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Chapter 6 - Ch 6 : As-tu Une Obsession ?

Xiao Yan revint à l'auberge du Poulet Rouge et entra.

L'ambiance n'avait pas changé.

Les rires des clients fusaient de toutes parts, les bières coulaient à flot.

Les serveuses se déplaçaient en balançant leurs hanches au rythme des tambours improvisés par quelques hommes ivres.

Non loin, un homme portant une bague laissait ses mains vagabonder sur une jeune fille de joie, sans la moindre discrétion.

Ignorant tout cela, Xiao Yan monta les escaliers, indifférent à ce décor mondain, et rejoignit sa chambre.

La porte voisine, celle de Han Wei et Han Yu, restait close, signe qu'ils dormaient encore profondément.

Lorsqu'il entra dans sa propre chambre, il nota à peine son espace spacieux, à la hauteur du prix payé.

Sans prêter attention au lit bien préparé, il alla directement s'asseoir à la table.

Avec calme, il sortit de ses manches quelques feuilles de papier et un stylo plume.

Plongé dans ses pensées, il se mit à rédiger des théories liées aux arts martiaux.

Il travaillait à perfectionner le deuxième stade et à poser des bases solides pour en créer un troisième.

Comme il l'avait déjà suggéré, le deuxième stade de cultivation comprenait plusieurs sous-stades, dont le troisième, le renforcement du dantian.

Mais pour Xiao Yan, ce n'était pas suffisant.

Le dantian devait être suffisamment étendu et renforcé pour supporter la fusion de l'âme et du corps. L'âme, par nature, était trop exigeante pour le corps physique. Si cette fusion était mal préparée, elle risquait de causer un déséquilibre, voire de détruire l'organisme du cultivateur.

Mais élaborer un tel concept était une chose. Le mettre en pratique en était une autre.

C'est pourquoi Xiao Yan se plongea dans ses recherches, traçant des schémas et rédigeant des hypothèses sur la manière d'affiner et de stabiliser cette fusion.

Pendant ce temps, au dojo du Croissant de Fer, une réunion d'une importance capitale se tenait.

Le sujet : la mort mystérieuse de Lei Qiang.

Dans la grande salle de réunion, Zhao Tianxu se tenait à la droite d'un homme d'âge moyen au physique robuste.

Son visage était marqué par une longue cicatrice, témoignage d'innombrables batailles.

Son nom est Qiu Rong.

L'atmosphère était lourde, emplie de tension et de spéculations murmurées à voix basse.

Finalement, Qiu Rong prit la parole d'un ton grave.

"Je pense que vous êtes tous maintenant au courant du sort tragique de Lei Qiang et des nombreuses théories qui circulent à ce sujet."

Les murmures cessèrent aussitôt, et la majorité des personnes présentes acquiescèrent.

Après tout, c'était le sujet de discussion depuis plusieurs heures.

Qiu Rong poursuivit, son regard balayant l'assemblée.

"Mais il y a une chose que nous avons jusqu'à présent gardée secrète. Après de longues délibérations avec mes deux bras droits, nous avons décidé qu'il était temps de vous la révéler."

Des regards intrigués s'échangèrent.

"Ce que nous allons vous dire risque de vous choquer. Alors, gardez votre calme."

Il marqua une pause, laissant planer un silence pesant, avant d'ajouter.

"Vous êtes tous au courant du mystérieux tableau qui a été peint sur le plafond de la trésorerie ?"

D'un seul mouvement, toutes les têtes hochèrent la tête, certains avec gravité, d'autres avec une colère à peine contenue.

Qiu Rong prit une profonde inspiration avant de déclarer.

"Pour être honnête, même moi, j'ai encore du mal à croire ce que j'ai vu… Il y a quelques heures, nous avions décidé de détruire le plafond pour effacer cette humiliation. Mais, étrangement… après l'avoir fait, alors que nous nous apprêtions à partir… la peinture est réapparue sur le mur d'à côté !"

Un silence glacial tomba sur la salle.

Puis, des murmures effarés s'élevèrent.

"Comment est-ce possible ?!"

"C'est un sortilège maléfique ?"

"Bon sang… Qui nous a pris pour cible ?"

"Réapparue sur un autre mur ? Aucune technique martiale ne peut faire ça !"

"Maintenant, je comprends… Lei Qiang a dû voir quelque chose juste avant de mourir…"

"C'est insensé… J'ai du mal à y croire…"

Les discussions s'intensifièrent, alimentées par la peur et l'incompréhension.

Soudain !

Qiu Rong frappa violemment la table de sa paume, faisant sursauter plusieurs personnes.

"Silence !" tonna-t-il.

Son regard balaya l'assemblée avec gravité.

