Je mentirais en disant que je venais de passer une nuit porteuse. Je ne pus quasiment pas fermer l'œil : un peu de stress, certes, mais aussi de l'angoisse.
Aujourd'hui, non seulement je rejoignais la sixième armée, mais par-dessus tout je rejoingnais une équipe.
J'eus entendu dire que les équipes étaient normalement composées de six membres.
Mais exceptionnellement, la sixième armée, afin de pouvoir remplir correctement ses fonctions d'éclaireurs, travaillait par équipe de quatre.
Le problème était que l'arrivée d'une nouvelle dans les rangs d'une équipe qui avait déjà souvent travailler ensemble risquait de ne pas plaire, surtout si à l'origine il s'agissait d'une équipe de quatre personnes : cela signifiait que l'un des membres était mort.
Oui, je devais l'avouer, j'avais peur de ne pas réussir à m'intégrer correctement au sein de l'équipe.
Mais, d'un autre côté, ce n'était pas le moment de s'inquiéter pour ce genre de chose. Je me levai donc doucement de mon lit.
Mon mobilier avait légèrement été arrangé pendant que je fus absente ce mois-ci, service disponible grâce à ma montée en grade.
Je possédais dorénavant un petit miroir, qui venait compléter ma petite salle de bain précaire. Une petite armoire occupait le surplus de place au fond de ma chambre, corrigeant la sensation de vide lorsque l'on y entrait.
J'y rangeai quelques affaires, dont ce qui était ma tenue de service de la neuvième armée : une tunique en cuir noir, protégée par quelques pièces métalliques blanches.
L'écusson de la neuvième armée, l'ours, paraissait sur le côté gauche de celle-ci, pile là où devait se situait mon cœur.
Il représentait un code d'honneur au sein de l'armée, et une manière de se porter courage sur le champ de bataille : ' Pour ceux qui sont morts, ceux qui meurent, et ceux qui mourront, tu te bats. Que leur disparition, vaine ne soit pas. Ton objectif, protéger sera, dans ton cœur tu le porteras. Lorsque ta mort viendra, ta force persistera, au travers de tes sentiments, qui à tes amis seront transmis, et dorénavant se battront pour toi. '
Ce que représentait cet emblème était bien plus profond, certes, mais nous pouvions retrouver cet état d'esprit chez à peu près tous les soldats de Fenrir – et probablement des soldats du monde entier.
Il ne représentait pas grand-chose pour moi, qui n'était jamais partie au front, mais je le portais avec fierté.
Dorénavant ce petit ours sera remplacé par le renard, emblème de la sixième armée.
J'enfilai donc cette tenue, me préparai rapidement, mangeai un peu de pain sur lequel j'apposai délicatement un peu de confiture à la framboise.
Une fois mon petit casse-croûte terminé, je m'en allais par ma grande porte en bois, en direction d'un des lieux les plus emblématiques de la ville : la base militaire Fenrir.
La ville d'Era était composée de plusieurs quartiers, selon les affaires qui y coulaient : le quartier des forges, le quartier des commerçants, le quartier résidentiel, le quartier des affaires, et enfin Fenrir, le quartier militaire.
La plupart des soldats habitaient dans un logement de fonction au sein du quartier militaire, mais personnellement je me contentai d'un petit logis dans le quartier résidentiel, aux abords de la ville.
L'endroit, étant l'un des plus haut d'Era, me présentait la ville dignement, mais était aussi assez éloigné du centre-ville : il me fallait presque une bonne heure afin d'atteindre le quartier militaire, qui en était à l'opposé.
Sincèrement, il m'arrivait souvent de me lasser de ce trajet quotidien à pied, et parfois je songeai à m'installer au dortoir miliaire.
Mais chaque jour aussi j'appréciais la vue lors de mon réveil : contempler l'une des plus grandes villes au monde avait quelque chose de magique.
Les grandes tours métalliques du centre respiraient la technologie, tandis que d'autres bâtiments plus anciens, poussiéreux, offraient un visage et une histoire à la ville.
Je pouvais ensuite chaque matin et soir profiter de l'ambiance du quartier commerçant, du doux bruit des forges qui tournaient en permanence, et de l'atmosphère paisible du quartier résidentiel.
