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Chapter 26 - Ils savent ce que j'ai fait.

Toujours assis dans le couloir des urgences, Kubo Touma massa longuement sa joue. Il était déjà contrarié que son plan ait raté, et passer sa nuit du vendredi au samedi à l'hôpital n'était clairement pas prévu au programme. N'arrivant pas à faire diminuer la douleur qu'il ressentait au niveau de la mâchoire, il s'était résolu à faire un détour avant de rentrer chez lui.

Cependant, sa blessure étant superficielle, il avait été relégué à attendre son tour pour faire passer en priorité les patients avec des situations plus pressantes et préoccupantes. Il en était donc réduit à se plaindre sur ses réseaux sociaux, et aussi à rechercher sur le net les peines encourues en cas d'administration de substances nocives à autrui.

Elle n'allait quand même pas porter plainte contre lui, pas vrai ?

Non, à bien y réfléchir, même si elle le dénonçait, il n'avait qu'à nier. Ce n'était pas comme si elle avait la moindre preuve de ce qui s'était passé ce soir ; et vu qu'elle l'avait frappé devant des dizaines de personnes en pleine rue, il était persuadé que d'autres personnes viendraient témoigner qu'il était la victime. Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, mais personne ne la croirait avec la violence qu'elle avait étalée devant tant de gens.

Il regarda rapidement l'heure sur sa montre : 2h00 du matin.

Ça faisait presque une heure qu'il attendait, et il commençait sérieusement à s'impatienter. Les infirmières et les médecins continuaient de passer devant lui comme s'il était invisible, ne se préoccupant pas de lui, ce qui l'énervait d'autant plus. Ils faisaient exprès de l'ignorer, ou quoi ?

Retournant lire le contenu du forum où il venait de se plaindre d'avoir été frappé, il vit qu'une dizaine de réponses avaient déjà été postées à la suite de son message.

[SUJET : 'Une femme m'a frappé au cours d'une soirée, devrais-je porter plainte?']

[Wah, quel naze. Il s'est fait frapper par une femme !]

[T'aurais dû te défendre, mec. L'égalité homme femme, tout ça...]

[S'il s'est fait taper, c'est forcément parce qu'il a fait quelque chose de mal.]

[Et encore un pauvre type qui croit que toutes les femmes sont censées tomber à ses pieds ;p]

[Si elle est jolie, elle peut me frapper quand elle veut ! *fixe du regard*]

[Ah, les détraqués sont de retour. Ce sera sans moi. Sujet mis en sourdine.]

Frustré par les quelques réponses qui ne lui apportaient aucune satisfaction personnelle, il ferma l'onglet de la page internet puis éteignit l'écran de son portable.

Ces gens ne savaient pas de quoi ils parlaient. Qu'est-ce qu'il avait imaginé ?

Il fixa calmement l'écran toujours éteint de son téléphone incliné en arrière, dégoûté de n'avoir personne de son côté. Il cligna des yeux, et vit dans le reflet de l'écran une silhouette humaine s'approcher et s'arrêter. Depuis une bonne heure, personne ne lui avait adressé la parole, alors qui pouvait donc être assez brave pour s'arrêter à son niveau ?

Agacé, il leva les yeux, et fut déçu de voir que la personne qui se tenait devant lui n'était pas un médecin, mais un homme d'âge moyen habillé d'un costume simple mais élégant. La tenue, dénuée de toute extravagance, cantonnait toutefois le choix des carrières possibles à un subordonné, plutôt qu'à un associé ou à un cadre d'entreprise.

« Monsieur Kubo je présume ? » Demanda l'homme, inexpressif.

« Vous êtes qui ? » Demanda Touma, sans aucunement cacher qu'il trouvait cette personne désagréable.

L'homme fouilla dans la poche de sa veste, et en sortit un téléphone qu'il lui tendit avec précaution.

« Mon employeur aimerait s'entretenir avec vous, » dit-il sans en révéler plus.

« Votre employeur ? » Dit Touma, décontenancé.

L'homme ne répondit rien, continuant de tendre le bras vers l'employé de Marline ; immobile.

Vu le peut de patience que Touma possédait encore, il se saisit brusquement du portable et vit que ce dernier avait déjà connecté un appel sortant.

Avec suspicion, il porta le téléphone à son oreille.

« Vous me voulez quoi ? » Demanda-t-il avec animosité.