"Je sais que c'est difficile à croire… Mais c'est la vérité. J'en ai été témoin de mes propres yeux. Et c'est précisément parce que la situation est devenue aussi précaire que nous avons décidé d'organiser une réunion d'urgence avec les trois dojos de la ville. Nous avons même invité le Duc."

Un frisson parcourut la salle à cette annonce.

"Nous avons besoin de plus de forces pour faire face à l'ennemi qui se cache derrière tout ça. Car si quelqu'un est capable de commettre un tel acte, alors sachez une chose…"

Il marqua une pause, puis déclara froidement.

"Nous serons morts avant même de savoir qui nous a tués."

Le silence tomba, lourd et pesant.

Puis, reprenant un ton plus pragmatique, il ajouta.

"Quant aux affaires concernant le tournoi… nous en discuterons demain, lors de la réunion avec tout le monde."

Et ainsi, la tension dans la salle ne fit que grimper encore d'un cran.

Après la réunion, tout le monde quitta la salle avec un poids sur les épaules.

Zhao Tianxu prit la direction du Dojo des Quatre Flammes pour les informer de la situation.

De son côté, Huang Weizhen se rendit au Dojo de l'Ombre Écarlate.

Quant à Qiu Rong, il se dirigea directement vers la demeure du Duc.

Pendant ce temps, l'incident commençait déjà à se répandre parmi la population, bien que les détails précis restent flous.

Dans les tavernes et les rues, l'effervescence était palpable.

"La Baleine Noire est morte !" s'écria un homme, à moitié ivre.

"Cette brute ?! Haha ! Le ciel n'est pas aveugle !"

"Enfin, je vais pouvoir dormir tranquille sans craindre un malheur !"

"Mais qui l'a tué ?"

"Le Dojo du Croissant de Fer n'a pas encore donné de détails…"

"Hmph, j'espère qu'il a souffert avant de crever !"

La nouvelle de la mort de Lei Qiang, alias la Baleine Noire, provoquait un mélange d'étonnement et de réjouissance.

Il n'était un secret pour personne que cet homme avait fait régner la terreur pendant des années.

Alors que l'excitation gagnait la ville, de plus en plus de voyageurs entraient par les portes, attirés aussi par l'agitation.

À l'auberge du Poulet Rouge.

Han Yu et Han Wei, encore ensommeillés, étaient finalement descendus pour prendre leur premier repas de la journée.

Une serveuse souriante s'approcha.

"Messieurs, que désirez-vous manger ?"

Ils passèrent commande, et elle s'éloigna avec agilité.

Alors qu'ils discutaient entre eux, ils ne purent s'empêcher d'écouter les conversations animées autour d'eux.

"Cette Baleine Noire l'a bien mérité. Tu te rends compte du nombre de gens qu'il a maltraités ces dernières années ?"

"Et encore, ça, c'est juste ce qu'on a vu en public !"

"En privé, il aurait fait bien pire… Des choses inavouables."

"C'est effrayant de vivre dans une ville où de tels monstres sont libres de faire ce qu'ils veulent."

"Bah ! Au moins, on a un dégénéré en moins sur cette terre. Hey, Serveuse, une bière !"

Han Yu et Han Wei échangèrent un regard et un sourire complice avant que Han Wei ne dise :

"Tu vois, t'as bien fait de ne pas intervenir. Le ciel avait déjà ses propres plans de vengeance."

Han Yu hocha la tête, prêt à répondre, mais avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche…

Bam !

La porte de l'auberge s'ouvrit brusquement dans un fracas, attirant tous les regards.

Un homme entra en trombe, le souffle court, les yeux écarquillés par l'horreur.

"IL A ENCORE FRAPPÉ ! IL A ENCORE FRAPPÉ !" hurla-t-il, à bout de souffle.

Un homme robuste se leva aussitôt et le saisit par les épaules pour le calmer.

"Respire, frère. Qui a encore frappé ?" demanda-t-il d'une voix grave.

L'homme prit une profonde inspiration, sa voix tremblante.

— "Le tueur... Il a encore tué quelqu'un. Il l'a pendu, lui a retiré les yeux et... et il a mis sa partie génitale sur son visage… C'est à deux rues d'ici ! Le corps est encore là-bas !"

Un silence glacial s'abattit sur la pièce.

Puis, en une fraction de seconde, la tension explosa.

Les chaises raclèrent le sol, les discussions s'arrêtèrent net, et une marée humaine se rua vers l'extérieur, poussée par la curiosité et la peur.

Han Wei et Han Yu les suivirent immédiatement.

Quelques instants plus tard…

Lorsqu'ils arrivèrent sur place, Han Yu sentit son estomac se nouer.

Suspendu à une fenêtre, un corps nu était pendu par les pieds, exposé aux regards horrifiés des passants.

Ses orbites vides fixaient le néant, tandis qu'un objet immonde était posé sur son visage.