C'est donc avec l'esprit en paix que ce jour-ci, j'atteignis le pas de la gigantesque porte gardée de Fenrir. J'avançais pas à pas sur l'escalier qui me séparait de celle-ci, sans pour autant pressentir ce qui m'attendait là-haut : le maréchal Karl, de la neuvième armée.
Il semblait attendre quelqu'un. Et il ne faisait pas de doute sur l'heureuse élue : moi. Je ne feignis rien, et me dirigeai droit vers lui. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne me remarque :
"Alice."
Il me fixa dans les yeux. Il aurait pu déstabiliser n'importe quel nouveau venu, mais tout le monde connaissait sa personnalité et faisait mine d'ignorer sa froideur et sa négligence des sentiments d'autrui.
" Maréchal. Vous m'accompagnez-donc ?"
Il me regardait avec dédain, toujours droit dans les yeux. Son regard était tel un pieu qui s'enfonçait doucement dans ma poitrine, mais je m'efforçait de résister.
" C'est la coutume, j'espérais que vous sachiez au moins cela, soldat. "
Et voilà que dans ses yeux je n'étais qu'un soldat parmi tant d'autres. Pas étonnant qu'il demeurait le maréchal le plus détesté. Malgré cela, il n'en était pas moins respecté.
Il fit un demi-tour par la droite et marcha quasiment au pas. Son armure argentée qu'il portait en permanence émettait un bruit assourdissant. Probablement tout Fenrir pouvait nous entendre !
Nous pénétrâmes dans les couloirs tantôt larges, tantôt étroits de Fenrir, tandis que beaucoup des soldats que nous croisions nous fixaient avec des yeux exprimant un sentiment mitigé, entre l'admiration et la peur. A croire que ce Karl était tout de même le cauchemar d'un bon nombre de soldats.
Nous marchâmes pendant quelques minutes, avant d'arriver à une porte légèrement plus haute qu'à l'habitude. Karl ouvra délicatement les deux battants en bois qui la composaient.
L'intérieur était fait de bois d'acajou, d'un marron extrêmement clair, reflétant superbement la lumière. Un bois autrefois très rare, qui ne pouvait dorénavant être trouvé que dans les Plaines du Silence, à l'extrême sud de l'île, à de rares endroits.
Le tout était orné de bancs faits de chêne blanc, alignés du fond de la salle vers l'avant.
Tout ce bois était accompagné d'or, à tel point que le rendu était magnifique : un simple rayon de lumière se décomposait en un million d'autres, qui se reflétaient aux quatre coins de la pièce.
De ce fait, la pièce était toujours lumineuse, tant qu'un rayon de lumière la traversait.
Le tout faisait environ dix mètres de large pour trente de long. On pouvait y accueillir plusieurs dizaines de personnes assises sur les bancs.
De l'autre côté de la pièce, un magnifique orgue en bois se présentait au public. Face à lui, un petit plancher légèrement surélevé par un escalier le séparait du reste de la salle.
Cette salle, contrairement à sa capacité, était plutôt vide. Au total 6 personnes étaient présentes, auxquels on pouvait y ajouter moi et le maréchal Karl qui venions d'arriver.
Nous traversâmes la salle par l'allée principale que dessinait l'alignement des bancs. Plus je pénétrais dans l'antre de la salle, moins je pouvais m'empêcher de comparer cette salle à la nef d'une ancienne église.
Lorsque nous arrivions au niveau du plancher de la scène, un homme se leva et vint à nous.
Ses longs cheveux dorés qui chutaient jusqu'à sa taille, son aspect jeune et ses yeux d'un bleu clair à peine perceptible, lui offrant une expression indescriptible si ce n'est noble et mystérieuse, m'offrirent directement son identité : Sirius, maréchal de la sixième armée, et le plus jeune de tous. Un excellent stratège qui, tout comme Athéna, faisait partie des cinq meilleurs guerriers du Nord.
Du haut de ses vingt et un ans, il régnait sur l'une des plus importantes armées d'Era. Son cristal ne possédait pas de nom propre, son pouvoir était donc souvent appelé par le nom donné à son affiliation qui se voyait être unique, tout comme la mienne : Lumière. Cette 'Lumière' lui avait valut le titre du Porteur de Lumière qu'il affectionnait particulièrement et en faisait l'un des hommes les plus populaires de Fenrir.
