Il était au environ de 7 heures du matin. Le château était déjà réveillé, chacun vaquait à ses occupations, certains avec énergie et d'autres qui se forçaient à garder les yeux ouverts avec une migraine atroce. Les conséquences de l'alcool consommé hier se faisait à présent ressentir.
Un bruit de pas dans le couloir réveilla la princesse en sursaut. Son corps réagit instinctivement. Elle se raidit, son cœur bondissant dans sa poitrine. Et si le prince revenait revenait ?
Elle tendit l'oreille, retenant son souffle. Puis, trois coups légers résonnèrent contre sa porte.
Elle hésita à ouvrir. Sa main se crispa sur le rebord de la table, prête à attraper un objet pour se défendre si nécessaire.
—???: "Votre Altesse… c'est moi."
Elle reconnu la voix de sa servante, Anna. Elle sentit ses jambes se dérober sous elle, tant la tension retombait brusquement.
Elle s'approcha de la porte et ouvrit lentement, dévoilant le visage inquiet de sa servante.
Dès qu'Anna vit son état, son expression se mua en horreur.
—Anna: "Mon Dieu… que vous est-il arrivé?" murmura-t-elle en posant immédiatement une main tremblante sur sa joue blessée.
Elena ne répondit pas tout de suite. Elle sentit la chaleur de la main d'Anna contre sa peau, et ce fut comme une déchirure.
La douleur, l'angoisse, la solitude… tout revint d'un seul coup. Elle aurait voulu être forte.
Elle aurait voulu se tenir droite, refuser de montrer qu'elle était atteinte.
Mais face à la seule personne qui semblait réellement se soucier d'elle, elle craqua.
Un sanglot s'échappa de ses lèvres. Puis un autre. Et soudain, tout se brisa. Elle tomba contre sa servante, s'accrochant à elle comme à une bouée au milieu d'un océan déchaîné.
Anna, surprise, ne dit rien.
Elle l'entoura de ses bras, la serrant doucement, comme si elle comprenait que, pour la première fois, Elena avait besoin de lâcher prise.
Elles restèrent ainsi un long moment. Puis, d'une voix brisée, entre deux sanglots, Elena murmura:
—Elena: "Il m'a frappée...parce que j'ai refusé ses avances."
Anna se raidit aussitôt. Son regard se fit plus dur, une lueur protectrice brillant dans ses prunelles. Elle se recula légèrement, le regard rivé sur le visage tuméfié de la princesse, ses traits crispés par une colère sourde et une profonde tristesse.
Elle ouvrit la bouche, comme si elle cherchait les mots justes, mais aucun son ne sortit. Il n'y avait pas de mots. Rien ne pouvait réellement exprimer l'indignation qui lui vrillait la poitrine.
Elle finit par prendre une grande inspiration, essayant de garder son calme, mais sa voix trembla lorsqu'elle parla enfin.
—Anna: "Comment peut-on vous faire subir une telle chose ? Vous êtes une princesse, la fille de la Reine.
Elle continua:
—Anna: "Si ce mariage est censé unir les royaumes, alors pourquoi doit-il se faire dans la violence ? Pourquoi devez-vous être humiliée et blessée?"
Elena détourna légèrement la tête, les yeux embués, mais secs.
Elle n'avait plus de larmes à verser. Elle avait pleuré mais maintenant, il ne restait plus qu'un gouffre béant en elle, une détermination glacée qui prenait lentement la place du désespoir.
Elle baissa les yeux, fixant distraitement ses doigts crispés sur ses genoux.
—Elena: "Je suis allée voir la Reine."
Elle releva lentement la tête et croisa le regard de sa servante.
Anna cligna des yeux, comme si elle n'était pas sûre d'avoir bien entendu.
— Anna: "Vous… Vous lui avez dit?" demanda-t-elle d'une voix plus basse, presque hésitante, comme si elle redoutait la réponse.
Elena hocha lentement la tête.
Un silence glacé s'abattit dans la chambre. Anna sembla retenir son souffle, espérant sans doute entendre qu'il y avait un espoir.
Mais lorsque la princesse ouvrit à nouveau la bouche, sa voix était froide.
—Elena: "Elle sait tout. Elle sait ce quel genre d'homme il est. Elle l'a toujours su. Et elle n'en a pas été surprise."
Les épaules d'Anna s'affaissèrent légèrement, comme si le poids de ces mots l'écrasait elle aussi.
—Anna: "Non…" souffla-t-elle.
