutile. Il ne viendrait probablement pas.

Entre-temps, Yuuto s'était également assoupi en face d'elle, et le Chef Tsukasa lui avait déjà appelé un taxi pour le raccompagner chez lui. Elle s'était donc fixée une dernière limite de temps.

Si le Chef Kobayashi n'arrivait pas avant que Yuuto ne soit embarqué de force dans son taxi, elle partirait pour prendre le train et rentrer.

Elle était un peu déçue, tout de même. Jusqu'à présent, le Chef Kobayashi n'avait fait que lui crier dessus à distance, ou lui envoyer des e-mails bourrés de travail. Aussi, elle avait vraiment été agréablement surprise de son approche quelques heures plus tôt, en salle de pause.

Peut-être s'était-elle fait une fausse joie.

« Ah, Shinohara-san ! J'te cherchais ! » S'exclama un homme juste derrière elle.

Elle grimaça, avant de rapidement reprendre une expression neutre, et de se retourner vers la personne qui venait de l'appeler. Elle n'avait pas eu besoin de voir son visage, ayant reconnu par sa voix Kubo Touma.

Sans aucune gêne, il vint directement s'asseoir à côté d'Hana, à la place que Mari avait occupée en début de soirée ; ce qui mit dans une position inconfortable la jeune femme.

Qu'est-ce qu'il lui voulait, encore ?

« Alors, est-ce que tout se passe bien ? » Demanda-t-il en se penchant vers elle, ce qui l'embarrassa un peu plus.

« B...Bien, » répondit-t-elle rapidement, en faisant un mouvement de recul.

Elle jeta un coup d'œil nerveux en face d'elle, puis au reste de la tablée. Yuuto dormait toujours, et les autres employés étaient trop occupés à parler entre eux pour remarquer le nouveau venu dans la pièce.

Grimaçant mentalement, elle dût se rendre à l'évidence : elle aurait à régler ce problème toute seule.

« Qu'est-ce que vous faites là, Kubo-san ? » Demanda-t-elle sans vraiment chercher à avoir une réponse.

« Oh, mais je viens te voir toi ! » S'exclama-t-il avec un grand sourire.

Une sensation d'inconfort s'empara de la jeune femme. Qu'est-ce que ce sourire pouvait bien cacher ?

« Attends, je vais nous chercher un truc à boire, et je reviens, ok ? » Dit-il en se levant immédiatement, sans lui donner la moindre chance de protester.

Il quitta la pièce rapidement, ce qui donna un peu de répit à Hana. Elle ne savait pas vraiment pourquoi ce type s'intéressait tant à elle, mais il la mettait mal à l'aise. Est-ce que c'était normal, ce genre de comportement ?

Elle n'avait pas vraiment eu autant d'amis que ça, jusqu'à présent, alors c'était difficile à dire. Surtout avec l'étrange sensation qu'elle ressentait au fond de son estomac.

Ce n'était pas le genre d'anxiété face à l'inconnu. C'était plus… Inquiétant que ça. Ce qui la poussa à l'action, car elle commença à légèrement secouer Yuuto, qui s'était avachi sur la table, sa tête enfouie dans ses bras.

Mais rien n'y faisait, le jeune homme se contentant de geindre avant de retourner dans le silence.

Rapidement, Kubo était de retour, deux verres de boissons entre les mains, et s'assit à nouveau un peu trop près à côté d'elle.

« Tiens, ça va te faire du bien, » dit-il en lui tendant un verre clair qui sentait clairement l'alcool.

« Ah, euh, non merci, » s'excusa-t-elle rapidement en levant ses mains devant elle. « Je ne supporte pas l'alcool. »

« Je pensais que tu dirais peut-être ça, alors tiens ! » Dit-il en lui tendant le verre rempli d'un liquide jaune orangé. « Jus d'orange, tout ce qu'il y a de plus simple. »

Hana considéra un instant le verre que lui tendait l'homme un peu plus âgé, puis finit par se résigner et à le prendre en mains.

Il avait pensé à cette éventualité, aussi cela la rassura-t-elle. Kubo s'était montré plutôt attentionné et attentif, avec cette approche.

Elle prit quelques gorgées par pure politesse, avant de poser le verre à côté de celui que Yuuto lui avait tendu un peu plus tôt. À cette allure, elle risquait de rapidement collectionner les verres pleins avant son départ.

« Alors, tout se passe bien au Département des tarés ? » Demanda-t-il en souriant et en commençant à boire son propre verre.

« Pardon ? » Dit-elle, interloquée.

« Ah, tu dois l'ignorer, mais c'est le surnom de votre Département, » expliqua-t-il rapidement. « C'est un étage tellement dingue niveau charge de travail que les gens démissionnent plus vite qu'il n'arrive de nouveaux embauchés. »

Hana fronça des sourcils. C'était donc ça que Ren et Mari avaient tenté de lui expliquer, en évitant de noircir le tableau ? C'était vraiment ce qui se passait au huitième étage, et ce que les autres pensaient du Département des Catastrophes Naturelles ?