Hormi Sirius, à ma gauche se trouvait Lisa et Athéna. Il s'agissait d'une femme plus grande que la moyenne, aux cheveux coupés juste au-dessous des épaules et qui s'étalaient sur son visage de vingt-cinq ans. Ses yeux en amandes et son visage musclé ne faisaient qu'amplifier son expression de guerrière, duquel elle tenait son surnom de Valkyrie.
Sa présence embaumait la salle d'une atmosphère pesante, notamment due à sa rivalité avec les maréchaux présents : Karl, son maître, qui l'a entraîné, et Sirius, avec qui elle se dispute le titre d'étherion le plus fort de Fenrir – et donc du Nord.
Lisa, quant à elle me fixait avec un regard tendre. Elle était sans doute fière que moi, son élève d'un mois, aie réussi une telle épreuve.
Tout ce petit monde m'admirait, moi qui allais rejoindre la sixième armée et ce, d'une manière peu commune. Les trois dernières personnes, à ma droite, réunies sur un banc, m'étaient totalement inconnues.
Il s'agissait de deux hommes, l'un plutôt âgé – au moins une trentaine d'année – , un second plus jeune. Entre eux se trouvait une jeune fille, ayant probablement mon âge.
A la vue de l'atmosphère les entourant, je conclus rapidement qu'il s'agissait de la nouvelle équipe que je rejoindrais.
Sirius interrompit mes pensées en se présentant :
" Bonjour. Je me nomme Sirius, Maréchal de la sixième armée. Ma personne ci-présente a décidé de t'offrir une place au sein de mon armée."
Sa manière de parler me surpris un peu, mais je me rappelai rapidement que ce jeune homme était le petit-fils d'Hera, la seule et unique noble parmi les héros de la Grande Guerre, qui dorénavant offrait son nom au quatrième mois de l'année.
"Monte sur l'estrade, je te prie. "
Je montais sans un mot sur la scène. Mon cœur battait légèrement la chamade. Bien que le nombre de personnes présentes était dérisoire, trois des plus grands guerriers de notre monde était réunis dans la même salle, et ce pour une seule et même raison : moi. Quoi de plus afin d'être stressée ?
Je me plantai face au public, tandis que Sirius se positionna à ma droite et me présenta sa main.
" Prends-la." M'ordonna-t-il d'un ton gracieux.
Je pris sa main, et il commença son discours :
" Alice Kellya. Fille de la neuvième armée. Moi, Sirius Hera Matera, Maréchal de la sixième armée, vous invite à me rejoindre, ayant l'accord du Maréchal Karl Lotto. Acceptes-tu ?"
Je le fixai droit dans les yeux. Ses yeux clairs n'exprimaient plus de sympathie. Ils soutenaient l'atmosphère grave qui l'entourait. Il était sérieux. Malgré sa jeunesse, un homme avec une telle prestance ne pouvait être que digne de porter son titre de Maréchal. Quant à ma réponse, il ne me fallut pas une seule seconde d'hésitation :
" J'accepte. "
Son air grave devint alors solennel, au travers duquel j'y perçus un léger sourire de consentement à ma décision.
" Alice. Lorsque tu auras finis de réciter le serment, tu feras officiellement partie de la sixième armée. Répète donc après moi :
'' Au prix de ma vie, je jure solennellement devant témoin... "
…
" Au prix de ma vie, je jure solennellement devant témoin. "
...
" Que je protégerai mes compagnons et accomplirai mon devoir... "
…
" Que je protégerai mes compagnons et accomplirai mon devoir. "
…
" Jusqu'à ce que la mort s'empare de moi."
…
" Jusqu'à ce que la mort s'empare de moi."
Le serment était fini. Sirius s'approcha de moi, tout en retirant un emblème de sa poche. Il décrocha l'ours de ma tunique, qu'il remplaça délicatement par le renard emblématique de la sixième armée.
" Alice, tu fais désormais partie de la 97ème équipe d'éclaireurs de la sixième armée."
A ce moment, les trois individus qui étaient situés à la droite de la salle se levèrent calmement et s'approchèrent.
Le plus vieux d'entre eux pris la parole.
" Alice, donc ? Je te souhaite la bienvenue dans notre équipe. Je me présente ; je me nomme Thram, je manipule un éther de perception accrue, je suis le chef de l'équipe 97."