—Elena: "Elle ne fera rien. Elle m'a dit que c'était à moi de le contrôler, que c'était mon rôle d'épouse de savoir comment le manipuler."
La servante porta une main à sa bouche, horrifiée.
—Anna: Mais c'est insensé! C'est… c'est monstrueux ! Elle ne peut pas vous demander ça!"
—Elena: Elle le peut. Elle l'a fait. Et elle m'a regardée droit dans les yeux en me disant que ce mariage aurait lieu, quoi qu'il en coûte."
Anna recula d'un pas, secouant la tête, comme si elle espérait se réveiller d'un mauvais rêve.
Puis, d'un geste brusque, elle s'agenouilla à nouveau devant Elena et lui prit les mains.
—Anna: "Votre Altesse, écoutez-moi… Il ne vous reste qu'une seule option. Vous devez fuir."
Elena releva les yeux. Son cœur battit un peu plus vite dans sa poitrine. Elle connaissait ces mots. Elle les avait déjà entendus. C'était la deuxième fois qu'Anna lui disait cela.
Elle avait déjà pensé à cette possibilité, partir loin du château, loin du royaume afin de survivre à son destin. Elle y avait pensé lors des banquets où on parlait d'elle comme si elle était une monnaie d'échange.
Elle y avait pensé la veille, assise au centre de la table du banquet, incapable d'avaler quoi que ce soit alors que son destin se scellait sous les rires feints de la noblesse. Elle y avait pensé lorsqu'elle dansait avec Adrian et qu'elle sentait ses mains glisser là où elles n'auraient jamais dû aller.
Mais y penser et la mettre en pratique étaient deux choses différentes. Elle était également consciente de la réalité. Elle était surveillée à chaque instant. Sa fuite déclencherait un scandale immense, peut-être même une guerre. Et c'était terrifiant.
Le souffle d'Anna était court, haletant, comme si elle se battait contre sa propre peur pour oser dire ce qu'elle pensait vraiment.
—Anna: "Ce mariage ne sera qu'un cauchemar sans fin. Vous le savez aussi bien que moi. Votre mère ne vous aidera pas, la cour ne lèvera pas le petit doigt pour vous protéger. Il ne reste que moi."
La princesse sentit ses doigts trembler dans ceux d'Anna.
—Anna: "Vous ne méritez pas cela." continua la servante, la voix emplie d'une tristesse déchirante. "Vous ne méritez pas d'être brisée par cet homme. Je vous l'ai déjà dit… Si vous voulez partir, je vous aiderai. Je trouverai un moyen."
Elena ferma les yeux. Les battements de son cœur tambourinaient si fort qu'elle crut un instant qu'Anna pouvait les entendre.
—Elena: "Si je pars… où irais-je?" murmura-t-elle.
—Anna: "Le monde est vaste. Nous pourrions trouver refuge dans un autre royaume, quelque part où personne ne vous chercherait."
Elena eut un sourire triste.
—Elena: "Personne? Je suis la princesse héritière. Dès que l'on découvrira ma disparition, des soldats seront envoyés pour me retrouver. Je serai traquée comme une criminelle. Et toi aussi."
Anna déglutit, mais son regard ne vacilla pas.
—Anna: "Qu'est-ce qui est pire? Être traquée… ou être enfermée dans une cage aux côtés d'un monstre?"
La princesse se figea. Ce n'était pas une question rhétorique. C'était une réalité. Elle devait choisir: la fuite, avec tous les dangers qu'elle comportait ou une vie entière sous le joug d'Adrian.
Elle se mordit la lèvre, ses pensées tourbillonnant à une vitesse affolante. Son regard glissa vers la fenêtre. Un monde immense s'étendait au-delà des murs du palais. Un monde où elle pourrait être libre.
Anna resserra légèrement sa prise sur ses mains.
— Anna: "Si vous décidez de partir… dites-le-moi. Je ferai tout pour vous aider."
Elle ne répondit pas immédiatement. Mais pour la première fois, elle envisageait réellement cette possibilité.
Elle ne pouvait plus hésiter. Le temps lui était compté.
Elle leva enfin les yeux vers la servante et murmura :
—Elena: Trouve-moi un plan."
Anna hocha la tête. Le pacte était scellé. Le début de la révolte venait d'être signé.
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Lorsque Elena entra dans la salle à manger royale, tout était en place, parfaitement orchestré, comme si rien n'avait changé.