Cela lui fit un peu de la peine, car elle n'appréciait pas du tout les paroles de l'homme à ses côtés. Ce dernier releva rapidement l'expression déconfite de la jeune femme.

« Je dis pas ça gratuitement, tu sais. » Dit-il en hâte. « Mais c'est comme ça que tout le monde vous voit... »

Hana ne sut pas dire ce qui était le pire, dans cette situation : le fait que Kubo avait probablement raison, ou le fait qu'il ait dit cela sans la moindre once de gentillesse, ni même en ayant l'air désolé. Probablement les deux, ce qui lui déclencha un mal de crâne.

« J'apprécie beaucoup les gens de mon Département, alors arrêtez de parler de ça, Kubo-san, » dit-elle avec véhémence.

« D… Désolé... » S'empressa-t-il de dire à cause du ton sévère de la jeune femme.

Un court silence s'installa, avant qu'il ne reprenne la parole, plus enjoué que jamais. Peut-être le courage liquide que lui avait octroyé sa boisson alcoolisée.

« Mais dis-moi Shinohara-san, ton copain va pas s'inquiéter que tu sois dehors si tard ? » Demanda-t-il.

« J… Je n'ai pas de 'copain', » répondit-elle avec gêne.

La question était un peu trop directe et personnelle à son goût, et ne semblait pas non plus être totalement innocente.

« Oh, je vois, » dit-il avec un air ravi.

Non, définitivement pas innocente, cette question. Ce qui fit redoubler d'intensité le mal de tête d'Hana.

« Dans ce cas, ça te dirais qu'on se fasse un film, un de ces jours ? » Demanda-t-il avec un sourire confiant.

Oh. Elle comprenait enfin. Ce type lui faisait du rentre-dedans !

C'était la première fois que ça lui arrivait ; qu'on la drague.

Toutefois, même si cela la flattait un peu, ça l'embarrassait grandement ; et encore plus, la mettait dans une position indélicate.

Elle n'avait pas du tout de sentiments pour cet homme. En fait, si elle devait parler de qui l'intéressait, ce serait…

« Tu sais, pas besoin de s'en faire, on peut essayer, et si ça te conviens pas, tant pis hein ! » S'exclama-t-il.

'Essayer' ? On pouvait vraiment faire ça, entre adultes ?

Non, même si c'était le cas, ça ne l'intéressait pas de juste 'essayer'. Pas avec Kubo, du moins.

« N...Non... » Dit-elle après un instant de silence.

L'homme grimaça légèrement, avant de cacher presque instantanément son expression mécontente par un sourire encore plus grand.

Ah, qu'est-ce que c'était que cette sensation ?

Elle avait déjà une migraine, mais maintenant, elle avait aussi la tête qui tournait avec sa vision se troublant ?

« Allez, juste une sortie, ensemble ! » Minauda Kubo. « Qui sait, tu découvriras peut-être que je te plais ! »

Non. Ce type était bien trop insistant, et ne semblait pas comprendre le sens du mot 'non'.

Le sentiment d'anxiété qui s'était emparé de l'estomac de la jeune femme s'était transformé en réelle inquiétude. Mais elle devait rester ferme dans ses réponses.

« Kubo-san, je... »

Elle s'apprêtait à se lever, quand sa tête se mit encore plus à tourner, et qu'elle perdit l'équilibre ; retombant sur son coussin.

Qu'est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi est-ce qu'elle se sentait comme ça ?

Elle n'avait pourtant pas bu une seule goutte d'alcool ce soir. Alors pourquoi avait-elle l'impression d'être ivre ?

« Ça va, Shinohara-san ? » S'exclama le Chef Tsukasa depuis l'autre bout de la table.

Il avait assisté à la rapide chute de la jeune femme, et s'était immédiatement inquiété pour elle, fronçant les sourcils.

« Ne vous en faites pas, Tsukasa-san, » répondit rapidement Kubo. « J'ai l'impression qu'elle a un peu trop bu, alors je vais lui appeler un taxi. »

Qu'est-ce qu'il allait raconter ? Elle n'avait rien bu.

Elle n'avait rien bu, rien du tout.

Alors pourquoi est-ce qu'il avait dit cela en étant absolument sûr de lui ?

Tout à coup, les pièces du puzzle se mirent en place dans l'esprit de la jeune femme, et son regard se porta immédiatement sur le jus d'orange que lui avait tendu l'homme.

Il n'avait quand même pas… ?

Avant même qu'elle ait le temps d'ouvrir la bouche, Kubo la souleva en tirant sur ses bras, puis passa un de ses bras autour de sa taille.

« Vraiment, c'est pas bien d'abuser sur la boisson, Shinohara-san, » dit-il avec un petit sourire tout en l'amenant lentement vers le couloir.

Un sourire qui fit froid dans le dos de la jeune femme, tandis qu'elle commençait à perdre connaissance.