Cet homme, aux cheveux d'un brun clair et à la barbe mal taillée semblait habitué des combats, cela devait faire quelques années qu'il parcourait les champs de batailles. D'ailleurs, avec un peu d'observation, ou pouvait lire sur son visage l'expression d'un guerrier endurci. A mon entrée dans la salle, il m'avait accordé un léger regard méfiant, qui semblait presque s'être dissipé.
Ce fut ensuite l'homme à sa droite qui prit la parole :
"En-enchanté... Moi, c'est ... Nhéa. Mon pouvoir me permet de manipuler un peu les ombres..."
Sincèrement, je ne savais absolument pas ce qui se passait chez cet homme. Il avait indubitablement au moins vingt-cinq ans. Mais son manque d'assurance me fit penser que j'avais à faire à un garçon dix ans plus jeune.
De plus, il était... bizarre : ses cheveux noirs tombaient bas dans son dos, ainsi qu'en bataille sur ses yeux, que j'avais du mal à distinguer. Sa tenue était complètement noire elle aussi. En revanche, l'affiliation de son cristal était intéressante : la manipulation des ombres était très rare, au tel point que l'on a pensé pendant un moment qu'il s'agissait d'une affiliation unique, que possédait l'un des guerriers les plus renommés de la ville de Xinéa.
La dernière personne à se présenter était la jeune fille. Elle semblait avoir entre quinze et seize ans. Ses cheveux étaient d'un blanc très pâle et ruisselaient bas, jusqu'à ses genoux.
" En-Enchantée. Je m'appelle Elena. J'ai quinze ans. Mon affiliation unique, Foudre, est considérée comme l'une des plus prometteuse de la sixième armée."
Je fus pendant un instant choquée. C'était donc elle. J'avais déjà entendu parler de la petite fille d'Era. Une jeune fille seule sur le champ de bataille qui avait massacré quelques stigmas à elle seule grâce aux pouvoir des éclairs.
Mais c'était à présent mon tour de me présenter :
" Enchantée. Je m'appelle Alice, j'ai seize ans. Mon affiliation unique est Abysse, que je viens d'apprendre à utiliser il y a quelques jours. J'essaierai d'apprendre vite, mais je m'excuse par avance s'il se trouve que je suis faible. "
Ils me regardaient tantôt avec compréhension, mais aussi une certaine méfiance persistait envers le chef de la section. Rien de plus compréhensible, après tout la vie de ses hommes était entre ses mains : si son équipe possédait un maillon faible, il devait le savoir et vite.
" Alice. " murmura-t-il. "Tu as bien fait de me prévenir. Réévaluons les forces de notre équipe. Tout le monde dans la salle d'entraînement dans trente minutes." dit-il en fixant tout le monde de son regard qui semblait pouvoir tout pénétrer.
Il continua en fixant la jeune fille :
"Elena, tu t'occupes de présenter l'essentiel à notre nouvelle amie."
Il fit geste à tout le monde que ses ordres étaient donnés. Nhéa et lui se retournèrent vers la sortie de la salle, tandis que la petite fille, Elena, parcouru les quelques mètres qui nous séparaient.
" Alice." marmonna-t-elle arrivée face à moi.
Elle me regarda de ses yeux d'un vert très léger, mais d'une profondeur déroutante. Ses cheveux ruisselaient sur son visage ovale. Elle était habillée telle une princesse, avec sa robe blanche et mauve. Malgré son jeune âge et son aspect de poupée, une véritable impression de puissance émanait d'elle. Cela en était presque effrayant.
" Elena. " lui répondis-je
" Dis, Alice, c'est vrai que tu es arrivée ici parce que tu as combattu un stigma seule, avec un simple cristal de série ?"
Je fus relativement surprise par cette question. A vrai dire, cet événement m'étais presque sorti de la tête, mais il était vrai que c'était dû à cet incident que j'en étais arrivée là.
" Oui. Mais je ne l'ai pas tué. A vrai dire, je n'ai même pas pu le blesser, je n'étais pas assez puissante. Quelqu'un m'a sauvé. Je ne sais pas qui, mais on l'a fait. Je sais juste que la personne qui m'a sauvé était extrêmement puissante."