L'air empestait une odeur fétide de mort.

À ses côtés, Han Wei n'avait pas résisté.

Ils'était accroupi au sol, vomissant bruyamment.

Han Yu, lui, était figé, son regard rivé sur cette scène d'horreur.

Une seule question lui traversa l'esprit.

"Qui peut être responsable d'une telle atrocité ? Comment un humain peut-il faire ça ?"

Une voix douce répondit à sa question.

"L'homme est capable du pire comme du meilleur, mais c'est dans le pire qu'il est le meilleur."

Han Yu se tourna vivement et fut surpris de voir Xiao Yan à ses côtés, observant le corps.

Ses paroles résonnaient encore dans son esprit.

Il n'eut pas le temps de réagir avant de demander, incrédule.

"Mais cette torture... même l'enfer ne serait pas aussi cruel."

Xiao Yan esquissa un sourire en s'éloignant, et d'une voix calme, il répondit.

"L'enfer est vide, et tous les démons sont ici."

À ces mots, Han Yu ressentit un choc profond.

Ces paroles étaient lourdes de sens.

Elles se gravaient dans son esprit comme une vérité amère.

Il les répéta silencieusement en lui-même, les faisant s'ancrer plus profondément.

Il tourna ensuite son regard vers les autres habitants qui se tenaient autour du spectacle macabre.

Certains se couvraient la bouche, horrifiés, d'autres tremblaient sous l'impact de ce qu'ils venaient de voir.

Quelques-uns, plus curieux que les autres, murmuraient entre eux, tandis que certains, visiblement mal à l'aise, luttaient contre une nausée violente.

Combien parmi ces gens cachaient un démon sous leur peau ?

C'était la pensée qui s'imposait dans l'esprit de Han Yu alors qu'il emboîtait le pas à Xiao Yan.

"Ce que tu veux dire, c'est que chacun cache un démon sous sa peau ?" demanda-t-il, troublé.

Xiao Yan esquissa un sourire sans ralentir sa marche, puis répondit d'un ton calme.

"Nous avons tous en nous une part sombre, une voix qui murmure nos peurs, nos envies, nos colères. Certains l'ignorent, d'autres l'apprivoisent, mais il y a ceux qui la laissent prendre le contrôle. Ce ne sont pas les monstres des légendes qui commettent les pires atrocités, mais des hommes, comme toi et moi. L'enfer n'a pas besoin de flammes ni de diables à cornes… Il suffit de regarder autour de soi."

Han Yu sentit un frisson lui parcourir l'échine.

Il prit une inspiration avant de demander.

"Y a-t-il un moyen de les différencier ? De savoir leur vraie nature ?"

Xiao Yan pencha légèrement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres.

"Si c'était aussi simple, le monde ne serait pas rempli de tromperies. Le mal ne se montre pas toujours sous une apparence hideuse. Parfois, il sourit, il tend la main, il parle avec douceur. Les pires démons ne sont pas ceux qui effraient au premier regard, mais ceux qui savent se faire aimer."

Han Yu écoutait attentivement, absorbé par ses paroles.

"Mais alors, comment faire la différence ?"

Xiao Yan croisa les bras, observant la foule autour d'eux.

"Regarde comment une personne traite ceux qu'elle n'a pas besoin d'impressionner. Les faibles, les sans-importance. Écoute ses paroles, pas seulement leur sens, mais la façon dont elles sont dites. Un homme qui cache sa vraie nature finit toujours par laisser échapper des indices, des gestes involontaires, des regards fuyants ou au contraire trop insistants. Mais surtout..."

Il tourna lentement son regard vers Han Yu.

"Le véritable monstre est celui qui ne doute jamais de lui-même, qui ne se questionne pas sur ce qu'il fait, qui voit la cruauté comme un simple outil. Si tu rencontres quelqu'un qui agit sans remords et qui dort paisiblement après avoir semé le chaos… alors méfie-toi. Tu es peut-être face à l'un d'eux."

Alors que Han Yu réfléchissait, Xiao Yan s'arrêta devant un joli jardin où des enfants couraient en riant.

"Mais la ligne entre le bien et le mal est-elle vraiment si facile à tracer ?" demanda-t-il en observant la scène.

"Un monstre est-il forcément un méchant ? Qui définit la cruauté ? Ceux qui l'exercent, ou ceux qui la subissent ?"

Han Yu hésita avant de répondre.

"Peut-être que tout dépend du point de vue... Ce qu'on appelle un monstre, c'est juste quelqu'un dont les actes nous effraient, non ?"

Xiao Yan secoua la tête sans répondre.

Han Yu, voyant l'indifférence de Xiao Yan, se décida finalement à parler.

"Vous n'êtes pas une personne ordinaire, n'est-ce pas ?"

