Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 30 - Elle me met mal à l'aise.

Chapter 30 - Elle me met mal à l'aise.

Hana jeta un coup d'œil discret au-dessus des partitions, et vit que Hosoda Chiho était encore à son bureau, en train de travailler. Elle se demandait combien de temps passerait encore, avant que les deux femmes ne partent sur le terrain.

« Alors Hana-chan, tu es impatiente de partir sur le terrain ? » demanda en chuchotant Mari, tout sourire.

La jeune femme répondit par un sourire timide.

Ce n'était pas qu'elle était impatiente, mais plutôt qu'elle était anxieuse.

Elle n'avait pas prêté attention plus que cela à ses collègues travaillant au même étage, mais elle était consciente qu'elle n'avait pas vu Chiho jusqu'à ce moment précis où elle avait été appelée par le Chef Kobayashi. Les deux femmes ne s'étaient jamais croisées depuis qu'elle était arrivée dans l'entreprise, alors comment pouvait-elle savoir qu'elle travaillait au même endroit, qui plus est au même étage?

Hana ne s'était pas douté une seule seconde qu'elle allait croiser à nouveau quelqu'un qui était allé au lycée avec elle, dans une ville totalement différente.

Alors revoir tout à coup cette femme, après plusieurs années, l'avait plus que surprise.

Elle avait soudainement été replongée dans cette période désagréable de sa vie, mais avait cependant réussi à maintenir une expression calme.

Pourtant, intérieurement, Hana paniquait un peu. Est-ce que Chiho l'avait reconnue ?

Et après ? Qu'allait-il se passer si elle avait été reconnue ?

'Tu te crois vraiment tout permis, hein ?'

'Dégages, tu me gâches la vue.'

'Tu me dégoûtes.'

Anxieuse, elle passa ses mains sous son bureau avant de serrer ses poings.

Peut-être ne l'avait-elle pas reconnue ? Après tout, cela faisait déjà plus de cinq ans, et personne ne lui avait prêté suffisamment attention à l'époque pour pouvoir encore se souvenir d'elle des années après.

Malgré cela, si Chiho se souvenait tout de même d'elle et tentait quoi que ce soit, elle lui tiendrait tête. Elle n'allait pas se laisser faire.

Durant ces cinq dernières années, elle avait changé, et plus rien ne l'atteindrait.

« Prends tes affaires au cas où, Shinohara-chan, » dit Yuuto à voix basse. « C'est pas sûr que tu sois rentrée avant la fin de la journée de travail... »

« Vous pensez que ça va durer aussi longtemps ? » Demanda Hana en desserrant légèrement les poings.

« Si je me souviens bien, les enquêtes ont commencé le mois dernier, et ça doit être terminé pour ce mois-ci, » dit pensivement le jeune homme. « Donc Hosoda-san va devoir se dépêcher si elle veut pouvoir boucler à temps le rapport. Ce qui signifie des heures supplémentaires tous les samedis... »

Hana remercia Yuuto de lui avoir fourni une telle information, puis s'affaira à ranger les quelques affaires qu'elle avait sorties sur son bureau. Ce n'était que le début de la journée, alors elle n'avait pas vraiment eu le temps de commencer à travailler sur quoi que ce soit.

À peine avait-elle eu le temps d'éteindre son ordinateur, qu'une légère tape sur son épaule l'interpella et la fit sursauter.

Se retournant en faisant pivoter son siège sur son axe, elle eut la surprise de voir qu'Hosoda Chiho se tenait juste derrière elle, déjà prête à partir.

Elle paraissait un peu intimidante, à regarder Hana d'une position plus élevée ; mais Hana ne devait pas se laisser impressionner. Elles étaient toutes les deux employées dans la même entreprise, et ça s'arrêtait là.

« Prends tes affaires, on part maintenant, » dit Chiho, tout en jetant un regard à Yuuto qui les observait.

Sentant le regard insistant de Chiho sur lui, le jeune homme se retourna rapidement pour continuer le travail sur son ordinateur. Il n'aimait probablement pas se confronter à quelqu'un directement.