Elle gloussa tout en penchant légèrement sa tête sur le côté :
" Je suis désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire. A vrai dire, même parmi les soldats de fonctions des premières et secondes armées, et plus encore dans la sixième, beaucoup sont effrayés à la vue des Stigmas. Heureusement ce n'est le cas de personne dans l'équipe, et je pense que c'est pour cela que l'on t'a amené ici."
Ce qu'elle disait était vrai. J'en avais déjà entendu parlé, beaucoup de personnes étaient effrayées par les Stigmas, et les militaires ne faisaient pas exception. J'ai même entendu dire que parmi les premières et secondes armées, où le courage et la vaillance priment autant que la force, certains s'affolaient à la vue d'une armée de ces monstres.
" Des adultes sont effrayés par ces monstres, et toi tu n'en aurais pas peur ?" la questionnai-je, peu convaincue.
Elle me répliqua par un léger sourire et un regard glacial :
" Eh bien, je dois être... différente ?"
Ces paroles provenant d'une si jeune fille me firent frissoner, mais je me rétablis vite tout en changeant de sujet :
" Sinon, tu étais censée me présenter un peu le travail, non ? "
Elle se mit à bouder légèrement.
" Mmh... Oui... Mais je n'ai pas très envie. Allons plutôt directement au terrain d'entrainement, ce sera plus amusant."
Elle se mit à trottiner, et me distança rapidement de quelques mètres, bien que je tentais de la suivre.
J'accélérai le pas pour essayer de la rattraper, en vain. Finalement, elle m'attendit près de la porte de sortie :
" Dépêche-toi !"
Sortie, elle engagea la discussion.
" Très bien, je vais donc au moins te dire l'essentiel sur nos devoirs de la sixième armée." soupira-t-elle.
Elle ne semblait vraiment pas motivée, mais elle continua d'une voix monotone :
" En gros, la sixième, c'est les éclaireurs. C'est un peu les espions du champ de bataille. Ils récoltent les données au péril de leur vie. Parfois on meurt, parfois on a le droit de vivre un peu plus longtemps. La mort touche tout le monde ici. Seul un cercle très fermé arrive a survivre au gré des batailles. Malheureusement, ce sacrifice est nécessaire afin d'adopter une stratégie de bataille. Ces morts permettent de sauver de nombreuses autres vies. C'est le principe de cette armée vouée au sacrifice. "
Elle continua à me parler longuement des éclaireurs sur le champs de bataille, sans pour autant me dévoiler d'information sur leurs véritables actions dans les guerres.
Elle m'expliqua l'horreur du champ de bataille. On sentait véritablement ces images de terreur défiler devant ses yeux comme un film. Cet enfant était devenu adulte rien qu'en survivant à une seule bataille. L'ampleur du désastre m'affecta brièvement.
" Aurais-tu peur ?"
Cette voix résonnait une fois de plus dans ma tête. Décidément, je ne pouvais pas m'y faire.
'Non, Léo, mais sache qu'un être humain ne peut rester de marbre en voyant ses semblables mourir. Peut-être paniquerais-je sur le champ de bataille, et à ce moment-là je compterai sur toi pour me raisonner.'
" Ha ! Pas question. Sois forte, c'est le seul moyen que tu puisses survivre à la prochaine bataille : la force ! Entraînes-toi dur, tu en es capable."
Plus facile à dire qu'à faire. Mais je comptais bien y mettre du mien. La trentaine de minute accordée défila rapidement, et sans m'en rendre compte nous nous trouvions déjà dans la salle d'entraînement, où Nhéa et Thram nous attendaient.
" Vous voilà enfin !" dit Thram, tandis que Nhéa restait muait, à ses côtés.
Nous nous réunîmes au centre de la salle. Il s'agissait d'un endroit vaste, aux murs étranges. Ceux-ci étaient blancs, et semblaient... immatériels. Un peu comme si l'on pouvait passer au travers.
" Ils sont faits d'éther d'absorption."
Elena s'était faufilée juste à côté de moi et suivait mon regard. L'éther d'absorption, donc. Un éther capable d'absorber les chocs, mais aussi parfois des objets.
Il était fortement probable que la septième aie modifié un peu ses propriétés pour que le matériau soit applicable à la salle et à ses fonctions.
Tout à coup autour de nous apparaissaient de petites distorsions, qui semblaient peu à peu devenir des hologrammes pour enfin prendre forme : des stigmas, rien d'autres.