Le soleil du matin filtrait à travers les immenses fenêtres donnant sur les jardins du palais, baignant la pièce d'une lumière dorée et trompeusement paisible. La table, longue et imposante, était déjà dressée pour le petit-déjeuner, parée de vaisselle en argent finement ciselée et de mets délicats soigneusement disposés sur des plateaux d'or.
À sa place habituelle, la Reine Isabella était déjà installée, droite, digne, impeccable, comme toujours. À ses côtés, Adrian.
Elena sentit son cœur se serrer, mais elle s'obligea à avancer d'un pas mesuré, le visage impassible.
Anna avait fait un travail remarquable. Sa servante avait appliqué des onguents sur sa joue meurtrie et maquillé avec une précision minutieuse les marques laissées par la brutalité d'Adrian.
Personne ne devait voir. Personne ne devait deviner ce qui s'était passé derrière les murs de sa chambre. Personne ne lui apportera du soutien ni ne condamnera l'acte du vieux prince. Elle sera juste le centre des discussions et railleries.
Alors, ce matin, en entrant dans cette salle, Elle portait un masque aussi parfait que celui de sa mère. Elle ne devait jamais montrer sa faiblesse.
Lorsqu'elle leva enfin les yeux vers le viel homme, elle sentit un frisson de colère glaciale parcourir son échine.
Il était assis là, vêtu d'un pourpoint richement brodé, une coupe de vin entre ses doigts, et il souriait comme si hier soir n'avait jamais existé. Comme si il n'avait pas tenté de la forcer.
Comme si il ne l'avait pas frappée. Comme si elle n'était pas tombée sur le sol, sonnée, humiliée, brisée.
Il leva les yeux vers elle, et son sourire s'élargit, chaleureux, presque charmeur.
—Prince: "Ah, ma chère Elena. Vous voilà enfin. Nous commencions à nous inquiéter." Sa voix était douce, lisse, parfaitement maîtrisée.
La princesse sentit la bile lui monter à la gorge. Elle aurait voulu le gifler de nouveau, hurler la vérité. Mais cela ne servirait à rien.
Alors, elle fit ce qu'il attendait d'elle. Elle sourit. Un sourire poli, mesuré et faux.
—Elena: "Je suis ravie de vous voir, Votre Altesse." répondit-elle d'une voix posée.
Elle s'assit à sa place habituelle, les mains posées délicatement sur la table, son dos droit comme un fil tendu. Elle sentait chaque mouvement d'Adrian à ses côtés, chaque infime geste qu'il faisait, comme si son simple souffle polluait l'air qu'elle respirait.
Mais ce qui la glaça encore davantage, ce fut l'attitude de sa mère.
La Reine Isabella était là, assise avec la même prestance que toujours, son visage aussi impassible que s'il avait été sculpté dans du marbre. Elle savait ce qu'il s'était passé la veille. Elle savait qu'il l'avait menacée, frappée et avait osé poser les mains sur elle avec l'assurance d'un homme qui se croyait déjà son maître.
Et pourtant, elle ne fit rien et ne dit rien.
Pas un regard vers sa fille, pas un mot pour reconnaître l'horreur qu'elle avait traversée.
Elle se contenta d'effleurer le bord de sa coupe de vin du bout des doigts, sereine, détachée, comme si cette scène qui se jouait sous ses yeux ne la concernait pas. Comme si cela était normal.
Adrian se comportait comme si hier n'avait jamais existé. Et la reine, sa propre mère le laissait faire. Pire encore… Elle cautionnait ce silence.
Lorsque le prince lui adressa une plaisanterie légère sur l'importance d'un bon sommeil avant le mariage, la reine esquissa un mince sourire. Un sourire poli, presque complice.
Elena sentit son estomac se nouer. C'était donc ça ? Elle ne s'attendait pas à de la compassion. Elle lui avait clairement fait comprendre hier. Mais elle avait espéré un regard, un signe ou une reconnaissance.
Mais il n'y avait rien.
Isabella leva lentement sa coupe à ses lèvres et but une gorgée de vin, avant de la reposer avec une grâce parfaite. Puis, sans même regarder Elena, sans même lui accorder un seul instant d'attention, elle s'adressa directement à Adrian.
—Reine Isabella: "J'espère que votre nuit a été agréable, Votre Altesse."
Elena sentit un frisson de dégoût lui parcourir l'échine. Sa mère venait de faire son choix. Et ce choix n'était pas elle. Elle avait choisi un inconnu, elle avait choisi le pouvoir.