« Vous aider, Kubo-san, » répondit une voix qui surprit Touma.

« M'aider ? En quoi ? Et vous êtes qui ? » Demanda avec insistance l'employé de Marline.

« J'ai eu vent d'un regrettable incident s'était produit cette nuit, » dit d'un ton assuré la voix. « Aussi, j'aimerais vous apporter mon assistance. »

Touma resta un moment silencieux, considérant l'offre qui lui était faite. Il leva le regard vers l'homme qui lui avait tendu le téléphone : celui-ci était toujours immobile et calme, comme si sa mission était d'attendre sagement auprès de la personne que son employeur voulait contacter.

« Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais faire confiance à quelqu'un que je ne connais pas et qui ignore tout ce qui s'est passé ? » Demanda-t-il en baissant à nouveau le regard, sur ses gardes.

« Je sais déjà que quelqu'un vous a frappé, et que vous voulez vous venger, » énonça la voix. « N'est ce pas suffisant ? »

Touma renifla bruyamment.

Pour qui cette personne se prenait, à s'immiscer dans sa vie privée comme ça ?

« Comme si j'allais écouter ce que quelqu'un sorti de nulle part raconte, » dit-il avec mépris.

« Je sais aussi la raison pour laquelle vous avez été frappé, Kubo Touma, » Rétorqua calmement la voix. « Et je pourrais très bien décider de vous dénoncer. »

Touma resta silencieux et impassible. Cependant, dans son esprit, c'était l'agitation et la surprise.

Qu'est-ce que cette personne savait, au juste ?! Et comment ?!

Est-ce qu'on allait lui faire du chantage ? La jeune femme avait-elle déjà parlé sur ce qu'il avait fait ? Y avait-il d'autres témoins ? Ou pire, des preuves irréfutables de ce qu'il avait fait ?

En proie à la panique, il en oublia presque la personne à l'autre bout du fil.

« Toutefois… Vous me seriez bien plus utile en travaillant toujours à Marline, » Précisa la voix.

« Marline ? Vous savez aussi où je travaille ? » Demanda Touma en déglutissant.

« Si je le voulais vraiment, vous seriez déjà entre les mains de la police, » s'imposa la voix. « Après tout, j'ai des preuves. Vérifiez les vidéos dans ce téléphone, si vous ne me croyez pas.»

Sur ces mots, Touma détacha de son oreille le téléphone qu'il tenait en main, et fixa avec des yeux tremblants l'écran qui affichait le numéro masqué. Puis, comme s'il avait été piqué au vif, il se mit à fouiller dans les fichiers enregistrés sur le smartphone.

Avec agitation, il parcourut les différents dossiers, quand le nom d'une vidéo attira son attention.

Il s'agissait d'une date, et d'un nom ; deux informations qu'il reconnut immédiatement.

Fébrile, il appuya sur l'icône pour démarrer la lecture de la vidéo. Ses yeux s'écarquillèrent, et immédiatement, il stoppa la vidéo puis la supprima avec précipitation des fichiers présents sur le téléphone.

« Bien sûr, vous devez vous douter que ce n'est pas la seule copie qui existe de cette vidéo, pas vrai ? » Interrompit la voix qu'il pouvait entendre très clairement même sans être en haut parleur.

Touma ne savait plus quoi dire. Cette personne qu'il ne connaissait même pas avait assez d'informations sur lui pour le livrer à la justice, et pourtant…

« Pourquoi vous ne m'avez pas déjà livré à la police ? » Demanda-t-il d'une voix tremblante.

Il crut entendre un rire étouffé à l'autre bout du fil, avant que la voix ne réponde :

« Voyez-vous, il y a chez Marline quelqu'un que je déteste encore plus que vous. »

Donc, il ne devait son salut qu'à l'humeur généreuse de cette personne ? Une personne qui pouvait faire n'importe quoi de lui ?

C'était du chantage, purement et simplement. Il aurait dû s'en douter. Mais puisque cette personne pouvait le sortir de ce mauvais pas… Comme l'enfoncer encore plus profondément dans les ennuis. Alors, il n'avait plus vraiment de choix.

« Vous me proposez quoi ? » Demanda Touma.

« Oh, rien de bien compliqué, » dit la voix avec un sourire nettement audible. « Je vous aide, et vous m'aidez en retour. C'est simple, non ? »