" Ce sont des hologrammes de stigma. Ils ne peuvent pas te blesser, mais possèdent la vitesse et la consistance d'un véritable stigma. Ce sont de parfaits moyens d'entraînement, mais aussi pour juger les capacités d'une personne. "
Je regardai fixement notre chef d'équipe, me demandant où il voulait en venir. Ma réponse ne se fit pas attendre :
" Ton objectif aujourd'hui sera pour le moment de nous montrer comment tu t'en sors face à un seul stigma de faible puissance."
Parmi les hologrammes, l'un s'avança. Il n'était pas plus petit, mais ses écailles semblaient plus fragiles et étaient moins nombreuses sur son corps.
Il s'avançait, puis commença à courir lentement. Il amorça un coup que j'esquivai facilement. Il était bien plus faible que celui que j'eus à affronter le mois dernier. Malgré cela, il aurait été difficile d'en venir à bout sans faire appel à Léo.
'Leo, aide-moi.'
Rien. Pas même une réponse. M'ignorait-il, ou ne m'avait-il pas entendu ? J'essayais plusieurs fois de l'appeler, encore et encore, en vain. Il ne me répondait pas.
Le stigma enchaînait ses attaques à un rythme effréné. Bien que je les esquivasse facilement, je perdais peu à peu du terrain. Mon souffle se perdait, et je commençai à m'énerver tout autant que mon équipe s'impatientait.
" Leo !!" hurlai-je. L'onde sonore se propagea dans toute la salle, et l'écho persista quelques secondes.
Même le stigma s'était arrêté. Le silence tomba sur la salle, tandis qu'une légère aura mauve m'entoura. Cette aura s'amplifia jusqu'à dégager une véritable impression de puissance.
Dans ma main droite apparaissait un arc long.
J'étais prête, arc en main : je ciblai le stigma qui repris de nouveau ses attaques que je parai cette fois ci aisément avec l'arc. Je le repoussai d'un coup, bondit en arrière et visait son torse.
La vague forme d'une flèche apparue lorsque je commençai à tirer la corde. La corde tendue à son maximum, je relâchai mon emprise sur celle-ci. La flèche partie peu à peu. Une violente onde de choc retentit au départ de celle-ci, qui vint percer le torse de mon adversaire. Celui-ci vacilla quelques secondes, avant de se rétablir et de me charger de nouveau.
Il attaqua deux ou trois fois avec ses griffes. J'esquivais, je parais, mais ne trouvais aucune faille dans la garde de mon adversaire.
Absorbe l'énergie qui t'entoure.
Une petite voix située au plus profond de mon être m'appelait à le faire. Je ne pouvais m'empêcher de penser que celle-ci venait de Léo, mais je n'y répondis rien.
Je m'exécutai : je profitai d'un temps entre ses attaques afin d'effectuer une petite roulade en arrière. Je tendis la corde, puis me concentrait sur la flèche qui apparaissait. On pouvait ressentir l'énergie, la matière qui était aspirée par cette flèche, qui gagnait rapidement en puissance.
Sa taille ne changeait pas, sa couleur non plus, mais le ressentit était différent.
Je lâchai la corde. Un petit rayon lumineux se profila en direction de l'hologramme, puis une violente attaque le perça de part en part. Il s'écroula, un trou d'une quinzaine de centimètres dans la poitrine.
J'entendis quelques applaudissements derrière moi, tandis que l'arc disparaissait peu à peu.
En me retournant, je fus surprise. A peine après l'avoir rencontré, je n'aurais jamais cru Thram capable de sourire de cette manière. Elena semblait surprise par la puissance de ma dernière attaque – à vrai dire, je l'étais aussi. Nhéa, quant à lui, restait tout aussi indifférent.
Thram s'approcha de moi, et apposa sa main sur mon épaule :
" Bienvenue, Alice. Dorénavant tu fais partie de la 97ème section d'éclaireur. J'ai hâte de pouvoir travailler avec toi."
Elena vint exprimer ses impressions sur mon pouvoir. Nhéa, lui, me fixait de ses yeux noirs, à peine perceptibles derrière sa tignasse toute aussi sombre.
Quand je fus libérée, il faisait déjà nuit. J'avalai donc l'heure de marche qui me séparait de chez moi le plus vite possible, afin de m'affaler dans mon lit après cette journée éprouvante.