Le lendemain.
Les agréables rayons du soleil printanier d'Era me caressèrent la joue, tandis que je me réveillai doucement. Chaque matin était accompagné du même rituel. J'adorais cette douce sensation de chaleur, qui m'accompagnait tendrement dans mon réveil.
A vrai dire, si le lit se situe spécifiquement à cet endroit, ce n'est pas pour rien ! J'ai volontairement déplacé le lit, normalement dans un coin sombre de la location, pour le placé proche du feu d'éther et pile face à la luminosité des rayons matinaux, qui me servaient de réveil naturel. Bien entendu, un véritable réveil était fixé une dizaine de minutes plus tard en cas de météo peu clémente.
Chaque matin je profitais de ces rayons pendant cinq minutes, au moins. Ensuite, je m'étirais, avant de lentement me lever. L'hiver, je portais une robe de nuit, tandis que le printemps je passais rapidement à la chemisette de nuit, voire de simples sous-vêtements.
La première chose que je faisais après m'être réveillée, avant même de me soucier de mes cheveux en bataille ou de mes vêtements parfois trop grands pour moi étant donné ma frêle corpulence, était d'aller à la fenêtre.
En effet, la vue était toujours magnifique, surtout au printemps. Avec les feuilles qui bourgeonnaient, certains arbres qui commençaient déjà à fleurir, et les oiseaux qui parcouraient de nouveau gaiement les cieux, la ville était bien différente cette saison. A Era, il s'agissait probablement de la saison la plus agréable et la plus magnifique.
Chaque matin, je passais près d'une demi-heure à cette fenêtre, admirant un paysage si gai qui me relaxait davantage encore. Il était souvent huit heures passées avant que je ne me réveillasse de ma somnolence, durant laquelle parfois quelques réminiscences survenaient.
A ces moments-là, je me dirigeais vers mon convertisseur thermique. A l'époque, avant le cataclysme, les gens utilisaient ce qu'ils appelaient des frigos, des chauffages, des congélateurs…
Avec l'apparition de l'éther, certains phénomènes thermodynamiques ont pu être amplifiés, étant donné que le propre de ce matériau était la création d'énergie. Enfin, supposait-on, étant donné que notre compréhension de ce nouvel élément était très limitée. Nous ne savions même pas si nous avions affaire à un composé ou à une particule élémentaire !
Ainsi, avec la modification de certaines lois physiques alors à l'époque inviolables, comme celle de l'entropie, il était possible réaliser certaines aberrations scientifiques comme ce fameux convertisseur thermique.
Cet appareil qui était relativement courant ces jours-ci, permettait de remplir le rôle de pratiquement tous les appareils ménager d'un domicile à lui seul. Il était composé de compartiments refroidis, émettant de la chaleur à souhait. Si nous ne souhaitions pas être chauffés, il suffisait alors de stocker l'énergie pour l'utiliser plus tard, dans une sorte de batterie. Si cette batterie venait à se vider, en hiver par exemple, un moteur mécanique actionné par un éther de mouvement s'activait afin de fournir le manque d'énergie nécessaire à atteindre la température désirée.
Le principal inconvénient de cet appareil était le peu de place disponible pour les aliments dans les compartiments réfrigérés. Bien heureusement, vivant seule, je n'avais pas beaucoup de problème à ce niveau-là, contrairement à beaucoup de familles nombreuses qui devaient donc acheter plusieurs convertisseurs afin de répondre à leur besoin.
Il n'était malheureusement pas possible de faire mieux pour le moment, la miniaturisation des appareils contenant des cristaux d'éther était quasi-impossible étant donné que notre connaissance au niveau atomique de l'éther était très limitée, les nanotechnologies d'éther n'étaient donc encore qu'un rêve pour la plupart des scientifiques, mêmes les plus chevronnés.
Le réfrigérateur du convertisseur était fermé par une simple porte.
Chaque matin, je l'ouvrais donc afin d'attraper quelques aliments qui allaient constituer mon repas. Très généralement, du fromage, de la confiture, et un peu de pain. Parfois, j'aimais prendre un peu de beurre à la place de la confiture, voire je prenais même les deux. Très souvent, j'accompagnais mon repas avec un simple jus d'orange et un peu de charcuterie.
Ainsi, je prenais mon petit déjeuner, ce qui me prenais environ une demi-heure chaque matin. Suite à cela, je me préparais. Je ne prenais pas de douche le matin, étant donné que je préférais en prendre une le soir. En revanche, je me coiffais, car mes cheveux étaient absolument toujours ébouriffés ! A croire qu'un elfe de maison venais me décoiffer la nuit… En revanche, je ne me parfumais pas, le parfum était encore un produit rare encore à cette époque.