Avec un air confiant et une rapidité déconcertante, Hana se leva de son siège ; veste sous le bras et sac déjà pendu sur l'épaule. Chiho l'observa de la tête aux pieds – ce qui stressa un peu plus Hana – puis lui fit signe de la suivre jusqu'aux ascenseurs.

Quelques secondes plus tard, les deux jeunes femmes étaient dans la cabine d'ascenseurs, se tenant dans le silence le plus total à quelques pas l'une de l'autre. Cela mit mal à l'aise Hana, mais elle s'efforça de ne pas montrer sa nervosité. Elle ne savait pas vraiment si elle devait aborder un sujet, histoire de combler ce vide, ou attendre que l'autre personne ne se décide à parler.

C'était toujours dans ces difficultés que la timidité naturelle de la jeune femme revenait. L'idée d'essuyer un refus ou une remarque blessante la terrifiait, et à cause de cela, elle n'osait pas prendre la parole, même si cela la faisait passer pour quelqu'un d'asocial. Toutefois, plus que le silence et la peur d'être critiquée, Hana avait besoin de sortir de là. De ne pas être dans le même petit espace que Chiho.

Être seule ou isolée avec la jeune femme à proximité ne lui avait jamais amené de bons et heureux souvenirs ; aussi Hana s'était-elle habituée à devoir attendre un quelconque geste de méchanceté de la part de la jeune femme. Même des années après les faits originaux.

Tout ce qu'elle voulait, c'était oublier tout cela. Laisser les expériences désagréables du passé derrière elle, pour qu'elles ne pèsent plus sur son présent. C'était tout ce qu'elle souhaitait. Ça, et que Chiho ait changé depuis l'époque.

Levant les yeux, elle regarda rapidement les chiffres jaunes des étages qui étaient traversés en train de décroître sur l'écran noir. Elle se demandait combien de temps encore allait durer cette descente interminable vers le rez-de-chaussée. Combien de temps devrait-elle passer en compagnie de cette femme qui la mettait mal à l'aise rien que par sa simple présence ?

Hana devait aller au-delà de ce sentiment d'inconfort. Peut-être avait-elle trop d'imagination, et que cela lui faisait avoir des inquiétudes irréelles. C'était probablement le cas.

Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de très brièvement diriger son regard vers l'autre femme pour l'observer discrètement.

Chiho avait l'air très calme, voire même réticente à engager une quelconque conversation, vu comment elle était en train de pianoter sur l'écran de son téléphone avec une grande attention. À bien y réfléchir, elle devait sûrement être énervée qu'on lui ait mis au dernier moment dans les pattes une interne qu'elle devrait surveiller et former en même temps.

Pour ne rien arranger, Hana ne savait pas du tout comment une enquête sur le terrain se passait, et allait sûrement devoir lui poser plein de questions. Elle espérait donc que l'autre jeune femme prendrait au moins la peine de lui répondre, au lieu de l'ignorer comme si elle était un courant d'air.

Une fois sorties de l'ascenseur, les deux femmes passèrent les portiques de sécurité, et se retrouvèrent dans le hall presque vide à cette heure de travail matinale. Les agents de sécurité et le personnel d'accueil vaquait à ses occupations, les rares visiteurs étant des livreurs, des coursiers, ou des personnes ayant un rendez-vous.

Puis, l'air légèrement tiède laissa place au froid dès qu'elles passèrent les portes automatiques, et Hana se demanda si c'était à cause du mauvais temps qui s'annonçait, ou si c'était parce qu'elle quittait l'environnement rassurant de Marline. Peut-être que c'était les deux à la fois…

Cependant, elles avaient à peine commencé à marcher sur la place – Chiho prenant les devants et choisissant leur itinéraire - qu'une voix s'éleva enfin, prenant un peu de court Hana.

« Au fait, » commença Chiho sans même se retourner vers Hana. « C'est peut-être soudain comme question, mais t'aurais pas fait ta scolarité dans la ville de Takasaki ? »