Les yeux gris de Xiao Yan se posèrent sur lui, et un frisson parcourut l'échine de Han Yu à la froideur de son regard.

Il hésita une seconde, puis poursuivit.

"Je suis sûr que vous n'êtes pas une personne ordinaire. S'il vous plaît, aidez-moi ! Donnez-moi de la force."

Han Yu choisit de se fier à son instinct, ce sentiment pressant qu'il risquait de laisser passer sa chance.

Xiao Yan pencha la tête, son regard toujours aussi impénétrable.

"Pourquoi veux-tu cette force ? Que peut-elle t'apporter ?"

Han Yu, légèrement déstabilisé mais soulagé de pouvoir enfin répondre, déclara.

"Pour protéger ceux qui me sont chers."

Il avait cru que cette réponse suffirait.

Mais en voyant l'attitude distante de Xiao Yan, il comprit que ce n'était pas aussi simple.

Xiao Yan secoua la tête lentement.

"Cette réponse ne me satisfait pas. Tout le monde veut protéger sa famille, tout le monde a besoin de force. En quoi es-tu spécial ? Qu'as-tu qui te rend différent des autres, et qui te ferait mériter mon aide ?"

Les questions incessantes de Xiao Yan laissèrent Han Yu dans une grande confusion.

Xiao Yan ne laissa pas à Han Yu le temps de réfléchir.

Il se pencha plus près de lui, ses yeux gris, cette fois emplis d'une intensité mêlée d'une curiosité morbide.

"As-tu une obsession ? Quelque chose qui protégera ta volonté même si je broyais tes os de l'intérieur ? La protection de ta famille n'est pas ton obsession."

Han Yu, totalement déstabilisé par la question, resta sans voix, cherchant une réponse mais n'en trouvant aucune.

Xiao Yan, voyant la confusion sur son visage, ajusta sa posture.

L'intensité dans ses yeux s'éteignit, et son regard retrouva son éclat habituel d'indifférence.

Il s'éloigna lentement et fit un geste de la main, comme pour dire au revoir.

"Viens me voir lorsque tu trouveras la réponse."

Et sur ces mots, il s'éloigna, laissant Han Yu dans un tourbillon de pensées.

Xiao Yan continua de marcher dans les rues, frôlé par des gens qui semblaient tout simplement l'ignorer.

Combien de fois avait-il vu ces scènes dans sa vie ?

Le même sourire, le même froncement de sourcils.

À croire que le monde était immobile, figé dans une boucle sans fin, où tout semblait se répéter sans fin.

Il était souvent dit dans le monde de la cultivation que vivre parmi les mortels pendant des siècles pouvait amener un cultivant à se mélanger aux cendres des humains, à perdre son essence même.

Et dans la majorité des cas, c'était vrai.

Xiao Yan se rappela d'une époque lointaine, celle d'un génie céleste dont la réputation traversait les âges.

Ce génie, après deux siècles de cultivation, avait voulu goûter aux joies et aux souffrances des mortels.

Mais après ses journées passées dans les villes humaines, entre les émotions mondaines et les réflexions sur le cycle inévitable de la vie et de la mort, sa volonté s'était affaissée.

Avant de mourir de vieillesse, il avait déclaré que la vie était dénuée d'intérêt et que la cultivation n'était qu'un simple moyen de repousser une mort inévitable.

Mais Xiao Yan pensait différemment.

Ce cultivant était tout simplement faible.

Dès le départ, sa volonté était fragile, même si sa racine spirituelle défiait les cieux.

Il n'avait survécu que par chance, renforcé par la solitude de sa grotte et les louanges de sa secte, ce qui lui avait permis de poursuivre sa route.

Mais dès qu'il fut confronté aux émotions humaines et aux véritables réalités de la vie, sa volonté se brisa, lentement, jusqu'à disparaître complètement.

Une volonté forte peut naître de nombreuses façons, mais toutes ont la même essence.

Une obsession.

Que ce soit la soif de vengeance, le désir de célébrité, la quête de l'immortalité ou la recherche de plaisirs éphémères, toutes ces formes de volonté sont alimentées par une obsession profonde.

Ceux qui n'ont pas cette obsession, qui n'ont pas un but qui les consume au plus profond d'eux-mêmes, vivront une vie dénuée de véritable intérêt.

Ils erreront sans direction, comme des vagues perdues, sans pouvoir s'accrocher à rien de solide.

Sans cette obsession qui forge leur essence, leur existence sera inerte, sans raison véritable de se lever chaque jour.

Alors qu'il se perdait dans ses pensées, Xiao Yan s'arrêta finalement devant une grande porte, où deux gardes étaient postés à l'extérieur.

Xiao Yan sourit en lisant l'inscription.

"Dojo des Quatre Flammes."