Le vent s'engouffrait à travers les arches ouvertes du palais d'Astéria, soulevant les rideaux de soie et faisant danser les flammes des torches accrochées aux murs. Au sommet de la plus haute tour, là où seule l'élite du royaume avait le droit de marcher, une jeune femme restait figée face à l'horizon étoilé: la princesse Elena.
Elle se tenait droite sous la lueur pâle de la lune, le regard perdu dans l'infini du ciel nocturne. Sa silhouette semblait presque irréelle sous la lumière argentée qui caressait sa peau diaphane. De longs cheveux blonds, aussi lumineux que les blés dorés sous le soleil d'été, tombaient en cascades soyeuses le long de son dos, ondulant légèrement sous la brise nocturne. Ils encadraient un visage aux traits délicats, presque sculpturaux, où chaque courbe semblait avoir été façonnée avec une précision divine. Mais c'étaient ses yeux qui attiraient le regard: un bleu pur, cristallin, semblable aux eaux les plus profondes, où se reflétaient des océans d'émotions qu'elle s'efforçait de cacher.
Elle était parée comme il convenait à une future reine. Son corsage, finement brodé de fils d'or et de perles délicates, épousait ses formes avec une élégance étudiée. Le tissu était d'un bleu céleste, rappelant les aurores claires des matins d'été, et chaque mouvement faisait scintiller les gemmes cousues à la main. La jupe de sa robe, légère comme une brise, descendait en vagues soyeuses jusqu'au sol, glissant sur le marbre blanc comme un courant silencieux. Sur ses épaules reposait une cape d'un velours fin, fermée par un fermoir d'argent représentant l'emblème royal : un lys entouré d'une couronne.
Tout en elle respirait la grâce, la richesse et la perfection.
Mais si ses vêtements brillaient de mille feux, son cœur, lui, était plongé dans les ténèbres.
Sous les apparences d'un conte de fées, elle se sentait vide, comme une poupée précieuse enfermée dans une vitrine dorée. Son corsage, bien que brodé avec art, semblait l'étouffer. Sa robe, malgré sa douceur, pesait sur elle comme des chaînes invisibles. Chaque pierre scintillante cousue sur son vêtement était une goutte de son propre destin, fixé, immuable.
Elle aurait pu être la plus belle étoile du ciel d'Astéria. Pourtant, en cet instant, elle se sentait éteinte.
Son regard perdu se posait sur la ville endormie en contrebas. Des centaines de lanternes brillaient encore dans les quartiers nobles, où les banquets nocturnes battaient leur plein. Plus loin, les rues plus sombres de la basse-ville s'étendaient comme un labyrinthe de ruelles et de toits enchevêtrés. Un monde qu'elle ne connaissait que dans les murmures des serviteurs, dans les récits des voyageurs qui racontaient l'effervescence des marchés et le danger des ruelles sans nom.
Un monde qui lui semblait plus vivant que la cage dorée dans laquelle elle était enfermée.
Elle serra les rebords de la balustrade de pierre, sentant la fraîcheur mordre ses doigts. Demain, elle serait fiancée.
Les courtisans l'acclameraient, les nobles boiraient à son bonheur. Les poètes chanteraient la gloire de cette alliance, et sa mère, la Reine Isabella, aurait enfin ce qu'elle désirait: une union parfaite entre la couronne d'Astéria et celle du royaume voisin.
Mais dans cette perfection soigneusement orchestrée, Elena suffoquait.
Elle savait depuis son enfance que son mariage ne serait jamais une affaire de sentiments. L'amour était une fantaisie pour les paysans, un luxe pour ceux qui n'avaient pas un royaume à gouverner. Son rôle avait toujours été clair : servir la dynastie, s'unir à un homme de sang noble, produire des héritiers et assurer la continuité du trône.
Et pourtant…
Un vide s'était creusé en elle, une faille grandissante qu'elle ne pouvait plus ignorer.
Elle ne voulait pas de ce destin. Mais que voulait-elle vraiment ?
Un bruit feutré derrière elle la tira de ses pensées.
__"Tu devrais être au lit, ma fille."
Elena se raidit. Elle n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaître cette voix. Froide. Mesurée. Indiscutable.
La Reine Isabella s'avança lentement dans la pièce, sa robe de velours bleu nuit glissant sur le sol sans un bruit. Elle portait toujours des couleurs sombres, signe de son autorité inébranlable, et son regard perçant ne laissait aucune place à la faiblesse.
La princesse inspira profondément avant de se tourner vers elle.
—Elena: "Mère… et si je ne voulais pas de ce mariage ?"
Un silence s'abattit dans la pièce. Seul le vent osait encore murmurer entre les colonnes.
La Reine haussa légèrement un sourcil, comme si la question était une aberration en soi. *Puis elle sourit, lentement. Douloureusement
—Reine Isabella: "Ce n'est pas une question de vouloir. C'est une question de devoir." répondit-elle
Elena sentit son estomac se nouer. Toujours ce mot. Toujours cette prison invisible qui l'enserrait.
—Elena: "Et si je refusais ?" souffla-t-elle.
Sa mère s'arrêta juste devant elle et posa une main glaciale sur son menton, relevant son visage pour plonger ses yeux dans les siens.
—Reine Isabella: "Alors je te briserai jusqu'à ce que tu sois digne de ton trône."
Le souffle de la jeune femme se bloqua dans sa poitrine. Elle savait que sa mère ne menaçait jamais en vain. Elle savait ce que "briser" signifiait. Les mois enfermée dans une tour, sans voir la lumière du jour. L'isolement forcé, la privation, l'effacement de son individualité jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'une ombre obéissante: un pantin parfait.
Elle savait. Et pourtant, l'idée de se plier à cette vie lui semblait plus insupportable encore.
La Reine lâcha son menton et se détourna, comme si l'affaire était déjà réglée. Comme si Elena n'avait plus voix au chapitre.
—Reine Isabella: "Repose-toi. Ce sera une belle journée."
Elle quitta la pièce sans un bruit, refermant la porte derrière elle avec une douceur presque insultante. Elena resta immobile, luttant contre le tremblement de ses mains.
Elle se tourna vers la fenêtre. Le ciel nocturne était vaste, infini, constellé d'étoiles scintillantes. Elles semblaient lui murmurer un secret. Un espoir. Une promesse. Et pourtant la réalité la frappa bien assez tôt. Rien ni personne ne peut la sauver de son destin tragique.