Une fois toute préparée, il ne me restait plus qu'à me diriger vers Fenrir ! Je sortais donc généralement vers 9h00, afin d'être présente sur site vers 10h00. Nous n'avions pas vraiment d'heure minimum ou maximum de travail. A vrai dire, nous n'étions pas payés à l'heure, mais nous avions un salaire minimum, ainsi que des primes pour les missions complétées. L'administration et la bonne gestion de Fenrir ne reposait donc que sur la bonne volonté des gens. Il était bien heureusement par des temps pareils aisé de récolter l'aide du personnel. Il y avait assez peu de personnes fainéantes sur site. Enfin, plutôt que même les personnes fainéantes faisaient leur part du travail, étant donné que celle-ci n'était pas non plus incommensurable.
Afin de me rendre sur Fenrir, je traversais chaque quartier de la ville. Ces quartiers qui étaient déjà très vivants en hiver explosaient d'activité au printemps et lors de la saison estivale. Notamment le quartier des commerçants, qui prouvaient à lui seul la raison pour laquelle Era fut bâtie sur ces plaines. Chaque jour, des montagnes d'or et d'éther traversaient les rues, allaient de poche en poche et de chariot en chariot. Tout se vendait, sauf drogues, et bien entendu le trafic d'être humain. En revanche, il arrivait parfois de voir de petits stigmas vivants, bien que cela était relativement rare et ceux-ci servaient surtout de bête de foire, une bête en cage exposée à la vue de tous afin de montrer ce qu'était réellement nos ennemis.
Généralement, ces créatures ameutaient de nombreuses personnes, rares étant celles qui avaient vu d'elles-mêmes ces créatures vivantes. Malheureusement pour ces personnes, les stigmas mourraient rapidement lorsqu'ils étaient enfermés dans des cages, personnes ne savait pourquoi.
Le dernier quartier à traverser avant d'arriver dans la base militaire elle-même était composé des résidences militaires, autrement dit les résidences proposées aux éthérions et leur famille. Ce quartier était bien plus paisible. Premièrement, tous les éthérions ne choisissaient pas forcément de vivre ici, comme moi par exemple qui préférais me pavaner dans la ville avant de commencer le travail – bien que je ne faisais pas grand-chose de mes journées pour être honnête, en dehors de quelques séances d'entraînement. Deuxièmement, étant uniquement résidentiel, il n'y avait pas vraiment de raison pour que ce quartier soit très actif. Troisièmement, cette journée était spéciale.
Lorsqu'une personne arrivait face à la base militaire de Fenrir pour la première fois, elle était forcément surprise. En effet, l'architecture du bâtiment principal était très atypique, mais la disposition des bâtiments semblait aussi très aléatoire. Malgré tout, la plupart des éthérions présents savaient se repérer facilement, majoritairement grâce à l'habitude. En revanche, il était que pour retrouver une salle en particulier dans une zone si labyrinthique si nous ne connaissions pas les lieux pouvait s'avérer extrêmement compliqué.
Pour ma part, je n'avais déjà plus de problème pour me repérer, et de toute façon mon rituel de la journée était toujours fixé ainsi : jusqu'à ce que quelque chose vînt s'imposer dans emploi du temps, je me reposais sur un banc du parc de la cour arrière du bâtiment principal. Il s'agissait d'un grand parc public, composé d'une grande variété de fleur formant de magnifiques parterres et une myriade de couleur. Le tout était partiellement protégé des rayons perçants du soleil par des arbres centenaires aussi parfois quatre fois plus grands qu'une maison traditionnelle.
Ce jour-là, je me reposai donc jusque onze heures, soit une heure. Enfin, c'est ce que je souhaitais, mais une douce voix m'interpella vers la fin de ma sieste :
« Oh, la Belle au Bois dormant. Tu te réveilles ? La réunion commence dans 3 minutes ! Tu ne comptais pas arriver en retard pour un tel événement tout de même ? »
Je pouvais reconnaître cette voix parmi des milliers voire des millions d'autres. Il s'agissait de la voix de Lisa. Doucement, j'ouvris les yeux, mais je restais en position assise.
« Trois minutes ? J'ai encore un peu de temps donc ! »
« Un peu ? Il faut deux minutes afin de se rendre à la cour, d'ici ! Aller, vite lève-toi ! Je te rappelle que je dois être aux côtés de la maréchale lors du discours ! »
Lisa commença à m'attraper le bras, et me leva de force. Bien que je ne fusse pas très motivée, je n'avais pas vraiment le choix. Il y avait aussi un peu du fait que je n'avais pas très envie de partir à la guerre. Devoir affronter de nouveaux des stigmas m'effrayait fortement. Un léger pincement au cœur me parasitait.
Après deux petites minutes de marche, nous arrivions devant une grande esplanade, où étaient réunis un très grand nombre de personnes, répartis en rangées. Six, pour être exact.
A vu d'œil, plus d'un millier de personnes étaient réunis à cet endroit. Parmi ces personnes, quelques-unes d'entre-elles se démarquaient grandement : il s'agissait des maréchaux.
L'un d'entre, à la longue chevelure blonde et au visage tout juste mature, mais ferme, s'avança, et s'éleva légèrement dans les airs.
Certains furent surpris, mais la plupart ne l'étaient point, étant donné que presque tout le monde connaissait le nom de cet homme : Sirius.
« Chers éthérions. Nous nous retrouvons aujourd'hui, pour une triste annonce. Aujourd'hui la base militaire de Fenrir entre en guerre. En effet, comme la plupart d'entre vous le savent probablement déjà, un Alpha est apparu dans les Terres du Nord. La créature menace actuellement l'un de nos centres de recherche situé hors des frontières. Aujourd'hui, afin de défendre l'humanité face à une menace stigma toujours grandissante, nous déploierons l'ensemble de nos forces afin de défendre cette zone. Pour le bien de l'humanité, mobilisons-nous, combattons ! Et surtout n'oubliez pas : protégez toujours votre prochain, car il vous rendra toujours la pareille lorsque votre vie sera en danger. »
Suite à ce discours, un des maréchaux, situé près de la quatrième rangée, commença à applaudir. Suivi par le maréchal Karl, puis d'autres personnes dans les rangs. En quelques secondes, un tonnerre d'applaudissement résonna sur l'esplanade.
Après quelques précisions sur le déroulement des conflits, notamment le planning de la journée, ainsi que de la journée à venir, nous nous mettions en route.
Nous marchâmes en direction du centre de la ville. Les rues furent libérées pour laisser place à notre armée. Ainsi, nous atteignîmes les portails en seulement quelques minutes. En revanche, une heure fut nécessaire pour l'armée au complet afin de traverser les portails dirigeant à Kasuro, étant donné que la capacité de ceux-ci était limitée.
La ville de Kasuro n'avait absolument pas changé, elle semblait toujours morte, en ruine, les bâtiments étaient tous pour la plupart délabrés.
En réalité, de nombreuses personnes habitaient cette ville, en comparaison avec son état. Les habitants se dirigeaient tous vers leurs fenêtres, afin de nous observer. Il était rare que des armées aussi imposantes traversaient le portail, et généralement, cela n'était pas de bon augure.
Nous sortîmes ensuite rapidement de la ville. Là, dans ces gigantesques plaines, l'hiver ne s'arrêtait jamais. La neige était toujours maîtresse de ces lieux, et le vent ne se calmait que très rarement. Les rares arbres étaient morts. Quelques rares forêts de pins survivaient ici et là.
Le campement de l'armée était situé à trente kilomètres plus au nord de la ville. Ce campement était lui-même situé à une demi-douzaine de kilomètres de la zone de conflit.
La zone de conflit était une petite zone désignée autour du centre de recherche. En forme de cercle, elle avait pour centre l'endroit à défendre, et son rayon était de cinq kilomètres. A l'intérieur de cette zone, chaque éthérions pouvait mourir à tout moment, de par la présence élevée de stigma.
Généralement, les troupes réunies par un Alpha étaient relativement ordonnées, et suivaient les ordres. Bien qu'assez peu de stigmas suivaient les ordres d'autres de leur espèce, les cas d'Alphas étaient assez différents. Apparemment, les stigmas se soumettaient d'eux même à l'Alpha, leur supérieur.
Bien que la hiérarchie chez les stigmas étaient encore floue pour nous les être humains, il était d'ordre général que leur intelligence n'était pas à sous-estimer, et qu'il n'était pas rare que même des stigmas non-Alpha plus fort que la moyenne pouvaient eux-mêmes rassembler une armée.
Il était convenu que nous rejoignions le campement principal avant la tombée de la nuit, ce qui fut un moindre exploit. Alors que le soleil commençait à se cacher timidement sous l'horizon, nous arrivions au campement. Nos tentes étaient déjà déployées. Elena et moi, fatiguées par cette marche, nous rejoignions toutes les deux dans une tente qui nous était consacrée.
Très vite, nous allions nous coucher mais pas avant une petite dernière discussion de la journée :
« Alice… »
« Oui ? »
« Je crois que j'ai peur… Pour demain je veux dire. »
« C'est normal, j'ai peur moi aussi. Je pense que c'est valable pour la quasi-totalité des soldats présents sur ce campement, et même surement pour les maréchaux. A vrai dire, je te prendrais pour une folle si tu n'avais pas peur. »
« Je ne veux pas mourir… Mais je ne veux pas que tu meures non plus. »
« Ne t'inquiète pas, je ne mourrai pas. »
« Je te protégerai. »
« Moi de même. Nous devrions aller nous coucher, demain sera une journée beaucoup trop éprouvante. »